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09/02/2023 | FRANCE | N°19/07974

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 09 février 2023, 19/07974


N° RG 19/07974 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWPX









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au fond du 24 octobre 2019



RG : 2018j01288





[V]

SARL AD TRADING



C/



Société BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONEALPES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 09 Février 2023







APPELANTS :



M. [G] [V]

[Ad

resse 3]

[Localité 2]



SARL AD TRADING

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentés par Me Olivier DESPLACES, avocat au barreau de LYON, toque : 285





INTIMEE :



BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE-ALPES agissant poursuites et diligences de son représent...

N° RG 19/07974 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWPX

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au fond du 24 octobre 2019

RG : 2018j01288

[V]

SARL AD TRADING

C/

Société BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONEALPES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 09 Février 2023

APPELANTS :

M. [G] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

SARL AD TRADING

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentés par Me Olivier DESPLACES, avocat au barreau de LYON, toque : 285

INTIMEE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE-ALPES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et par Me Prisca WUIBOUT de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Décembre 2022

Date de mise à disposition : 02 Février 2023

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [V] (ci-après M. [V]) est le gérant de la SARL AD Trading (ci-après la société ADT), société ayant pour activité l'import et le négoce de tous produits manufacturés.

Par contrat en date du 24 février 2011, la société Banque Populaire (ci-après société Banque Populaire) a accordé un prêt professionnel d'un montant initial de 23.000 euros remboursable par 60 mensualités au taux annuel de 3,950% à la société ADT.

Par acte sous seing privé en date du 23 février 2011, M. [V] s'est porté caution solidaire de ce prêt à hauteur de 23.000 euros.

Par acte sous seing privé en date du 4 juin 2011, M. [V] s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la société ADT à hauteur de 30.000 euros pour une durée de 5 ans.

Par acte sous seing privé en date du 14 octobre 2011, M. [V] s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la société ADT à hauteur de 20.000 euros pour une durée de 10 ans.

Par contrat en date du 1er juillet 2013, la société Banque Populaire a accordé un second prêt professionnel d'un montant initial de 50.000 euros remboursable par 36 mensualités au taux annuel de 3,4% à la société ADT.

Par acte sous seing privé en date du 1er juillet 2013 la SAS Avenir et Développement Management, dont le gérant est M. [V], s'est portée caution solidaire de ce prêt à hauteur de 18%.

Certaines échéances sont demeurées impayées.

Par courrier en date du 13 février 2015 dont il a été accusé réception le 17 mars 2015, la société Banque Populaire a prononcé la déchéance du terme du second prêt et mis en demeure la société Avenir et Développement Management de payer. Cette mise en demeure a été réitérée par courrier en date du 11 septembre 2018.

Par courrier en date du 13 février 2015 dont il a été accusé réception le 17 février 2015, la société Banque Populaire a mis en demeure M. [V] d'honorer ses engagements de caution. Cette mise en demeure a été réitérée par un courrier en date du 31 décembre 2015 dont il a été accusé réception le 6 janvier 2016.

Par courrier en date du 11 septembre 2018 dont il a été accusé réception le 14 septembre 2018, la société Banque Populaire a de nouveau mis en demeure M. [V] de payer les sommes dues.

Par jugement du 7 février 2018, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société AD Management.

Par acte extrajudiciaire du 29 novembre 2018, la société Banque Populaire a assigné la société ADT et M. [V] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne.

Par jugement contradictoire du 24 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- dit que la société Banque Populaire n'a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde ni à l'égard de la société ADT ni à l'égard de M. [V],

- dit que la société Banque Populaire n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle tant à l'égard de la société ADT que de M. [V],

- condamné la société ADT à payer à la société Banque Populaire la somme de 38.094,92 euros au titre du solde du prêt professionnel de 50.000 euros outre intérêts au taux contractuel continuant à courir à compter du dernier décompte du 12 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,

- condamné solidairement la société ADT et M. [V], en sa qualité de caution, à payer à la société Banque Populaire la somme de 38.632,66 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre intérêts au taux contractuel continuant à courir à compter du dernier décompte du 12 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,

