AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/06512 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTCT
[G]
C/
RÉGIE DÉPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE L'AIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE
du 13 Septembre 2019
RG : F18/00157
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 FÉVRIER 2023
APPELANT :
[K] [G]
né le 11 Décembre 1981 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par Me Sylvie VUILLAUME-COLAS de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sonia MECHERI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
RÉGIE DÉPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE L'AIN
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jean ANTONY, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Novembre 2022
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [G] a été embauché par l'EPIC REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE L'AIN, en qualité de Conducteur Receveur Polyvalent, à temps partiel (24 heures par semaine), suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 janvier 2014.
La convention collective applicable est la convention collective nationale du Personnel des Voies Ferrées d'Intérêt Local (VFIL) (IDCC 779).
Le 8 septembre 2014, le salarié a accepté un avenant au contrat de travail portant la durée du travail à temps plein.
Le 30 août 2017, il a été victime d'un accident de la circulation, à la suite duquel il s'est trouvé en arrêt maladie jusqu'au 8 janvier 2018, date à laquelle il a repris le travail à mi-temps thérapeutique. Le 8 mars 2018, il a repris le travail à temps plein.
Le 19 mars 2018, il a été placé en arrêt maladie.
Le 11 juillet 2018, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de BOURG EN BRESSE d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Lors de la visite de reprise du 30 juillet 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude, avec dispense de l'obligation de reclassement en raison de l'état de santé.
Par courrier recommandé en date du 1er août 2018, la société Régie des Transports de l'AIN a convoqué M. [K] [G] à un entretien préalable en vue de son licenciement, prévu pour le 20 août 2018.
Par courrier recommandé du 27 août 2018, la société Régie des transports de l'Ain a licencié M. [G] pour inaptitude physique d'origine non professionnelle.
Par jugement du 13 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer à la REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE l'AIN la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Le 23 septembre 2019, M. [G] a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions, notifiés le 9 juin 2020, M. [G] demande à la cour de :
Réformer le jugement
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et subsidiairement, constater que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse
condamner la REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE l'AIN à lui verser :
la somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail qui s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
la somme de 12 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
la somme de 5 244,64 euros au titre de l'indemnité de préavis et 524,46 euros au titre des congés payés afférents
condamner la REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE l'AIN au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 21 juillet 2022, la REGIE DES TRANSPORTS DE l'AIN anciennement dénommée REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE l'AIN demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BOURG EN BRESSE le 13 septembre 2019 et débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Y ajoutant, condamner M. [G] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
condamner M. [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
SUR CE,
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
M. [G] soutient qu'il a été insulté et menacé, à plusieurs reprises, par un collègue de travail, M. [Z], et a alerté son employeur, depuis 2016, sans que celui-ci ne prenne de mesure pour faire cesser les agissements, en violation de l'obligation de sécurité et de loyauté.
Il ajoute qu'il a participé à l'enquête du CHSCT, a eu un entretien téléphonique avec M. [A] et a rencontré trois membres du CHSCT le 1er juin 2018.
Il estime avoir été l'objet de discrimination en raison de son état de santé, au retour de son arrêt maladie.
Il fait valoir qu'alors qu'il était à nouveau en arrêt maladie, l'employeur lui a adressé un courrier pour l'informer qu'il serait muté à [Localité 3] le 4 juin 2018 ; que cette mutation n'était nullement justifiée par les besoins de l'agence de [Localité 3] ; qu'il a refusé cette mutation et que l'employeur l'a avisé de son intention de le licencier puis a renoncé à la procédure de licenciement engagée.
Il considère que l'attitude de l'employeur est déloyale et discriminatoire.
La REGIE DES TRANSPORTS DE l'AIN objecte que les faits d'insultes dont se plaint le salarié ne sont corroborés par aucun élément ; qu'elle n'en n'a eu connaissance que par un courrier du 21 mars 2018 et a mis immédiatement en 'uvre une enquête, confiée au CHSCT, qui a conclu qu'il n'existait aucun conflit entre M. [Z] et M. [G] ; que le compte rendu du CHSCT est signé de Mme [X], déléguée syndicale.
Sur la discrimination, la REGIE DES TRANSPORTS DE l'AIN souligne que dès avant son arrêt maladie, le manque de motivation de M. [G] avait été constaté et qu'elle ne lui a jamais reproché son état de santé ; que M. [G] ne précise pas de quelle procédure il aurait été écarté en raison de son état de santé.
Sur la proposition de mutation, la régie fait valoir que le contrat de travail inclut une clause de mobilité, que la mutation envisagée était conforme à la zone géographique contractuelle et que finalement, elle n'a pas été mise en 'uvre.
***
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 19 août 2015.
Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation...) et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
M. [G] verse aux débats des mails qu'il a adressé à son employeur pour se plaindre de l'attitude de l'un de ses collègues, M. [Z] :
Le 24 mars 2017, ils se sont croisés alors que M. [Z] conduisait un car tandis que M. [G], conduisant son automobile, a dû faire un écart et est passé à quelques centimètres d'une remorque garée sur le côté ; il a avisé son employeur par mail du même jour ;
Par mail du 6 avril 2017 adressé à [T] [C] (dont M. [G] ne précise pas de qui il s'agit), M. [G] fait le bilan des incidents l'ayant opposé à M. [Z] depuis « environ un an » :
M. [Z] a déboité devant lui au départ du collège de [Localité 4], un autre jour, les deux salariés ont échangé des insultes, l'un et l'autre ont passé un portillon qui s'est refermé sur l'autre
M. [G] fait le lien entre l'accrochage qu'il a eu le 28 mars avec son véhicule contre un mur et la remémoration de l'incident du 24 mars
Il estime que l'ensemble de ces faits constituent un harcèlement de la part de son collègue
M. [G] a renvoyé ce mail à M. [I], le 10 janvier 2018
Le 21 mars 2018, il a envoyé un mail à [L] [O] (responsable QSE et présidente du CHSCT) :
il se plaint d'avoir croisé M. [Z] la veille de la reprise du travail (le 8 janvier 2018) et des propos que celui-ci lui aurait tenu, de l'entretien du 20 février 2018 avec M. [I] qui l'aurait invité à se « sortir les doigts du cul » et lui aurait reproché un manque d'assiduité puis, le 27 février, lui aurait dit que son car est « dégueulasse » et le lendemain, il fait état d'un échange avec l'un de ses collègues, en salle conducteur, qui lui aurait dit « tu ne doutes de rien toi, même pas tu me regardes, même pas tu me parles, même pas tu passes devant moi »
il se plaint de changer de véhicule 3 à 5 fois par jour et de plannings changés tous les 3 jours et indique qu'avant l'arrivée de M. [I], il avait un véhicule attitré .
