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02/02/2023 | FRANCE | N°19/05297

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 février 2023, 19/05297


N° RG 19/05297 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQH2









Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond du 13 mai 2019



RG : 2018j00539





[W]

[I]



C/



Caisse de Crédit Mutuel CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023







APPELANTS :



M. [R] [W]<

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[Adresse 4]

[Localité 3]





Mme [J] [I] épouse [W]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentés par Me Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et par Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI







INTIMÉE ...

N° RG 19/05297 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQH2

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond du 13 mai 2019

RG : 2018j00539

[W]

[I]

C/

Caisse de Crédit Mutuel CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023

APPELANTS :

M. [R] [W]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Mme [J] [I] épouse [W]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentés par Me Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et par Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Catherine TERESZKO de la SELARL ASCALONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 572

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Décembre 2022

Date de mise à disposition : 02 Février 2023

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 mars 2013, M. [R] [W] et Mme [J] [I] épouse [W] (ci-après M. et Mme [W]) ont contracté un prêt de 510.000 euros remboursable en 240 mensualités au taux de 3,49% l'an auprès de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est (ci-après Crédit Agricole)

Le 27 janvier 2017, un avenant a porté le taux d'intérêt à 2,16% l'an.

Les époux [W] ont considéré qu'il y avait des anomalies dans les documents contractuels. Ils ont demandé à un expert de procéder à des investigations approfondies. Ce dernier a considéré qu'il existait effectivement des anomalies.

Par acte d'huissier du 23 mars 2018, les époux [W] ont assigné la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est devant le tribunal de commerce.

Par jugement contradictoire du 13 mai 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit recevable l'action du M. [W] et Mme [I] à l'encontre de la société Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

dit que M. [W] et Mme [I] ne démontrent pas que le TEG mentionné dans l'offre de prêt est erroné et que les intérêts ont été calculés sur une année de 360 jours,

dit que M. [W] et Mme [I] n'apportent pas la preuve d'avoir subi un préjudice et les a débouté de leur demande d'indemnisation à ce titre,

débouté M. [W] et Mme [I] de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'égard de la société Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Est,

dit que la déchéance du droit aux intérêts n'a pas vocation à s'appliquer,

condamné in solidum M. [W] et Mme [I] à payer à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

M. et Mme [W] ont interjeté appel par acte du 23 juillet 2019.

Par conclusions du 12 mai 2020 fondées sur l'article 1907 du code civil, les articles L.313-1 et suivants et R.313-1 et suivants du code de la consommation et l'article L.312-33 désormais codifié à l'article L.341-34 du code de la consommation, M. [W] et Mme [I] épouse [W] ont demandé à la cour, par voie d'infirmation du jugement, de :

déclarer recevable leur appel,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il dit leur action recevable à l'encontre de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

dit qu'ils ne démontrent pas que le TEG mentionné dans l'offre de prêt est erroné et que les intérêts ont été calculés sur une année de 360 jours,

dit qu'ils n'apportent pas la preuve d'avoir subi un préjudice et les déboute de leur demande d'indemnisation à ce titre,

les a débouté de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'égard de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

dit que la déchéance du droit aux intérêts n'a pas vocation à s'appliquer,

les a condamnés in solidum à payer la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

les a condamnés in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau,

dire et juger que leurs demandes sont recevables et bien fondées,

dire et juger que le taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt en date du 29 mars 2013, émise par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est, portant sur un prêt référencé 00001282745 est erroné,

constater que les intérêts périodiques du prêt référencé 00001282745 ont été calculés sur une base autre que l'année civile,

constater que les intérêts périodiques de l'avenant du prêt référencé 00001282745 ont été calculés sur une base autre que l'année civile,

prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels renfermée dans l'offre de prêt en date du 29 mars 2013 émise par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est portant sur le prêt référencé 00001282745,

prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels renfermée dans l'offre d'avenant en date du 27 janvier 2017 portant sur le prêt référencé 00001282745,

ordonner en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu avec la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

enjoindre à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, de l'avenant, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre.

Subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée,

prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels des prêts souscrits avec la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

condamner la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est à leur restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal et notamment la somme à parfaire de 45.967,83 euros, arrêtée au 16 février 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

dire et juger que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat,

condamner la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

condamner la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est aux entiers dépens de première instance et d'appel.

À l'appui de leurs demandes, M. et Mme [W] ont fait valoir les moyens suivants :

le caractère opposable de l'expertise amiable, qui a pu être discutée contradictoirement entre les parties,

le fait qu'il revenait au Crédit Agricole, une fois le rapport débattu, de rapporter des éléments de preuve contraires à ce qui était avancé dans le rapport, ce qui n'a pas été le cas et ce que n'a pas compris la première juridiction qui a inversé la charge de la preuve,

s'agissant du calcul du TEG, en application des articles 1907 du code civil et L313-2 du code de la consommation, il doit être l'objet d'une transparence particulière au profit des consommateurs et respecter les critères prévus par les textes,

le fait que les intérêts intercalaires n'ont pas été pris en compte dans le TEG alors que leur montant est déterminable au regard de la période de préfinancement, s'agissant dans ce cas, comme pour l'assurance imputée, de charges précédant l'amortissement du prêt, ce dont n'a pas tenu compte l'intimé dans son calcul,

le caractère trompeur de la présentation du TEG qui indique un taux tenant compte de l'anticipation, plus faible que celui présenté hors anticipation, alors que le TEG doit présenter de fait un surcoût,

le caractère erroné de la référence à la première décimale par le premier juge puisque l'article L313-2 du code de la consommation prévoit que le taux doit être exact dans son intégralité étant rappelé que si une marge d'erreur est acceptée dans le calcul, cela ne peut se faire qu'au détriment du consommateur, qui de fait, ne peut non plus procéder à une comparaison de différentes offres,

concernant la formule de calcul des intérêts, M. et Mme [W] ont mis en avant un surcoût clandestin du fait du recours à un diviseur de 360 au titre du nombre de jour, ce, même si la normalisation est admise par la cour de cassation,

concernant le prêt référencé, M. et Mme [W] ont rappelé que le contrat relève d'un contrat d'adhésion dont la rédaction appartient au banquier uniquement, qui se doit donc de respecter une obligation de clarté sans quoi, la convention doit s'appliquer en faveur du consommateur,

ils ont pointé le fait que l'offre de prêt ne fait pas mention de la base de calcul concernant le nombre de jours retenus sur l'année, et que l'avenant n'a pas permis de lever le doute.

S'agissant de la sanction à prononcer, M. et Mme [W] ont présenté les moyens suivants :

le caractère adapté et proportionné de la déchéance du droit aux intérêts ou de la substitution de l'intérêt au taux légal.

Concernant la recevabilité de l'action, les appelants ont fait état des éléments suivants :

s'agissant de l'objet des demandes, ils ont fait valoir que le juge se voit confier une mission de refaire le contrat en raison des déchéances du droit aux intérêts prononcées,

s'agissant de la prescription, les appelants ont fait valoir que l'action a été introduite avant un délai de 5 ans après l'acceptation du prêt le 26 avril 2013.

Par conclusions du 21 septembre 2020 fondées sur l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, les articles 1108, 1110, 1134, 1135, 1156, 1147, 1304, 1315, 1382 et 1907 anciens du code civil, l'article L.110-4 du code de commerce, les articles L.312-2, L.312-8, L.312-33, L.313-1, L.313-4 et R. 313-1 anciens du code de la consommation, la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est a demandé à la cour de :

dire et juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par M. [W] et Mme [I] épouse [W] à l'encontre du jugement déféré.

A titre principal,

confirmer ledit jugement.

