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01/02/2023 | FRANCE | N°19/07335

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 01 février 2023, 19/07335


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/07335 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU7J



[M]

C/

Société JCP GROUP

Société PROWEBCE

Société ALLIANCE MJ

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 9]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : F17/01608



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023





APPELANTE :



[V] [M]
>née le 30 Janvier 1970 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 8]



représentée par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉES :



Société JCP GROUP

[Adresse 1]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07335 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU7J

[M]

C/

Société JCP GROUP

Société PROWEBCE

Société ALLIANCE MJ

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 9]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : F17/01608

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

APPELANTE :

[V] [M]

née le 30 Janvier 1970 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société JCP GROUP

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me France TETARD de la SCP QUINCY - REQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Société ALLIANCE MJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société COTE EVASION

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me France TETARD de la SCP QUINCY - REQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Société PROWEBCE

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentée par Me Olivia BOUET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Karine MIGNON-LOUVET de la SELARL BOURGEOIS REZAC MIGNON, avocat au barreau de PARIS substituée par Me David LIBESKIND, avocat au barreau de PARIS

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [M] a été embauchée à compter du 01 septembre 1992 suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet par la société HEXA'CLUB en qualité de secrétaire commercial.

Le contrat de travail de Mme [M] a été transféré à la société JCP GROUP le 1er septembre 2006.

A compter du 1er août 2008, le contrat de travail a de nouveau été transféré vers la société COTE EVASION.

L'activité de la société COTE EVASION est l'exploitation d'une agence de promotion touristique et de loisirs à destination des comités d'entreprise.

Mme [M] est titulaire de 35 parts sociales de la société COTE EVASION, tandis que la société JCP GROUP' est titulaire de 735 parts.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [M] occupait le poste de responsable agence et percevait 2 508,66 euros bruts de salaire de base auxquels s'ajoutait un avantage en nature véhicule à hauteur de 127 euros bruts par mois.

Par lettre remise en main propre, datée du 19 mai 2016, la société COTE EVASION a convoqué Mme [M] à un entretien préalable en vue de son licenciement pour motif économique, fixé au 26 mai 2016.

Mme [M] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 9 juin 2016.

Par lettre du 14 juin 2016, la société COTE EVASION a constaté la rupture du contrat de travail de Mme [M] d'un commun accord avec effet au 16 juin 2016.

Le 26 mai 2016, Mme [M] avait, en sa qualité d'actionnaire de la société COTE EVASION, accepté la lettre d'intention de la société PROWEBCE portant sur l'acquisition de 100% des parts sociales de la société COTE EVASION.

Le 29 juin 2016, Mme [M] a saisi le conseil de Prud'hommes de LYON de demandes salariales et de contestation de la procédure et du bien-fondé de son licenciement.

Elle a demandé la convocation des sociétés JCP GROUP, COTE EVASION et PROWEBCE.

Reprochant à Mme [M] d'avoir refusé de signer les actes définitifs de cession, les sociétés COTE EVASION et JCP GROUP l'ont fait assigner devant le tribunal de commerce de LYON, par acte du 28 septembre 2016.

Par jugement du 26 octobre 2017, le tribunal de commerce a condamné Mme [M] à payer à la société COTE EVASION la somme de 53 000 euros à titre de dommages-intérêts outre la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 23 mai 2019, la cour a infirmé ce jugement et les sociétés JCP GROUP et COTE EVASION ont été déboutées de leurs demandes.

Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal de Commerce de LYON a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société COTE EVASION et la SELARL ALLIANCE MJ a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par procès-verbal du 4 octobre 2018, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 24 septembre 2019, le conseil de prud'homme de LYON a :

dit que Mme [M] n'est pas liée à la société PROWEBCE par un contrat de travail

dit que la société PROWEBCE, n'ayant jamais acquis la société COTE ÉVASION, elle n'a jamais eu la qualité d'employeur de Mme [M]

débouté Mme [M] de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société PROWEBCE

dit que la société JCP GROUP n'a pas la qualité de co-employeur de Mme [M]

débouté Mme [M] de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société JCP GROUP

dit que la procédure de licenciement est irrégulière

dit que le licenciement pour motif économique de Mme [M] repose bien sur une cause réelle et sérieuse

débouté Mme [M] de sa demande pour violation de l'ordre des licenciements

fixé les créances de Mme [M] au passif de la procédure collective de la société

COTE ÉVASION aux sommes de :

o 2 635,66 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière

o 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

déclaré le jugement opposable au CGEA de [Localité 9] ;

condamné Mme [M] à verser à la société PROWEBCE :

o 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

o 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Laissé les dépens de l'instance à la charge de la procédure collective de la société COTE EVASION

