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02/02/2023 | FRANCE | N°21/08170

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre b, 02 février 2023, 21/08170


N° RG 21/08170 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N56A









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

ch 1 cab 01 B

du 13 janvier 2021



RG : 18/06532







[U]



C/



LA PROCUREURE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



2ème Chambre B



ARRET DU 02 Février 2023







APPELANTE :



Mme [B] [U]

née le

28 Août 1956 à [Localité 6] (MAROC)

Chez Mme [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représentée par Me Jean-Baudoin Kakela SHIBABA, avocat au barreau de LYON, toque : 1145



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/030499 du 18/11/2021 accordée par l...

N° RG 21/08170 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N56A

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

ch 1 cab 01 B

du 13 janvier 2021

RG : 18/06532

[U]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème Chambre B

ARRET DU 02 Février 2023

APPELANTE :

Mme [B] [U]

née le 28 Août 1956 à [Localité 6] (MAROC)

Chez Mme [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Baudoin Kakela SHIBABA, avocat au barreau de LYON, toque : 1145

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/030499 du 18/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par M. Jean-Daniel REGNAULD, avocat général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 22 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Décembre 2022

Date de mise à disposition : 02 Février 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne-Claire ALMUNEAU, président

- Carole BATAILLARD, conseiller

- Françoise BARRIER, conseiller

assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Claire ALMUNEAU, président, et par Sophie PENEAUD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par décision du 12 avril 2017, le directeur des services de greffe du tribunal d'instance de Poissy a opposé à Mme [B] [U], née le 28 août 1956 à [Localité 6] (Maroc), un refus de délivrance d'un certificat de nationalité française au motif que ' l'intéressée n'apporte pas les éléments permettant d'établir qu'elle est française au moment de sa naissance car elle est née le 28 août 1956 à [Localité 6] (Maroc) d'un père né en Algérie le 12 octobre 1918 ou qu'elle a acquis la nationalité française'

Par requête du 31 octobre 2017, Mme [B] [U] a sollicité la délivrance d'un certificat de nationalité française auprès du directeur des services de greffe du tribunal d'instance de Villeurbanne.

Par courrier du 6 novembre 2017, le directeur des services du greffe du tribunal d'instance de Villeurbanne a rejeté la demande de Mme [U] en l'invitant à s'adresser au tribunal d'instance de Poissy qui lui avait déjà refusé un certificat de nationalité française le 12 avril 2017.

Par acte du 7 juin 2018, Mme [B] [U] a assigné le procureur de la République près le tribunal de Lyon devant le tribunal de Lyon afin qu'il soit jugé qu'elle est de nationalité française.

Par jugement contradictoire du 13 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Lyon :

- a déclaré recevable l'action de Mme [U],

- a dit que Mme [U] n'est pas de nationalité française,

- a ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- a condamné Mme [U] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Par déclaration reçue au greffe le 15 novembre 2021, Mme [U] a interjeté appel de cette décision. Cet appel a pour objet le rejet de sa demande de nationalité française.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juin 2022, Mme [B] [U] demande à la cour, au visa des articles 18, 18-1, 31, 31-1 du code civil, et de l'article R221-52 du code d'organisation judiciaire :

- de dire et juger qu'elle est fondée et recevable en sa demande,

- d'infirmer le jugement,

- d'annuler la décision du directeur de greffe du tribunal d'instance de Villeurbanne,

- d'ordonner la délivrance du certificat de nationalité française à Mme [U], sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,

- de condamner le procureur de la République à la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le procureur de la République aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Shibaba.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2022, Mme la procureure générale demande à la cour :

- de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- de confirmer le jugement déféré,

- de dire et juger que Mme [U], née le 28 août 1956 à [Localité 6] (Maroc), n'est pas française.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture de la procédure a été prononcée le 22 novembre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été effectuées.

