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01/02/2023 | FRANCE | N°19/08083

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 01 février 2023, 19/08083


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/08083 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWX6



GRATTEAU

C/

Société RS ENERGIE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : F17/01303





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023







APPELANT :



[L] [V]

né le 15 Août 1983 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 11]



repr

ésenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/08083 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWX6

GRATTEAU

C/

Société RS ENERGIE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : F17/01303

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

APPELANT :

[L] [V]

né le 15 Août 1983 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 11]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Farah SAMAD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société RS ENERGIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Caroline HENOT de la SELARL CVS, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société RS ENERGIE est spécialisée dans la maintenance en robinetterie sur site nucléaire.

La société RS ENERGIE était titulaire de marchés de maintenance sur sites nucléaires au sein de la centrale du [Localité 5] et de celle de [Localité 8].

Monsieur [L] [V] a été embauché par la société RS ENERGIE suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 avril 2015, en qualité de mécanicien robinetier, ouvrier P2 - niveau II ' échelon 2 ' coefficient 180, en application des dispositions de la convention collective de la métallurgie du RHÔNE.

Par courrier en date du 17 novembre 2016, la société RS ENERGIE, qui envisageait la suppression de son poste, pour des raisons économiques proposait à M. [L] [V] un poste d'aide robinetier/soupape au sein de la société RS EST ainsi qu'un poste de Monteur robinetier au sein de la société RS SUD et lui donnait des informations relatives à 2 postes disponibles pouvant lui correspondre.

Par courrier en date du 28 novembre 2016, M. [L] [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, prévu pour le 7 décembre 2016.

Par lettre du 16 décembre 2016, la société RS ENERGIE a notifié à M. [L] [V] son licenciement pour motif économique.

M. [L] [V] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Par ordonnance de référé du 21 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Lyon a dit que l'affectation de M. [L] [V] au chantier de la centrale du [Localité 5] obligeait l'EURL RS ENERGIE à lui verser des indemnités de grand déplacement et a condamné l'EURL RS ENERGIE à lui payer une provision de 10 000 euros à ce titre.

Par arrêt du 6 avril 2018, la Cour d'appel a infirmé cette décision et débouté M. [L] [V] de l'ensemble de ses demandes.

Par requête en date du 11 mai 2017, M. [L] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de demandes en paiement d'indemnité de grands déplacements et de contestation de son licenciement.

Par procès-verbal du 27 novembre 2018, le conseil de Prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 24 octobre 2019, le juge départiteur, après avoir recueilli l'avis des conseillers présents a :

débouté M. [L] [V] de sa demande de nullité de son licenciement

jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse

débouté M. [L] [V] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire, en réparation de la perte injustifiée de son emploi

condamné la société RS ENERGIE à lui verser la somme de 5 891,79 euros net à titre d'indemnité de séjour de grand déplacement avec intérêt au taux légal à compter du 12 mai 2017 ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

condamné la société RS ENERGIE à verser à M. [V] la somme de 1500euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

débouté la société RS ENERGIE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la société aux entiers dépens.

Le 22 novembre 2019, M. [V] a fait appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 5 octobre 2022, M. [L] [V] demande à la cour de :

1. A titre principal,

Au titre de l'exécution du contrat de travail :

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 891,79 euros nets à titre d'indemnité de grands déplacements, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2017

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- INFIRMER le jugement rendu en ce qu'il a jugé que la Société RS ENERGIE a exécuté loyalement le contrat de travail de

En conséquence, et statuant à nouveau,

- JUGER que la société RS ENERGIE a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail

CONDAMNER la société RS ENERGIE à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Au titre de la rupture du contrat de travail :

- INFIRMER le jugement rendu en ce qu'il a jugé que le licenciement pour motif économique prononcé à son encontre n'est pas nul, que le licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse, jugé que les critères d'ordre ont bien été respecté par la Société RS ENERGIE et l'a débouté de sa demande au titre de perte injustifiée d'emploi

En conséquence et statuant à nouveau :

A titre principal,

- JUGER que le licenciement notifié est nul ;

- CONDAMNER la société RS ENERGIE à lui verser la somme de 26 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul

A titre subsidiaire :

JUGER que le licenciement notifié est dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la société RS ENERGIE à lui verser la somme de 26 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

A titre encore plus subsidiaire :

JUGER que Monsieur [V] a subi une perte injustifiée de son emploi ensuite du non-respect des critères d'ordre de licenciement par la Société RS ENERGIE ;

CONDAMNER la société RS ENERGIE à lui verser la somme de 26 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi

2. A titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement dans son intégralité

En tout état de cause :