Le 23 octobre 2019, Mme [M] a fait appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 21 janvier 2021, Mme [M] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la procédure de licenciement était irrégulière et pour le surplus, de l'infirmer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, déclarer la cour d'appel compétente pour connaitre de la responsabilité de la société PROWEBCE à son encontre et juger que la société JCP GROUP et la société COTE EVASION étaient co-employeurs et qu'en conséquence les condamnations indemnitaires et salariales afférentes à la rupture du contrat de travail doivent être prononcées in solidum et de :

A titre principal, juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

fixer au passif de la liquidation de la société COTE EVASION les sommes suivantes :

o dommages-intérêts pour licenciement abusif 100 000,00 euros nets

o dommages-intérêts pour licenciement irrégulier 3 174.70 euros nets

o indemnité compensatrice de préavis 6 349,40 euros bruts

o congés payés afférents 634,94 euros bruts

condamner in solidum la société JCP GROUP en sa qualité de co employeur aux mêmes sommes ;

condamner in solidum, au titre de la collusion frauduleuse, la société PROWEBCE à la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

A titre subsidiaire, infirmer le jugement et statuant à nouveau,

juger que la cause économique du licenciement n'est pas démontrée et juger que l'obligation de recherche préalable et loyale de reclassement n'a pas été satisfaite ;

En conséquence, juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

fixer au passif de la liquidation de la société COTE EVASION les sommes suivantes :

o dommages-intérêts pour licenciement abusif 100 000,00 euros nets

o dommages-intérêts pour licenciement irrégulier 3 174,70 euros nets

o indemnité compensatrice de préavis 6 349,40 euros bruts

o congés payés afférents 634,94 euros bruts

condamner in solidum la société JCP GROUP en sa qualité de co-employeur aux mêmes sommes ;

A titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement et statuant à nouveau :

juger que l'ordre des licenciements n'a pas été respecté et que la perte injustifiée de son emploi est caractérisée.

En conséquence,

fixer au passif de la liquidation de la société COTE EVASION la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts pour perte injustifiée de l'emploi ;

condamner in solidum la société JCP GROUP en sa qualité de co-employeur aux mêmes sommes.

En toute hypothèse, infirmer le jugement et statuant à nouveau :

juger que la procédure de licenciement est intervenue dans des conditions brutales et vexatoires ;

En conséquence,

fixer au passif de la liquidation de la société COTE EVASION la somme de 25 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

condamner in solidum la société JCP GROUP en sa qualité de co- employeur aux mêmes sommes.

fixer la moyenne des salaires à : 3 174,70 euros bruts.

En conséquence,

fixer au passif de la liquidation de la société COTE EVASION les sommes suivantes :

o rappel de salaire 10 405,77 euros brut

o congés payés afférents 1 040,57 euros bruts

o solde d'indemnité de licenciement 1 810,76 euros nets

condamner in solidum la société JCP GROUP en sa qualité de co- employeur aux mêmes sommes ;

ordonner la rectification des documents de fin de contrat conformément à la décision à intervenir ;

juger qu'elle n'a commis aucun abus de droit à l'encontre de la société PROWEBCE

En conséquence :

débouter la société PROWEB CE de ses demandes reconventionnelles ;

débouter les sociétés COTES EVASION et JCP GROUP de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

fixer au passif de la liquidation de la société COTE EVASION la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner in solidum, les sociétés JCP GROUP et PROWEBCE à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner in solidum les défenderesses aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 5 mai 2021, la SELARL MJ ALLIANCE, liquidateur judiciaire de la société COTE EVASION et la société JCP GROUP demandent à la cour de :

confirmer le jugement sur les rappels de salaire et d'indemnité de licenciement, débouter Mme [M] de ses demandes à ce titre et fixer le salaire de référence à 2 508,66 euros Brut ;

confirmer le jugement sur le co-emploi et dire que l'employeur de Mme [M] est la société COTE EVASION ;