- condamné la société ADT à payer à la société Banque Populaire la somme de 9.985,17 euros restant due au titre du solde du prêt professionnel de 23.000 euros, outre intérêts au taux contractuel continuant à courir à compter du dernier décompte du 12 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,

- condamné M. [V], en sa qualité de caution, à payer à la société Banque Populaire la somme de 9.887,67 euros au titre du solde du prêt professionnel de 23.000 euros outre intérêts au taux contractuel continuant à courir à compter du dernier décompte du 12 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- débouté la société ADT et M. [V] de leurs demandes de dommages-intérêts et de compensation,

- débouté la société ADT et M. [V] de leurs demandes de délais de paiement,

- condamné solidairement la société ADT et M. [V] à verser à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 96,53 euros sont à la charge solidaire de la société ADT et de M. [V],

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [V] et la société ADT ont interjeté appel par acte du 20 novembre 2019.

Par conclusions du 11 janvier 2021 fondées sur les articles 1231-1 du code civil, l'ancien article 1147 du code civil et l'article 1343-5 du code civil, M. [V] et la société ADT ont demandé à la cour de :

- réformer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Banque Populaire a failli à son obligation de conseil et de mise en garde et a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard ès-qualités de personne morale,

- condamner la société Banque Populaire à réparer son préjudice subi,

- condamner la société Banque Populaire à lui payer la somme de 86.712,75 euros à titre de dommages-intérêts,

- ordonner la compensation avec les sommes qu'elle pourrait devoir au titre des créances alléguées par la société Banque Populaire,

- à titre subsidiaire, lui accorder les plus larges délais de paiement,

- juger que la société Banque Populaire a failli à son obligation de mise en garde et a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard ès-qualités de personne physique,

- condamner la société Banque Populaire à réparer son préjudice subi,

- condamner la société Banque Populaire à lui payer la somme de 48.617 euros à titre de dommages-intérêts,

- ordonner la compensation avec les sommes qu'il pourrait devoir au titre des cautionnements invoqués,

- le décharger de toute pénalité ou intérêts conventionnels,

- condamner la société Banque Populaire à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, lui accorder les plus larges délais de paiement,

- condamner la société Banque Populaire aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au bénéfice de M. Desplaces, avocat, sur son affirmation de droit.

Les appelants ont estimé que la caution ne pouvait être qualifiée d'avertie au regard des éléments suivants :

- le fait que le patrimoine de M. [V] n'existe plus au jour de l'instance, et l'absence de toute compétence particulière de celui-ci dans le cadre de la gestion,

- le fait que la banque n'a retenu que l'existence d'un patrimoine chez M. [V], alors que cela ne permettait pas de le considérer comme une personne avertie.

La société ADT a fait valoir que la banque a engagé sa responsabilité à son encontre au regard des éléments suivants :

- le non-respect de son obligation de conseil et de mise en garde par la banque,

- le fait qu'à l'époque de l'octroi des concours financiers, la société Banque Populaire n'a pas respecté les obligations mises à sa charge alors même que le bilan 2012 et le bilan 2010-2011 permettaient de constater l'endettement important de la société avec une augmentation de 50% en 2012,

- le fait que l'octroi d'un nouveau prêt de 50.000 euros en juillet 2013 ainsi qu'une ouverture de crédit en compte courant non négligeable a conduit à un endettement déraisonnable sur lequel la banque n'a émis aucune mise en garde,

- le fait que la banque s'est montrée indifférente à la situation d'endettement de la débitrice principale en se reposant uniquement sur la garantie personnelle du dirigeant

- l'exécution de fait, des conventions par la banque, en toute mauvaise foi qui suffit à engager la responsabilité de la société Banque Populaire,

- le fait que le préjudice de la société ADT est équivalent au montant du crédit octroyé et aux conséquences du prononcé de la déchéance du terme, soit la somme de 86.712,75 euros.

Concernant la demande de délais de paiement de la société ADT, cette dernière a versé au débat ses derniers bilans qui montrent une situation déficitaire et justifie une demande dans les délais fixés à l'article 1343-5 du code civil.

