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14/02/2023 | FRANCE | N°22/04454

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 14 février 2023, 22/04454


N° R.G. Cour : N° RG 22/04454 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLXP

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 14 Février 2023

contestations

d'honoraires



























DEMANDERESSE :



S.A.S. PROSOL SUPPORT

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Maître Fleur BARON (AGUERRA AVOCATS Toque 8)







DEFENDERESSE :



Société CJA AVOCATS ASSOCIES
>[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée par Me Anne-Claire DE RICHOUFFTZ, avocat au barreau de LYON (toque 695)







INTERVENANTE VOLONTAIRE



SAS PROSOL GESTION

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Maître Fleur BARON (AGUERRA A...

N° R.G. Cour : N° RG 22/04454 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLXP

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 14 Février 2023

contestations

d'honoraires

DEMANDERESSE :

S.A.S. PROSOL SUPPORT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Fleur BARON (AGUERRA AVOCATS Toque 8)

DEFENDERESSE :

Société CJA AVOCATS ASSOCIES

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Claire DE RICHOUFFTZ, avocat au barreau de LYON (toque 695)

INTERVENANTE VOLONTAIRE

SAS PROSOL GESTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Fleur BARON (AGUERRA AVOCATS Toque 8)

Audience de plaidoiries du 13 Décembre 2022

DEBATS : audience publique du 13 Décembre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er septembre 2022, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 14 Février 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

Une des sociétés du groupe Prosol a pris attache avec la SELARL CJA avocats associés (CJA) afin qu'elle procède en interne à la rédaction de conventions intragroupe.

Une convention a été régularisée le 5 juillet 2021.

Le 16 mars 2022, la SELARL CJA a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Saint-Etienne d'une demande de fixation d'honoraires dirigée à l'encontre de la S.A.S. Prosol support.

Celui-ci par décision du 17 mai 2022 a notamment :

- fixé à la somme de 62 400 € TTC, outre 50 €, le montant total des frais et honoraires de la SELARL CJA,

- condamné la société Prosol support au paiement de la somme de 62 400 € TTC à la SELARL CJA au titre des honoraires restant dus, ainsi qu'à 50 € TTC au titre des frais de taxe, et aux frais d'exécution de la décision.

Cette décision a été notifiée à la société Prosol support le 19 mai 2022.

Par courrier recommandé du 15 juin 2022, la société Prosol support a formé un recours contre cette décision, sans en fournir les motifs.

A l'audience du 13 décembre 2022 devant le délégué du premier président, les parties s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans leur dernier mémoire déposé au greffe le 4 novembre 2022, la société Prosol support comme la S.A.S. Prosol gestion, intervenante volontaire, sollicitent l'infirmation de la décision du bâtonnier et demandent au délégué du premier président de :

à titre principal,

- prononcer la nullité pour dol du mandat signé le 5 juillet 2021 entre la société Prosol gestion et la SELARL CJA,

- déclarer irrecevable la demande de taxe formulée par la SELARL CJA à l'encontre de la société Prosol support,

à titre subsidiaire, pour le cas où il est estimé que cette demande était recevable,

- débouter la SELARL CJA de ses demandes de taxe et de paiement d'honoraires à l'encontre de la société Prosol support,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où il est estimé que des honoraires sont dus par la société Prosol support,

- débouter la SELARL CJA de sa demande de paiement formulée à leur encontre pour le surplus dépassant la somme de 66,66 € HT,

en tout état de cause,

- débouter la SELARL CJA de l'intégralité de ses autres demandes, fins et conclusions,

- condamner la SELARL CJA à leur verser à chacune la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles invoquent au visa des articles 1128, 1131 et 1137 du Code civil, l'existence d'une réticence dolosive concernant la signature de la convention d'honoraires par M. [B] [O], directeur général financier de la société Prosol gestion en raison des liens personnel existant entre Mme [A], directrice juridique du groupe Prosol, alors qu'elle était la compagne d'un des avocats de la SELARL CJA et qu'elle avait recommandé ce cabinet sans permettre une mise en concurrence avec d'autres cabinets d'avocats.