- DEBOUTER la société RS ENERGIE de l'ensemble de ses demandes

- CONDAMNER la société RS ENERGIE à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société RS ENERGIE aux entiers dépens ;

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2022, la société RS ENERGIE demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] [V] de sa demande en nullité de son licenciement, dit que le licenciement de M. [L] [V] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté M. [L] [V] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et en réparation de la perte injustifiée de son emploi et débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, débouter M. [L] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions

Reconventionnellement,

CONDAMNER Monsieur [L] [V] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

LE CONDAMNER aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail et le paiement des indemnités de grand déplacement

Le salarié s'appuie sur les dispositions de l'accord du 26 février 1976 annexé à la convention collective de la métallurgie du Rhône qui posent deux conditions au versement de l'indemnité de grand déplacement : un lieu d'activité éloigné de plus de 50 kilomètres du point de départ et qui nécessite un temps normal de voyage aller/retour supérieur à 2h30 par moyen de transport en commun ou celui mis à sa disposition. Il rappelle que des dispositions conventionnelles prévalent sur celles du contrat de travail lorsqu'elles sont plus favorables au salarié.

Il précise :

que le point de départ du déplacement est son domicile, situé à [Localité 11], situé à 79,7 km de la centrale du [Localité 5] et 102 km de celle de [Localité 8]

que le temps de trajet par transport en commun est supérieur à 2H30 ;

que les dispositions restrictives du contrat de travail , qui subordonnent le versement de l'indemnité à un éloignement empêchant le retour chaque soir au point de départ, et à la justification des dépenses, doivent être écartées au profit de celles de la convention collective :

que, même avec un véhicule personnel, le temps de trajet aller-retour est supérieur à 2H30 ;

que l'indemnité de grand déplacement est égale à 84,20 euros par jour calendaire ainsi que l'a indiqué l'employeur par courrier du 14 décembre 2015

que, subsidiairement, selon les dispositions de la convention collective, elle est égale à 41,184 euros par jour

L'employeur répond que pour pouvoir être considéré en grands déplacements et prétendre à une indemnisation à ce titre, M. [V] doit justifier d'un déplacement, d'une gêne particulière et de frais inhabituels, d'être empêché de rejoindre chaque soir son point de départ, d'avoir à assurer un déplacement de plus de 50 km et un temps de trajet aller/retour de plus de 2h30.

Il soutient que M. [V] ne démontre pas qu'il ne pouvait regagner son point de départ.

Il ajoute

que les stipulations contractuelles s'ajoutent aux conditions de l'accord national de 1976, qui n'a pas été étendu

que le salarié doit justifier de la prise d'un logement extérieur, ce que M. [V] n'a jamais fait ;

que le contrat de travail ne fait que préciser les conditions concrètes d'application de la convention collective et n'ajoute pas de conditions à celles prévues par la convention collective ;

que M. [V] utilisait son véhicule personnel dont l'usage donnait lieu à indemnisation ;

qu'il y a lieu de nt prendre en compte le temps de trajet effectué par Monsieur [V] avec son véhicule personnel ;

que le temps de trajet entre le domicile de M. [V] et les CNPE de [Localité 5] ou de [Localité 8] est inférieur à 2H30 ;

qu'un "temps normal" de voyage exclut naturellement les ralentissements liés à d'éventuels bouchons ou des travaux impliquant des déviations ;

que l'indemnisation pour grand déplacement forfaitaire se monte à 13 fois le minimum garanti légal, soit en 2016 une somme de 45,76 euros

***

Selon l'article 1.5.2 de l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement, annexé à la convention collective des mensuels des industries métallurgiques du Rhône, le grand déplacement est celui qui, en raison de l'éloignement et du temps du voyage, empêche le salarié de rejoindre chaque soir son point de départ. Est considéré comme tel le déplacement sur un lieu d'activité éloigné de plus de 50 km du point de départ et qui nécessite un temps normal de voyage aller-retour supérieur à 2 h 30 par moyen de transport en commun ou celui mis à sa disposition.

Selon l'article 1.3.1 de l'accord, le point de départ du déplacement est fixé par le contrat de travail ou un avenant. Il peut être le domicile du salarié. A défaut de précision dans le contrat ou l'avenant, le point de départ sera le domicile du salarié.

Enfin, selon l'article 1.3.2 de l'accord, par domicile du salarié il convient d'entendre le lieu de son principal établissement (conformément à l'article 102 du code civil) ; l'intéressé devra justifier celui-ci lors de son embauchage et signaler tout changement ultérieur.