Y ajoutant,

dire et juger irrecevable comme étant une demande nouvelle la prétention formée par M. [W] et Mme [I] épouse [W] au titre de la déchéance du droit aux intérêts,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où, par extraordinaire, la cour considérerait que le TEG indiqué dans son offre de prêt était erroné ou que les intérêts auraient été calculés sur une année de 360 jours :

dire et juger que la sanction de la nullité du taux d'intérêt conventionnel et la substitution à ce taux du taux légal est mal fondée et inadaptée,

rejeter en conséquence la demande en ce sens de M. [W] et Mme [I] épouse [W],

dire et juger que M. [W] et Mme [I] épouse [W] ne démontrent nullement l'existence du préjudice à eux causé par l'éventuelle mention d'un TEG erroné ou l'éventuel calcul des intérêts sur 360 jours,

dire et juger qu'il n'y a en conséquence pas lieu à les indemniser à ce titre,

dire et juger que la déchéance du droit aux intérêts n'a pas non plus vocation à s'appliquer,

dire et juger que si, toutefois, la déchéance du droit aux intérêts devait être ordonnée, elle le serait à hauteur de 16,94 euros,

rejeter toute demande plus ample ou contraire.

En tout état de cause,

condamner solidairement M. [W] et Mme [I] épouse [W] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de M. [O] de la SELARL Ascalone Avocats, avocat sur son affirmation de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile,

dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir, l'exécution forcée devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, condamner solidairement M. [W] et Mme [I] épouse [W] au paiement des sommes retenues par l'huissier par application de l'article A444-32 du code de commerce (tarif des huissiers).

Concernant l'irrecevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts, le Crédit Agricole a fait valoir les moyens suivants au visa de l'article 564 du Code de Procédure Civile':

le fait que cette demande a été formée pour la première fois dans les conclusions récapitulatives notifiées le 12 mai 2020, dans le cadre d'une demande subsidiaire alors que cette demande n'a pas été présentée en première instance,

le fait que cette demande ne répond pas aux critères du texte susvisés à savoir opposer une compensation, faire écarter une prétention adverse ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, de la survenance ou la révélation d'un fait,

l'absence de toute demande reconventionnelle de l'intimée,

le fait que la demande de déchéance du droit aux intérêts n'a pas vocation à écarter une prétention du Crédit Agricole, puisque M. et Mme [W] sont à l'origine de la procédure,

le fait que s'il est question de la sanction à appliquer en cas de TEG prétendument erroné, la demande de nullité d'une clause ou la déchéance du droit aux intérêts n'ont pas la même finalité, s'agissant de deux prétentions distinctes et non d'un moyen nouveau.

Concernant sa défense principale, le Crédit Agricole a fait valoir les moyens suivants':

l'absence de preuve de la part de M. et Mme [W], qui en ont la charge, étant rappelé que ceux-ci n'ont fourni qu'une étude non contradictoire réalisée par M. [K], qui ne saurait à elle seule suffire, sans compter que la rédaction des actes vient contredire cette étude,

la nature de l'offre de prêt qui ne fait pas un calcul des intérêts sur 360 jours,

l'appréciation du rapport par les premiers juges qui ont estimé qu'il n'apportait pas de preuve suffisante des erreurs alléguées par M. et Mme [W],

la position de la cour de cassation selon laquelle ce type d'étude ne suffit pas à rapporter la preuve d'une erreur affectant l'offre de prêt, d'autant plus qu'elle n'est pas confortée par les mentions insérées dans l'offre,

les calculs présentés dans ses écritures, sans besoin d'avoir recours à une contre-expertise, qui viennent démontrer le caractère erroné des appréciations des appelants, calcul qui a fait l'objet d'une appréciation par les premiers juges,

l'absence d'indication par les appelants du TEG exact à leur sens, et qui se contentent de prétendre à une erreur en indiquant que la banque a intégré les intérêts intercalaires comme des flux et non comme des frais,

le fait qu'en cas d'erreur de la banque en faveur du client, ce dernier n'est pas fondé à demander une indemnisation puisque l'erreur ne se fait pas à son détriment,

le fait qu'il n'y a pas lieu à indemnisation si l'erreur n'a pas d'impact sur la première décimale,

l'absence de preuve par M. et Mme [W] d'un TEG supérieur à celui indiqué ou impactant la première décimale,

