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20/01/2023 | FRANCE | N°20/00228

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 20 janvier 2023, 20/00228


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/00228 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZOC





[L]

C/

Société AGILITY







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Décembre 2019

RG : F16/03736











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 20 JANVIER 2023







APPELANT :



[G] [L]

né le 29 Septembre 1978 à [Localité 4

]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Stéphanie ROUJON-PARIS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société AGILITY (DSV AIR SEA)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



r...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00228 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZOC

[L]

C/

Société AGILITY

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Décembre 2019

RG : F16/03736

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

APPELANT :

[G] [L]

né le 29 Septembre 1978 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Stéphanie ROUJON-PARIS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société AGILITY (DSV AIR SEA)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Véronique VIOT, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Novembre 2022

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société Agility exerce son activité dans le secteur de l'affrètement et l'organisation des transports.

Elle applique la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

M. [G] [L] a été embauché par la société en qualité d'affréteur dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps complet pour accroissement temporaire d'activité du 14 juin au 14 septembre 2010.

Le contrat de travail a été renouvelé jusqu'au 15 mars 2011, puis la relation s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée.

La société a adressé à M. [L] un rappel à l'ordre le 21 octobre 2015, en raison de retards réguliers et d'absences répétées à son poste de travail afin de passer des appels téléphoniques.

Par courrier du 16 juin 2016, M. [L] a été convoqué à un entretien fixé au 28 juin 2016, préalable à un éventuel licenciement.

Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé réception du 4 juillet 2016 dans les termes suivants:

« 'Vous avez été engagé le 14 juin 2010 en qualité d'Affréteur Route import/Export Statut Maîtrise - Coefficient 157.5. Votre rémunération brute mensuelle est de 2700 '' sur treize mois. Votre descriptif de poste non exhaustif indique clairement que vous devez prendre en charge les demandes des clients et organiser leurs transports dans le respect des procédures.

En date du 10 mai 2016, vous avez donné un ordre de transport pour notre client BIOGARAN à un transporteur qui n'avait pas la certification GDP requise et ce, en violation des instructions données par votre Responsable Madame [D] en date du 28 avril 2016.

En date du 19 mai dernier, vous avez reçu un ordre d'enlèvement de la société BIOGARAN - notre plus important client -, auquel vous n'avez daigné répondre que le 26 mai, soit 5 jours plus tard !!

Pour justifier cette négligence, vous avez prétendu vouloir optimiser les coûts du transport en regroupant les commandes du client.

Cette intention aurait pu être louable pour un client lambda (et sous réserve d'obtenir un accord préalable), mais comme rappelée par Madame [W] [C], Responsable Commerciale Grands Comptes, nous avons des engagements précis avec ce client :

' Avais tu reçu confirmation de Biogaran pour attendre et regrouper avec une autre commande ' Je te remercie car nous devons justifier les KPI ''''.

Effectivement, nous sommes tenus d'accuser réception des ordres reçus sous 24h et vous le savez pertinemment. Le Responsable des Achats nous a alertés à plusieurs reprises sur la non-conformité de nos délais de réponse. Un délai de 5 jours pour répondre à un ordre d'enlèvement dans notre profession n'est pas acceptable, mais ça l'est encore moins pour ce client particulier.

Que celui-ci ait accepté - in fine - le regroupement de ses commandes n'excuse en rien le non respect de nos engagements. Les KPI traceront de nouveau ce dysfonctionnement qui nous sera opposable.

Par un courriel du 17 février, Mme [C] vous rappelait à l'ordre à ce propos :

' Suite à ma discussion ce matin avec [G], nous prenons trop de risque de ne pas répondre dans les temps, autant en terme de conformité avec le contrat qui nous lie avec Biogaran, que notre image vis-à-vis de notre client et de son fournisseur '.

Ce point avait été également souligné par votre Responsable lors de votre entretien annuel du 23 mars 2016 :

' ...Il est impératif de respecter la SOP BIOGARAN et de répondre dans le lead time imposé '.

A aucun moment vous n'avez prétendu ignorer ces informations. Il est donc indéniable que vous étiez parfaitement informé de la nécessité de répondre sous 24h et de respecter les termes de la SOP (Standard Operating Procedure).

En date du 25 Mai, (à 14h 42) - Madame [C], interlocutrice privilégiée du client BIOGARAN, vous a transmis par courriel une liste de six (6) laboratoires pharmaceutiques (fournisseurs/fabricants) auxquels vous deviez faire parvenir des ''data logger''.