La société Prosol support invoque l'article 122 du Code de procédure civile pour soutenir l'irrecevabilité de la demande de taxation à son encontre, car la lettre de mission a été adressée par le cabinet CJA à la société Prosol gestion alors que la facture d'honoraires contestée a été adressée à la société Prosol support qui n'a pas signé le mandat.

Elle observe que le signataire de la lettre de mission, n'étant pas le représentant légal de la société Prosol support et ne pouvait l'engager. Elle estime que la demande faite par Mme [A] à la SELARL CJA d'établir la facture de provision à son nom n'est pas de nature à pallier à l'absence de signature d'une lettre de mission.

A titre subsidiaire, elles relèvent l'absence d'une facture établie au nom de la société Prosol gestion, estimée comme nécessaire et préalable à une demande de taxation dirigée contre cette dernière société et s'opposent à la demande de condamnation solidaire présentée par la SELARL CJA.

Elles font valoir que la SELARL CJA avoue désormais qu'elle ne lui a jamais transmis le travail qu'elle dit avoir réalisé et qu'il appartient à cette dernière d'apporter la preuve de l'accomplissement des diligences facturées. Elles ajoutent que les éléments dernièrement fournis sont constitués de conventions modifiées avant la réunion organisée le 17 septembre 2021 au cours de laquelle un point a été fait dans l'objectif de procéder à cette mise à jour, ces éléments parvenus à la connaissance du cabinet d'avocat étant nécessaires pour procéder à cette mise à jour.

Elles affirment que la transmission le 4 novembre 2022 de ces conventions modifiées plus d'un an après l'établissement de la facture n'est pas de nature à rapporter la preuve des diligences, alors qu'une seule des conventions a été modifiée par la SELARL CJA et transmise avant l'émission de la facture, les autres conventions ayant été modifiées par la société Prosol gestion.

Elles prétendent que malgré l'existence d'une convention le juge de l'honoraire dispose de la possibilité de réduire les honoraires lorsqu'ils apparaissent exagérés au regard du service rendu.

Elles considèrent enfin que les honoraires doivent être ramenés à 66,66 € HT correspondant au coût unitaire d'une convention intra-groupe.

Dans leur dernier mémoire déposé lors de l'audience, les sociétés Prosol support et Prosol gestion relèvent que la lettre de mission a été adressée par le cabinet CJA à la société Prosol gestion alors que la facture d'honoraires contestée a été adressée à la société Prosol support.

Elle soutiennent que le signataire de la lettre de mission, n'étant pas le représentant légal de la société Prosol, ne pouvait engager la société. Elles estiment ainsi que la demande de taxation ne peut être tranchée tant que la problématique liée à l'absence de mandat n'a pas fait l'objet d'une décision.

Elles invoquent l'existence d'une réticence dolosive concernant la signature de la convention d'honoraires, justifiant son annulation.

Elles soulignent le montant particulièrement élevé du montant des honoraires au regard des diligences à accomplir.

Dans son dernier mémoire déposé au greffe par RPVA le 4 novembre 2022, la société CJA demande au délégué du premier président de :

- déclarer l'intervention volontaire de la société Prosol gestion,

- débouter les sociétés Prosol gestion et Prosol support de leur demande de nullité,

- déclarer recevable mais mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société Prosol support,

- déclarer recevable la demande de taxe formulée,

- juger parfaitement justifiée la facture de 52 000 € HT qu'elle a émise à l'ordre de la société Prosol support sur ordre de la société Prosol gestion,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner la société Prosol support à lui régler la somme de 62 400 € TTC outre les intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2021 et au paiement de la somme de 50 € TTC au titre des frais de taxe,

Y ajoutant,

- condamner la société Prosol gestion au paiement des sommes précitées solidairement avec la société Prosol support,

- condamner solidairement les sociétés Prosol gestion et Prosol support au paiement d'une somme de 5 000 € HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens en ceux compris les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Elle indique que Mme [A], directrice juridique du groupe Prosol, a pris contact avec elle, qu'elle lui a envoyé sa lettre de mission qui a été acceptée et qu'elle a procédé à la mise à jour de 1 020 conventions pour les années 2020 et 2021, comme une vingtaine de conventions ou d'avenants pour l'année 2019.