Selon l'article 3.5.1. Le salarié en grand déplacement perçoit une indemnité de séjour qui ne peut être confondue avec les salaires et appointements. Cette indemnité est versée pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, d'exécution normale de la mission.

La détermination, en tant qu'élément de remboursement des frais engagés par le salarié (sans que celui-ci ait à fournir une justification), est forfaitaire.

M. [L] [V] est domicilié à [Localité 11] du RHÔNE.

Il n'est pas contesté que le temps de trajet aller/retour par transport en commun entre [Localité 11] du Rhône, d'une part et le CNPE du [Localité 5] ou celui de [Localité 8], d'autre part, est supérieur à 2H30 et que la distance est supérieure à 50 kilomètres.

Aucun véhicule n'était mis à disposition du salarié.

M. [L] [V] verse aux débats ses ordres de mission pour [Localité 9] (avril 2015, août 2015), [Localité 8] (octobre, décembre 2015, janvier 2016, avril 2016, juin 2016) [Localité 5] (mars 2016). Tous ces ordres de mission portent la mention « prendre vos dispositions pour votre recherche de chambre ». L'employeur ne peut donc pas soutenir, s'agissant de [Localité 8] et le CNPE du [Localité 5], qu'aucune indemnité de grand déplacement ne serait due.

En imposant au salarié, dans le contrat de travail de justifier de la prise d'un logement extérieur à son point de départ, l'employeur ajoute une condition au versement de l'indemnité de grand déplacement alors que l'accord du 26 février 1976 prévoit expressément que le salarié n'a pas à fournir de justificatif.

Le jugement sera confirmé par adoption de motifs en ce qu'il a retenu que le salarié pouvait prétendre au paiement d'indemnités de grand déplacement.

Selon l'article 3.5.2, l'indemnité de séjour ne pourra être inférieure par journée complète à 13 fois le minimum garanti légal. Elle se décompose en tant que de besoin comme suit :

- indemnité de logement : 5 fois le minimum garanti légal ;

- indemnité de repas : 2,50 fois le minimum garanti légal ;

- indemnité de petit déjeuner : 1 fois le minimum garanti légal ;

- indemnité pour frais inhérents à la condition d'éloignement : 2 fois le minimum garanti légal.

La part d'indemnité spécifique pour frais inhérents à la condition d'éloignement, fixée ci-dessus à 2 fois le minimum garanti légal, reste due intégralement dans le cas de journée incomplète par suite de départ ou de retour en cours de journée.

Le jugement sera confirmé par adoption de motifs en ce qu'il a dit que l'employeur fait une lecture erronée de l'article ci-dessus qui ne dispose pas que l'indemnité est égale à 13 fois le garanti légal.

Le salarié verse aux débats une note de service du 14 décembre 2015, qui rappelle les conditions d'octroi des voyages de détente et les modalités de logement à proximité du chantier. Sur ce dernier point il est mentionné «'les indemnités de déplacement sont fixées ainsi qu'il suit :

deux repas à 18,10 euros soit 36,20 euros par jour,

pour les dépenses de logement et de petit déjeuner : 48 euros par jour.

Soit une indemnité de 84,20 euros par jour calendaire.

Par ailleurs et conformément à l'article 3.6.9 de la convention collective de la métallurgie, l'indemnité de séjour sera maintenue pendant les voyages de détente pour la partie des dépenses de logement qui continuent nécessairement de courir. Enfin, il est rappelé qu'afin de prendre en compte l'utilisation par le salarié de son véhicule alors qu'il se trouve déjà sur place, et pour se rendre de son lieu d'hébergement sur site ou sur chantier, il lui est versé une indemnité forfaitaire de 15 euros nets supplémentaires par jour travaillé.»

Le salarié verse aux débats ses fiches de paie à partir du mois d'avril 2015 et jusqu'au mois de décembre 2016. L'employeur ne verse aux débats aucune fiche de paie.

L'indemnité de grands déplacements a été versée, sauf du mois de juin au mois de décembre 2016. Le salarié fait une demande pour la période allant de juin à novembre 2016 ; il a déduit les périodes d'arrêt maladie, de congés, de contrepartie obligatoire en repos et de mise à pied.

L'indemnité forfaitaire de 15 euros est versée tous les mois (par exemple, au mois de juin 2016 : 26 indemnités, au mois de juillet 2016 : 21). L'employeur a donc versé une indemnité forfaitaire sans verser l'indemnité de grands déplacements qu'elle complète.

Il n'a pas non plus compensé les trajets entre le domicile personnel et le lieu de travail.

