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14/02/2023 | FRANCE | N°22/06833

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 14 février 2023, 22/06833


N° R.G. Cour : N° RG 22/06833 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORXZ

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 14 Février 2023

contestations

d'honoraires



























DEMANDERESSE :



Mme [R] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



comparante













DEFENDERESSE :



S.E.L.A.R.L. [T] & [U] AVOCATS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

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représentée par Maître CONTE-JANSSEN [P]





Audience de plaidoiries du 13 Décembre 2022





DEBATS : audience publique du 13 Décembre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spéciale...

N° R.G. Cour : N° RG 22/06833 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORXZ

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 14 Février 2023

contestations

d'honoraires

DEMANDERESSE :

Mme [R] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante

DEFENDERESSE :

S.E.L.A.R.L. [T] & [U] AVOCATS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Maître CONTE-JANSSEN [P]

Audience de plaidoiries du 13 Décembre 2022

DEBATS : audience publique du 13 Décembre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnancedu 1er septembre 2022, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 14 Février 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

En décembre 2021, Mme [R] [N] a pris attache avec la SELARL [T] et [U] (CJF), représentée par Me [P] [T], dans le cadre d'un litige professionnel.

Aucune convention d'honoraires n'a été régularisée entre les parties.

Le 12 janvier 2022, Mme [N] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon d'une contestation des honoraires facturés par la SELARL CJF.

Celui-ci par décision du 12 septembre 2022, ordonnant l'exécution provisoire, a :

- rejeté la demande principale de Mme [N],

- accueilli la demande reconventionnelle de la SELARL CJF et fixé les honoraires dus à la somme de 840 € TTC,

- dit que Mme [N] doit payer cette somme, outre 50 € à titre de remboursement des frais que l'avocat a dû régler dans la procédure.

Cette décision a été notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 septembre 2022.

Par courrier recommandé du 11 octobre 2022, Mme [N] a formé un recours contre cette décision.

A l'audience du 13 décembre 2022 devant le délégué du premier président, les parties s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son courrier de recours, Mme [N] affirme que les honoraires d'un montant de 840 € TTC sont injustifiés étant donné qu'aucune convention d'honoraires n'a été régularisée et qu'aucun mandat de représentation n'a été donné à la SELARL CJF.

Elle prétend que le montant des honoraires ne lui a jamais été transmis, que le rendez-vous du 13 décembre 2022 avait été annoncé comme gratuit ainsi que les échanges précédant la signature de la convention d'honoraires. Elle indique avoir décidé de ne pas mandater Me [T] suite à la réception de la convention d'honoraires.

Elle affirme que Me [T] l'a menacée de la facturer sur ses diligences antérieures si elle n'acceptait pas de lui confier le dossier.

Dans un courrier déposé au greffe le 24 octobre 2022, Mme [N] a joint son mémoire alors adressé au bâtonnier.

Dans son mémoire déposé au greffe le 30 novembre 2022, la SELARL CJF sollicite la confirmation de la décision du bâtonnier et la condamnation de Mme [N] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle explique que Me [T] a pris en charge de nombreux appels téléphoniques de Mme [N] dans le cadre de l'urgence, compte tenu des événements qu'elle venait de connaître dans le cadre professionnel, l'ayant amenée à bénéficier de conseils juridiques après analyse des pièces qu'elle avait adressées.

Elle relève que Mme [N] ne conteste pas le travail effectué et que lors du rendez-vous du 13 décembre 2021 le fonctionnement de la convention d'honoraires au taux horaire lui a été expliqué et qu'elle était alors consciente que les diligences effectuées n'étaient pas gratuites.

Elle conteste avoir manqué de prudence à son égard dans les actions qui lui ont été préconisées et souligne que les nombreuses demandes de conseil faites par Mme [N] ne lui permettent pas de contester l'existence d'un mandat.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux mémoires et courriers ci-dessus visés.

