AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 18/01369 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRPE
[B] [P]
C/
Société SOLS CONFLUENCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 23 Janvier 2018
RG : 17/00145
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
APPELANT :
[Z] [B] [P]
né le 08 Juin 1980 à [Localité 9] (PORTUGAL)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Stéphanie BARADEL de la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société SOLS CONFLUENCE
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Céline VIEU DEL-BOVE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Novembre 2022
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [Z] [B] [P] a été embauché par la société SOLS, le 29 janvier 2001 en contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de maçon qualification OP1 échelon 2 de la convention collective des ouvriers des travaux publics.
A compter du 1er août 2006, son contrat de travail a été transféré à la société SOLS CONFLUENCE.
Au dernier état des relations contractuelles, Monsieur [B] [P] occupait les fonctions de «chef d'équipe », statut ouvrier, coefficient 150, niveau III, position 1, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 2 300 euros.
M. [Z] [B] [P] s'est trouvé en arrêt de travail à compter du 28 juillet 2015, pour un accident du travail (blessure au pied).
L'arrêt de travail s'est prolongé jusqu'au 1er mai 2016.
Par lettre datée du 11 avril 2016, M. [B] [P] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 15 avril.
Par lettre du 21 avril 2016, la SARL SOLS CONFLUENCE a procédé au licenciement de M. [B] [P] pour faute grave.
Le 19 janvier 2017, M. [B] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON de demandes salariales et de contestation du licenciement.
Par jugement du 23 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a débouté M. [B] [P], a rejeté les demandes reconventionnelles de la SARL SOLS CONFLUENCE et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [B] [P] aux dépens.
Le 23 février 2018, M. [B] [P] a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions, notifiés le 26 avril 2019, M. [B] [P] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
Sur les heures supplémentaires
A titre principal :
CONDAMNER la société SOLS CONFLUENCE à lui payer les sommes suivantes :
11 663,73 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies tôt le matin et pendant la pause méridienne, outre 1 166,37 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
21 480,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du travail dissimulé
A titre subsidiaire :
CONDAMNER la société SOLS CONFLUENCE à lui payer les sommes suivantes :
3 229,08 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies tôt le matin, outre 322.91 euros au titre des congés payés afférents ;
21 480,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du travail dissimulé
Sur le licenciement :
DIRE que son licenciement est nul, et subsidiairement qu'il est irrégulier, abusif et sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
CONDAMNER en tout état de cause la société SOLS CONFLUENCE à lui payer les sommes suivantes :
7 160,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
716,00 euros bruts au titre des congés sur préavis ;
12 334,00 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement ;
64 000,00 euros nets (18 mois) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul et à tout le moins irrégulier et infondé ;
A titre infiniment subsidiaire :
DIRE qu'en ne respectant pas le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation à entretien préalable et l'entretien, la société SOLS CONFLUENCE a commis une irrégularité de procédure lui ayant porté préjudice ;
En conséquence,
CONDAMNER la société SOLS CONFLUENCE à lui payer la somme 3 580 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, soit un mois de salaire ;
CONDAMNER, en tout état de cause, la société SOLS CONFLUENCE à lui payer la somme de 3 000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par la société SOLS CONFLUENCE.
Par conclusions notifiées le 23 juillet 2018, la société SOLS CONFLUENCE demande à la cour de confirmer le jugement, de condamner M. [B] [P] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2020.
SUR CE,
Sur les heures supplémentaires :
Le salarié fait valoir :
que l'horaire de travail prévu au contrat de travail était 7 heures 30 à 12 heures, 14 heures à 16 heures 30 ;
que plusieurs salariés de l'entreprise attestent de journées de travail débutant en réalité à 6 heures du matin au siège de l'entreprise et se déroulant sans pause déjeuner, occasionnant 3H30 supplémentaires par jour ;
qu'il a établi des décomptes des heures de travail qu'il a réalisées ;
que les erreurs minimes qu'il a pu commettre sur ce tableau ne remettent pas en cause les heures accomplies
que les seules heures supplémentaires payées sont celles réalisées les samedis, dimanches et en soirée ;
que nonobstant l'horaire figurant au contrat, les salariés devaient se présenter à l'entreprise à 6H30, charger le camion avant de se rendre sur les chantiers ;
que ce temps de trajet est un temps de travail effectif.