Les ''data logger'' sont des petits appareils de mesure qui accompagnent les produits pharmaceutiques. Leur fonction est de relever des données de température qui permettent à BIOGARAN de s'assurer que la chaîne du froid n'a pas été interrompue pendant le transport. Ces tests sont effectués deux fois par an et en particulier pendant la période estivale (Juin-Juillet-Août).

Le transport des médicaments thermosensibles étant un enjeu de santé publique, il est primordial pour BIOGARAN de tracer ces relevés. Un écart de température peut altérer les molécules des médicaments. La conséquence peut être une mise en quarantaine de certains lots, voire une interdiction pure et simple de mise sur le marché.

Nous sommes certifiés GDP (Good Distribution Practice) et c'est à ce titre que nous pouvons travailler avec ce laboratoire pharmaceutique. L'envoi des appareils à chaque point de chargement (fournisseurs/fabricants) désigné par BIOGARAN fait partie de notre prestation de service et nous devons faire diligence sur simple demande du client.

Or, vous avez catégoriquement refusé d'exécuter l'instruction qui vous était donnée par Madame [C], alors même que ce travail était prioritaire. Ce constat n'est pas nouveau, votre entretien annuel 2015 indique clairement :

'Ne traite pas les priorités '

De surcroît, devant l'insistance de Mme [C], vous lui avez répondu par écrit :

' Je ne vais pas avoir le temps de traiter cette demande. Merci de ne pas insister inutilement. Ce sera mon dernier retour sur ce sujet '.

En désespoir de cause, cette dernière vous a alors invité à demander de l'aide à vos collègues, ce à quoi vous avez répondu :

' Une dernière fois, je n'ai pas le temps de traiter ni de voir avec [M] et [H], je te laisse le soin de traiter cette demande. Merci '.

Cette demande consistait uniquement à relever les numéros des appareils avant de les adresser sous pli aux 6 destinataires désignés par BIOGARAN, (6 enveloppes UPS et 1 TNT) soit un temps estimé à 30 minutes au maximum.

Vous avez évoqué un manque de temps pour justifier cette fin de non recevoir. Or, vous êtes arrivé ce même jour à 10h 30 soit avec une heure de retard ! (Cf. votre courriel du 25 mai).

Vos éventuelles heures supplémentaires vous étant payées sur simple déclaratif, le temps estimé pour traité cette demande étant faible, la complexité de cette tache étant inexistante, votre refus d'exécuter ce travail n'est pas acceptable.

Par ailleurs, à aucun moment vous n'avez invoqué une raison impérieuse qui vous empêcherait, pour le moins - de rattraper votre retard du matin.

Devant votre insubordination manifeste, votre Directeur d'Agence, Monsieur [E] [K], a été dans l'obligation de vous demander de changer de ton et de vous rappeler que l'envoi des ''data Logger'' était bien de votre ressort.

' Bonjour [G], que se passe t 'il ' Je te remercie de changer de ton. L'envoi de ces appareils est assuré par le service affrètement ... ''''.

En dépit des deux injonctions fomulées tant par Madame [C] que par Monsieur [K], vous avez persisté dans votre refus de traiter cette demande, et au minima, n'avez manifesté aucune intention de rechercher un début de solution.

Finalement, c'est Madame [W] [C], Responsable Commerciale Grands Comptes, qui a été contrainte de relever les numéros des data logger avec l'aide de vos collègues puis d'organiser le transport à votre place le 26 mai.

Par la suite, lorsqu'exaspérée par votre attitude, elle vous en a fait le juste reproche, vous avez cru devoir lui faire cette étonnante réponse :

' [W],

Ton agression et tes mensonges sont inutiles et ce n'est pas une attitude responsable surtout au regard de ton statut dans l'entreprise.

Par contre comme je t'ai indiqué par orale je te prie d'avoir un peut plus de considération pour tes collègues comme justement [M] et [H] qui ont apportés leur soutien plutôt que de toujours t'approprier la gloire du travail des autres.

Il n'est pas normal que ta présence en intermittence dans l'agence et pour des raisons non professionnels impact les autres services qui ont déjà de lourdes de charges de travail '.

BIOGARAN est un compte stratégique pour l'entreprise Agility et comme le souligne parfaitement Madame [C], votre attitude va à l'encontre de nos intérêts :

' J'ai besoin de pouvoir compter sur mes collègues afin de savoir si je peux ou pas développer le business en cours ''''.

Vos récurrentes invectives envers quiconque vous adresse une remontrance justifiée sur votre travail sont devenues insupportables. Nous constatons de nouveau que vous n'hésitez pas à mettre systématiquement en cause les autres pour excuser vos propres manquements, les sanctionnant au passage de votre jugement moralisateur et malveillant. (Cf. notre courrier recommandé du 30 décembre 2015 et notre courriel du 25 mars 2016)

Par ailleurs, vos propos délétères sont hors contexte ! Mais, vous êtes coutumier du fait (Cf. Votre courrier du 1er décembre 2015).

Vous dénigrez régulièrement votre hiérarchie et formulez des reproches de façon provocatrice et insolente pour marquer votre opposition. Ce comportement néfaste vous discrédite auprès de vos collègues et fragilise la cohésion d'équipe dont nous avons tant besoin pour réussir nos challenges.

En date du 3 juin, 2016 votre Responsable Madame [D] vous a convié par courriel à une formation complémentaire sur le groupage programmée les 8 et 9 juin et le 14 juin en prévision de son absence pour formation les 15 et 16 juin.

Comme le précise votre Responsable dans son message, il est impératif que tout le monde soit parfaitement polyvalent pour palier les absences :

' Je te rappelle que le groupage fait aussi partie de ton travail comme décrit dans ta fiche de poste. Lors de notre réunion du 11 mai dernier nous avons convenu ensemble que nous allions tous dans le service nous former auprès de nos collègues afin de palier les absences. Un planning de formation sera établi et envoyé dès le retour de congés de [O] pour les formations de [P], [O] et parfaire la mienne. Nous sommes tous sur un pied d'égalité à ce niveau. ''''

En effet, le groupage qui consiste à consolider plusieurs lots de marchandises lorsqu'il n'est pas possible d'affréter un camion entier fait partie de l'organisation du transport route et de notre métier de commissionnaire, et ce, quel que soit le client.

Dans un premier temps, vous lui avez verbalement signifié que vous refusiez catégoriquement de vous occuper du groupage. (Ce point avait été évoqué par votre Responsable lors de votre entretien annuel 2015).

Puis, par un courriel en réponse daté du 8 juin, vous faites de nouveau une digression:

''Mes congés initialement demandés du 30.05.2016 au 17.06.2016 ont été refusés en raison de l'absence de [P] le 10 et 13.06.2016.

On m'a indiqué qu'il n'était pas possible de laisser toute la charge de travail à deux personnes et pourtant les congés de ma collègue [O] du 06.06.2016 au 17.06.2016 ont été acceptés.

Nous serons donc que deux personnes dans le service le 10 et 13.06.2016 ce qui n'était pas concevable quand c'est moi qui devait être absent.

Il en va de même pour le 07 et 08.06.2016

Je souhaite savoir ce qui explique cette différence de traitement qui est tout sauf équitable me concernant '''

Il est parfaitement injuste et déplacé de votre part d'avancer une telle argumentation alors même que vos collègues pallient régulièrement vos absences en assument votre charge de travail. 32 jours d'absence maladie depuis le 1er février 2016.

Bien que sans lien direct avec la demande qui vous était adressée, la réponse vous a été délivrée: Votre collègue [P] a posé sa demande de congé dans le kiosque RH le 24 mars, laquelle a été acceptée ce même jour, soit antérieurement à votre demande formulée le 7 avril. En ce qui concerne votre collègue, Mme [U] [O], il est notoire qu'elle prend depuis plusieurs années ses congés au mois de Juin.

Par ailleurs, vous concernant, il s'agissait d'apurer des reliquats de congés antérieurs à l'année 2015.

C'est dans ces conditions et avec une certaine lassitude que votre Responsable prenait connaissance de votre message envoyé le 8 juin au soir :

' Je vais essayer d'avoir un rendez vous demain matin chez le médecin car je suis vraiment pas en forme et je risque d'arriver en retard. Je te tiens informé par SMS dans tous les cas et je mets une absence de bureau + transfert de mail ''''.

Puis le 9 juin, du message suivant ' j'ai un rendez-vous que en début d'après midi. Je risque de ne pas être au bureau aujourd'hui, je te tiens informée ''''.

Nous avons finalement reçu votre arrêt maladie pour la période du 9 juin au 17 juin inclus.

Pour ne pas annuler la formation de votre responsable programmée les 15 et 16 juin et soulager votre collègue [P] qui se retrouvait seul, nous avons été contraints de mettre en place un dispositif d'urgence pour gérer à distance l'activité route de [Localité 4]. Pour ce faire, nous avons dû mobiliser le personnel de l'agence de [Localité 5].

Sans remettre en cause le bien-fondé de votre arrêt pour maladie, il est indéniable que vos absences ne perturbent plus seulement la seule activité de [Localité 4], à telle enseigne que ce point a été porté à l'ordre du jour du Comité d'Entreprise :

1. Désorganisation service route sur l'agence de [Localité 2] suite aux absences répétées et intempestives d'un collaborateur (perte possible des clients : manque de personnel pour répondre aux attentes des clients).

Nous précisons que les volumes traités par le service Route à [Localité 4] ayant baissé par rapport à l'année dernière, l'effectif étant resté le même, la charge de travail et les ressources sont en principe équilibrées. Par contre, il est incontestable que vos retards et absences non programmées sont à l'origine de tensions dans votre service avec un impact immédiat sur l'organisation des services et la qualité de nos prestations.

Au cours de votre entretien professionnel du 18 août 2015, vous avez souhaité avoir plus de responsabilités ainsi qu'une révision de votre salaire.

De notre côté, et compte tenu de votre faible taux de présence en 2015, nous vous avons demandé de vous investir pleinement dans votre travail aux cotés de votre Responsable, d'améliorer votre communication avec vos collègues et d'augmenter votre temps de présence afin de pouvoir valablement faire un point après votre évaluation annuelle, prévue en février 2016.

Cependant, nous n'avons noté aucune amélioration sur l'ensemble de ces points, bien au contraire. Nous vous rappelons notre rappel à l'ordre du 21 octobre 2015, votre réunion de travail avec votre Responsable et votre Directeur d'Agence le 2 décembre 2015, notre courrier recommandé en réponse du 30 décembre 2015 et notre courriel du 25 mars 2016.

De plus, cette situation n'est pas nouvelle. En date du 4 avril 2014, votre précédent Responsable, Monsieur [V] notait dans votre entretien annuel 2013, les faits marquants suivants :

Les procédures ne sont pas respectées à temps. Ne se remet pas forcément en cause et de ce fait n'accepte par les remarques de son N+1.

En conclusion de cet entretien, vos axes de progrès étaient déjà :

Ne doit plus arriver en retard le matin. Echanger plus avec son N+1 sur les décisions prises qui ne sont pas partagées afin d'éviter toutes tensions qui pourraient perturber la bonne ambiance du service.

Encore récemment le 22 juin - vous êtes arrivé à 9h45; soit 15 minutes de retard. Nous précision que vous avez déjà bénéficié d'un aménagement d'horaire (9h30 au lieu de 9h00) pour vous permettre de prendre votre poste à l'heure programmée.

Bien que nous reconnaissions certaines de vos compétences, vous devez comprendre que dans le secteur très concurrentiel qui est le nôtre, l'engagement et la motivation de nos collaborateurs sont indispensables pour garder nos clients mais également pour gagner des nouvelles parts de marché. Nous avons impérativement besoin que nos équipes soient solidaires, fiables et motivées.

Or, à ce jour, votre équipe est à bout de souffle. Certains de vos collègues remettent même en question leur collaboration avec Agility, et ce, uniquement de votre fait.

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits que nous avons exposés' »

M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une contestation de ce licenciement, par requête du 12 décembre 2016.

Par jugement du 16 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté les parties de leurs demandes et condamné M. [L] aux dépens.

M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 10 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 5 mars 2021, M. [L] demande à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

-écarter l'attestation de Mme [U] en ce qu'elle ne respecte pas les formes légales ;

-écarter la pièce adverse n 21 en ce qu'elle ne correspond pas au document original qui lui a été remis ;

-condamner la société à lui verser la somme de 28 400 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la même aux dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées déposées au greffe le 22 octobre 2020, la société demande pour sa part à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement était justifié et débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;-débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes ;

-condamner M. [L] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner M. [L] aux dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 11 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur le licenciement

Par application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du même code, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs.

Selon l'article L.1235-1 du même code, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement liste 3 séries de motifs :

-non-respect des instructions et des procédures en place,

-désorganisation du service du fait de ses absences répétées et intempestives,

-mauvaise volonté de participer à la bonne marche et au développement de l'agence générant des tensions dans le service.

Sur le non-respect des instructions et procédures, deux faits sont reprochés :

Sur les faits du 10 mai 2016, la société fait valoir que le salarié n'a pas respecté les nouvelles instructions données par Mme [D] le 28 avril 2016 s'agissant des transporteurs affectés au client Biogaran pour lesquels la certification GDP est exigée.Elle produit notamment un courriel du 28 avril 2016 émanant de Mme [D] dont il ressort qu'une liste de transporteurs certifiés GDP avait été donnée à M. [L] et à son collègue, ainsi que la fiche d'affrètement qu'il a complétée le 10 mai 2016. Le transporteur Modalm mandaté n'était pas certifié GDP et ne figurait pas sur la liste imposée par sa hiérarchie.

En réplique, M. [L] qui ne conteste pas avoir donné un ordre de transport à la société Modalm non certifiée GDP le 10 mai 2016, soutient que la société ne pouvait lui reprocher l'utilisation de ce transporteur car elle faisait appel à lui de façon habituelle et qu'elle avait régulièrement recours à d'autres transporteurs non certifiés.

Il communique un document intitulé « consultation rentabilité dossier » dont il ressort que Mme [D] était informée qu'un mandat avait été donné à la société Modalm le 15 août 2015 concernant le client Biogaran. Ce fait est cependant antérieur à l'instruction donnée par Mme [D] le 28 avril 2016.

M. [L] verse également des échanges de courriels dont il ressort que le 29 juin 2016, Mme [D] a accepté de déroger à l'obligation d'utiliser des transporteurs certifiés GDP pour le client Biogaran. Toutefois, il ne justifie pas d'une demande de dérogation auprès de sa hiérarchie concernant les faits du 10 mai 2016 évoqués dans la lettre de licenciement.

Sur les faits du 19 mai 2016, la société fait valoir que le salarié a de nouveau mis en péril le partenariat avec le client Biogaran, en ne respectant pas les procédures et le délai imposé par la SOP (standard operating procedure).

Elle produit le mode opératoire du client Biogaran en date du 13 mars 2015 qui confirme la mise en place d'un « lead time » de 24 heures maximum pour accuser réception d'une demande.

M. [L] qui ne conteste pas la réalité des faits évoqués, les justifie par la volonté de respecter l'ordre qui lui avait été donné de regrouper les commandes venant d'Espagne et par la validation du client. Il ne verse aucun document pour justifier d'un ordre de sa hiérarchie dans ce sens.

Concernant la pièce 21 produite par l'employeur intitulée « entretien annuel d'évaluation en date du 23 mars 2016 » et contestée par M. [L] en ce qu'elle ne correspondrait pas au compte rendu d'entretien qui lui a été remis et qu'il produit en pièce 59, la cour ne peut que constater que chacune des parties communique le même document, la pièce 21 de la société comportant simplement une page complémentaire intitulée « fixation des objectifs de l'année N+1 ». M. [L] affirme que cette page n'existait pas.

La cour relève toutefois que la même page figure dans la liasse de l'entretien annuel du 7 mars 2014 sans faire l'objet de critique de la part de l'appelant. La pièce ne sera pas écartée. Elle permet d'apprendre que M. [L] s'était vu rappeler notamment l'importance de respecter les délais de réponse.

En conséquence, l'argument du salarié selon lequel il n'était pas informé du délai imposé ne saurait prospérer. Il ressort en outre de la lecture des précédents entretiens individuels produits par la société que le salarié avait été mis en garde sur la nécessité de respecter le mode opératoire de la société Biogaran et notamment le « lead time » de 24 heures.

Les griefs relatifs au non-respect des instructions et procédures sont ainsi prouvés par l'employeur.

Sur la mauvaise volonté de participer à la bonne marche et au développement de l'agence

La société fait valoir que le 25 mai 2016, le salarié a refusé dans des conditions particulièrement délétères d'exécuter une tâche relevant de ses fonctions et demandée par la responsable des Grands Comptes.

Elle ajoute que le salarié a bafoué le management de sa responsable par un stratagème consistant à se prétendre victime d'une situation discriminante avant d'user d'un arrêt de travail opportun pour ne pas participer à la formation destinée à développer la polyvalence de l'équipe.

S'agissant des faits du 25 mai 2016, il est établi par l'échange de courriels entre M. [L] et Mme [C], responsable Grands Comptes, produit par la société, que le salarié a refusé de traiter la demande prétextant un manque de temps, ce qu'il ne conteste pas par ailleurs, qu'en outre, il a également refusé de demander de l'aide à ses collègues et qu'il a persisté dans son refus malgré l'intervention du responsable d'agence M. [K].

Aux termes de la lettre de licenciement, la société soutient que le refus du salarié d'exécuter était inacceptable compte tenu du retard du salarié ce même jour (une heure).

M. [L] justifie par les pièces versées tant du motif de son retard (un rendez-vous médical pour son fils) que de l'information préalable de son collègue.

Pour autant, aucun élément ne permet de justifier du refus d'exécuter une tâche entrant dans ses fonctions ainsi que du ton utilisé lors des échanges avec Mme [C].

S'agissant de la man'uvre destinée à éviter la formation sur le groupage, la société produit une attestation de Mme [U], salariée de la société, répondant aux exigences de forme, dans laquelle cette dernière affirme que M. [L] a toujours refusé de se former sur ces tâches au prétexte qu'elles n'étaient pas de son ressort, même si peu avant son départ, il avait « fait un effort « et « commencé la formation un matin ».

Elle produit également un entretien d'évaluation dont il ressort que le salarié refusait de faire du groupage. Toutefois, elle ne produit aucun élément concernant le conflit relatif aux congés à l'origine de sa prétendue man'uvre.

Pour sa part, le salarié démontre, par la production de courriels, qu'il avait validé la mise en place de cette formation lors de la réunion du 11 mai 2016 et qu'il l'avait débutée avec Mme [D].

Les pièces produites par l'employeur ne permettent donc pas d'établir l'existence d'une man'uvre de la part du salarié.

En conséquence, seul le grief relatif au refus d'exécuter l'instruction donnée par Mme [C] est établi.

Sur les tensions dans le service

La société fait valoir que plusieurs salariés remettent en cause leur collaboration avec la société en raison du comportement de M. [L].

La lettre de licenciement lui reproche des absences qui créent des tensions avec ses collègues ainsi que des difficultés pour certains de ses collègues à travailler avec lui.

La société produit au soutien de ses prétentions des attestations et des courriels émanant de Mme [D], de Mme [U] et de M. [R], ses collègues directs.

L'écrit signé de Mme [U] ne respecte pas les formes prescrites pour les attestations destinées à être produites en justice ; la cour, sans le retirer des débats pour ce motif, en tient compte dans l'appréciation de sa force probante, tout comme elle prend connaissance des témoignages des salariés de la société avec toute la prudence requise du fait de leur lien de subordination avec l'employeur.

Ces témoignages sont circonstanciés et émaillés d'exemples que M. [L] ne conteste pas, même si M. [R] ne cite pas les dates précises des retards de son collègue, ce qui ne saurait être dirimant vu le temps écoulé et le nombre d'incidents déplorés.

Ils confirment amplement le manque de solidarité et d'investissement de M. [L] (retards récurrents sans prévenir, absence intempestive en période de sous-effectif, absences programmées dans la messagerie mais non annoncées à ses collègues), le non-respect de la hiérarchie, les problèmes de communication, y compris avec les fournisseurs. M. [R] précise qu'il avait envisagé de quitter la société « pour sortir de ce malaise au travail ».

S'agissant de Mme [D], elle confirme ces constats et l'impact du comportement de M. [L] sur l'équipe et affirme dans un courriel du 30 juin 2016 que la « situation, qui est très pesante », lui « fait reconsidérer [sa] position chez Agility ».

L'employeur apporte donc suffisamment d'éléments à l'appui de cette dernière série de griefs.

M. [L] verse aux débats diverses pièces qui montrent qu'il pouvait également avoir de bonnes relations avec certains clients et collègues. Elles permettent de comprendre pourquoi la relation de travail a duré 6 années malgré les faits dénoncés dans la lettre de licenciement, mais certainement pas de combattre suffisamment les preuves apportées par la société. La cour relève d'ailleurs que les évaluations annuelles étaient très moyennes

La cour considère donc que le jugement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré doit être confirmé.

2-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de M. [L].

L'équité commande de le condamner à verser à la société la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 16 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon,

Y ajoutant,

Déboute M. [G] [L] de sa demande de retrait des débats de pièces produites par la société Agility ;

Condamne M. [G] [L] à verser à la société Agility la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens d'appel à la charge de M. [G] [L] ;

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/00228
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;20.00228 ?
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