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14/02/2023 | FRANCE | N°22/05976

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 14 février 2023, 22/05976


N° R.G. Cour : N° RG 22/05976 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OPP4

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 14 Février 2023

contestations

d'honoraires



























DEMANDERESSE :



Mme [O] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]



comparante











DEFENDEUR :



Me [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me B

RESLAU-BERTONCINI Marlène, avocat au barreau de LYON (toque 1060)



Audience de plaidoiries du 18 Octobre 2022

Mise en délibéré au 10 Janvier 2023

Prorogé au 14 Février 2023



DEBATS : audience publique du 18 Octobre 2022 tenue par Isabelle OUDOT, Conseiller à la cour d'appel d...

N° R.G. Cour : N° RG 22/05976 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OPP4

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 14 Février 2023

contestations

d'honoraires

DEMANDERESSE :

Mme [O] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante

DEFENDEUR :

Me [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me BRESLAU-BERTONCINI Marlène, avocat au barreau de LYON (toque 1060)

Audience de plaidoiries du 18 Octobre 2022

Mise en délibéré au 10 Janvier 2023

Prorogé au 14 Février 2023

DEBATS : audience publique du 18 Octobre 2022 tenue par Isabelle OUDOT, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assistée de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 14 Février 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Isabelle OUDOT, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] a pris attache avec Me [R] dans le cadre d'une procédure prud'homale.

Une convention d'honoraires a été régularisée entre les parties le 26 décembre 2014.

Le 30 novembre 2021, Me [R] établissait une facture fixant ses honoraires sur la base du taux horaire de 200 € HT, soit 240 € TTC appliqué au temps consacré à ses diligences pour un montant de 5 194,16 € HT sous déduction de la somme de 600 € TTC déjà acquittée.

Le 23 novembre 2022. Me [R] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon d'une demande en fixation d'honoraires.

Par décision du 20 juillet 2022 le bâtonnier a notamment fixé à la somme de 3 850 € HT, soit 4 620 € TTC, le montant des honoraires de Me [R], le solde restant dû par Mme [W] s'élevant à 4 020 € TTC.

La décision du bâtonnier a été signifiée à Mme [W] le 21 juillet 2022 et à Me [R] le 22 juillet 2022.

Par lettre recommandée du 18 août 2022, Mme [W] a formé un recours contre cette décision.

A l'audience du 18 octobre 2022 devant le délégué du premier président, les parties s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenu respectivement et oralement.

Mme [W] reprend oralement les termes de son mémoire et demande au délégué du premier président de :

- déclarer l'article 5 de la convention d'honoraires abusif et par conséquent illicite,

- dire qu'elle n'est tenue au versement d'aucun honoraire envers Me [R],

- condamner Me [R] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Me [R] aux entiers dépens et aux frais d'exécution éventuels.

Elle soutient que l'article 5 de la convention d'honoraires qui prévoit la rupture des relations contractuelles en cours de procédure est incompréhensible compte tenu du doute qu'il laisse subsister sur la personne visée par le pronom "il".

Elle remet en cause la clarté et l'interprétation de la notion de résultat prévisible de l'article 5 de la convention d'honoraires.

Elle prétend que Me [R] ne l'a pas conseillée en faisant preuve de précaution quant à l'issue du litige. Elle estime qu'aucun résultat n'est prévisible en l'état actuel des choses.

Elle fait état du caractère abusif de l'article 5 de la convention d'honoraires en prévoyant l'obligation de régler les honoraires convenus en cas de rupture des relations contractuelles par Mme [W] sans prévoir d'obligation similaire pour Me [R].

Elle indique qu'elle est devenue éligible à l'aide juridictionnelle en cours de procédure et affirme que l'existence d'une convention d'honoraires n'y fait pas obstacle.

Elle soutient que Me [R] a refusé de poursuivre cette procédure en appel compte tenu de l'aide juridictionnelle dont bénéficiait Mme [W]. Elle conteste être à l'initiative de la rupture contractuelle. Elle rappelle que Me [R] ne s'est pas présenté à l'audience de départage et lui a proposé de la représenter gratuitement jusqu'à la fin de la procédure d'appel à ses frais exclusifs.

Elle estime que cette proposition avait simplement vocation à dissimuler sa négligence professionnelle et assure qu'elle était légitime à refuser cet arrangement illicite.