L'employeur n'établit pas où le salarié était affecté durant les mois de juin à novembre 2016, ni qu'il aurait été affecté sur un site pour lequel l'indemnité de grands déplacements ne serait pas due.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande du salarié à hauteur de 5 891,79 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié ajoute qu'en raison de la résistance abusive de l'employeur, il y a lieu à condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

L'employeur réplique que M. [V] ne démontre aucun préjudice.

***

En application de l'article 1231-6 du code civil, « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.»

Le salarié n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct du retard dans le paiement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande

Sur le licenciement :

Sur la nullité du licenciement :

M. [V] soutient que la société RS ENERGIE aurait dû mettre en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi car la décision de licenciement n'a pas été prise à son seul niveau mais à celui du groupe RS, lequel compte plus de 50 salariés et qu'entre le 4 décembre 2016 et le 16 février 2017, il y a eu 14 départs pour motif économique, l'employeur ayant morcelé les licenciements en petit licenciement de moins de 10 salariés.

Il en déduit que le licenciement est nul, en raison de l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi et de la fraude à la loi.

L'employeur répond :

que l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire pour les entreprise de plus de 50 salariés lorsque le nombre de licenciements économiques est au moins égal à 10 sur une même période de 30 jours ;

que la société RS ENERGIE n'a jamais dépassé la vingtaine de salariés et n'avait pas à mettre en place un PSE ;

qu'il a été procédé à 6 licenciements le 16 décembre 2016 puis à 7 licenciements le 7 février 2017, soit plus de 30 jours après ;

que ces licenciements ont été opérés en raison de la perte de marchés.

***

Aux termes de l'article L1233-61 du code du travail «dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.»

Les conditions d'effectifs et de nombre de licenciement dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur

Il n'en va autrement que lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES.

Il n'est pas contesté que l'effectif de l'EURL RS ENERGIE est inférieur à 50 salariés.

Il n'est pas établi que la décision de licencier aurait été prise au niveau d'une unité économique et sociale qui regrouperait la société RS ENERGIE avec d'autres sociétés, les sociétés RS SUD, RS NORMANDIE et RS EST.

Les conditions de mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne sont pas réunies. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement.

Sur le motif du licenciement :

M. [V] fait valoir que le secteur d'activité du groupe RS est celui de la robinetterie industrielle, ce qui va au-delà de l'activité de la société RS ENERGIE, limitée aux sites nucléaires. Il ajoute que les difficultés économiques de la société RS ENERGIE sont le résultat d'une démarche délibérée du dirigeant de refuser de nouveaux chantiers au motif que cela engendrerait trop de charges.

L'employeur réplique :

que son activité a décru à partir de 2014 ;

que le résultat d'exploitation était négatif de 2014 à 2016 ;

qu'elle a perdu le marché de la tranche en activité de la centrale du [Localité 5] en 2016 ;

que seuls deux marchés, sur la vingtaine auxquels elle a concouru, lui ont été attribués par EDF mais que cela était insuffisant à maintenir l'activité de l'entreprise ;

qu'à ce jour, tous les postes de travail ont été supprimés ;

qu'enfin, les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau de son secteur d'activité (la robinetterie en secteur nucléaire) et non au niveau du groupe (la robinetterie industrielle) car les compétences requises ne sont pas les mêmes et la clientèle ciblée et les marchés différents

***

Aux termes de l'article L1233-3 du code du travail, «constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

[']»

La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

« La Société RS ENERGIE, et plus particulièrement le secteur d'activité auquel elle appartient, à savoir la maintenance en robinetterie sur site nucléaire, rencontre depuis plusieurs mois d'importantes difficultés économiques.

Ces difficultés se caractérisent par une détérioration notable de sa compétitivité comme en témoignent la baisse de son chiffre d'affaires sur l'année 2016 (inférieur de plus de 15% par rapport à l'année 2015, laquelle n'avait déjà pas permis à la société RS ENERGIE d'atteindre son point d'équilibre financier) et l'absence de toute amélioration prévisible et notoire à cet égard.

La société voit encore ses résultats se détériorer, dont son résultat d'exploitation qui se dégrade considérablement depuis quelques mois, et ne peut s'améliorer compte tenu de la diminution de l'activité.

La société RS ENERGIE est, en outre, confrontée à une baisse importante de son activité liée à la perte de son plus important chantier, celui de la tranche en marche du CNPE du [Localité 5].

Cette perte de contrat n'a malheureusement pas pu être compensée par d'autres marchés et impacte considérablement le plan de charge pour l'année à venir, qui se trouve complètement obéré.