L'employeur réplique
que M. [B] [P] n'a jamais formulé de réclamation à ce titre pendant la durée de la relation contractuelle
que les heures supplémentaires ont été régulièrement payées, au vu de bordereaux de demandes d'heures remplis par le salarié et remis à l'employeur pour validation
qu'à compter du mois d'avril 2014, M. [B] [P] s'est vu payer 20 à 25 heures supplémentaires par mois
que les attestations versées aux débats par le salarié ne font pas état de sa situation
qu'il n'y avait pas de nécessité d'arriver au siège de 'l'entreprise une heure avant l'heure prévue au contrat de travail
que, s'agissant de la pause méridienne, c'est le chef d'équipe qui commande le béton et le fait livrer à l'heure qu'il indique
***
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant
En l'espèce, le salarié verse aux débats les feuilles d'heures supplémentaires quotidiennes, remplies à partir d'une trame éditée par l'employeur, sur lesquelles sont mentionnés, son nom, le nom du chantier, son heure de départ et son heure de retour, la date, ainsi que les travaux réalisés sur le chantier. Ces feuilles sont signées du salarié et du conducteur de travaux. Elles ont été rempliées du 16 mars 2015 au 25 juillet 2015. Elles concernent exclusivement des samedis et dimanches.
L'horaire de travail de l'entreprise est de 7h30-12H /14H-16H30
Le salarié a récapitulé, pour chaque semaine, à compter du 3 mars 2014, le nombre d'heures effectuées, distinguant les heures supplémentaires « reconnues et payées » des heures supplémentaires non payées. Il a porté sur ces tableaux un nombre d'heures faites en plus des heures de chantier (avant 7 heures et méridiennes) de 3 heures par jour.
Il verse aux débats des attestations de ses collègues, qui font état :
M. [E] : d'heures supplémentaires non payées, de journées débutant avant 6 heures au dépôt, de travail en continu, sans le temps de manger
M. [F], maçon de mars 2013 à mai 2016 : d'heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 3H30 par jour
M. [H], salarié de juillet 2011 à octobre 2014 : de journées débutant à 6 heures du matin et s'achevant entre 16 heures et 20 heures, d'heures supplémentaires payées uniquement lorsqu'elles étaient effectuées le week-end
M. [D], co-gérant d'octobre 2006 à mars 2013 : tous les compagnons et chefs d'équipe étaient convoqués tous les jours au dépôt à 6H30 (voire plus tôt l'été) afin de partir ensemble dans les camions de l'entreprise : M. [B] [P] a réclamé plusieurs fois le paiement de ses heures supplémentaires mais seules les heures travaillées les samedis ou le dimanche étaient payées.
M. [B] [P] verse aux débats 10 bons de livraison de béton par les sociétés VICAT, PLATTARD BETON, LAFARGE et BML, sur lesquels figurent, l'horaire d'arrivée et de départ du chantier, l'horaire de début de déchargement et de fin de déchargement : sur les 10 bons, un ou plusieurs de ces horaires se situent pendant la pause méridienne ; par exemple le 14 mai 2015, horaire d'arrivée 12H20, début déchargement 12H26, fin 14H00, départ 14H03, le bon a été signé par M. [B] [P].
Au vu de ces éléments, l'employeur est en mesure de répondre utilement.
Il verse aux débats
les attestations de deux chefs d'équipe, qui ne renseignent pas sur le temps de travail : M. [M] [C] qui témoigne, en 2018, n'être pas obligé de venir au dépôt tous les matins et « aller sur le chantier des fois directement 'démarrer plus tôt pour finir plus tôt » ; M. [S] qui indique, en 2018, « si je commence plus tôt, je peux partir plus tôt » ;
les bons de livraison du béton VICAT, qui portent l'horaire de fin de déchargement du béton et de départ du chantier du camion de béton : le plus souvent dans la matinée mais il arrive que l'horaire porté se situe pendant la pause méridienne, par exemple : le 4 septembre 2014, 12H20 pour l'heure de fin du déchargement, 12H25, pour l'heure de départ du chantier, le bon est signé par M. [B] [P].
Les fiches de paie font apparaître le paiement des heures supplémentaires : ces paiements correspondent aux feuilles d'heures supplémentaires, soit le travail des samedis et dimanches.
Au vu de ces éléments, il est établi que M. [B] [P] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées ; il y a lieu de fixer la créance à la somme de 8 000 euros outre 800 euros pour congés payés afférents et d'infirmer le jugement.
Sur le travail dissimulé :
Le salarié fait valoir que les dirigeants de la société SOLS CONFLUENCE étaient informés des heures de travail effectuées.
L'employeur réplique qu'il n'est pas justifié du caractère intentionnel de l'infraction.
***
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2° du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [B] [P] de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.
Sur le licenciement :
Le salarié soutient :
qu'il a toujours exercé son travail en toute loyauté
que le 31 mars 2016, il se trouvait au domicile de M. [U], un ami, lorsque celui-ci s'est fait livrer du béton pour réaliser sa terrasse ;
qu'il n'a pas pris part aux travaux mais était présent pour dispenser des conseils gracieusement ;
qu'il était dans l'incapacité de fournir un travail physique ;
qu'il a seulement orienté ses amis vers la société BETON VICAT, fournisseur habituel de SOLS CONFLUENCES
que les bidons évoqués dans la lettre de licenciement étaient en réalité des fonds de bidon, mis au rebut, d'un produit destiné à traiter le béton ;
que s'agissant de sa mise à pied disciplinaire du 10 avril 2014, il avait seulement, alors qu'il exécutait un chantier dans un lotissement pour un client de la société SOLS CONFLUENCE, accepté de couler un fond de cuve de béton pour un voisin, à titre gratuit ;
que l'inobservation des horaires de sortie autorisées par l'arrêt de travail ne peut pas justifier un licenciement
qu'il n'a pas retrouvé d'emploi depuis son licenciement ;
que le non-respect du délai devant s'écouler entre la convocation et l'entretien préalable lui a causé un préjudice puisqu'il n'a pas pu se faire assister.
La société SOLS CONFLUENCE réplique :
qu'elle a déjà sanctionné, en 2014, M. [B] [P] pour avoir travaillé chez un particulier et réalisé des travaux qui n'avaient pas été commandés à l'entreprise
qu'alors que le salarié était en arrêt de travail , elle a été informée du fait qu'il travaillait sur d'autres chantiers ;
qu'elle a fait constater par huissier la présence du salarié sur un chantier, à [Localité 7] ;
que c'est M. [B] [P] qui a commandé auprès du fournisseur habituel de l'entreprise, le béton livré sur le chantier ;
que des produits qu'elle fabrique et commercialise et lui appartenant ont été retrouvés sur le chantier, M. [B] [P] ayant reconnu les avoir pris ;
qu'une quantité de 25 litres est nécessaire pour une terrasse de 70 m² et que des fonds de bidon ne peuvent être suffisants sauf à en utiliser un très grand nombre, ce qui revient à détourner un bidon entier
qu'ainsi, il a exercé une activité concurrente pour son propre compte en utilisant le matériel de la société
que les demandes sont exorbitantes et qu'il appartient à M. [B] [P] de justifier de son préjudice.
***
Il résulte des dispositions combinées des articles L1226-7 et L1226-9 du code du travail, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, pendant la durée du préavis. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La lettre est ainsi motivée :
« Vous avez été embauché en qualité de chef d'équipe par notre société par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er août 2006 avec une reprise d'ancienneté au sein du groupe à compter du 29 janvier 2001.
Depuis le 28 juillet 2015, vous êtes en arrêt de travail suite à un accident de travail.
Un certificat de prolongation d'arrêt de travail daté du 29 février 2016 mentionne un arrêt de travail jusqu'au 1er mai 2016 inclus avec des sorties autorisées vous obligeant à être présent à votre domicile entre 9h00 et 11h00 et entre 14h00 et 16h00.
Or, en date du 31 mars 2016, nous nous sommes rendus au [Adresse 2] à [Localité 7] accompagnés de Maître [R] [V], huissier de justice associé de la SELARL DAVID DI FAZIO ' LIONEL DECOTTE ' ALEXIS DEROO située [Adresse 3] à [Localité 8].
Aux alentours de 9h00, depuis la voie publique, nous constatons trois personnes en train de travailler chez un particulier.
Au même moment, vous venez saluer le chauffeur d'un camion toupie (bétonnier VICAT) qui arrive sur le chantier, bétonnier que vous avez-vous-même démarché.
C'est alors que nous décidons de vous appeler et vous invitons à sortir de la propriété afin de s'entretenir avec vous.
Vous acceptez et reconnaissez « donner un coup de main » sur ce chantier (coulage de 70 m² environ).
De plus, suite à l'autorisation donnée par la propriétaire, nous accédons au chantier et constatons également que le produit utilisé pour ce chantier est celui de la société.
Vous reconnaissez également les avoir pris à la société sans autorisation de notre part.
Compte tenu des fonctions que vous exercez, votre comportement revêt une particulière gravité, d'autant plus qu'en date du 10 avril 2014, une mise à pied vous avez été notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception pour des faits similaires.
Vous avez manqué à vos obligations de loyauté, manquements constitués par :
- le fait d'exercer, pendant votre arrêt de travail, une activité concurrente à notre société nous portant préjudice,
- le fait de détourner à votre profit de la marchandise appartenant à la société.
Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture, votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible».
L'employeur verse aux débats :
le constat d'huissier du 31 mars 2016 : Maître [V], huissier de justice, en présence de M. [L], se trouvant au devant du 12 B cité [G] [A] à [Localité 7], a constaté :
à 8H50, trois personnes sont en train de travailler sur un terrain, notamment une avec un blouson
vers 8H59, cette personne salue le chauffeur d'un camion toupie
M. [L] reconnaît M. [B] [P]
vers 9H37, Me [V] se rend en compagnie de M. [L], président de la société SOLS, devant le 12B cité [G] [A] et M. [L] appelle M. [B] [P], par son prénom ;
un échange verbal a lieu entre M. [L] et M. [B] [P], ce dernier déclarant qu'il « donne un coup de main » puis sur interrogation de M. [L] « pourquoi tu utilises le matériel de la société », il répond « Je les paie » ; M. [L] « Tu les utilises et tu ne les a pas payés. C'est toi qui les as pris ' » réponse : « C'est moi qui les as pris » puis M. [L] « ce n'est pas normal. Et combien de m² au total ' » réponse : « 70 »
puis, M. [L] demande à la propriétaire des lieux s'il peut rentrer dans la propriété afin qu'il vérifie le matériel utilisé pour le chantier ; suite à l'autorisation, il rentre dans la propriété puis ressort peu après.