A TITRE PRINCIPAL: sur les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail : confirmer le jugement du conseil de prud'hommes et dire que la société COTE EVASION n'a pas manqué à son obligation au titre de l'article L 1224-1 du code du travail et aucune collusion frauduleuse n'est établie avec la société PROWEBCE

PAR CONSÉQUENT, débouter Mme [M] de sa condamnation in solidum au versement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

A TITRE SUBSIDIAIRE : sur le licenciement, confirmer le jugement et dire que le motif économique du licenciement est parfaitement fondé et que l'obligation de recherche de reclassement a été remplie

débouter Madame [M] de sa demande de condamnation in solidum avec JCP GROUP au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des demandes au titre du préavis et des conges y afférents ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE sur l'ordre des licenciements, confirmer le jugement et dire que la société COTE EVASION n'a commis aucun manquement au titre des critères d'ordre des licenciements, et débouter Mme [M] de sa demande de condamnation in solidum au titre de dommages-intérêts y afférents ;

Sur l'irrégularité de procédure : infirmer le jugement et dire que la société COTE EVASION n'a commis aucune irrégularité dans le cadre de la procédure et débouter Mme [M] de sa demande de condamnation in solidum avec JCP GROUP au titre de dommages-intérêts pour un montant de 3 174,70 euros Brut ;

Condamner Mme [M] à verser au liquidateur judiciaire de la société COTE EVASION et à JCP GROUPE la somme respective de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner en outre au paiement des entiers dépens de l'instance ;

Par concluions notifiées le 14 avril 2020, la société PROWEBCE demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 21avril 2020, l'UNEDIC AGS CGEA de [Localité 9] demande à la cour de :

confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter Mme [M] de l'intégralité de ses demandes ;

débouter Mme [M] de ses prétentions à titre de co-emploi ;

débouter Mme [M] de ses demandes à titre de fraude dans l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du Travail,

débouter Mme [M] de sa demande de condamnation et de fixation solidaire comme étant infondée et injustifiée ;

débouter Madame [M] de ses demandes de rappel de salaire ;

Subsidiairement,

réduire le quantum des dommages- intérêts du préjudice effectivement démontré.

En tout état de cause,

dire que l'article 700 du code de procédure civile n'est pas garanti par l'AGS ;

dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du Travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du Code du Travail et L. 3253-17 du Code du Travail ;

dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

SUR CE,

- Sur le co-emploi entre les sociétés COTE EVASION et JCP GROUP

La salariée fait valoir :

que les sociétés HEXA CLUB, JCP GROUP et COTE EVASION avaient pour dirigeant M. [N], qui a été son seul employeur pendant ces 23 années ;

qu'elle n'a signé qu'un seul contrat, en 1992, puis qu'elle a été transférée de société en société sans régularisation d'avenants ;

que si le groupe est dépourvu de personnalité juridique, un salarié signataire d'un seul contrat peut invoquer l'existence d'un contrat unique à l'égard des sociétés d'un groupe dés lors qu'il y exerce des activité identiques, sous leur autorité commune ;

qu'elle peut donc se prévaloir d'un lien de subordination avec les sociétés JCP GROUP et COTE EVASION.

que si la cour ne devait pas retenir son lien de subordination avec les deux sociétés, il lui appartiendra de rechercher l'existence d'une situation de co-emploi au regard de l'immixtion permanente la société JCP GROUP dans la gestion de la société COTE EVASION. La salariée souligne à ce titre, les liens capitalistiques entre ces sociétés, la confusion de leurs intérêts économiques et sociaux, la facturation par la société JCP GROUP à la société COTE EVASION de frais de management équivalent à 20% de son chiffre d'affaires.