l'absence de preuve de tout préjudice par les appelants,

l'absence de mention dans l'offre de prêt du calcul des intérêts sur 360 jours, alors que les intérêts ont été calculés sur 365 jours avec un mois normalisé de 30,41666 jours avec renvoi aux écritures concernant les détails du calcul des intérêts,

le fait que M. et Mme [W] ont bénéficié d'une erreur en leur faveur dans le cadre du calcul, et se sont vus facturer des intérêts moins élevés que prévu,

l'absence d'équivalence malgré les propos des appelants entre le calcul avec 30/360 et 30,41666/365 jours, la Cour de cassation ayant indiqué qu'une telle équivalence ne suffit pas à déduire que le calcul des intérêts conventionnels a été fait sur une autre base que celle de l'année civile.

Concernant le calcul du TEG, le Crédit Agricole a fait valoir les éléments suivants :

l'intégration de la période de préfinancement au calcul,

l'absence de preuve concernant l'intégration des intérêts intercalaires comme flux et non comme frais.

À titre subsidiaire, le Crédit Agricole a présenté les moyens suivants en cas de sanction du TEG erroné ou du calcul des intérêts :

le caractère inadapté de la substitution du taux d'intérêts légal au taux conventionnel à titre de sanction puisque aucun texte ne prévoit la nullité de la clause d'intérêts dans ce cas,

le fait que les actions en nullité sont rattachées à un vice du consentement et que M. et Mme [W] ne rapportent pas la preuve du caractère déterminant de l'erreur ou d'un dol,

le caractère contestable de la circulaire ayant mené la Cour de cassation à effectuer une substitution de taux,

le caractère disproportionné de la sanction de substitution qui en outre se fait en violation des intentions des parties,

en cas d'application d'une telle sanction, cela conduirait à un enrichissement de l'emprunteur,

seule une notion de perte de chance devrait être retenue, concernant la possibilité de contracter un autre crédit,

l'impossibilité de prononcer une déchéance totale du droit aux intérêts, la sanction devant être appréciée par le juge et pouvant porter en conséquence sur l'indemnisation de la différence entre le montant des intérêts prélevés et les intérêts calculés autrement, soit en l'espèce un total de 16,94 euros.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 7 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts

L'article 564 du Code de Procédure Civile dispose que à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La cour relève que la demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

Dès lors, la demande présentée sera déclarée recevable.

Sur les demandes de M. et Mme [W]

L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

S'agissant de l'opposabilité de l'expertise unilatérale privée versée au débat par M. et Mme [W], il doit être rappelé qu'un demandeur se fondant uniquement sur une expertise non judiciaire réalisée à sa seule demande ne saurait être accueilli en ses prétentions en dehors de tout autre élément appuyant ses prétentions et que le juge ne peut se fonder exclusivement sur ce type d'expertise réalisée à la demande de l'une des parties, quand bien même elle a été discutée dans le cadre de l'instance ou était contradictoire.

Dès lors, si ce rapport est un des éléments du débat, les prétentions de M. et Mme [W] doivent également s'appuyer sur d'autres éléments pour appuyer leurs prétentions, ce qu'il appartient à la cour d'apprécier.

L'article R 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige dispose notamment que le calcul du taux effectif global repose sur l'hypothèse que le contrat de crédit restera valable pendant la durée convenue et que le prêteur et l'emprunteur rempliront leurs obligations selon les conditions et dans les délais précisés dans le contrat de crédit. Pour les contrats de crédit comportant des clauses qui permettent des adaptations du taux d'intérêt et, le cas échéant, des frais entrant dans le taux effectif global mais ne pouvant pas faire l'objet d'une quantification au moment du calcul, le taux effectif global est calculé en partant de l'hypothèse que le taux d'intérêt et les autres frais resteront fixes par rapport au niveau initial et s'appliqueront jusqu'au terme du contrat de crédit et que lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.

L'article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il est constant qu'en cas d'erreur affectant le taux effectif global inférieur à la décimale, cette erreur ne justifie pas l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel. En outre, il est nécessaire pour les parties arguant d'une erreur, de rapporter la preuve de ce que celle-ci s'est produite à leur détriment, les menant à subir un préjudice, ne saurait-ce que par la perte de chance de contracter un autre crédit.