Elle s'oppose à la nullité demandée par la société Prosol gestion en relevant que cette dernière n'établit pas l'existence d'une intention de nuire, alors que cette société reconnaît expressément que la question porte sur une absence totale de mise en concurrence. Elle ajoute qu'elle n'avait pas à attirer l'attention de sa cliente sur l'existence d'autres cabinets d'avocats.

Elle considère que le bâtonnier a retenu à raison que la facturation avait été établie au nom de la société Prosol support et qu'elle pouvait réclamer le solde de ses honoraires à cette société, sans avoir à s'attacher au fait que la demande faite par Mme [A] concernait une facture de provision, le client ne changeant pas entre cette dernière et la facture définitive.

Elle indique s'engager au cas où la société Prosol gestion viendrait à régler la facture émise au nom de la société Prosol support à émettre un avoir du montant de cette facture à l'ordre de cette dernière société et une nouvelle facture à l'ordre de la société Prosol gestion.

Elle relate que l'absence de transmission des conventions modifiées relève de la faute exclusive de la société Prosol gestion, qui en avait sollicité la destruction. Elle souligne que le juge de l'honoraire n'est pas compétent pour statuer sur la question de la qualité des prestations.

Elle affirme avoir respecté en tous points sa lettre de mission et relève que la société Prosol gestion n'établit pas avoir réalisé elle-même la mise à jour des conventions, les évaluations faites par deux cabinets parisiens étant de complaisance.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux mémoires régulièrement déposés ci-dessus visés.

MOTIFS

Attendu que la recevabilité du recours formé par la société Prosol support n'est pas discutée et les dates de notification et de recours ne peuvent y conduire ;

Attendu qu'il convient de constater l'intervention volontaire de la société Prosol gestion, dont la recevabilité n'est pas discutée par la SELARL CJA ;

Sur la recevabilité de la demande de taxation dirigée contre la société Prosol support

Attendu que cette fin de non-recevoir doit être examinée primordialement en ce qu'elle conditionne ensuite la possibilité d'examiner le bien fondé de la demande de taxation ;

Attendu qu'aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile «Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.» ;

Qu'une fin de non-recevoir peut être invoquée en tout état de cause ;

Attendu que la société Prosol support soutient maintenant l'irrecevabilité de la demande de taxation présentée à son encontre en raison de ce qu'elle n'est pas la signataire de la lettre de mission ; que devant le bâtonnier, elle avait observé que pour cette raison, la procédure à son encontre était sans objet ;

Attendu que conformément à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, sauf urgence ou force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires ;

Que si la loi du 6 août 2015 a prévu en modifiant ce texte l'obligation de soumettre à la signature du client une convention d'honoraires sauf urgence ou force majeure, cette convention ne constitue pas une condition de validité de la demande d'honoraires mais un mode de preuve de l'accord des parties sur les modalités de rémunération de l'avocat ;

Attendu que l'absence d'existence d'une convention d'honoraires n'exclut ainsi pas par nature une demande d'honoraires présentée à un client, dès lors que n'est pas discutée l'existence d'un mandat entre l'avocat et le client ;

Attendu que les pièces du débat permettent en partie de déterminer les liens capitalistiques entre les sociétés Prosol support, Prosol gestion et ZF Invest, car la lettre de mission du 5 juillet 2021 a été signée par M. [B] [O] qui a signé pour ordre de M. [W] [E] doté du pouvoir de représenter la S.A.S. ZF Invest, cette dernière société étant notée sur l'extrait KBIS de la société Prosol support, à jour au 23 septembre 2020 comme étant sa dirigeante ;