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION répondent que:

la société JCP GROUP constitue la holding dont M. [N] est le dirigeant

la holding détient des parts financières dans la société COTE EVASION, dirigée par M. [N] ;

la société JCP GROUP ne s'est pas immiscée dans la gestion économique et sociale de la société COTE EVASION ;

M. [N] a pris le soin de bien différencier les actes réalisés au titre de la société COTE EVASION de ceux réalisés pour JCP GROUP et le fait qu'une seule et même personne soit à la tête de deux sociétés distinctes ne saurait caractériser l'immixtion de la société JCP GROUP dans la gestion de la société COTE EVASION ;

les documents reçus par Mme [M] sont tous a l'entête de la société COTE EVASION et ont tous été réalisés en son nom et pour son compte ;

la salariée ne démontre pas avoir reçu des instructions de la part de la société JCP GROUP de sorte qu'aucune immixtion sociale n'est jamais intervenue.

L'AGS CGEA de [Localité 9] soutient que Mme [M] ne démontre pas qu'il existe une ingérence dans le domaine social et économique dépassant les rapports de domination économique et la politique commune inhérente au fonctionnement d'un groupe.

****

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Mme [M] soutient en premier lieu qu'il existerait un lien de subordination entre elle et la société JCP HOLDING dès lors qu'elle n'a signé qu'un seul contrat le 1er septembre 1992, lequel a été transféré d'abord à la société JCP GROUP le 1er septembre 2006, puis à nouveau à la société COTE EVASION à compter du 1er août 2008, ces différents transferts s'opérant en dehors de tout avenant.

Or, il résulte des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail que le transfert du contrat de travail est automatique et s'effectue sans formalité particulière, de sorte que l'absence d'avenant au contrat de travail pour formaliser le transfert n'implique nullement qu'un lien de subordination aurait été maintenu entre Mme [M] et la société JCP GROUP au moment du transfert de son contrat de travail à la société COTE EVASION. Mme [M] ne saurait tirer argument de cette absence d'avenant dès lors qu'il ne résulte pas des débats que l'exécution de son contrat de travail aurait été régie par les directives, ainsi que par le pouvoir de contrôle et de sanction de la société JCP GROUP ; qu'il est constant que ses bulletins de salaire ont été délivrés par la société COTE EVASION, constatations dont il ressort qu'aucun lien de subordination n'est établi à l'égard de la société JCP GROUP.

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Le seul fait que la société JCP GROUP et la société COTE EVASION soient dirigées par la même personne ne caractérise pas, de facto, cette immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de l'entreprise.

Pour soutenir qu'il existerait une confusion des intérêts économiques et sociaux des sociétés JCP GROUP et COTE EVASION, Mme [M] évoque la facturation par la société JCP GROUP à la société COTE EVASION de frais de management équivalent à 20% de son chiffre d'affaires.

Mais l'existence de frais de management facturés par la société holding à hauteur de 20% du chiffre d'affaires de la société COTE EVASION ne démontre pas que cette dernière aurait perdu toute autonomie dans sa gestion économique, technique et administrative, ni qu'elle aurait, de ce fait, perdu la maîtrise de ses affaires.

Et, il ne peut y avoir immixtion sociale qu'à condition que la direction et la gestion du personnel soient prises en main, en l'espèce, par la société Holding, qui ne permettrait plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés. Une telle situation n'est pas davantage démontrée à l'égard de Mme [M].

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a écarté une situation de co-emploi.

-Sur la violation de l'article L 1224-1 du code du travail :

La salariée expose que :

au mois d'avril 2016, M. [N] lui a annoncé, comme au reste du personnel, qu'il avait trouvé un potentiel acheteur pour l'entreprise et que, dans cette perspective, elle a eu un entretien avec M. [X], directeur des ventes de PROWEBCE ;

courant mai 2016, M. [N] a fait pression sur elle pour qu'elle signe une rupture conventionnelle, ce qu'elle a refusé ;

c'est sous la menace d'un licenciement pour faute grave qu'elle a signé la lettre d'intention le 26 mai 2016 ;

cette lettre contient des informations fausses puisqu'alors qu'à cette date elle faisait toujours partie du personnel, il est mentionné que Mme [Z] [W] est seule salariée de l'entreprise