En l'état, M. et Mme [W] entendent faire valoir que les intérêts ont été calculés sur une période de 360 jours et non de 365 jours.

Cependant, la lecture de l'offre de crédit mène à constater que le crédit ne comporte aucune mention indiquant que le taux effectif global a été effectivement calculé sur une durée de 360 jours, les seuls éléments issus de l'expertise privée versée au débat ne suffisant pas à rapporter la preuve nécessaire au succès de la prétention des appelants.

Le mois normalisé, d'une durée de 30,41666 jours, prévu à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels lorsque ceux-ci sont calculés sur la base d'une année civile et que le prêt est remboursable mensuellement.

Si le rapport entre une année civile et un mois normalisé de 30,41666 jours équivaut à celui prohibé entre une année de trois-cent-soixante jours et un mois de trente jours, une telle équivalence ne suffit pas à déduire le calcul des intérêts conventionnels sur une autre base que celle de l'année civile.

S'agissant du présent litige, il est constant que M. et Mme [W] devaient rembourser le prêt consenti mensuellement. Enfin, ils ne peuvent, au terme des calculs versés au débat, prétendre à la mise en 'uvre d'une durée de 360 jours sur une simple équivalence.

Les éléments de calcul fournis par le Crédit Agricole permettent le constat qu'à plusieurs reprises, M. et Mme [W] ont bénéficié de taux d'intérêts inférieurs à ce qui aurait dû être mis à leur charge s'agissant du calcul des intérêts dans le cadre de l'avenant, le moyen fondé sur l'échéance brisé, avancé par les appelants est donc inopérant au regard de ces éléments.

De fait, M. et Mme [W] échouent à rapporter la preuve nécessaire de ce que le taux effectif global a été calculé sur une base de 360 jours par an.

Concernant le calcul du taux effectif global, M. et Mme [W] entendent faire valoir son caractère inexact.

Sur ce point, les mêmes développements que précédemment seront repris concernant la nécessité de rapporter la preuve de leur position par des éléments confortant l'expertise privée versée au débat.

De fait, M. et Mme [W] ne rapportent aucune preuve de ce que le calcul du taux effectif global est erroné et que le taux effectif global réel serait supérieur au taux effectif global mentionné dans l'offre, sans compter que l'usage de la notion de frais ou de flux est sans portée en l'état et ne repose sur aucun fondement.

Faute de rapporter les preuves nécessaires, M. et Mme [W] échouent en leurs prétentions et ne peuvent donc prétendre ni à la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt convention ni à la déchéance du taux d'intérêt conventionnel.

Enfin, M. et Mme [W] ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils auraient été empêchés de part les stipulations contractuelles de l'offre remise par le Crédit Agricole, de contracter avec d'autres banques de manière plus favorable, ne pouvant prétendre à une quelconque indemnisation.

Leur demande ne pouvait de fait prospérer.

Dès lors, la décision déférée sera confirmée dans son intégralité.

Sur les demandes accessoires

M. et Mme [W] succombant en la présente instance, ils seront condamnés in solidum à en supporter les entiers dépens.

L'équité commande d'accorder au Crédit Agricole une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, M. et Mme [W] seront condamnés solidairement à verser la somme de 3.000 euros à ce titre.

Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande au titre de l'exécution forcée présentée par le Crédit Agricole en l'absence de tout élément au soutien de cette demande.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel,

Confirme dans son intégralité le jugement déféré,

Y ajoutant,

Rejette la demande au titre de l'exécution forcée présentée par la Société Coopérative Crédit Agricole Mutuel Centre-Est,

Condamne in solidum M. [R] [W] et Mme [J] [I] épouse [W] à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel avec droit de recouvrement,

Condamne solidairement M. [R] [W] et Mme [J] [I] épouse [W] à verser à la Société Coopérative Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 3.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande d'exécution forcée.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/05297
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;19.05297 ?
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