Au soutien de son appel, Mme [B] [U] fait valoir :

- qu'il est constant qu'elle est née en 1956 à [Localité 6] (Maroc) d'un père né à Oran le 12 octobre 1918 et d'une mère née le 7 septembre 1932 à Oran en Algérie, que ses parents étaient Français pour être nés sur le territoire de la France qui s'étendait notamment à l'Algérie, en application de l'article 6 de l'ordonnance n°45-2441 du 19 octobre 1945,

- que ses parents qui relevaient du statut civil de droit commun, ont de ce fait conservé la nationalité française au moment de l'accession de l'Algérie à l'indépendance,

- qu'elle bénéficie d'une double nationalité par le sol et par filiation puisque ses parents étaient nés sur le territoire français, qu'ils ont conservé la nationalité française après l'indépendance de l'Algérie, pour avoir accédé au statut civil de droit commun par décret ou par jugement avant l'indépendance,

- qu'il ne peut être considéré qu'elle ait perdu la nationalité française à la suite de l'accession à l'indépendance de l'Algérie car en application de l'article 87 de l'ordonnance n°45- 2441 du 19 octobre 1945 (portant code de la nationalité française), pour perdre la nationalité française, il fallait la réunion de trois conditions : être majeur, avoir volontairement acquis une nationalité étrangère et obtenir l'autorisation par décret, qu'elle n'a jamais effectué une démarche volontaire en ce sens, qu'elle était mineure, qu'elle ne pouvait perdre la nationalité française que sur autorisation du gouvernement français, autorisation qui ne pouvait être accordée que par décret,

- qu'en application de l'article 19 de l'ordonnance n°45- 2441 du 19 octobre 1945, un mineur étranger ne pouvait perdre la nationalité française que dans les six mois précédant sa majorité, que lorsqu'il s'agissait d'un enfant né à l'étranger d'une mère française et d'un père de nationalité étrangère ou d'un enfant naturel lorsque celui de ses parents, à l'égard duquel la filiation a été établie, l'a perdue et que l'autre parent est de nationalité étrangère, qu'une telle faculté n'existait pas pour les enfants mineurs dont les deux parents étaient Français,

- qu'elle a bénéficié d'une carte d'identité française, d'un passeport français et elle a pu accomplir ses devoirs civiques et civils, notamment en votant, qu'en application des décrets n°55-1397 du 22 octobre 1955 relatif à la carte d'identité et n°2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif au passeport, la preuve de la nationalité française peut être donnée par l'acte de naissance, la carte d'identité ou le passeport, qu'elle communique aux débats, ces trois documents, à titre de preuve de sa nationalité française.

Le ministère public fait observer :

- que Mme [B] [U] est dépourvue d'un certificat de nationalité française de telle sorte qu'en application de l'article 30 alinéa 2 du code civil, la charge lui incombe de démontrer qu'elle remplit les conditions légales pour se voir reconnaître la nationalité française qu'elle revendique au titre de l'article18 du code civil, pour être née au Maroc de parents nés en Algérie avant l'indépendance de l'Algérie,

- que Mme [U] fait valoir qu'elle a acquis la nationalité française par filiation, comme née d'un père et d'une mère français pour être nés sur le sol français, qu'elle se fonde sur son acte de naissance qui mentionne qu'elle est née de [U] [N], né le 12 octobre 1918 à [Localité 5] (Algérie), Français et de [Y] [O] née le 7 septembre 1932 à [Localité 5] (Algérie), Française, qu'elle en déduit qu'elle est Française par filiation et par droit du sol, ses parents étant originaires de l'Algérie française,

- que cependant, Mme [B] [U] ne démontre pas que l'un ou l'autre de ses parents ait expressément renoncé à son statut personnel entre le 28 août 1956 et le 2 juillet 1962, qu'il est rappelé que le fait de disposer d'un acte de naissance archivé au service central de l'état civil au titre de l'état civil dit "colonial", ne signifie pas que la personne considérée soit de nationalité française, que la seule naissance de ses parents en Algérie avant l'indépendance, alors constituée de départements français, est inopérante à démontrer leur qualité de Français originaires d'Algérie, qu'à supposer cette preuve rapportée, Mme [B] [U] prétend qu'elle résidait au Maroc avec ses parents au jour de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, sans en tirer les conséquences.