cela établit que dès l'origine du projet, la société PROWEBCE n'entendait pas reprendre son contrat de travail et imposait son licenciement comme condition déterminante au rachat du fonds de commerce ;

elle a accepté le 2 juin 2016, de signer, en les antidatant, la convocation à l'entretien préalable (antidatée au 19 mai 2016) ainsi que la note économique et un bulletin de remise de la documentation du CSP tous deux antidatés au 26 mai 2016,

le 14 juin 2016, elle a été contrainte de mettre sur papier entête sa propre lettre de licenciement pour motif économique ;

compte tenu de la violation manifeste des dispositions d'ordre public de l'article L1224-1 du code du travail, le licenciement notifié par la société COTE EVASION est dénué de cause réelle et sérieuse.

le 24 juin 2016, lors du rendez de vous de signature de la vente du fonds de commerce, les deux dirigeants des sociétés COTE EVASION et PROWEBCE ont tenté de lui imposer la signature d'un protocole transactionnel visant à lui interdire de contester son licenciement devant la juridiction prud'homale ;

elle n'a pas refusé de céder ses parts et que c'est la société JCP qui n'a plus souhaité le faire ;

la collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire est manifeste .

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION répondent que :

en l'absence de cession de l'entreprise, les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail ne trouvent pas à s'appliquer ;

Mme [M] connaissait les difficultés économiques de la société ;

elle a signé sans réserve la lettre d'intention de la société PROWEBCE, son nom n'apparaissait pas au titre de la poursuite d son contrat de travail eu égard à la procédure de licenciement en cours ;

elle ne justifie d'aucune collusion frauduleuse

La société PROWEBCE fait valoir que :

il n'y a jamais eu de relation de travail avec Mme [M] et qu'en l'absence de cession, elle n'a repris aucun contrat de travail

il n'y a pas eu collusion frauduleuse à l'article 1224-1 du code du travail puisque la cession n'est pas intervenue

dans la lettre d'intention, elle reste silencieuse sur les conditions de reprise du contrat de travail de Mme [M] ;

la lettre de mission n'avait pas vocation à mentionner les conditions exhaustives de rachat ;

s'il y avait une collusion frauduleuse, cela ressortirait de la seule compétence du tribunal de Commerce de NANTERRE ou du TGI

****

L'article L. 1224-1 du code du travail cité ci-avant ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Enfin, le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement par un autre exploitant.

En l'espèce, il est constant que le transfert envisagé de la société COTE EVASION à la société PROWEBCE n'a finalement pas eu lieu, de sorte que l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail est sans objet et qu'il n'existe aucune violation manifeste desdites dispositions.

-Sur le bien-fondé du licenciement :

L'article L. 1233-16 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2018, applicable au litige énonce : " La lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur.

Elle mentionne également la priorité de réembauche prévue par l'article L.1233-45 et ses conditions de mise en 'uvre. "

La motivation du licenciement doit être contenue dans la lettre de licenciement qui doit se suffire à elle-même. C'est pourquoi la lettre de licenciement doit indiquer à la fois l'élément original, c'est-à-dire les difficultés économiques et l'incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. La lettre de licenciement sera suffisamment motivée si les motifs qu'elle énonce sont matériellement vérifiables.

En l'espèce, Mme [M] soutient que la procédure de licenciement est antidatée, qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien préalable contrairement à ce que laisse supposer sa convocation à un entretien préalable à son licenciement par lettre remise en main propre du 19 mai 2016.

La salariée soutient que les motifs économiques de son licenciement ne lui ont pas été notifiés dés lors que le courrier du 26 mai 2016, exposant les difficultés économiques et la suppression de son poste est également antidaté.

Mme [M] s'appuie sur un courriel que M. [N] lui a transféré le 2 juin 2016, adressé par l'avocat de la société COTE EVASION et indiquant expressément :

" (') Afin que le licenciement des salariés puisse intervenir avant la signature de la vente prévue le 24 juin 2016, nous avons été contraints d'antidater le courrier de convocation à l'entretien et la date de remise de la note économique que nous vous joignons. "

Elle s'appuie par ailleurs sur un procès-verbal de constat qu'elle a fait établir par un huissier le 7 juin 2016 constatant la teneur des courriels du 2 et du 7 juin 2016.