Que les deux sociétés Prosol gestion et Prosol support connaissaient alors le même dirigeant ;

Attendu qu'il n'est discutable que la convention d'honoraire a été établie en visant comme cliente la société Prosol gestion et qu'elle a été signée par la société ZF Invest en sa qualité de dirigeante de cette société Prosol gestion ;

Attendu que les contacts concrets entre le cabinet d'avocat et l'une ou l'autre de ces sociétés pour l'exécution de la lettre de mission provenaient d'échanges entre Mme [C] [A], directrice juridique adjointe de la société Prosol support (comme en atteste la lettre de son licenciement du 8 octobre 2021), et Me [J] [L] pour la SELARL CJA ;

Attendu que le courriel émis le 10 septembre 2021à 16 heures 19 par Mme [A] fait suite à celui du cabinet d'avocats lui transmettant la facture de provision N°210900037 émise au nom de la société Prosol gestion, et demande qu'elle soit libellée au nom de la société Prosol support ;

Que la société Prosol support n'a pas discuté le pouvoir de Mme [A] de l'engager en réalisant cette demande de modification de la facture de provision, alors que son licenciement visait clairement sa décision de se «faire assister par le cabinet d'avocats CJA pour réaliser [la mise à jour des conventions intra-groupe] sans effectuer d'appel d'offres auprès d'autres cabinets» et indiquait qu'elle avait «présenté à [sa] hiérarchie pour signature, début juillet 2021, leur devis et leur proposition de mission» ;

Que par cette seule demande d'être facturée et au regard de ce qui vient d'être relevé, la SELARL CJA était recevable à saisir le bâtonnier d'une demande de fixation d'honoraires à l'encontre de la société Prosol support et se trouve ici tout autant recevable ;

Sur le dol invoqué par la société Prosol gestion

Attendu que cette société seule à se reconnaître comme engagée par la lettre de mission du 5 juillet 2021 sollicite le prononcé de sa nullité à raison d'un dol ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1137 du Code civil «Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.»

Attendu que la société Prosol gestion reproche à la SELARL CJA de lui avoir tu les liens personnels existant entre Mme [A] et Me [J] [L], ce dernier étant la signature de la lettre de mission pour ce cabinet d'avocat et soutient que cette ignorance ne lui a pas permis de réaliser une mise en concurrence avec d'autres cabinets d'avocat ;

Attendu qu'il ressort des pièces du débat et en particulier de la lettre de licenciement de Mme [A] comme de son courrier en réponse du 5 novembre 2021, que M. [O] a signé la lettre de mission à la demande de Mme [A] et que la société Prosol support indique n'avoir été avisée que postérieurement des liens qu'elle avait avec Me [L] ; qu'il est patent que cette signature a été réalisée sans qu'aucun contact n'ait existé entre la SELARL CJA et d'autres salariés de la société Prosol gestion ou de la société Prosol support ;

Que la réticence dolosive invoquée, manifestant une intention de tromper, doit émaner du cocontractant à qui le dol est opposé alors qu'en l'espèce, seule une préposée de l'une des sociétés Prosol est l'objet de critiques ayant conduit à son licenciement ;

Attendu que la société Prosol gestion ne tente pas d'expliquer les conditions dans lesquelles son dirigeant a entendu entériner sans contrôle la lettre de mission qui lui était présentée par Mme [A], sauf à mettre en avant une confiance dite «absolue» ;

Attendu qu'aucun élément concret ne vient accréditer l'existence d'une telle intention de tromper qui pourrait être imputée à la SELARL CJA, les sociétés du groupe Prosol ne pouvant invoquer une faute de leur préposée et une éventuelle carence de son supérieur pour fonder son moyen fondé sur le dol ; que cette SELARL relève avec pertinence qu'il appartenait à sa cliente d'organiser une mise en concurrence ;