MOTIFS

Attendu que la recevabilité du recours formé par Mme [N] n'est pas discutée et les dates de notification et de recours ne peuvent y conduire ;

Attendu qu'à titre liminaire et explicatif, il convient de rappeler que le juge de l'honoraire, que sont d'une part le bâtonnier de l'ordre des avocats et d'autre part le premier président sur recours contre sa décision, ne peut pas se prononcer directement ou indirectement sur la responsabilité de l'avocat ou le respect de ses obligations déontologiques concernant tant les obligations de prudence, de conseil, de diligence et d'information ; qu'il ne lui appartient pas davantage de déterminer les éventuelles fautes disciplinaires invoquées par son client et les reproches faits par Mme [N] concernant le comportement de l'avocat dans ses contacts avec elle ne sont pas examinés comme étant inopérants à déterminer l'ampleur des honoraires ;

Que la critique de l'opportunité des conseils ou préconisations faites par la SELARL CJF n'est d'ailleurs pas maintenue par Mme [N] dans le cadre de son recours ;

Attendu que conformément à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, sauf urgence ou force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires ;

Que si la loi du 6 août 2015 a prévu en modifiant ce texte l'obligation de soumettre à la signature du client une convention d'honoraires sauf urgence ou force majeure, cette convention ne constitue pas une condition de validité de la demande d'honoraires mais un mode de preuve de l'accord des parties sur les modalités de rémunération de l'avocat ;

Attendu que comme l'a relevé le bâtonnier, l'absence de convention d'honoraires ne prive pas l'avocat de la possibilité de réclamer la couverture de ses diligences, sauf à rajouter que les honoraires doivent être fixés en application de l'article 10 du 31 décembre 1971 selon les critères de l'article susvisé soit : les usages, la situation de fortune du client, les difficultés du litige, les frais de l'avocat, sa notoriété et les diligences accomplies ;

Attendu que Mme [N] conteste l'existence d'un mandat confié à la SELARL CJF en considérant à tort que l'absence de signature d'une convention d'honoraires ne permet pas à l'avocat de se prévaloir d'un mandat ;

Attendu que dans son mémoire soumis au bâtonnier, Mme [N] a fait valoir qu'elle avait pris contact avec la SELARL CJF et qu'il lui avait été annoncé qu'il n'y aurait pas de facturation pour la prise de connaissance de son dossier et un premier rendez-vous, relatant l'existence de «premiers échanges téléphoniques» à l'occasion desquels elle se serait «laissée entraîner (...) dans des actions précipitées» ;

Que dans son courriel du 14 décembre 2021, Mme [N] confirme l'existence de nombreux entretiens téléphoniques remontant à la veille et aux «derniers jours» en remerciant Me [T] pour sa disponibilité, et fait état d'un échange avec un autre avocat associé du cabinet, Me [U] ;

Attendu qu'elle a fait parvenir en pièces jointes de nombreux documents objectivant que les échanges n'ont pas consisté en une simple prise de contact mais ont porté sur une mission confiée à l'avocat de procéder à l'analyse de ces pièces pour déterminer les solutions à mettre en oeuvre, Mme [N] sollicitant notamment la validation d'une «proposition de réponse» à une lettre recommandée avec demande d'avis de réception émise par son employeur (courriel du 14 décembre 2021 à 13 heures 07) ;

Que ces seuls et nombreux courriels échangés le 14 décembre 2021, soit le lendemain du rendez-vous du 13 décembre 2021, suffisent à établir que Mme [N] a confié en urgence à la SELARL CJF le mandat de la conseiller dans les démarches qui étaient en cours et de l'orienter concrètement sur sa réaction aux reproches ou remarques faites dans le cadre de ses activités professionnelles ;

Attendu que sa prise de contact dès ce même jour avec son assureur protection juridique (MAIF) corrobore de plus fort l'existence de ce mandat ;

Attendu que Mme [N] entend soutenir le caractère gratuit des interventions de l'avocat sur les termes d'un courriel émis le 17 décembre 2021 par la SELARL CJF lui adressant sa convention d'honoraires et précisant les concernant :

«Aussi, pour vérifier comment nos honoraires pourraient être pris en charge, je vous invite à solliciter votre protection juridique leur barème.

Enfin, vous trouverez ci-joint, ma convention au taux horaire étant précisé que celle-ci s'appliquera sur les diligences futures et non pas sur nos entretiens passés.» ;

Attendu que ces termes sont manifestement impropres à établir un engagement de gratuité pris par l'avocat et aucun autre élément objectif n'est fourni par Mme [N] pour démontrer que le cabinet d'avocat lui avait annoncé qu'en tout état de cause les diligences antérieures au rendez-vous n'allaient pas être facturées ; qu'il est bien plus vraisemblable que l'avocat ait entendu reporter la prise en charge de ses diligences au travers des démarches et actes de procédure prévus pour être engagés en exécution de la convention d'honoraires ;