Les sociétés ALLIANCE et JCP GROUP concluent à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes qui a jugé que les échanges de mails produits entre le chef d'entreprise M. [N] et son conseil sont couverts par le secret professionnel et ne peuvent être examinés.

Elles ajoutent que les documents produits n'attestent nullement que Mme [M] n'a pas été en mesure d'assister à l'entretien préalable du 26 mai et que ces documents viennent confirmer les différentes étapes du licenciement ayant pris fin au 16 juin, date d'expiration du délai d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

****

L'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professons judiciaire et juridiques énonce que : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. "

Le seul fait qu'une lettre adressée par un avocat à son client ait été communiquée à un tiers ne lui fait pas nécessairement perdre son caractère confidentiel.

Le constat d'huissier du 7 juin 2016 porte notamment sur des courriels adressés le 2 et le 7 juin par le cabinet Quincy Réquin & Associés à M. [N]. Il s'agit de correspondances entre M. [N] et son conseil.

Le constat d'huissier porte par ailleurs sur les projets de convocation et de lettre à adresser à Mme [M]. Ces projets constituent les pièces jointes des courriels sus-visés et portent la mention suivante : " à faire dater par le salarié au 26 mai 2016 et à faire signer. "

Il apparaît en l'espèce que la correspondance entre M. [N] et son avocat, ainsi que les pièces jointes à cette correspondance, produites dans le débat par Mme [M], ont été divulguées à cette dernière par M. [N] qui n'était pas tenu au secret professionnel. Cette correspondance porte en outre sur des éléments de fait concernant Mme [M] et qui étaient connus d'elle, dès lors qu'elle a acquiescé à la décision d'antidater sa convocation à l'entretien préalable et la note de notification des motifs économiques du licenciement.

Il en résulte que le secret attaché à la correspondance entre M. [N] et son conseil ne peut être opposé à Mme [M] .

Et il résulte de ces documents qu'ils ont été adressés à la société COTE EVASION postérieurement au 26 mai 2016, date présumée de l'entretien préalable, de sorte qu'ils révèlent que l'entretien préalable, à supposer qu'il ait eu lieu, ne s'est pas déroulé le 26 mai 2016, et que la note explicative des difficultés économiques n'a pas été portée à la connaissance de Mme [M] à la date mentionnée sur le document.

Il en résulte que la société COTE EVASION ne justifie pas qu'elle a énoncé le motif économique du licenciement, dans un document écrit d'information remis au salarié, avant la rupture effective du contrat de travail par acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Le non-respect de cette obligation d'information est sanctionné par le constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et ce quel que soit le bien fondé des difficultés économiques invoquées.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

- Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] fait valoir qu'elle n'a pas trouvé d'emploi dans son domaine et ce malgré une recherche active et des formations ; qu'elle a été contrainte de se reconvertir et est devenue assistante maternelle ; que ses revenus ont été impactés et que sa situation est précaire depuis son licenciement ; que le contexte du licenciement, ainsi que reproches d'avoir fait échouer la cession du fonds de commerce a eu un impact sur son état de santé.

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION répondent que :

les dommages intérêts doivent être fixés en fonction du préjudice subi par la salariée ;

Mme [M] a accepté les dispositions du contrat de sécurisation professionnelle le 16 juin 2016, ce qui lui a permis de maintenir le niveau de sa rémunération pendant un an, puis de l'allocation de retour à l'emploi

sa demande est disproportionnée

La société PROWEBCE fait valoir que les demandes de la salariée sont exorbitantes et injustifiées.

Mme [M] qui était employé dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peut prétendre, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi. Compte tenu des éléments sus-visés et de la durée de la relation contractuelle, le préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement sera réparé par la somme de 50 000 euros. Le jugement déféré qui a débouté Mme [M] de sa demande à ce titre sera infirmé en ce sens et la salariée sera déboutée de sa demande pour le surplus.

- Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la procédure irrégulière :

Mme [M] soutient par ailleurs que les dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour licenciement irrégulier sont cumulables sous l'empire des anciennes dispositions légales antérieures aux ordonnances dites " macron de septembre 2017 " pour les salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté et/ou travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés.

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION objectent que :

les échanges de mail entre M. [N] et son conseil sont couverts par le secret professionnel

les documents n'attestent pas que Mme [M] n'a pas pu assister à l'entretien préalable

il n'est pas justifié de l'irrégularité de la procédure

lorsque le licenciement est irrégulier et sans cause réelle et sérieuse, seule l'indemnisation sanctionnant l'absence de cause réelle et sérieuse est due, les deux indemnités n'étant pas cumulables.

****

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, que " ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salarié, les dispositions relatives :

1° aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2

2° à l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ; (') "

Conformément à ces dispositions, Mme [M] qui a été licenciée par une entreprise dont il n'est pas contesté qu'elle employait habituellement moins de onze salariés, peut prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, de sorte que le cumul entre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement irrégulier est possible. Mais faute pour elle de justifier d'un préjudice en lien avec cette irrégularité, Mme [M] est débouté de sa demande d'indemnité supplémentaire pour procédure irrégulière.

-Sur le licenciement vexatoire :

Mme [M] estime avoir subi un préjudice distinct car elle a été chargée de mettre en 'uvre son propre licenciement.

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION opposent à Mme [M] l'absence d'élément justificatif de l'existence d'un préjudice distinct des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'AGS CGEA fait valoir qu'elle ne justifie de son préjudice ni dans son principe ni dans son montant.

****

Mme [M] qui invoque un licenciement d'une violence inouïe, mais ne justifie pas de son préjudice, sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts au motif d'un licenciement brutal et vexatoire.

- Sur le rappel de salaire pour la période du 24 juillet 2013 au 24 juin 2016 :

Mme [M] fait une demande de rappel de salaire au motif que le contrat de travail prévoit une durée de 35 heures hebdomadaires mais qu'elle a été payée sur une base de 136 heures mensuelles.

Elle conteste l'attestation de Mme [W] selon laquelle elle ne travaillait pas le mercredi et le vendredi après-midi.

Mme [M] soutient qu'elle travaillait de 9H à 12H30 et de 13H30 à 18H les lundi, mardi et jeudi, soit 8H par jour ; de 9H à 12H30 le mercredi et de 9H à 13H et de 13H30 à 17H le vendredi.

Les sociétés ALLIANCE es qualités et JCP GROUP soutiennent que :

- Mme [M] a été rémunérée sur une base de 136 heures mensuelles correspondant à la réalité de son temps de travail, ce qu'elle n'a jamais contesté, et conformément à sa demande d'horaires aménagés lors du passage à 35H ;

- la seule production, en cause d'appel de trois courriels de Mme [M] un vendredi après-midi sur une période de quinze années ne peuvent attester d'un horaire à 151H67 qui aurait été payé 136H.

L'AGS CGEA objecte que l'horaire de travail de Mme [M] a évolué ; qu'elle n'a plus travaillé ni les mercredis après-midi ni les vendredis après-midi de septembre à octobre 2017.

****

Le contrat de travail de Mme [M] ne comporte aucune mention relative à la durée du travail mais précise que la salariée percevra un salaire de 6 000 francs brut mensuel sur la base de 169 heures.

Ce contrat n'a fait l'objet d'aucun avenant et les sociétés ALLIANCE et JCP GROUP ne justifient pas de l'existence d'une demande d'aménagement de son temps de travail par Mme [M].

En l'absence de tout outil de contrôle du temps de travail, alors qu'il incombe à l'employeur de procéder à ce contrôle, l'attestation de Mme [W] sur les horaires de Mme [M] ne constitue pas un élément suffisamment probant et l'absence de revendication de Mme [M] au sujet de sa rémunération effective sur la base de 136 heures mensuelles ne présume pas de sa renonciation à solliciter un rappel de salaire.

Le rappel de salaire calculé par Mme [M] sur la base d'un taux horaire de 18,44 euros pour la période du 24 juillet 2013 au 24 juillet 2016, non contesté, même à titre subsidiaire, par les sociétés ALLIANCE et JCP GROUP est validé.