Que surtout, la société Prosol gestion ne tente pas d'affirmer que sa connaissance d'un tel lien, dans le cadre d'un choix réalisé dans l'urgence de recourir à un cabinet d'avocat pour réaliser une tâche auparavant réalisée en interne, l'aurait déterminée à ne pas contracter, car sa critique porte bien particulièrement sur le montant des honoraires convenus qu'elle qualifie d'exorbitant ;

Attendu que cette prétention de nullité émise pour la première fois par la société Prosol gestion dans le cadre de son intervention volontaire ne peut qu'être rejetée ;

Sur le bien fondé de la demande de taxation maintenant présentée par la SELARL CJA

Attendu que la SELARL CJA sollicite dans le cadre de ce recours d'abord la confirmation de la décision du bâtonnier mettant ses honoraires à la charge de la seule société Prosol support, tout en revendiquant en réalité une condamnation solidaire de cette dernière avec la société Prosol gestion ;

Attendu qu'il ressort des éléments susvisés que tant la société Prosol gestion, qui a signé la lettre de mission, que la société Prosol support qui a été l'unité opérationnelle qui a noué les contacts avec la SELARL CJA, organisé la réunion de coordination du 17 septembre 2021 et envoyé à l'avocat les documents nécessaires pour ensuite revendiquer qu'une facture soit libellée à son nom, ont d'évidence mandaté ce cabinet pour réaliser en urgence une mise à jour des conventions intra-groupe dont il n'est pas discutable que la société Prosol support en avait notamment la charge ;

Que la société Prosol gestion n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir de l'absence d'une facturation à son nom alors qu'une facture de provision a bien été libellée à son nom et qu'elle ne conteste pas le mandat confié à la SELARL CJA ; qu'en l'état de cette seule convention et en application de l'article 1103 du Code civil visé par elle, elle est tenue de couvrir les diligences effectivement réalisées par l'avocat dans le cadre de son exécution sans qu'il soit besoin préalablement de la délivrance d'une facture ;

Attendu que l'engagement contractuel de la société Prosol support a clairement été manifesté par cette demande de modification de la première facturation ;

Attendu que le bâtonnier a relevé avec pertinence que la question des rapports intra-groupe entre les sociétés Prosol gestion et Prosol support échappait manifestement aux pouvoirs juridictionnels du juge de l'honoraire ; que le libellé du courriel susvisé émis le 10 septembre 2021 ne peut en revanche pas faire présumer d'un engagement de la société Prosol support à supporter les honoraires au delà de la facture initiale de provision d'un montant de 32 000 € HT ;

Que la SELARL CJA ne justifie pas d'un engagement clair de la société Prosol support à supporter les honoraires au delà de cette facture de provision ; qu'elle n'est susceptible d'être engagée solidairement avec la société Prosol gestion que dans la limite de ce montant de 32 000 € HT ; qu'il appartient aux parties de faire leur affaire personnelle de leurs rapports financiers, en particulier ceux internes au groupe Prosol, et l'engagement pris par la SELARL CJA est inopérant à conditionner le bien fondé de sa demande de fixation de ses honoraires et même de condamnation des sociétés adverses présentes au dispositif de son mémoire qui seul nous saisit ;

Attendu que les termes de la lettre de mission étant connus de la société Prosol support, le montant des honoraires qu'elle doit solidairement est à fixer en application de ses clauses ;

Attendu que les parties s'opposent sur l'effectivité des diligences mentionnées dans la facture du 28 octobre 2021 correspondant à un montant de 52 000 € HT alors que la convention d'honoraires du 5 juillet 2021 a stipulé :

- pour la mise à jour des 390 conventions intra-groupe pour l'exercice clos le 30 septembre 2020, un forfait compris dans une fourchette entre 22 000 et 26 000 € HT,

- une facturation au temps passé avec un taux horaire de 250 € HT pour la refonte du modèle type de convention intra-groupe,

- pour la rédaction des 390 conventions intra-groupe pour l'exercice 2021, sur la base du nouveau modèle type, un forfait compris dans une fourchette entre 30 000 et 34 000 € HT ;