Concernant les demandes formées à l'encontre de M. [V], les éléments suivants ont été mis en avant :

- le non-respect de l'obligation de mise en garde à son égard alors qu'il était une caution non avertie, sa qualité de gérant ne démontrant pas une aptitude particulière pour évaluer les risques liés à l'acte de cautionnement que ce soit au regard de sa propre capacité financière mais aussi pour apprécier la portée et les risques liés aux concours consentis par la banque à la débitrice principale,

- le fait que la société ADT, disposait de bilans défavorables lors de la souscription des concours financiers avec un niveau d'endettement déjà important, et des disponibilités peu importantes,

- la nécessité de condamner la société Banque Populaire à lui verser la somme de 48.617 euros à titre d'indemnisation de son préjudice, soit le montant des sommes qui lui sont réclamées au titre de ses engagements de caution,

- le fait que la banque ne l'a pas informé des incidents de paiement intervenus, en contravention avec l'article L333-1 du code de la consommation, ce qui dispense M. [V] du paiement des pénalités ou intérêts échus entre la date du premier incident et la date à laquelle il a été informé, étant rappelé que le concernant, il n'a été informé qu'à compter du 15 février 2015 et non à partir du 24 juin 2015.

Concernant la demande de délais de paiement, M. [V] a fait valoir qu'il a perçu le RSA de juillet 2018 à mars 2020, et que ses avis d'imposition de 2015 à 2020 montrent une absence de revenus élevés.

Il a indiqué ne plus disposer du patrimoine élevé évoqué par les premiers juges, en raison d'un divorce prononcé en 2017 qui a mené à la liquidation de son patrimoine, les estimations présentes dans le tableau de patrimoine étant fantaisistes, et le fait que bon nombre d'actifs étaient en SCI avec des tierces personnes.

Enfin, il a indiqué que la société AD Sports et Loisirs qui exploitait un magasin Intersport géré par l'appelant, a été condamnée à payer une forte somme à Intersport ce qui a mené à la liquidation de nombreux actifs pour permettre le paiement de la somme de 360.000 euros en 2014.

Il a précisé que l'arrêt de l'activité du magasin détenu par la société AD Sports et Loisirs a privé la société AD Management de ses revenus, ce qui a mené à la baisse de ses revenus. Il a indiqué en outre que la société AD Sports et Loisirs a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en novembre 2018 avec rejet de sa créance en compte courant d'associé.

Par conclusions du 30 novembre 2020 fondées sur les articles 1134 et 2288 du code civil, la société Banque Populaire demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- condamner la société ADT en sa qualité de débiteur principal à lui régler les sommes de :

- 38.632,66 euros au titre du solde débiteur du compte courant,

- 9.985,17 euros au titre du solde du prêt professionnel de 23.000 euros,

- 38.094,92 euros au titre du solde du prêt professionnel de 50.000 euros,

outre intérêt au taux contractuel continuant à courir à compter du dernier décompte jusqu'à parfait paiement

- condamner M. [V] en sa qualité de caution à lui régler les sommes de :

- 38.632,66 euros au titre des cautionnements tous engagements correspondant au solde débiteur du compte courant,

- 9.887,67 euros au titre du cautionnement du solde du prêt professionnel de 23.000 euros,

outre intérêts au taux contractuel continuant à courir à compter du dernier décompte jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- débouter la société ADT et M. [V] de toutes leurs prétentions,

- condamner la société ADT et M. [V] solidairement entre eux à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes solidairement entre eux aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP Baufume Sourbe.

S'agissant des demandes formées à l'encontre de la société ADT, la société Banque Populaire a mis en avant les éléments suivants :

- le caractère exigible des sommes réclamées à la société ADT eu égard à la dénonciation des conventions de compte et concours octroyés à celle-ci,

- les mises en demeure à la société ADT, débitrice principale, et à ses cautions, étant rappelé que la société AD Management a été placée en redressement judiciaire,

- le fait que pour chacune des sommes réclamées, une ligne intitulée accessoire est présente s'agissant de l'application de l'indemnité contractuelle de 5%.