Par mémoire déposé au greffe le 12 octobre 2022, Me [R] demande au délégué du premier président de :

- déclarer mal fondé l'appel de Mme [W],

- rejeter sa demande tant d'annulation de la convention d'honoraires que du rejet du montant de l'honoraire fixé par le bâtonnier,

- réformer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a réduit le montant de l'honoraire de l'avocat à la somme de 4 620 €,

- condamner Mme [W] au paiement de la somme de 6 233 € TTC avant déduction de la somme de 600 € reçue à titre de provision,

- condamner Mme [W] au paiement de la somme de 300 € au titre des frais irrépétibles.

Il affirme que l'honoraire de diligences a été fixé en fonction de la nature et de l'étendue des diligences conformément aux critères du temps consacré, des compétences et de l'expérience de l'avocat.

Il distingue le droit à l'honoraire de l'avocat et son éventuelle responsabilité professionnelle.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme [W] sur le refus de poursuivre la cause en appel et la volonté de poursuivre sans solliciter de nouvel honoraire de diligences sont inopérants car ils ne concernent pas le litige déféré à la décision du bâtonnier portant sur la situation acquise, c'est-à-dire les diligences accomplies devant le conseil de prud'hommes.

Il conteste le caractère abusif et illicite de la convention d'honoraires et assure que l'honoraire de résultat correspond aux usages de la profession.

Il affirme qu'en tout état de cause, l'annulation de cette convention n'aura pas de conséquence sur le droit de rétribution de l'avocat en raison des diligences accomplies.

Il soutient que Mme [W] a eu la volonté de l'évincer.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux mémoires et conclusions régulièrement déposés ci-dessus visés.

MOTIFS

Attendu que la sommation de communiquer les conclusions déposées en appel par Mme [W], délivrée par Maître [R] est sans rapport avec la décision de taxation des honoraires dont était saisie le bâtonnier de l'ordre des avocats ;

Attendu qu'une convention d'honoraires a été signée entre les parties le 26 décembre 2014 aux termes de laquelle Mme [W] donnait mandat à Maître [R] pour la représenter dans toutes les procédures de première instance devant le conseil de Prud'hommes de Lyon et devant la cour d'appel de Lyon dans le litige opposant Mme [W] à la société Lidl SNC ; Qu'il était convenu un honoraire de diligences de 500 € HT, soit 600 € TTC pour la procédure de première instance et qu'en cas d'appel, Mme [W] verse la même somme à Maître [R] ; Que l'article 3 prévoyait un honoraire de résultat de 20% du résultat qui serait obtenu ;

Que le jugement du conseil des prud-hommes a été rendu et Mme [W] a été déboutée de ses demandes ;

Qu'il n'est pas contesté que Maître [R] a été dessaisi au stade l'appel et que Mme [W] a saisi Maître [T] du barreau de Paris pour assurer sa défense devant la Cour d'appel de Lyon, l'avocat intervenant au bénéfice de l'aide juridictionnelle selon décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 décembre 2019 ;

Qu'il est constant qu'une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement ;

Qu'au cas d'espèce l'article 5 de la convention d'honoraires évoque l'hypothèse ou Mme [W] décide de rompre les relations contractuelles en cours de procédure et que cette dernière est ensuite dénommée par le pronom ' il' sans que cette erreur de français ne soit de nature à entacher d'ambiguïté la clause, l'argumentation contraire ne peut utilement prospérer ;

Que par contre l'article prévoyait : « A défaut de poursuivre la procédure pour un motif non légitime ou dans l'hypothèse où il n'est pas possible de prévoir un honoraire de résultat à la date de la rupture de relation contractuelle il sera tenu au paiement d'honoraires de diligences accomplies sur la base du taux horaire de 240 € TTC connu à la date de signature de la présente convention » ;

Que Mme [W] soutient que cette clause a pour effet de créer à son détriment un déséquilibre significatif et qu'elle est donc abusive ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Que l'appréciation de ce déséquilibre significatif doit être réalisée au regard des termes contractuels eux-mêmes et de leurs effets sur les droits et obligations de chacune des parties ;

Attendu qu'il convient de relever que cette clause est prévue dans le seul cas où il est mis fin à l'intervention de l'avocat à l'initiative du client ;