Attendu que la discussion entre les parties sur le moment auquel la SELARL CJA a entendu transmettre les justificatifs de ses diligences accomplies jusqu'au 12 octobre 2021, date retenue par les parties pour une fin prématurée de la lettre de mission, est inopérante, la SELARL CJA ayant uniquement la charge de prouver l'existence de diligences réalisées en exécution du contrat avant cette date ;

Que contrairement à ce qu'affirment les sociétés Prosol, l'absence de transmission des conventions modifiées avant celle de la facture du 28 octobre 2021 n'est pas plus de nature à conditionner la détermination du montant des honoraires dus ;

Attendu que les sociétés Prosol discutent de l'effectivité des diligences accomplies en soutenant que les fichiers dernièrement transmis contenant les conventions modifiées ont une date de modification antérieure au 17 septembre 2021, date d'une réunion entre Mme [A] et Me [L] qu'elle considère comme essentielle et préalable au travail de modification à réaliser ;

Que la consultation de la clé USB dernièrement produite et des fichiers informatiques qu'elle contient manifeste l'existence de ces conventions modifiées, notamment par le biais de la rédaction d'avenant ;

Attendu que leurs dates de dernières modifications antérieures au 1er septembre 2021, et en tout cas à la cessation des rapports contractuels, sont indifférentes à déterminer qu'un travail n'a pas été effectué et la SELARL CJA n'a pas été discutée lorsqu'elle a relevé à bon droit comme le bâtonnier que le juge de l'honoraire n'a pas à réaliser une appréciation de la qualité des prestations réalisées ;

Que les sociétés Prosol ne produisent d'ailleurs aucun document de comparaison susceptible d'objectiver l'absence de réalisation des mises à jour ;

Attendu que la société Prosol gestion ne conteste pas avoir refusé de recevoir les documents rédigés ou mise à jour, ainsi qu'elle l'a manifesté dans son courrier du 12 octobre 2021 en soutenant la nullité de la lettre de mission, en contestant être redevable d'une quelconque somme et en écrivant «nous vous demandons la destruction de toutes les informations que nous vous avons communiqués», alors qu'il n'est pas contesté qu'une convention concernant une seule des filiales du groupe la SNC «le fromager de [Localité 6]» avait été envoyée ;

Que le courriel envoyé le 7 octobre 2021 au directeur juridique du groupe Prosol (M. [V] [T] rattaché à Prosol gestion au regard de son adresse de courriel) manifeste clairement que ces documents ont été mis à la disposition du client, leur rétention s'expliquant aisément par le refus ferme opposé par la société cliente de régler de quelconques honoraires ;

Attendu que les sociétés Prosol sont contestées lorsqu'elles allèguent avoir elles-mêmes réalisé ces mises à jour sans tenter de verser aux débats un commencement de preuve de cette réalisation interne après avoir refusé de recevoir les documents commandés à la SELARL CJA ;

Attendu que la convention d'honoraire a prévu des montants forfaitaires sur la base de 390 conventions à mettre à jour pour chacun des exercices 2020 et 2021, les sociétés Prosol ne discutant pas le fait que les diligences de la SELARL CJA ont porté sur un nombre supérieur de conventions, les fichiers informatiques produits permettant d'identifier un chiffre total supérieur à 1 000 ;

Attendu que les sociétés Prosol relèvent avec pertinence que les articles 1103 du Code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971 ne permettent pas au juge de revenir sur le montant convenu des honoraires ou d'en apprécier le quantum, car seuls des montants manifestement disproportionnés au regard du service rendu sont susceptibles d'être revus ;

Qu'elles ne peuvent déplorer être demeurées sans bénéficier du service rendu alors que cet état de fait provient d'une décision délibérée et elles n'ont pas fourni les éléments de comparaison nécessaires (le travail qu'elles affirment avoir réalisé en interne) pour en apprécier les contours ;

Attendu qu'en effet, les renseignements fournis à M. [T] dès le 6 septembre 2021 par deux avocats sont bien trop schématiques ou parcellaires car :