Que Mme [N] ne manque pas de se contredire lorsqu'elle a indiqué dans son mémoire au bâtonnier que cette gratuité ne concernait que «la prise de connaissance de son dossier et un premier rendez-vous» et lorsqu'elle déclare lors de l'audience du13 décembre 2022 qu'il lui avait été annoncé que «le premier rendez-vous était gratuit» alors que dans son courrier de saisine du bâtonnier du 12 janvier 2022, elle indique «il m'a été indiqué qu'avant de définir des honoraires, il y aurait un rdv gratuit et que nos discussions téléphoniques étaient gratuites» ;

Attendu, surtout, que son courriel du 22 décembre 2021 fait état de la «possibilité de convenir ensemble d'un forfait en fonction de la nature des actes et du barème de [sa] protection juridique» alors que la convention d'honoraires ne prévoyait pas un tel forfait ;

Attendu que l'absence d'information préalable sur les tarifs applicables qu'elle met en avant n'est pas de nature à motiver une quelconque gratuité du travail réalisé par l'avocat ;

Qu'en l'état de cette carence de Mme [N] à établir un engagement de gratuité notamment sur les très nombreux échanges téléphoniques et par courriels qui ont précédé le rendez-vous du 13 décembre 2021, elle n'est pas fondée à invoquer une absence de consentement, car elle a délibérément confié à un avocat la tâche de la conseiller sans pouvoir présumer que ce travail était insusceptible d'être facturé en l'absence de convention d'honoraires ; Que ces diligences ont manifestement dépassé le stade de la prise de connaissance du dossier comme elle l'a reconnu lors de l'audience et dans son courrier de saisine du bâtonnier ;

Qu'en outre, après avoir reçu la convention d'honoraires qui lui précisait les modalités de fixation des honoraires, elle a continué à solliciter le cabinet notamment par ses courriels des 20 et 22 décembre 2021 sans pour autant adhérer à cette convention ;

Attendu que la SELARL CJF a émis le 10 janvier 2022 une facture d'un montant de 700 € HT soit 840 € TTC sans préciser le mode de calcul de ces honoraires, s'agissant tant des durées consacrées aux diligences que du taux horaire appliqué ;

Que le projet de convention d'honoraires prévoyait un taux horaire de 250 € HT, ce qui laisse présumer que ce cabinet a entendu émettre une facturation pour une durée de 2 heures 48, les différentes pièces du débat révélant que les diligences suivantes ont été engagées :

- échanges téléphoniques le 13 décembre 2021 et les jours précédents, avec Me [T] et à une reprise avec Me [U],

- rendez-vous d'une heure le 13 décembre 2021 par les deux avocates associées qui est exclu de la facturation,

- réception et analyse de plusieurs pièces jointes aux courriels des 14 décembre 2021 à 12 heures 39,13 heures 07 et 16 heures 53, 15 décembre 2021 à 18 heures 28, 16 décembre 2021 à 16 heures 09,

- conseils prodigués lors des entretiens téléphoniques notamment à la suite du courriel susvisé du 16 décembre 2021,

- traitement des courriels des 20 et 22 décembre 2021, notamment par une communication téléphonique du 22 décembre 2021 et un message téléphonique du 30 décembre 2021 ;

Attendu qu'au regard des nombreuses pièces envoyées, le temps consacré à leur analyse dans le cadre de l'urgence mobilisant deux avocats du cabinet à certains moments aux fins de prodiguer des conseils à Mme [N] comme à prendre en charge les communications téléphoniques et par courriel dépasse manifestement la durée de moins de trois heures qui a fait l'objet d'une facturation ;

Attendu que le bâtonnier a ainsi retenu avec pertinence que la facture émise était proportionnée à cette urgence, à la difficulté du litige et à la situation de fortune de Mme [N] qui est celle qu'elle connaissait au moment de l'émission de la facture, son poste professionnel de «center manager» dans son entreprise ne faisant pas présumer une quelconque impécuniosité ;

Qu'il convient en conséquence de rejeter le recours formé par Mme [N] ;

Attendu que Mme [N] succombe et doit supporter les dépens de cette instance, comprenant le cas échéant les frais de recouvrement forcé, comme indemniser en partie la SELARL CJF des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président, statuant publiquement et par ordonnance contradictoire,

Rejetons le recours formé par Mme [R] [N],

Condamnons Mme [R] [N] aux dépens de ce recours et à verser à la SELARL [T] et [U] une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/06833
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;22.06833 ?
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