un mail de la société VICAT à la société SOLS, en date du 7 avril 2016 : « Votre salarié [K] nous a commandé 7,5 m3 de béton désactivé sans désactivant. Il nous a demandé de mettre la facture au nom de M. [U]'Nous l'avons bien livré le 31 mars »
une attestation de M. [O], ingénieur chez SOLS : le désactivant VIASTONE est vendu aux agences SOLS et dans les centrales de béton Prêt à l'emploi (BPE), la quantité de désactivant nécessaire pour 70 m² ne saurait être inférieure à 25 litres, le produit est vendu par bidons de 25 litres pour les agences SOLS et en bidon de 10 litres pour les centrales de BPE ; un bidon entamé reste utilisable pour compléter la réalisation d'un autre chantier, sans perte de performance, pendant 18 mois ;
Le salarié verse aux débats
l'attestation de M. [J] [U], chez qui les travaux ont été réalisés le 31 mars 2016 : il déclare avoir sollicité gracieusement durant quelques heures les conseils de M. [B] [P] ;
l'attestation de M. [X] [I], ami de M. [U] et de M. [B] [P] : il déclare que la réalisation de la terrasse a été décidée par M. [U], qu'il a apporté son concours gracieusement, «à la vue de ses finances » et qu'ils ont bénéficié des conseils de M. [B] [P] ; que les bidons mis à disposition étaient des déchets pour l'entreprise qui l'employait et que M. [B] [P] leur avait dit de les couper avec de l'essence ;
des photos de benne de déchets dans laquelle sont jetés notamment des bidons de VIASTONE qui ne sont pas entièrement vides.
L'huissier n'a pas constaté l'emploi par le salarié de bidon de désactivant appartenant à l'entreprise : ce grief repose sur les affirmations de M. [L], qui est rentré seul dans la propriété et sur les déclarations de M. [B] [P], qui admet avoir récupéré des bidons abandonnés dans les bennes de déchets de l'entreprise. Cette récupération, y compris dans l'enceinte de l'entreprise, ne constitue pas une faute grave.
L'activité concurrente n'est pas établie puisque M. [B] [P] est intervenu à titre amical. L'employeur ne démontre pas que le salarié aurait perçu une rémunération.
Le détournement de marchandise appartenant à la société n'est pas établi : le béton a été facturé à M. [U], M. [B] [P] ayant seulement passé commande ; les développements sur la quantité de produit VIASTONE à utiliser pour une surface de 70 m² ne permettent pas d'établir le détournement de bidons qui n'auraient pas été abandonnés.
Enfin, l'absence de M. [B] [P] de son domicile, entre 9 heures et 11 heures, ne constitue pas une faute et ne cause pas de préjudice à l'employeur.
La faute grave n'est pas établie et le licenciement est nul.
Sur le préjudice de M. [B] [P] :
L'employeur ne conteste pas que le salaire brut moyen de M. [B] [P] s'établit à 3 580 euros.
Le licenciement étant nul, il est dû au salarié l'indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 7 160 euros bruts outre 716 euros pour congés payés afférents et l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 12 334 euros.
En cas de licenciement nul, le salarié peut prétendre à une indemnité au moins égale aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (36 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi, il y a lieu de condamner la société SOLS CONFLUENCE à verser à M. [B] [P] la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'illicéité du licenciement.
Sur les autres demandes :
La société SOLS CONFLUENCE, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, est mis à la charge du créancier un droit proportionnel dégressif. Cet article a été abrogé. Au demeurant, les frais mis à la charge du créancier à ce titre ne font pas partie des dépens.
Il est équitable de condamner la société SOLS CONFLUENCE à payer à M. [B] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de la demande en dommages-intérêts pour travail dissimulé
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau
CONDAMNE la société SOLS CONFLUENCE à payer à M. [B] [P] :
la somme de 8 000 euros au titre des heures supplémentaires outre 800 euros pour congés payés afférents
la somme de 7 160 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 716 euros pour congés payés afférents ;
la somme 12 334 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
la somme de 35 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul
Y ajoutant
CONDAMNE la société SOLS CONFLUENCE aux dépens de première instance et d'appel
CONDAMNE la société SOLS CONFLUENCE à payer à M. [B] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE