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02/02/2023 | FRANCE | N°22/00161

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 février 2023, 22/00161


N° RG 22/00161 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OBK4









Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 13 décembre 2021



RG : 2021jc3598





S.A.S. URBASOLAR



C/



[X]

SELARL MJ SYNERGIE

S.A. HSBC FACTORING (FRANCE)





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 02 Février 2023







APPELANTE :



S.A.S. URBAS

OLAR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant e...

N° RG 22/00161 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OBK4

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 13 décembre 2021

RG : 2021jc3598

S.A.S. URBASOLAR

C/

[X]

SELARL MJ SYNERGIE

S.A. HSBC FACTORING (FRANCE)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 02 Février 2023

APPELANTE :

S.A.S. URBASOLAR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant par Me TRONEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

M. [C] [U][J]h [X] dirigeant de la société SILLIA VL

[Adresse 1]

[Localité 4]

non représentée

SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [O] [L] ou Maître [C] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SILLIA V.L.

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Nicolas BES de la SCP BES SAUVAIGO & Associés, avocat au barreau de LYON, toque : 623, plaidant par Me KUMANI, avocat au barreau de LYON

S.A. HSBC FACTORING (FRANCE) prise en la personne de son Président domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Charles CROZE de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 757, postulant et par Me Catherine CHATEL de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Me WAMBERGUE, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Décembre 2022

Date de mise à disposition : 02 Février 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Urbasolar est une société spécialisée dans le développement, la construction, le financement et l'exploitation de centrales photovoltaïques.

Depuis 2012, la société Urbasolar s'approvisionnait auprès de la société Sillia VL, fournisseur habituel de panneaux photovoltaïques. Plusieurs contrats ont été conclus entre ces deux sociétés les 1er septembre 2016, 27 octobre 2016 et 23 décembre 2016.

Par actes des 20 et 27 février 2017, la société Sillia VL a cédé à la SA HSBC Factoring France la propriété de factures d'un montant total de 833.863,80 euros dont la société Urbasolar était débitrice.

Par jugement du 1er mars 2017, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Sillia VL et a désigné la Selarl MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

La société Urbasolar estimant que certaines des prestations effectuées comportaient des défauts, a suspendu ses paiements. Par courrier avec accusé de réception en date du 4 avril 2017, la société HSBC Factoring France l'a mise en demeure de lui payer la somme 731.945,09 euros.

Par courrier du 10 avril 2017, la société Urbasolar a estimé que ces factures étaient indues car les produits livrés étaient non conformes. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 avril 2017, la société HSBC Factoring France a mis en demeure la société Urbasolar de lui payer la somme de 833.863,90 euros.

Par courrier du 28 avril 2017, la société Urbasolar a déclaré une créance de 3.961.975,64 euros TTC au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Sillia VL.

Par jugement du 15 juin 2017, le tribunal de commerce de Lyon a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Sillia VL en liquidation judiciaire et a désigné la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Sillia VL, en l'absence de règlement, a assigné en référé la société Urbasolar devant le tribunal de commerce de Montpellier afin d'obtenir le paiement des sommes dues. Par ordonnance du 10 août 2017, le juge des référés a constaté l'existence de contestations sérieuses et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond.

Par ordonnance du 23 novembre 2017, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Sillia VL du tribunal de commerce de Lyon a autorisé la cession de gré à gré de 2.707 modules au profit de la société Urbasolar pour un montant de 216.986,70 euros HT.

Par acte du 27 février 2018, la société HSBC Factoring France a assigné au fond la société Urbasolar devant le tribunal de commerce de Montpellier afin d'obtenir le paiement de sa créance d'un montant total de 833.863,90 euros. Par jugement du 10 avril 2019, le tribunal de commerce de Montpellier a ordonné un sursis à statuer et a demandé à la société Urbasolar de saisir le juge-commissaire en charge de la procédure collective de la société Sillia afin qu'il soit statué sur sa créance.

La société MJ Synergie a interjeté appel de ce jugement. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 3 juillet 2019 du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

Par requête du 18 juin 2021, la société Urbasolar a saisi le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon .

Par ordonnance du 13 décembre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon :

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'admission au passif de la procédure collective de la créance déclarée par la société Urbasolar et l'a renvoyé à mieux se pourvoir et à saisir la juridiction compétente, à peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce,

- a dit que l'ordonnance sera notifiée aux parties dans les huit jours et qu'avis sera adressé aux mandataires de justice, conformément à l'article R.624-4 du code de commerce,

- a dit que cette décision sera mentionnée sur la liste des créances,

- a dit que les dépens de la présente ordonnance seront tirés en frais de procédure.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties.

La société Urbasolar a interjeté appel par acte du 4 janvier 2022.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 avril 2022 et signifiées à M. [X] le 22 février 2022, fondées sur les articles 114, 680, 693 et 694 du code de procédure civile et les articles L.624-2, R. 624-5, R. 641-27 et R.661-3 du code de commerce, la société Urbasolar demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement, de :

- réformer intégralement l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

In limine litis,

- juger que l'acte de notification de l'ordonnance déférée en date du 17 décembre 2021 ne fait mention ni de la voie de recours ouverte, ni de son délai ou de ses modalités,

- juger que l'acte de notification est affecté d'un vice,

- juger qu'elle justifie d'un grief en ce qu'elle n'a pas pu interjeter appel dans le délai de dix jours qui lui était imparti,

En conséquence,

- prononcer la nullité de l'acte de notification en date du 17 décembre 2021,

- juger recevable son appel à l'encontre de l'ordonnance déférée,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les intimés,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre principal :

- 1. juger que l'acte de notification de l'ordonnance de M. le juge-commissaire en date du 17 décembre 2021 ne fait mention ni de la voie de recours ouverte ni de son délai ou de ses modalités,

- juger que l'acte de notification en date du 17 décembre 2021 est irrégulier,

En conséquence,

- juger que le délai d'appel à l'encontre de l'ordonnance déférée n'a jamais commencé à courir,

- juger recevable son appel à l'encontre de l'ordonnance déférée,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les intimés,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- 2. juger que, tenant l'absence de contestation de créance, sa créance doit être admise à concurrence du montant déclaré,

- prononcer l'admission au passif chirographaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sillia VL de sa créance à concurrence de la somme de 3.961.975,64 euros,

A titre subsidiaire :

- juger qu'elle rapporte la preuve de la non-conformité du matériel cédé et livré par la société Sillia VL,

- juger qu'elle justifie de l'existence et du quantum de sa créance,

- prononcer l'admission au passif chirographaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sillia VL de sa créance à concurrence de la somme de 3.961.975,64 euros,

A titre infiniment subsidiaire :

- juger que le litige dépasse l'office juridictionnel du juge-commissaire,

- inviter la partie la plus diligente à saisir les juges du fond dans le délai d'un mois courant à compter de la notification de la décision à intervenir et renvoyer la cause et les parties devant la juridiction compétente,

En tout état de cause,

- débouter la société MJ Synergie ès-qualités et la société HSBC Factoring France de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement la société MJ Synergie ès-qualités et la société HSBC Factoring France au paiement de la somme de 8.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que les dépens passeront en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sillia VL.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 mars 2022 et signifiées à M. [X] le 18 mars 2022, fondées sur les articles R.661-3, L.624-2, L.641-4 et R.624-5 du code de commerce et les articles 122 et 125 du code de procédure civile, la société MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sillia VL, demande à la cour de :

A titre liminaire,

- juger que l'appel interjeté par la société Urbasolar se heurte à une fin de non-recevoir résultant de l'inobservation du délai dans lequel cette voie de recours devrait être exercée,

- juger irrecevable l'appel interjeté par la société Urbasolar à l'encontre de l'ordonnance déférée

- constater l'extinction de la procédure,

Subsidiairement et au fond,

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et particulièrement en ce que le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'admission au passif de la procédure collective de la créance déclarée par la société Urbasolar et l'a renvoyé à mieux se pourvoir et à saisir la juridiction compétente, sous peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R.624-5 du code de commerce,

En tout état de cause,

- débouter la société Urbasolar de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Urbasolar à lui régler la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Urbasolar aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 mars 2022 et signifiées à M. [X] le 8 avril 2022, fondées sur les articles 328 et 330 du code de procédure civile et les articles L. et R. 624-5 du code de commerce, la société HSBC Factoring France demande à la cour de :

In limine litis,

- déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par la société Urbasolar le 4 janvier 2022 à l'encontre de l'ordonnance déférée,

Subsidiairement,

- déclarer la société Urbasolar mal fondée en son appel et l'en débouter,

- juger des plus sérieuses les contestations opposées à la créance déclarée par la société Urbasolar au passif de la liquidation judiciaire de la société Sillia VL,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

A titre infiniment subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la cour se déclarait compétente pour statuer sur la déclaration de créance de la société Urbasolar,

- ordonner le rejet de la créance déclarée au passif de la société Sillia VL par la société Urbasolar

En tout état de cause,

- condamner la société Urbasolar à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Urbasolar aux entiers dépens.

M. [X], à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 24 janvier 2022, n'a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel de la société Urbasolar

La société MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sillia VL, la société Sillia VL et la société HSBC Factoring soutiennent que la société Urbasolar a interjeté appel de l'ordonnance du juge commissaire le 4 janvier 2022, soit plus de 10 jours après la notification de cette ordonnance le 21 décembre 2021, de sorte que cet appel est irrecevable.

La société Urbasolar réplique que la notification de l'ordonnance du juge commissaire vise une voie de recours et un délai erroné, alors qu'elle mentionne à tort que la décision est susceptible d'un contredit dans un délai de 14 jours, de sorte que l'acte de notification est nul puisque cette nullité est prévue par l'article 693 et que l'irrégularité entachant la notification lui cause grief puisqu'elle l'a privé de la possibilité de faire appel dans le délai de 10 jours qui lui est imparti.

Conformément à l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie.

Ce qui est prescrit par ce texte est observé à peine de nullité en application de l'article 693 du même code.

En outre, conformément à l'article 114 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public

Enfin, conformément à l''article 694 du code de procédure civile, la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

En l'espèce, l'acte de notification de l'ordonnance du juge commissaire en date du 21 décembre qui mentionne la possibilité de former contredit dans un délai de 15 jours méconnaît l'article 694 du code de procédure civile alors que la voie de recours ouverte contre l'ordonnance du juge commissaire est l'appel qui doit être formé dans un délai de 10 jours, est ainsi entaché de nullité, la voie de recours et le délai de recours mentionnés étant erronés.

Par ailleurs, cette nullité cause grief à la société Urbasolar qui a ainsi été privée de la possibilité de former son recours devant la juridiction compétente dans les délais légaux. Il s'en suit que le délai de recours de 10 jours contre l'ordonnance du juge commissaire du 13 décembre 2021 n'a pas couru et que l'appel interjeté par la société Urbasolar le 4 janvier 2022 est recevable. La fin de non recevoir soulevée par les intimés ne peut ainsi prospérer et l'appel interjeté par la société Urbasolar est parfaitement recevable.

Sur l'admission au passif de la créance de la société Urbasolar

Elle précise que sa créance de 3.961.975,64 euros se décompose ainsi :

- la somme de 72.850,80 euros TTC correspond à une refacturation de palettes consignées, dont elle produit les pièces justificatives,

-la somme de 64.571,20 euros TTC correspond à du matériel non livré,

-la somme de 3.591.401 euros TTC correspond à des non conformités du matériel livré en exécution des contrats ( 414.637 euros TTC correspond au coût qu'elle a évalué du contrôle de l'intégralité des modules photovoltaïques livrés par la société Sillia VL, 3.176.764 euros TTC au titre des remplacements de modules non conformes et 227.726 euros au titre du sinistre affectant les boîtes de jonction durant l'été 2014)

La société Urbasolar soutient à titre principal que la créance qu'elle a déclaré à hauteur de 3.961.975,64 euros n'a fait l'objet d'aucune contestation par la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire, de sorte que le juge commissaire est compétent pour admettre la créance puisqu'une créance non contestée doit être admise à concurrence du montant déclaré. Elle ajoute que l'ordonnance portant dispense de vérification du passif chirographaire n'a jamais été versée aux débats.

A titre subsidiaire, elle soutient que la preuve affectant les modules vendus par la société Sillia VL est rapportée par le rapport du CEA qui est contradictoire et sur lequel le juge peut se fonder dès lors qu'il est discuté contradictoirement. Elle soutient que les désordres affectant les modules sont confirmés par le rapport établit par la société Certisolis à sa demande. Elle affirme que les intimés ne peuvent en critiquer les conclusions alors que la société Sillia VL n'a pas permis à l'organisme mandaté par elle d'inspecter la ligne de production dans les conditions prévues au contrat.

Elle ajoute que le contrat stipule que la réception sans réserve n'exonère pas le fournisseur de l'application des garanties et responsabilités légales et contractuelles. Elle soutient également que ce rapporte est probant car il a porté sur 364 modules et que l'audit de contrôle réalisé par la société Certisolis a conclu que sur 48 modules présentant des défauts visuels 23 ont été déclarés non conformes.

La société MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sillia VL et la société Sillia VL font valoir que :

-le fait que la déclaration de créance n'a pas été contestée ne vaut pas admission de celle-ci puisque dans la mesure où le liquidateur judiciaire ne dispose pas des fonds suffisants, il est dispensé d'engager la vérification du passif chirographaire, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que la société Urbasolar n'a pas reçu d'avis de contestation de sa créance puisqu'elle n'a même pas été vérifiée,

-il existe une contestation sérieuse qui conduit le juge commissaire à renvoyer le créancier à saisir la juridiction compétente dès lors que :

-la société Urbasolar ne peut se prévaloir du rapport de la société CEA non contradictoire pour soutenir que sa créance est parfaite et échapper au paiement des sommes dont elle est elle-même redevable,

-le pourcentage du module avec défaut majeur tel qu'allégué est erroné,

-la société Urbasolar a acheté les modules restant en stock donc elle a explicitement reconnu leur conformité puisqu'ils sont issus de la même chaîne de fabrication que les modules qui sont argués de défauts.

La société HSBC soutient qu'il existe des contestations sérieuses s'agissant de la créance déclarée par la société Urbasolar au titre de non conformité affectant les modules cédés et de défaut par rapport au plan qualité puisque :

-il existe une forclusion des réclamations après un délai de 30 jours à compter des livraisons et il n'existe aucune réclamation dans le délai contractuel permettant à l'appelante d'invoquer une non conformité des livraisons qu'elle a acceptés et réceptionnés sans réserve, laquelle n'a émis aucune réserve ni réclamation dans les 30 jours,

-elle a acheté le stock de modules donc elle a reconnu leur conformité et ces 270.000 modules acquis sont ceux jugés non conformes par la société CEA et isolés dans un premier temps comme méritant une attention particulière,

-le rapport de contrôle CEA démontre qu'elle a reconnu la conformité des modules avant leur expédition et s'ils avaient été défectueux elle ne les aurait pas achetés,

-ce rapport est dépourvu de caractère probant dès lors qu'il est privé et non contradictoire, que seuls les modules conformes ont été livrés et les modules non conformes isolés, que la preuve d'un taux de non conformité supérieur au taux contractuel n'est pas rapporté dès lors qu'aucune mesure en laboratoire n'a été effectué par la société CEA, que la communication par la société Urbasolar des documents techniques est parcellaire, le rapport de l'institut Fraunhofer n'ayant jamais été communiqué et le rapport du laboratoire Certisolis, organisme véritablement indépendant qui après des essais en laboratoire a conclu à des défauts mineurs a été occulté par l'appelante,

-il n'est pas démontré un taux de non conformité excédant le taux contractuel alors que la société Certisolis a délivré des attestations de conformité à la suite de tests réalisés en laboratoire et que la société CEA n'a réalisé aucune mesure en laboratoire mais seulement des inspections visuelles sur le seul site de fabrication de [Localité 10] alors que les fabrications litigieuses sont issues du site de [Localité 9] sur lequel aucune défectuosité n'a été suspectée.

-dans son rapport la société CEA a retenu un taux de non conformité de 0,23 % qui est dérisoire et elle a donc, à la demande de la société Urbasolar crée sa propre classification des défauts selon ses propres critères et non selon les spécifications contractuelles, pour augmenter le taux de non conformité à 1% tel que prévu au contrat,

Elle estime en outre que l'appelante ne démontre pas la réalité des créances déclarées dès lors que :

-s'agissant de la refacturation des palettes consignées, il n'est pas démontré qu'elle a payé les factures correspondantes et restitué les palettes par la production de bons de livraisons,

-s'agissant de la créance au titre du sinistre « boîte de jonction », elle a fait l'objet d'un paiement par les assurances,

-s'agissant de l'acompte payé sur matériel non livré, l'appelante en a obtenu le remboursement par réduction du prix de cession du stock consenti par le juge commissaire de la procédure collective de la société Sillia VL,

-s'agissant de la créance de non conformité des produits livrés, la société Urbasolar ne justifie d'aucun tri destiné à des contrôles visuels sur des modules délivrés dans le cadre de précédents contrats alors que de tels tris sont exclus, le stockage de ces matériels de haute technicité étant limité dans le temps comme le prévoit le contrat MOS 201612009 et ne justifie pas du remplacement des modules en l'absence de toute preuve de non conformité des modules livrés lors des précédents contrats, et alors que le contrat imposait une procédure de remplacement qu'elle n'a pas respectée.

En application de l'article R.624-3 alinéa 1er du code de commerce, les décisions d'admission sans contestation sont matérialisées par l'apposition de la signature du juge commissaire sur la liste des créances établies par le mandataire judiciaire.

Par ailleurs, selon l'article L.641-4 alinéa 2 du même code, il n'est pas procédé à la vérification des créances chirographaires s'il apparaît que le produit de la réalisation de l'actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, à moins, qu'il n'y ait lieu de mettre à la charge des dirigeants sociaux de droit ou de fait ou de cet entrepreneur, tout ou partie du passif conformément à l'article L.651-2.

En application de l'article R.641-27 alinéa 2 du même code, la décision de ne pas procéder à la vérification des créances chirographaires appartient au juge-commissaire. Ce dernier décide s'il y a lieu ou non d'engager ou de poursuivre la vérification des créances chirographaires au vu de l'état remis par le liquidateur dans les deux mois de l'entrée en fonction de ce dernier, mentionnant l'évaluation des actifs et du passif privilégié et chirographaire. La décision du juge-commissaire doit intervenir après qu'il aura recueilli les observations du liquidateur. Cette décision est toutefois sans incidence sur l'obligation pour le créancier de déclarer sa créance, ni sur la possibilité d'admettre la créance.

Conformément à l'article L.624-2 du même code, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Ainsi, le juge de la vérification des créances qui est saisi d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel et susceptible d'avoir une incidence sur l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée est tenu de surseoir à statuer sur l'admission de celle-ci après avoir invité les parties à saisir le juge compétent.