Les perspectives d'activité sont aujourd'hui très réduites et, en l'état, il ne peut être envisagé aucune reprise effective et significative d'activité. En effet, les potentialités de marché restent, à ce jour, réduites dans un contexte de plus en plus concurrentiel mais surtout défavorable en ce qu'il voit notamment s'effondrer le prix de vente moyen de nos prestations.

La compétitivité de notre secteur d'activité, et corrélativement de notre société, se trouve aujourd'hui fortement impacté et c'est à terme notre pérennité même qui est menacée.

La baisse de notre chiffre d'affaires mais surtout de notre activité, alliée à la mauvaise conjoncture qui touche directement notre secteur d'activité, nous ont contraint à réfléchir à des mesures de restructuration et de réorganisation afin de sauvegarder notre compétitivité et notre pérennité.

Cette réorganisation passe, malheureusement, par une adaptation de notre effectif à la charge de travail qui sera désormais est réellement la nôtre, ce qui engendre la suppression de postes d'ouvriers intervenants dont notamment celui de mécanicien robinetiers que vous occupez.

C'est la raison pour laquelle votre poste est supprimé. »

Il est constant que la société RS ENERGIE appartient au groupe ROBINETTERIE SERVICE.

La société RS ENERGIE verse aux débats les contrats conclus avec EDF (19 mars 2015 et 25 juillet 2016) concernant la maintenance de la robinetterie TEM pour le CNPE du [Localité 5]. Les contractants sont d'une part le CNPE [Localité 5] et d'autre part «ROBINETTERIE SERVICE SA, [Localité 2]», le premier de ces contrats étant toutefois signé par [I] [M] qui a apposé le tampon «RS ENERGIE».

L'extrait Kbis de la société RS ENERGIE mentionne que l'activité principale est la maintenance de matériel de robinetterie industrielle, soupapes de sécurité ; vannes de régulation, travaux de mécanique générale, notamment sur site électronucléaire.

L'attestation de qualification délivrée par EDF à la société Robinetterie Service Energie, le 23 septembre 2015, et jusqu'au 09/09/2018 vise la « maintenance robinetterie. Intervention sur site en exploitation et montage sur site hors exploitation » au titre de la nature d'activité et, au titre du domaine d'activité les «clapets de non-retour et robinets autres, outils de diagnostic, robinets électriques et pneumatiques». Cette attestation de qualification ne fait pas référence aux sites nucléaires.

Le contrat de travail de M. [L] [V] mentionne qu'il est embauché en qualité de mécanicien robinetier et qu'il aura pour mission d'intervenir «au sein d'unité de production afin de réaliser la maintenance corrective et préventive d'équipements et matériels de robinetterie, en procédant aux opérations de démontage, réparation, remontage desdits équipements et matériels de robinetterie» et qu'il interviendra «principalement» sur chantiers et sites clients dont «notamment» sur site nucléaire ou centre nucléaire de production d'électricité, centrales et raffineries.

La fiche de poste de «mécanicien robinetier intervenant» annexée au contrat ne fait aucunement référence au site nucléaire.

Il s'en déduit que le secteur d'activité est la robinetterie industrielle et qu'il appartient à la société RS ENERGIE d'établir que les difficultés économiques ont affecté le groupe, or il n'est versé aux débats que les bilans de la société RS ENERGIE.

Les difficultés économiques ne sont donc pas établies, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de M. [V]

Le salarié fait valoir qu'il a connu une période de chômage de plusieurs mois ; qu'il a trouvé, à l'été 2017, un emploi saisonnier en qualité de livreur en boulangerie au [Localité 6] en [Localité 10] ; que cet emploi a pris fin au mois de septembre 2017.

L'employeur réplique que M. [V] avait une ancienneté d'à peine 2 ans, que la moyenne de ses salaires était de 2 096 euros ; qu'il ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.

M. [L] [V] avait moins de deux ans d'ancienneté au moment du licenciement.

Selon les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait du licenciement abusif.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (33 ans) et de son ancienneté (20 mois) au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer le préjudice résultant pour lui de la rupture abusive de la relation de travail à la somme de 4 200 euros bruts.

Sur les autres demandes :

La société RS ENERGIE, qui succombe en cause d'appel, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il est équitable de condamner la société RS ENERGIE à payer à M. [L] [V] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement :

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts fondées sur l'exécution déloyale du contrat de travail et la nullité du licenciement et en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité de grands déplacements et à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société aux dépens ;

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Condamne la société RS ENERGIE à payer à M. [L] [V] la somme de 4 200 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société RS ENERGIE aux dépens d'appel ;

Condamne la société RS ENERGIE à payer à M. [L] [V] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/08083
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;19.08083 ?
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