Sur ce :

Pour dire que Mme [B] [U] n'est pas de nationalité française, le tribunal judiciaire de Lyon, dans son jugement du 13 janvier 2021 a, à juste titre, considéré :

- qu'en application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombait à Mme [B] [U] qui était dépourvue de certificat de nationalité française délivré à son nom,

- qu'en application de l'article 17-1 du code civil qui régissait l'application des lois de nationalité dans le temps, les lois nouvelles relatives à l'attribution de la nationalité d'origine s'appliquaient aux personnes encore mineures à la date de leur entrée en vigueur, que Mme [U] étant née le 28 août 1956, les dispositions du code de la nationalité dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°45- 2441 du 19 octobre 1945, portant code de la nationalité française, étaient applicables,

- que l'article 6 de cette ordonnance définissait la France comme s'étendant au territoire métropolitain, à l'Algérie, à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion, que l'article 17 de cette ordonnance précisait qu'est Français, l'enfant légitime né d'un père Français et l'enfant naturel lorsque celui de ses parents à l'égard duquel la filiation a d'abord été établie, est Français,

- que l'article 154 du code de la nationalité applicable en l'espèce disposait que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, conservaient la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne, qu'il ressortait de cette disposition que les deux critères de conservation de la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie étaient l'appartenance au statut civil de droit commun et la domiciliation en Algérie au moment de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, qu'il s'ensuivait que les Français musulmans originaires d'Algérie relevant du statut de droit local et qui n'avaient pas souscrit de déclaration récognitive, ont perdu la nationalité française à partir du 1er janvier 1963,

- que Mme [B] [U] qui prétendait que ses père et mère avaient la nationalité française en raison du fait qu'ils étaient originaires de l'Algérie française pour être nés respectivement le 12 octobre 1918 et le 7 septembre 1932, ne justifiait nullement que l'un de ses parents ait expressément renoncé à son statut personnel entre le 28 août 1956, date de sa naissance et le 2 juillet 1962, date de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, que même à supposer que ses parents nés en Algérie, aient ainsi renoncé à leur statut personnel pour relever du statut civil de droit commun, la demanderesse qui affirme qu'elle résidait au Maroc avec ses parents au jour de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, n'a pu conserver la nationalité française,

- que si la délivrance d'une carte d'identité française et d'un passeport français peuvent être utilement mis en exergue dans le cadre d'une demande de nationalité sur le fondement de la possession d'état de l'article 21 -13 du code civil, la production de telles pièces, s'agissant d'une demande de nationalité par filiation, n'est pas de nature à établir la nationalité française.

A défaut pour Mme [B] [U] de démontrer que l'un de ses parents ait pu accéder au statut civil de droit commun, avant l'indépendance de l'Algérie et qu'ils aient résidé sur le territoire algérien au moment de cette accession à l'indépendance, les conditions de l'article 154 de l'ordonnance n°45- 2441 du 19 octobre 1945, portant code de la nationalité française, ne sont pas réunies et Mme [B] [U] ne peut prétendre à la nationalité française.

La détention d'une carte nationale d'identité française et même d'un passeport français sont de nature à établir l'identité de leur titulaire mais pas sa nationalité par filiation.

Le jugement rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon, ne peut qu'être confirmé en toutes ses dispositions.

Mme [B] [U] ne peut qu'être déboutée de ses demandes tendant à ce que soit ordonnée la délivrance d'un certificat de nationalité sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à venir ou tendant à la condamnation du procureur de la République au paiement d'une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait application de l'article 28 du code civil.

Mme [B] [U] est condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel, sous réserve des dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Après débats publics, après en avoir délibéré, statuant contradictoirement et en dernier ressort, et dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon,

Y ajoutant,

Dit que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été effectuées,

Déboute Mme [B] [U] de ses demandes de condamnation sous astreinte tendant à la délivrance d'un certificat de nationalité française et au paiement par le procureur de la République de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [B] [U] au paiement des entiers dépens de la procédure, sous réserve des dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Anne Claire ALMUNEAU, président, et par Sophie PENEAUD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 21/08170
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.08170 ?
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