M. [G] ne verse aux débats que ces mails de plainte qui ne sont pas étayés.
Le conflit avec son collègue est établi sans que pour autant, soit démontré un harcèlement de la part de M. [Z].
L'employeur verse aux débats un compte rendu d'enquête du CHSCT, signé de Mme [X], déléguée syndicale, qui relate avoir rencontré M. [Z] mais avoir sollicité M. [G] plusieurs fois par téléphone sans toutefois pouvoir le rencontrer car il n'a jamais donné suite aux appels téléphoniques. Au cours de l'enquête, M. [Z] a reconnu avoir eu parfois des mots déplacés.
Il n'est pas établi au vu de ces éléments que la Régie des Transports de l'AIN a manqué à l'obligation de sécurité.
Les propos qu'aurait tenu M. [I] lors d'un entretien d'évaluation ne sont pas étayés. Le compte-rendu d'entretien ne met en lumière aucune discrimination liée à l'état de santé : il est notamment mentionné « M. [G] est capable de faire du bon travail. Il faut pour cela qu'il s'implique » et « M. [G] aimerait évoluer vers plus de responsabilité, en analyse et conseils. Impression du salarié : M. [G] passe une période difficile après un accident. Il a des envies d'évolution mais doit pour cela, refaire ses preuves. Impression du responsable : M. [G] a des ambitions. Pour les réaliser, il doit nous prouver qu'il est digne de confiance et qu'il a un réel potentiel. »
Le salarié a signé ce compte rendu et la nécessité « de refaire ses preuves » sont ses propos au sujet d'une évolution des responsabilités. Les remarques de l'employeur sur le potentiel sont en lien avec le souhait de plus de responsabilités exprimé par le salarié. Elles sont sans lien avec l'état de santé du salarié.
Aucune discrimination liée à l'état de santé n'est établie.
Le contrat de travail de M. [G] contient une clause permettant à l'employeur de muter en fonction des nécessités de l'entreprise dans la zone géographique du département de l'AIN.
La régie départementale des transports de l'Ain a mis en 'uvre cette possibilité, par courrier du 19 mars 2018, annonçant une mutation à [Localité 3], à la suite duquel, M. [G] a sollicité et obtenu un entretien, par courrier du 29 mars 2018, par lequel il disait ne pas pouvoir accepter cette mutation. Mme [F], responsable juridique a dû toutefois le relancer pour qu'il donne ses disponibilités (mail du 24 avril 2018).
L'employeur a convoqué M. [G] à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, prévu pour le 17 mai 2018.
Par mail du 18 mai 2018, Mme [D], secrétaire générale de la régie avisait M. [G] de ce qu'elle allait procéder à son licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison du refus de mutation.
Finalement, à la suite de l'entretien préalable au cours duquel ont été évoquées les raisons pour lesquelles le salarié refusait une mutation à [Localité 3], la régie départementale de l'Ain a décidé de maintenir M. [G] dans ses fonctions à Ambérieu en BUGEY et l'en a avisé par courrier du 1er juin 2018.
Egalement, par courrier du 13 juillet 2018, la régie départementale des transports de l'Ain a demandé à M. [G] de reprendre le travail ou de justifier de son absence alors que la demande de congés de ce dernier avait été validée. Elle a toutefois rectifié son erreur dès le 19 juillet 2018 en annulant la mise en demeure du 13 juillet.
Les atermoiements de l'employeur quant au licenciement du salarié et son erreur quant à la justification de son absence ne justifient pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le jugement sera confirmé sur ce chef de demande.
Sur le licenciement :
Le salarié fait valoir qu'il a sombré dans une profonde dépression en raison de l'attitude de son employeur et a finalement été déclaré inapte à son emploi ; il soutient que son inaptitude trouve son origine dans l'attitude de l'employeur.
Il ajoute qu'il a connu une longue période de chômage.
L'employeur réplique que M. [G] ayant été licencié pour inaptitude, il ne lui a pas versé d'indemnité compensatrice de préavis.
Il ajoute que M. [G] ne peut prétendre qu'à une indemnité plafonnée à 3 mois de salaire bruts, s'agissant du licenciement et qu'il ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct au soutien de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
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Si l'inaptitude du salarié a été directement causée par le comportement fautif de l'employeur, le licenciement en résultant est sans cause réelle et sérieuse.
Il ne ressort pas des pièces versées aux débats par le salarié que son inaptitude a été directement causée par l'attitude de l'employeur.
Il y a lieu de confirmer le jugement.
Sur les autres demandes :
M. [G], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer en cause d'appel
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :
CONFIRME le jugement sauf en ce qui concerne les dépens
CONDAMNE M. [G] aux dépens de première instance et d'appel
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE