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20/01/2023 | FRANCE | N°20/02210

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 20 janvier 2023, 20/02210


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/02210 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M52I





Société EGT ENVIRONNEMENT

C/

[L]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE CEDEX

du 21 Février 2020

RG : 19/00122











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 20 JANVIER 2023







APPELANTE :



Société EGT ENVIRONNEMENTr>
[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Sophie GUILLAUD, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON



INTIMÉ :



[U...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/02210 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M52I

Société EGT ENVIRONNEMENT

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE CEDEX

du 21 Février 2020

RG : 19/00122

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

APPELANTE :

Société EGT ENVIRONNEMENT

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Sophie GUILLAUD, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

INTIMÉ :

[U] [L]

né le 01 Janvier 1963 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Novembre 2022

Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société EGT Environnement exerce une activité de collecte, de transport et de traitement des déchets ménagers et industriels. Elle applique la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000 (IDDC 2149). Elle a embauché M. [U] [L], à compter du 3 mars 2014 en qualité de conducteur poids lourd polyvalent ripeur, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2016, la société EGT Environnement a notifié à M. [U] [L] sa mise à pied à titre conservatoire, ainsi qu'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 décembre 2016. Il a été licencié, par lettre recommandée avec accusé réception du 9 décembre 2016, pour faute grave.

Le 4 janvier 2017, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse d'une contestation de ce licenciement.

Le 2 novembre 2018, la juridiction de première instance a prononcé la radiation de l'affaire. Par conclusions du 13 mai 2019, M. [L] a demandé la réinscription de celle-ci au rôle.

Par jugement du 21 février 2020, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse a :

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [U] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

- dit et jugé que la société EGT Environnement n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

- dit et jugé que la société EGT Environnement n'a pas manqué à son obligation de loyauté;

- dit et jugé que la société EGT Environnement n'a pas procédé au paiement de la majoration de salaire liée aux heures de travail effectuées la nuit ;

- condamné la la société EGT Environnement à payer à M. [L] les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter de la saisine :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 121 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 5 457 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 545,7 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1 030 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée, outre la somme de 103 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1 498 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre la somme de 149,8 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société EGT Environnement aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'exécution

- ordonné l'exécution provisoire sur l'entier jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté M. [L] de ses autres demandes ;

- débouté la société EGT Environnement de ses autres demandes.

Le 23 mars 2020, la société EGT Environnement a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement pour faute grave de M. [U] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la la société EGT Environnement n'a pas manqué à son obligation de sécurité à payer à M. [L] les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter de la saisine :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 121 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 5 457 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 545,7 euros bruts au titre des congés payés afférents

-1 030 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée, outre la somme de 103 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1 498 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre la somme de 149,8 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société EGT Environnement aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'exécution.

- débouté la société EGT Environnement de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 décembre 2020, la société EGT Environnement, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [U] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la la société EGT Environnement n'a pas manqué à son obligation de sécurité à payer à M. [L] les sommes de :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 121 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 5 457 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 545,7 euros bruts au titre des congés payés afférents

-1 030 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée, outre la somme de 103 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société EGT Environnement de ses demandes reconventionnelles

Statuant à nouveau,

Sur le licenciement

A titre principal,

- dire le licenciement pour faute grave fondé

- débouter M. [L] de ses demandes subséquentes au licenciement

A titre subsidiaire,

- limiter l'indemnisation de la période de mise à pied conservatoire à 906,53 € bruts, outre 90,65 € au titre des congés payés afférents

- dire que les dommages et intérêts sollicités ne sauraient excéder la somme de 10 900 € bruts

Sur les rappels de salaire au titre des heures de nuit

- lui donner acte qu'elle reconnaît devoir les sommes de :

- à titre principal, sur la base des heures démontrées : 219,31 € bruts, outre 21,93 € au titre des congés payés

- à titre subsidiaire, sur la base de la projection réalisée : 667,63 € bruts, outre 66,76 € au titre des congés payés

- débouter M. [L] du surplus de ses demandes

Sur les demandes additionnelles de M. [L]

- à titre principal, les juger irrecevables

- à titre subsidiaire, débouter M. [L] de ses demandes subséquentes

Sur les autres demandes

- condamner M. [L] à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance, outre 2 500 € au titre de la procédure d'appel

- condamner M. [L] à tous les dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL Laffly & associés ' Lexavoués sur son affirmation de droit.

La société EGT Environnement soutient qu'elle a respecté les termes de la fiche d'aptitude renseignée par le médecin du travail le 4 juillet 2016. Elle ajoute que M. [L] n'a pas assuré correctement l'entretien du camion qui lui était confié pour effectuer son travail et qu'en outre, le 21 novembre 2016, il s'est emporté contre une autre salariée, Mme [M], au sujet du non-paiement d'heures supplémentaires. La société EGT Environnement admet qu'elle n'a pas payé, par ignorance, la majoration de 10 % due pour les heures travaillées de nuit mais que le rappel de salaire qui en découle ne concerne que 206 heures 15. Elle prétend que les demandes additionnelles de M. [L], en dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité et d'exécuter loyalement le contrat de travail, n'ont été formulées qu'à l'occasion des conclusions aux fins de réinscription de l'affaire au rôle du conseil de prud'hommes. Subsidiairement, elle affirme qu'elle a parfaitement respecté ses obligations.

Dans ses uniques conclusions notifiées le 27 juin 2020, M. [U] [L], intimé, demande pour sa part à la Cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse du 21 février 2020, en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [U] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

- dit et jugé que la société EGT Environnement n'a pas procédé au paiement de la majoration de salaire liée aux heures de travail effectuées la nuit ;

- condamné la société EGT Environnement à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, la rémunération de la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée, outre les congés payés afférents, le rappel de salaire, outre les congés payés afférents

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société EGT Environnement aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'exécution

- ordonné l'exécution provisoire sur l'entier jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté la société EGT Environnement de ses autres demandes.

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse du 21 février 2020, pour le surplus

Statuant à nouveau,

- fixer le salaire moyen de référence de M. [L] à la somme de 1 831,04 €

- condamner la société EGT Environnement à lui payer les sommes suivantes :

- 20 141,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 036,37 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 5 493,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 549,31 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 906,53 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée, outre la somme de 90,65 euros au titre des congés payés afférents

- 1 498 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre la somme de 149,8 euros bruts au titre des congés payés afférents

- condamner la société EGT Environnement à lui payer les sommes de :

- 10 986,24 euros nets, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité des travailleurs

- 3 662,08 euros nets, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

- débouter la société EGT Environnement de l'intégralité de ses demandes plus amples ou contraires, sauf en ce qu'elle reconnaît lui devoir des rappels de salaire au titre de la majoration des heures effectuées de nuit par ce dernier

- condamner la société EGT Environnement à lui verser la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel

- condamner la société EGT Environnement aux entiers dépens.

M. [L] fait valoir que le médecin du travail, par avis du 4 juillet 2016, l'a déclaré apte au poste de chauffeur exclusivement, donc à l'exclusion de celui de ripeur, et a demandé à ce qu'il n'effectue plus d'heures supplémentaires, et que son employeur n'a alors pas respecté ces préconisations. Il reproche à ce dernier de lui avoir communiqué son planning au jour le jour, d'avoir payé son salaire pour le mois de novembre 2016 en trois fois. Il réclame le paiement de la majoration de 10 % pour travail de nuit sur un volume de 1 400 heures. Il affirme avoir toujours veillé à l'entretien du camion utilisé pour effectuer son travail, qui, au demeurant, a pu être utilisé par d'autres salariés pendant qu'il était absent, pour cause de maladie. Il indique que, le 16 novembre 2016, c'est Mme [M] qui s'est emportée et l'a pris à partie.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaire au titre des heures de travail effectuées de nuit

L'article 4 de l'avenant n° 10 du 15 décembre 2004 à la convention collective nationale des déchets prévoit qu'une majoration de 10 % du taux horaire calculé sur la base du salaire minimum conventionnel s'applique pour les personnels des niveaux I à III aux heures de travail effectuées entre 21 et 6 heures.

M. [L] démontre, en se référant aux fiches de collecte(pièce n° 10 de l'intimé), qu'il a travaillé, au cours de l'année 2016, un total de 206,15 heures avant 6 heures du matin.

La société EGT Environnement ne conteste pas qu'elle ait omis de payer cette majoration. M. [L] a donc droit, à titre de rappel de majoration de son salaire pour les heures de travail effectuées de nuit, en retenant un taux horaire de 10,79 euros, au paiement de la somme de : 10,79 x 10 % x 206,25 = 219,31 euros, outre 21,93 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Sur le respect de l'obligation de sécurité par l'employeur

Lorsque M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes le 4 janvier 2017, il demandait le paiement des heures de travail effectuées de nuit et contestait le bien-fondé de son licenciement. Lorsqu'il a demandé la réinscription de l'affaire au rôle de la juridiction de première instance le 13 mai 2019, il sollicitait en outre le paiement de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité par l'employeur.

Il s'agit d'une demande additionnelle qui se rattache à la prétention initiale relative au paiement des heures de nuit par un lien suffisant, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, pour être jugé recevable : toutes deux concernent l'exécution du contrat de travail par l'employeur.

Au fond, M. [U] [L] s'est vu attribuer le statut de travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées, pour la période allant du 1er décembre 2014 au 30 novembre 2019 (pièce n° 12 de l'intimé).

La Cour relève toutefois que M. [L] ne démontre pas qu'il ait, avant son licenciement, informé son employeur de l'attribution de ce statut, ni que la reconnaissance de ce statut imposait à l'employeur d'aménager son poste de travail, en lui retirant les fonctions de ripeur.

Le 4 juillet 2016, à l'issue d'une visite périodique, le médecin du travail a conclu que M. [L] était « apte au poste de chauffeur exclusivement. Contre-indication heures supplémentaires ».

Il s'en déduit que M. [L] n'était médicalement plus apte à travailler en tant que ripeur ; en revanche, si effectuer des heures supplémentaires était contre-indiqué, cela n'était pas interdit.

Il apparaît, à la lecture des fiches de collecte (pièce n° 2 de l'appelante), que M. [L] a travaillé sans être accompagné par un ripeur les 6, 7, 11 et 13 juillet 2016, les 17, 18, 22, 24 et 31 août 2016, les 1er, 5, 7, 12, 14, 19 et 21 septembre 2016, soit un total de 16 jours après le rendu de l'avis médical.

Il est ainsi établi que l'employeur n'a pas respecté l'avis médical d'aptitude. Toutefois, M. [L] ne démontre en rien qu'il ait subi un préjudice causé par ce comportement, alors même qu'il chiffre de manière forfaitaire à six mois de salaires le montant des dommages et intérêts réclamés à ce titre. En conséquence, le rejet de sa demande de ce chef sera confirmé.

Sur l'exécution du contrat de travail par l'employeur

Lorsque M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes le 4 janvier 2017, il demandait le paiement des heures de travail effectuées de nuit et contestait le bien-fondé de son licenciement. Lorsqu'il a demandé la réinscription de l'affaire au rôle de la juridiction de première instance le 13 mai 2019, il sollicitait en outre le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail.

Il s'agit d'une demande additionnelle qui se rattachent à la prétention initiale relative au paiement des heures de nuit par un lien suffisant, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, pour être jugé recevable : toutes deux concernent l'exécution du contrat de travail par l'employeur.

Au fond, M. [L] ne démontre en rien son allégation selon laquelle, à compter de la fin du mois de juillet 2016 et en violation des clauses de son contrat de travail, son employeur lui adressait au jour le jour son planning de travail.

M. [L] établit que son employeur a versé en trois fois son salaire pour le mois d'octobre 2016 : 1 400 euros le 7 novembre 2016, 128,55 euros le 10 novembre 2016 et 83,70 euros le 24 novembre 2016 (pièce n° 21 de l'intimé).

Ce seul fait ne permet pas de retenir que la société EGT Environnement a exécuté le contrat de travail de manière déloyale. En conséquence, le rejet de sa demande de ce chef sera confirmé.

Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

En outre, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement, datée du 9 décembre 2016, rédigée par M. [A] [J] et adressée à M. [U] [L], énonce et fixe ainsi les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à son encontre :

« (') ' Tout d'abord, le 9 novembre 2016, après vous avoir refusé une semaine de congés payés allant du 14 au 19 novembre, j'ai reçu le soir même un avis de travail, pour raisons médicale, d'une durée correspondante à ladite semaine, à laquelle s'ajoutait le jeudi 10/11. Durant cette semaine d'absence, j'ai moi-même effectué votre remplacement du 14 au 19 novembre 2016, et ai dû faire face à de graves constats sur le véhicule.

En effet, voulant prendre le poste de conduite le 14 au matin, le témoin d'huile moteur s'est éclairé. En effectuant le niveau par la jauge extérieure, aucune goutte d'huile n'était présente, ce qui signifie que le niveau d'huile bas était donc affichée depuis plusieurs heures de fonctionnement, puisque aucune tâche au sol n'était présente'

De même, après vérification du niveau du liquide de refroidissement, plus aucune goutte n'était présente dans le vase d'expansion' rendant là aussi mon départ impossible.

Après avoir effectué les niveaux et le contrôle du camion, quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'à la première cote, le camion (pourtant vide) manquait cruellement de puissance, et a fini à 30 km/h sur une route à grand trafic'

Ce constat dorénavant effectué, j'ai été en mesure de déposer le véhicule à notre agent de maintenance de [Localité 3], qui fut un diagnostic sans appel : un des injecteurs à gazole du moteur était hors service et le moteur tournait ainsi.

Je vous ai présenté ces 3 états de fait pour le moins choquants puisque en tant que conducteur poids lourds, vous êtes responsable des matériels qui vous sont confiés.

Vos remarques étaient pour le moins surprenantes et déplacées car vous m'avez expliqué : « vos constats sont erronés » en ce qui concerne les niveaux d'huile et d'eau, et qu'au sujet de l'état hors d'usage d'un injecteur moteur, « cela faisait 6 mois que la situation était ainsi ».

(')

' A votre retour d'arrêt maladie le lundi 21 novembre 2016, vous m'avez interrogé à votre retour matinal quant à des heures supplémentaires d'octobre, a priori incomplètes sur votre paie.

Je vous ai demandé d'apporter la preuve de telles allégations, ce que vous avez fait mardi 22 puis mercredi 23. Malheureusement sur ces 2 périodes j'étais absent de nos locaux. Aucun appel téléphonique de votre part n'étant intervenu sur mon téléphone portable pour cette période, je pensais pouvoir traiter cette problématique éventuelle de vive voix à notre prochaine rencontre.

C'était sans compter sur une vive réaction de votre part mercredi 23 novembre 2016 puisque en mon absence, vous avez cru bon vous en prendre violemment verbalement à ma collaboratrice responsable des paies (entre autres), Mlle [R] [M].

Ainsi et en présence de notre comptable ([T] [S]) et d'un de vos collaborateurs ([Y] [N]), vous avez haussé le ton en exigeant une réponse sur le champ.

(') »

Il s'en déduit, contrairement à ce que M. [L] soutient, que seulement deux griefs sont articulés par l'employeur pour motiver son licenciement : courant novembre 2016, un défaut de vérification des niveaux du véhicule qui lui était attribué pour travailler, ainsi que l'absence d'information de son employeur quant au dysfonctionnement affectant un des injecteurs du moteur de ce même véhicule ; le 23 novembre 2016, une prise à partie verbale de Melle [M].

S'agissant du reproche tenant à l'état du véhicule, l'employeur ne démontre pas que, le 14 novembre 2016, les niveaux d'huile et de liquide de refroidissement étaient au plus bas. Si un véhicule de la société EGT Environnement le 16 novembre 2016 a été amené dans un garage où il a été procédé au remplacement d'un injecteur, il n'est nullement démontré que ce remplacement fût une conséquence d'un comportement fautif de M. [L]. Le premier grief articulé dans la lettre de licenciement n'est donc pas matériellement établi.

S'agissant de l'altercation opposant M. [L] à Melle [M], cette dernière, responsable administrative de la société EGT Environnement, atteste que, « suite à une erreur sur sa fiche de paie », celui-ci est venu la questionner avec insistance. Elle lui a répondu qu'il convenait pour lui d'aller en parler au gérant de la société, M. [A] [J]. Melle [M] indique que M. [L] s'est alors « violemment emporté », en lui disant qu'il n'était pas un larbin et qu'il ne voulait pas travailler pour rien. Elle ajoute que le ton était monté entre eux et qu'un collègue présent, M. [N], avait raccompagné M. [L] hors de son bureau. Melle [M] les avait suivis et avait souhaité dissipé tout malentendu avec M. [L], qui lui avait immédiatement dit qu'elle n'était « rien » et qu'il ne voulait pas l'écouter (pièce n° 7 de l'appelant).

M. [E] [J], alors présent sur le parking de l'entreprise, atteste que M. [L] hurlait en direction de Melle [M] et qu'il s'était montré menaçant, irrespectueux et insultant (pièce n° 8 de l'appelant).

M. [Y] [N], salarié de la société EGT Environnement cité par Melle [M], a rédigé une attestation, produite par M. [L] (pièce n° 13 de l'intimé). Il décrit la scène de la même manière que Melle [M], sauf à préciser que celle-ci avait réagi à une remarque de M. [L] en lui disant qu'elle n'était pas une secrétaire et que, hors du bureau, elle avait ajouté : « moi, j'ai le droit de gueuler et pas vous ! ».

La Cour retient, au vu de l'ensemble de ces pièces, que le comportement de M. [L] envers Melle [M] le 23 novembre 2016 n'est pas fautif : s'il a haussé la voix et s'est énervé, il n'a pas eu de propos insultants ou menaçants envers cette dernière.

En définitive, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes, en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [U] [L] est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, M. [L] a droit au paiement de son salaire pour la période de mise à pied conservatoire, qui a couru du 24 novembre au 9 décembre 2016. Les parties s'accordent pour que le montant du rappel de salaire dû à ce titre soit fixé à 906,53 euros, outre 90,65 euros au titre des congés payés afférents.

Il n'y a pas lieu d'évaluer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en prenant en considération le référentiel indicatif d'indemnisation en cas d'absence de conciliation, invoqué par l'employeur et énoncé à l'article R. 1235-22 du code du travail, créé par décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016, ce référentiel ne s'imposant pas au juge en l'absence de demande conjointe des parties.

M. [L] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement, le 9 décembre 2016, et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [L] a perçu, pour les mois de juin 2016 à novembre 2016, des salaires pour un montant net cumulé de 9 451 euros.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (53 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (2 ans et 9 mois), des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la société EGT Environnement à verser à M. [L] la somme de 10 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément aux conclusions de l'employeur, en application de l'article L 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable entre le 10 août 2016 et le 24 septembre 2017. Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

L'article 2-22 de la convention collective nationale des activités de déchets prévoit le versement d'une indemnité de licenciement égale à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté.

En retenant un salaire mensuel de référence de 1 831,04 euros (soit la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire) et une ancienneté de 2 ans et 9 mois, M. [L] a droit à une indemnité de licenciement d'un montant de : 1 831,04 x 1/5 x 2,75 = 1 007,07 euros. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

En l'absence de faute grave et en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, M. [L] avait droit à un préavis.

L'article 2-21 de la convention collective nationale des activités de déchets prévoit un préavis d'une durée de deux mois pour les ouvriers comptant plus de deux ans d'ancienneté, conformément aux dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail.

M. [L] s'étant vu reconnaître le statut de travailleur handicapé avant son licenciement, en application de l'article L. 5213-9 du code du travail, la durée du préavis est doublé, sans pour autant pouvoir dépasser trois mois.

En conséquence, en retenant un salaire mensuel de référence de 1 831,04 euros, M. [L] a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de : 1 831,04 x 3 = 5 493,12 euros, outre 549,31 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Sur les dépens

La demande de la société EGT Environnement, partie perdante pour le principal, sera condamné aux dépens, en application du principe énoncé par l'article 696 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La demande de la société EGT Environnement en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif d'équité, la société EGT Environnement sera condamné à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes du 23 avril 2018, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a condamné la la société EGT Environnement à payer à M. [L] les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter de la saisine :

- 1 498 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre la somme de 149,8 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1 030 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée, outre la somme de 103 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 121 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 5 457 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 545,7 euros bruts au titre des congés payés afférents

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Déclare recevable la demande additionnelle de M. [U] [L] en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité par l'employeur ;

Déclare recevable la demande additionnelle de M. [U] [L] en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail ;

Condamne la société EGT Environnement à payer à M. [U] [L] les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter du 4 janvier 2017 :

- 219,31 euros à titre de rappel de majoration de son salaire pour les heures de travail effectuées de nuit, outre 21,93 euros au titre des congés payés afférents ;

- 906,53 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre la somme de 90,65 euros au titre des congés payés afférents ;

- 5 493,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 549,31 euros au titre des congés payés afférents

Condamne la société EGT Environnement à payer à M. [U] [L] les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter du présent arrêt :

- 10 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 007,72 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Condamne la société EGT Environnement aux dépens de première instance et de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de la société EGT Environnement en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EGT Environnement à payer à M. [U] [L] la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/02210
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;20.02210 ?
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