S'agissant de la responsabilité alléguée par les appelantes à son encontre, la société Banque Populaire a conclu au rejet de toute demande à ce titre en faisant état des moyens suivants :

- le fait que le devoir de mise en garde ne bénéficie pas à l'emprunteur averti,

- le fait que lorsque le prêt a été contracté par une société, le caractère averti de la personne morale s'apprécie à travers la personne de son dirigeant,

- la personne même de M. [V] qui est depuis toujours le gérant de la société ADT, est impliqué dans la vie de l'entreprise et a suivi les dossiers de financement, s'est porté caution solidaire à trois reprises, sans compter qu'il dirigeait également la société AD Management qui s'est portée caution solidaire de l'un des engagements, ce qui permet de le considérer comme personne avertie,

- le fait que pour rechercher la responsabilité de la banque, l'emprunteur, même non averti, doit apporter la preuve de l'inadaptation de son engagement par rapport à ses capacités financières et son risque d'endettement qui naîtrait de l'octroi du crédit,

- l'absence de preuve que la société ADT entre dans ces derniers critères, d'autant plus qu'elle a remboursé ses engagements financiers sans difficultés pendant plusieurs années,

- le fait que M. [V], en sa qualité de personne avertie et de gérant, ne pouvait ignorer la situation économique et financière de la société ADT, mais aussi de la société AD Management, et disposait des informations pour lui permettre de mesurer la portée de ses engagements,

- l'absence de preuve que les difficultés financières de la société ADT sont dues uniquement à l'importance des concours financiers, ou que l'endettement relève uniquement de ceux-ci, ce qui excluait tout devoir de mise en garde, la banque ne disposant pas d'éléments autres que ceux présentés,

- le fait que le banquier n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client, et ne doit donc pas donner son avis sur l'opération poursuivie à travers les financements et ne doit donner son avis que sur l'impact du concours quant à l'endettement de la société ou sur son caractère inadapté par rapport aux capacités financières,

- le fait que la banque, à l'égard d'un client averti, n'est tenue d'un devoir de mise en garde que si elle détient des informations sur la situation financière du client que ce dernier ignore,

- au regard de l'ensemble de ces éléments, l'absence de devoir de conseil et de mise en garde à son encontre,

- l'absence de toute preuve d'exécution de mauvaise foi des conventions à son encontre.

Concernant la demande de délais formées par la société ADT, la société Banque Populaire a conclu à son rejet en faisant valoir que :

- l'appelante a déjà bénéficié de larges délais puisque la première mise en demeure date de 2015, date à laquelle la débitrice principale et ses deux cautions ont été mises en cause,

- le caractère indifférent du dernier bilan déficitaire de la société ADT, étant rappelé qu'elle peut bénéficier d'une procédure de redressement judiciaire en application de l'article L631-31 du Code de Commerce, sans oublier le caractère obligatoire d'une telle démarche si l'appelante est effectivement en état de cessation des paiements, dans un délai maximum de 45 jours.

S'agissant des demandes formées à l'encontre de M. [V], la société Banque Populaire a fait valoir les moyens suivants :

- le caractère exigible des créances à son encontre en raison de la dénonciation des conventions de comptes et concours octroyés à la société ADT,

- le fait qu'il est ainsi redevable de la somme de 38.632,66 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du compte courant et de la somme de 9.985,17 euros au titre du cautionnement du solde du prêt professionnel, outre intérêts conventionnels au titre du dernier décompte,

- le fait que M. [V] est une personne avertie comme étant impliquée dans le fonctionnement de l'entreprise, dont il assume en outre la direction depuis la fondation, et est en charge du suivi des dossiers de financement sollicitant l'ouverture du compte courant commercial et l'octroi d'un prêt en 2011 et 2013, et se portant à trois reprises caution de la société ADT entre 2011 et 2013, ce qui dès lors, dispensait la société ADT de tout devoir de mise en garde,

- le fait que M. [V] disposait d'un patrimoine suffisant par rapport à ses engagements, une fiche de renseignement patrimoniale était transmises, indiquant un patrimoine portant sur de nombreux immeubles, sans compter qu'en tant que dirigeant-caution, M. [V] avait connaissance de la situation financière et économique de la société ADT,

- le fait que M. [V] ne démontre pas le caractère disproportionné de ses engagements par rapport à son patrimoine,

- concernant l'obligation d'information des incidents de paiements, le fait que M. [V] a été informé par courrier le 13 février 2015 des défaillances de la société ADT.

S'agissant de la demande de délais formée par M. [V], la société Banque Populaire a conclu son rejet en faisant état des éléments suivants :

- l'absence de tout élément permettant d'objectiver une impossibilité de paiements,

- le fait que M. [V] a déjà bénéficié de larges délais depuis le 13 février 2015, date à laquelle il a été informé des défaillances de la société ADT,

- le fait que M. [V], qui prétend percevoir le RSA, omet d'indiquer ce qu'il advient du patrimoine immobilier déclaré, qui contenait en outre des placements locatifs, et ne donne aucune information sur les revenus de son épouse qui est cadre dirigeant et perçoit un salaire de cadre, comme indiqué sur la fiche patrimoine,

- le fait que M. [V] peut donc mobiliser une partie de son patrimoine pour s'acquitter de ses dettes,

- l'absence de preuve par M. [V] de ce qu'il ne dispose plus de son patrimoine immobilier, sans oublier qu'en cas de vente, il a perçu le fruit de ces ventes.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er avril 2021, les débats étant fixés au 7 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de la société ADT

- Sur la faute contractuelle alléguée à l'encontre de la société Banque Populaire

L'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, l'appelante prétend que la société Banque Populaire a manqué à son devoir contractuel de conseil et de mise en garde à son égard en ne considérant pas son état d'endettement avant de lui octroyer des concours financiers, notamment en tenant compte du bilan de l'année 2012, mais aussi au bilan précédent portant sur un exercice de 20 mois, avec un endettement de plus de 50% de celle-ci.

Toutefois, il convient de rappeler que le prêteur n'a pas à s'immiscer dans les activités de son client et n'a pas à fournir en outre de conseil ou apporter de mise en garde si l'emprunteur est averti. De même, il n'appartient pas à la banque de se prononcer sur le caractère opportun ou non d'une opération de financement, cette appréciation relevant de la personne de l'emprunteur.

Enfin, la qualité de personne avertie, s'agissant d'une personne morale, s'apprécie à travers la personne de son dirigeant.

Dans la présente affaire, il est constant que la société ADT était dirigée par M. [V] qui dirigeait depuis plusieurs années différentes entreprises, y compris au travers d'une holding, et disposait d'une vision sur la situation de la société appelante mais également des autres sociétés du groupe.

De fait, la société ADT ne peut prétendre être un emprunteur non averti.

En outre, la société ADT ne rapporte pas la preuve de ce que la société Banque Populaire disposait d'informations qui lui étaient inconnues et qui auraient obligé cette dernière à lui apporter un conseil ou une mise en garde.

En tant que client averti et ayant déjà bénéficié de concours, il appartenait à la société ADT de vérifier l'adaptation de sa demande de concours financier à sa situation.

Dès lors, aucune faute contractuelle ne saurait être retenue à l'encontre de la société Banque Populaire.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de délais de paiement

L'article 1343-5 alinéa 1 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La société ADT a versé au débat le bilan de l'année 2019, et entend faire état de ce que sa situation est trop obérée.

Toutefois, il convient de noter que l'appelante ne fournit aucune explication quant au développement de l'entreprise ou de prévisionnel, et n'indique pas pour quels motifs elle ne procède pas au recouvrement des créances sur ses clients, qui atteignent un montant de 234.929 euros et d'autres créances pour 136.805 euros, ce qui questionne sur sa gestion.

De même, l'expert-comptable indique se questionner sur la poursuite de l'activité, sans pour autant que la société ne se pose la question de la mise en 'uvre d'une procédure collective, alors même que son endettement est conséquent.

Il doit être relevé que l'appelante ne fournit aucun élément quant à son degré d'intégration dans la société AD Management et les conséquences à son égard du placement en redressement judiciaire de cette dernière société.

L'ensemble de ces éléments mène à considérer que la société ADT ne verse pas d'éléments suffisants à l'appui de sa demande de délais de paiement, étant rappelé en outre l'ancienneté du litige et l'absence de tout début de paiement alors même qu'elle ne conteste pas le montant des sommes réclamées.

En conséquence, la demande présentée sera rejetée et la décision déférée confirmée sur ce point.

Sur les demandes présentées par M. [V]

- Sur les fautes contractuelles alléguées par M. [V] à l'encontre de la société Banque Populaire

L'article 1134 du code civil dispose, dans sa version applicable au litige, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article 2288 du code civil dispose que celui qui se rend caution d'une obligation se soumet, envers le créancier, à satisfaire cette obligation si le débiteur n'y satisfait pas lui même.

M. [V] entend faire valoir que même s'il était gérant de l'entreprise, la preuve n'est pas rapportée de ce qu'il disposait de compétences spécifiques concernant la compréhension et la portée des engagements souscrits au profit de la débitrice principale.

Or, il est constant que lors de la souscription des engagements litigieux, M. [V] était gérant de la société ADT depuis sa création, et s'était déjà porté caution de celle-ci, sans oublier qu'il était également gérant de la société AD Management, ainsi que de la holding regroupant ses différentes sociétés et est intervenu, au regard des pièces versées au débat, à plusieurs reprises dans les discussions concernant la mise en 'uvre de concours financiers au profit de la débitrice principale.

De fait, M. [V] avait une connaissance particulière des engagements des différentes sociétés et de la situation, et ne peut prétendre, alors qu'il est gérant ou représentant légal de plusieurs entreprises, être une caution non avertie.

Dès lors, la société Banque Populaire n'était pas redevable d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'appelant et n'a commis aucune faute contractuelle. Il convient de confirmer la décision déférée sur ce point.

M. [V] a mis en avant l'absence d'information à son égard, en tant que caution des défaillances de la débitrice principale, en application de l'article L331-1 du code de la consommation.

Sur ce point, la société Banque Populaire a versé au débat la lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2015, reçue le 17 février 2015, informant M. [V] de l'exigibilité des sommes dues par la société ADT en raison des défauts de paiement de cette dernière.

L'information nécessaire a donc été faite à l'égard de la caution. L'intimée justifie également de l'information faite à la seconde caution de la société ADT.

Eu égard à ces éléments, le moyen soulevé par M. [V] ne peut prospérer et sera rejeté, la décision déférée étant confirmée.

- Sur la demande de délais de paiement

L'article 1343-5 alinéa 1 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. [V] a indiqué, à l'appui de sa demande, ne percevoir que le RSA, et ne plus disposer du patrimoine indiqué dans les fiches de renseignement de patrimoine lors de la souscription des engagements.

Il indique en outre que la société AD Management a été placée en redressement judiciaire et que le compte-courant d'associé de son épouse a fait l'objet d'un rejet par le juge commissaire, sans compter la cession des différents fonds de commerce.

Toutefois, la cour relève que M. [V] n'indique pas de manière précise sa situation au regard de l'ampleur du patrimoine immobilier pré-existant, y compris immobilier locatif, dont les revenus étaient perçus par des sociétés. De même, il n'indique pas sa situation actuelle à l'égard du marché du travail, ni si des rémunérations peuvent être tirées des autres sociétés dont il est gérant, y compris de la société appelante.

L'appelant indique que le patrimoine immobilier a fait l'objet de cessions, sans indiquer l'usage exact fait du fruit des ventes, ce, y compris dans le cadre de la séparation avec son ex-conjointe, ne faisant pas preuve de la transparence attendue dans le cadre d'une telle demande.

Enfin, la cour relève que malgré l'ancienneté du litige, aucun paiement, même partiel n'est intervenu.

Dès lors, il convient de rejeter la demande présentée et de confirmer la décision déférée.

Sur les demandes accessoires

M. [V] et la société ADT succombant en la présente instance, ils seront condamnés in solidum à supporter les entiers dépens de la procédure en appel.

L'équité commande d'accorder à la société Banque Populaire une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] et la société ADT seront condamnés solidairement à lui payer la somme de 2.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Confirme le jugement déféré dans son intégralité,

Y ajoutant

Condamne in solidum M. [V] et la société ADT à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne solidairement M. [V] et la société ADT à payer à la société Banque Populaire la somme de 2.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/07974
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;19.07974 ?
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