Enfin, en application de l'article R.624-5 du même code, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

En l'espèce, s'il est constant que la créance déclarée de 3.961.975,64 euros n'a pas été contestée, il est tout aussi constant que cette créance chirographaire n'a pas été vérifiée. L'appelante ne peut en conséquence utilement soutenir que cette absence de contestation de sa créance conduit à son admission, alors d'une part que faute pour cette dernière de justifier d'une ordonnance d'admission de la créance contestée ou d'une liste des créances signée par le juge-commissaire valant admission d'une créance non contestée, de tels motifs ne permettent pas de caractériser l'admission d'une quelconque créance au passif de la société Sillia VL et alors d'autre part, que la créance régulièrement déclarée et non vérifiée n'est pas admise, étant au demeurant rappelé que le juge-commissaire n'a pas à autoriser la dispense de vérification des créances chirographaires laquelle est légale. Le moyen tiré de l'admission de la créance du fait de l'absence de contestation de celle-ci et de justification de la dispense de vérification, ne saurait ainsi prospérer.

S'agissant du moyen tenant à l'existence d'une contestation sérieuse, il ressort des éléments du dossier que pour fonder sa créance s'agissant des non conformités des modules livrés par la société Sillia VL, l'appelante se prévaut d'un rapport établit à sa demande par la société CEA, rédigé en langue anglaise non traduit en langue française, dont les conclusions sont contestées par les intimées, qui arguent de son caractère unilatéral et non contradictoire et de ce qu'il ne démontre pas que le taux de non conformité des modules livrés serait supérieur au taux contractuellement fixé entre les parties, ces dernières s'opposant au demeurant sur les modalités de calcul et la classification des défauts affectant les modules.

Par ailleurs, si la banque HSBC se prévaut de la forclusion de la société Urbasolar qui a accepté sans réserve les livraisons alors que les clauses du contrat de fourniture numéro MOD2016612-009 régularisé entre les parties relatives au contrôle sur le site de livraison, prévoient que l'acheteur porte ses réserves sur le bon de livraison et dispose d'un délai maximal de 30 jours après la livraison pour pour faire d'éventuelles autres réserves sur l'intégrité de la fourniture dans la mesure de ce qui sera vérifiable avec les moyens disponibles sur le chantier, la société Urbasolar se prévaut quant à elle de ce que selon les dispositions du contrat, la réception sans réserve n'exonère pas le fournisseur de l'application des garanties et responsabilités légales et contractuelles, de sorte qu'il convient de procéder à l'interprétation des clauses contractuelles.

Enfin, il n'est pas contesté que le 23 novembre 2017, soit postérieurement à l'établissement du rapport de la société CEA du 17 mars 2017 dont se prévaut l'appelante au titres des malfaçons alléguées affectant des modules, l'appelante s'est portée acquéreuse de gré à gré de 2.707 modules correspondant au stock restant de la société Sillia VL.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que l'existence et le montant de la créance déclarée de la société Urbasolar, qui impliquent une interprétation des clauses du contrat et une appréciation de la recevabilité et, le cas échéant, de la portée du rapport d'expertise fondant son existence, se heurtent à une contestation sérieuse, laquelle implique, non pas une incompétence du juge commissaire comme l'a retenue à tort l'ordonnance déférée, mais un dépassement de son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il doit surseoir à statuer sur l'admission après avoir invité les parties à saisir le juge compétent dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion.

En conséquence l'ordonnance déférée doit être confirmée sauf en ce qu'elle a déclaré le juge commissaire incompétent pour statuer sur l'admission au passif de la procédure collective de la créance déclarée par la société Urbasolar.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, l'appelante doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme les frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser aux intimées des indemnités de procédure à hauteur d'appel. Il convient donc d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que les dépens seront tirés en frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel interjeté par la société Urbasolar,

Confirme l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle a déclaré le juge commissaire incompétent pour statuer sur l'admission au passif de la procédure collective de la créance déclarée par la société Urbasolar et en ce qu'elle a dit que les dépens seront tirés en frais de procédure,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que la créance se heurte à une contestation sérieuse qui dépasse les pouvoirs juridictionnels du juge commissaire,

Condamne la société Urbasolar aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Urbasolar à verser à la société HSBC Factoring France et à la société MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sillia VL chacune la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 à hauteur d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/00161
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;22.00161 ?
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