- pour l'un d'entre eux, Me [X] postule qu'un stagiaire est suffisant avec validation par un avocat (2 000 € HT) pour exécuter une telle mission et conduit en appliquant le taux horaire mentionné dans la lettre de mission (250 € HT) à un coût de 62 500 € HT,

- pour l'autre Me [P] annonce un coût bien inférieur supposant en retenant les bases de calcul de l'autre confrère un coût horaire de 80 € HT pour l'activité d'un avocat ;

Que ces éléments de comparaison sont loin d'être pertinents et suffisants pour accréditer la disproportion nécessaire à permettre une minoration des honoraires convenus ;

Attendu que rapportées au taux horaire contractuel les diligences effectuées sont annoncées comme correspondant à 208 heures, durée d'ailleurs compatible avec l'estimation susvisée de Me [X] qui globalise une durée de 100 heures pour 400 conventions ; que ce montant de 52 000 € HT entre tout autant et manifestement dans les forfaits contractuels ci-dessus rappelés, portant estimés pour la mise à jour de 780 conventions ;

Attendu qu'il convient en conséquence de retenir que le bâtonnier a fixé avec pertinence les honoraires dus à la SELARL CJA à la somme de 52 000 € HT soit 62 400 € TTC ;

Attendu que sa décision doit néanmoins être réformée en ce qu'elle les a mis à la seule charge de la société Prosol support et cette dernière est condamnée solidairement avec la société Prosol gestion à payer à la SELARL CJA la somme de 32 000 € HT soit 38 400 € TTC et la société Prosol gestion est condamnée seule à supporter le solde des honoraires fixés soit 20 000 € HT (24 000 € TTC) ;

Attendu que la SELARL CJA se prévaut d'une mise en demeure du 15 décembre 2021 pour faire courir les intérêts moratoires, mais ne la verse pas aux débats, ce qui la rend infondée en sa demande à leur titre ;

Que le montant arbitré par le bâtonnier à hauteur de 50 € TTC versé par la SELARL CJA pour la procédure de taxation doit demeurer à la charge de la société Prosol support ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que compte tenu de ce que l'évolution du litige, en particulier à la suite de l'intervention volontaire de la société Prosol gestion, a été seule à même de parvenir à une détermination des honoraires dus par chacune des sociétés Prosol, ces dernières doivent supporter in solidum les éventuels frais d'exécution forcée, les autres dépens inhérents à la comparution devant le délégué du premier président devant demeurer à la charge de chacune des parties ;

Que pour ces motifs, l'équité ne commande pas de décharger la SELARL CJA comme les sociétés Prosol des frais irrépétibles ici engagés ;

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président, statuant publiquement et par ordonnance contradictoire,

Vu l'intervention volontaire de la S.A.S. Prosol gestion,

Déclarons recevable la SELARL CJA avocats associés en sa demande de taxation de ses honoraires dirigée contre la S.A.S. Prosol support,

Rejetons la demande de nullité de la lettre de mission du 5 juillet 2021 présentée par la S.A.S. Prosol gestion,

Rejetons le recours contre la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Saint-Etienne en ce qu'elle a fixé à 62 400 € TTC, outre 50 €, le montant total des frais et honoraires de la SELARL CJA avocats associés,

Par réformation de cette décision et pour le surplus,

Condamnons solidairement les S.A.S. Prosol gestion et Prosol support à payer à la SELARL CJA avocats associés la somme de 32 000 € HT soit 38 400 € TTC,

Condamnons la S.A.S. Prosol gestion à payer la somme de 20 000 € HT soit 24 000 € TTC à la SELARL CJA avocats associés,

Déboutons la SELARL CJA avocats associés de sa demande au titre des intérêts,

Disons que chaque partie garde la charge de ses propres dépens engagés dans le cadre de ce recours, mais que les S.A.S. Prosol gestion et Prosol support supporteront in solidum les éventuels frais d'exécution forcée,

Rejetons les demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/04454
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;22.04454 ?
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