Mme [M] est par conséquent fondée à demander l'inscription de sa créance de salaire pour la période du 24 juillet 2013 au 24 juin 2016, au passif de la société COTE EVASION, à hauteur de 10 405,77 euros, outre la somme de 1 040,57 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur le solde d'indemnité de licenciement :

Mme [M] conclut que l'indemnité légale de licenciement doit être recalculée sur la base du salaire de référence corrigé, soit un salaire brut de 3 174,70 euros qui comporte un avantage en nature de 127 euros et 1/12ème de la prime exceptionnelle versée au mois de mai 2016 et demande en conséquence le paiement d'un solde d'indemnité de licenciement de 1 870, 16 euros net se décomposant comme suit :

(3 174,70 x 23,91 x 1/5) + (3174,70 x 13,91 x 2/15) - 19 199,26 euros (indemnité effectivement perçue).

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION ne contestent pas, même à titre subsidiaire, les bases de ce calcul.

Il convient par conséquent d'ordonner l'inscription au passif de la société COTE EVASION de la somme de 1 870,16 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement.

- Sur l'indemnité de préavis :

Mme [M] demande le paiement d'une indemnité de préavis de 6 349,40 euros, outre les congés payés afférents, nonobstant la signature du CSP, compte tenu de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

La société JCP GROUP et la SELARL ALLIANCE MJ, liquidateur de la société COTE EVASION répondent que Madame [M] a accepté les dispositions de contrat de sécurisation professionnelle la dispensant de son préavis qui a au contraire été réglé par la société COTE EVASION à POLE EMPLOI.

****

Compte tenu de l'issue du litige et de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle devient également sans cause et l'employeur est tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées.

La SELARL ALLIANCE qui indique à ce titre, que le préavis a été réglé par la société COTE EVASION à Pôle Emploi, et qui ne soutient pas que des sommes auraient été versées à Mme [M] de ce chef, n'est par conséquent pas fondée à s'opposer au paiement d'un préavis de deux mois, outre les congés payés afférents.

Conformément au calcul du salaire de référence proposé par Mme [M], soit un salaire mensuel moyen de 3 174,70 euros, l'indemnité de préavis s'élève à la somme de 6 349,40 euros. La créance de Mme [M] à ce titre est donc de 6 349,40 euros outre 634,94 euros de congés payés afférents.

- Sur la demande reconventionnelle de la société PROWEBCE :

La société PROWEBCE demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme [M] à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive au motif qu'elle a agi en toute connaissance de cause de ce qu'elle n'avait pas été salariée de la société PROWEBCE.

Mais l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur équipollente au dol.

Pour caractériser une faute dans l'exercice d'une voie de droit, les juges doivent relever des circonstances constitutives d'un abus, plus précisément d'un "comportement procédural excédant l'exercice légitime du droit d'ester en justice ".

En l'espèce, l'abus de droit n'est pas caractérisé. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens d'appel seront supportés par la société ALLIANCE ès qualités, partie perdante.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de Mme [M] dirigées contre la société PROWEBCE et contre la société JCP GROUP et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur le caractère vexatoire de la procédure de licenciement

INFIRME le jugement déféré pour le surplus

STATUANT à nouveau et y ajoutant

DIT que le licenciement de Mme [M] est sans cause réelle et sérieuse

FIXE la créance de Mme [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société COTE EVASION aux sommes suivantes :

* 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

* 10 405,77 euros à titre de rappel de salaires, outre

* 1 040,57 euros au titre des congés payés afférents

* 6 349,40 euros à titre d'indemnité de préavis

* 634,94 euros au titre des congés payés afférents

* 1 870,16 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement

DÉBOUTE Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'irrégularité de la procédure

DÉBOUTE la société PROWEBCE de sa demande de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive

ORDONNE à la société ALLIANCE es qualités, de remettre à Mme [M] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

DIT que l'AGS devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi

CONDAMNE la société ALLIANCE es qualités à payer à Mme [M] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société ALLIANCE es qualités, aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/07335
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;19.07335 ?
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