Attendu que toute personne qui a fait appel à un avocat est libre d'en changer sans se justifier, à charge pour lui d'informer son conseil par écrit et de régler les honoraires correspondant au travail qu'il a déjà accompli ;

Qu'au cas d'espèce Mme [W] a mandaté Maître [R] et a r églé la somme forfaitaire qui était prévue et a décidé de prendre un nouvel avocat qui acceptait d'intervenir à l'aide juridictionnelle pour la procédure d'appel ;

Attendu que la convention d'honoraires dans son article 2 prévoyait que les diligences étaient estimées à 15 heures , soit un total de 3 600 € TTC pour un taux horaire de 240 € ; Que le même article a finalement prévu un honoraire fixe plafonné à 600 € pour la phase de première instance, la convention explicitant ce choix dans le même article 2 comme suit : « toutefois la perte récente de son emploi impliquant la baisse de son unique revenu provenant de sa rémunération contraint Maître [R] à privilégier le principe de l'humanité inhérent à son serment et à tenir compte de sa situation financière dans la fixation de ses honoraires » ;

Que la clause 5 de cette convention qui s'applique dans ce cas d'un dessaisissement, conduit à ce que Maître [R] facture ses honoraires au temps passé par application d'un taux horaire de 240 € TTC alors même qu'il avait connaissance de la précarité de la situation économique de Mme [W] ;

Attendu que le montant forfaitaire convenu initialement correspondait environ à 3 heures de travail, montant largement sous estimé par rapport aux diligences prévues et prévisibles dans le cadre d'un contentieux prud'homal et alors même qu'il était estimé à 15 heures de travail ;

Attendu que l'économie de la clause de dessaisissement traduit un déséquilibre significatif au regard de ce qui était prévisible dés le départ ce que n'ignorait pas Maître [R] et réduit ainsi la possibilité de Mme [W] à changer d'avocat dès lors que les diligences de son conseil n'ont pas abouti en première instance à un honoraire de résultat et qu'elle voulait seulement pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle pour la procédure d'appel ;

Que dés lors la clause 5 de cette convention de cette convention doit être déclarée abusive et réputée non écrite ;

Attendu en conséquence que les parties se retrouvent dans la situation où la mission de l'avocat n'a pas été menée jusqu'à son terme et que le dessaisissement de l'avocat avant que soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d'honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l'avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Que Maître [R] dans sa facture évalue à 17 heures ses diligences ( 4 080 €), 588 € de courriers, 1 440 € de consultation et 125 € de photocopies, soit un total de 6 233 € ;

Attendu que le bâtonnier de l'ordre des avocats de Lyon a retenu un total de 19,5 heures au taux de 240 € ;

Que Maître [R] a établi la requête en fixation devant l'audience de conciliation, la requête additionnelle, des conclusions devant le conseil des prud'hommes et des conclusions correctives ; Qu'il n'était pas présent à l'audience du 12 février 2019 et ne peut pas facturer la demande de renvoi qu'il voulait faire soutenir et qui n'a pas été concrétisée de même qu'il ne peut pas facturer la demande de réouverture des débats formée le 19 juin 2019 imputable à son absence au jour de l'audience ;

Qu'il résulte de ces éléments que l'estimation du temps passé doit être fixé à 15 heures au taux horaire de 150 € TTC compte tenu de la situation économique connue de Maître [R] et que les honoraires de Maître [R] sont fixés à la somme de 2250 € TTC dont, déduction faite de la somme de 600 € déjà versée, Mme [W] reste redevable de la somme de 1 650 € et sera condamnée au paiement de cette somme ;

Attendu en conséquence que le recours de Mme [W] est acceuilli et la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Lyon est réformée ;

Sur les autres demandes

Attendu qu'il n'y a pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;

Attendu que la nature de l'affaire justifie que chacune des parties conserve la charge des frais et dépens qu'elle a exposés ;

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président, statuant publiquement et contradictoirement,

Accueillons le recours formé par Mme [W] .

Infirmons la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Lyon ;

Statuant à nouveau,

Fixons les honoraires dus à Maître [R] à la somme de 2250 € TTC et déduction faite de la somme de 600 € déjà versée, disons que Mme [W] reste redevable de la somme de 1 650 € ;

Condamnons en tant que de besoin Mme [W] au paiement de la somme de 1650 € ;

Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Disons que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/05976
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;22.05976 ?
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