AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 21/04686 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NU7T
S.A.S. KLS FRANCE
C/
[B]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE
du 05 Mai 2021
RG : 19/00358
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
APPELANTE :
S.A.S. KLS FRANCE Société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro 533 572 616 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, Me Marion TUA de l'AARPI L² AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON
INTIMÉE :
[N] [B] demeurant [Adresse 3]
née le 27 Juillet 1956 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Octobre 2022
Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Etienne RIGAL, président
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Etienne RIGAL, Président et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE
La société KLS France a été créée en 2011 conjointement par Monsieur [S] [G] et Madame [N] [B].
La dite société a pour principale activité la vente de solutions qui automatisent la préparation de pilluliers pour les officines et pharmacies hospitalières.
Dès la création de cette société, Madame [N] [B] en a été nommée présidente. Elle en était actionnaire majoritaire à hauteur de 51% des parts sociales.
Monsieur [S] [G] et Madame [B] ont entretenu une relation conjugale pendant une quinzaine d'années et se sont séparés en août 2015.
Madame [N] [B] a cédé ses parts sociales et a remis son mandat social à Monsieur [S] [G]. Elle a continué à travailler dans cette société, aux fonctions de responsable administrative, statut cadre, cela à compter du 1er décembre 2017, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein. Sa rémunération était fixée au dernier état à la somme mensuelle de 2.509,32 € bruts.
Par requête reçue au greffe le 20 septembre 2019, Madame [N] [B] a fait convoquer la société KLS France à comparaître devant le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne et cela, afin de voir prononcer, à titre principal, la résiliation du contrat travail les liant.
Au terme des débats devant cette juridiction elle demandait au dit conseil de :
Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat travail aux torts de la société KLS France,
Condamner cette société à lui payer outre intérêts de droit à compter de la demande :
-la somme de 15000 euros , en réparation du dommage né du harcèlement moral et sexuel subi,
-la somme de 7527,96 euros, au titre de l'indemnité de compensatrice de préavis, outre 752,79 euros, au titre des congés payés afférents,
- la somme de 1097,82 euros, au titre de l'indemnité légale de licenciement,
Condamner ladite sociét à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire dépourvu de cause réelle et sérieuse à lui payer, outre intérêts de droit à compter du jugement la somme de 15 000 euros,
Elle demandait enfin à cette juridiction de :
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
Condamner la même société à lui payer la somme de 2000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société KLS France,, comparante, in limine litis, concluait sur l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes, du fait de l'absence de qualité de salarié de Madame [N] [B].
En tout état de cause est au fond, elle concluait au rejet des demandes adverses, notamment celles tendant à la résiliation judiciaire du contrat travail de Madame [N] [B] et à l'absence de toute situation de harcèlement moral qu'elle aurait subie.
À titre reconventionnel, elle demandait condamnation de Madame [N] [B] à lui payer la somme de 2000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 5 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :
« Se déclare compétent pour connaître des demandes formées par Madame [N].
Prononce la résiliation judiciaire du contrat travail liant la société KLS France à Madame [N] [B]aux torts exclusifs de la société KLS France.
Condamne la société KLS France à verser à Madame [N] [B] les sommes suivantes :
' 7527,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
' 752,79 euros au titre des congés payés afférents
' 911,36 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
' 1000euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et sexuel
' 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la date de réception de la convocation à l'audience de conciliation devant le conseil de prud'hommes valant mise en demeure, soit le 25 septembre 2019, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées.
Condamne la société KLS France à payer à Madame [N] [B]la somme de 1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute Madame [N] [B]du surplus de ses demandes.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraire.
Rappelle que l'application de l'article R 14 54'28 du code du travail exécutent l'exécution provisoire de droit dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sous la moyenne des trois derniers mois de salaire pour les sommes allouées à titre de rappel de salaire.
Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution présents pour le surplus.
Condamne la société KLS France aux entiers dépens de l'instance. »
Le 27 mai 2021, la société KLS France a formé appel de ce jugement.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 26 juillet 2021, elle sollicite que la présente juridiction réforme le jugement précité et :
- Constate qu'il n'existe aucune veritable prestation de travail réalisée par Madame [N] [B] pour son cornpte,
- Constate qu'il n'existe aucun lien de subordination entre Madame [N] [B] et elle même,
- Constate que les caracteristiques du contrat de travail ne sont pas reunies,
En consequence :
- Reforme le jugement entrepris par le Conseil de Prudhommes de LYON en ce qu''il s'est jugé compétent pour statuer sur les demandes de Madame [B] du fait de sa qualite de salarie de la societe KLS France,
- Dire et juger que Madame [N] [B] n'a pas la qualite de salariée en son sein,
- Dire et juger que le Conseil des Prud'hommes de SAINT ETIENNE n'était pas matériellement compétent pour connaître des demandes de Madame [B],
- Rejette l'integralité des demandes de Madame [B] qui decoulent de son statut de salarié, lequel fait defaut,
En tout état de cause,
- Constate l'absence de situation de harcèlement moral à l'encontre de Madame [N] [B],
- Constate l'absence de tenue de propos sexistes ou situation de harcèlement sexuel à son endroit,
- Constate qu'il n'existe aucun manquement à quelque titre que ce soit à commis à l'encontre de Madame [N] [B],
En conséquence :
Réforme le jugement entrepris par le Conseil des Prud'hommes de LYON en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [B] aux torts exclusifs de la société,
Déboute Madame [N] [B] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
Condamne Madame [B] au paiement de la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code deprocedure civile,
Condamne Madame [B] aux entiers dépens de l'instance.
Madame [N] [B], au terme de ses dernières écritures, notifiées le 18 août 2021 demande à la présente juridiction de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- Se déclare compétent pour connaitre des demandes qu'elle a formées,
- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société KLS France,
- Dit que cette résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement
nul,
- Condamne la société KLS France à lui verser, outre intérêts de droit à compter de la date de réception de la convocation à l'audience de conciliation devant le Conseil de prud'hommes valant mise en demeure, soit le 25septembre 2019, en ce qui concerne les créances salariales suivantes :
-7.527,96€ à titre d'indemnité compensatrice de 3 mois de préavis
-752,79€ au titre des congés payés afférents
-311,36€ à titre d'indemnité légale de licenciement
Et outre intérêts à compter de la décision à intervenir , les sommes de :
-15.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (et à titre subsidiaire
dépourvu de cause réelle et sérieuse)
- 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Réformer le jugement entrepris,statuant à nouveau et y ajoutant
- Condamne la société KLS France à lui payer la somme de 15000 euros, en réparation du dommage né du harcèlement moral et sexiste subi, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,
Condamner la société KLS FRANCE à payer à Madame [B] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil en cause d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Il sera renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions, susvisées, qu'elles ont déposées et, ce, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.'
MOTIFS
'
Sur l'existence d'un contrat de travail
Arguments des parties
La société KLS France expose que :
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'execution et de sanctionner les manquements commis.
Le contrat conclu avec Madame [B] avait pour seul objectif de lui ouvrir des droits a |'assurance chômage ou encore à l'assurance retraite.
Son contrat de travail était donc un contrat fictif, ce qui est démontré par la concomitance entre la cessation de son mandat de Présidente et la vente de ses actions, à effet au 30 novernbre 2017, d'une part, et la date d'effet de son contrat à durée indeterminée au 1er decernbre 2017.
Au-delà, les fonctions exercées en sa qualité de présidente de KLS France étaient strictement identiques à celles exercées au titre de sa prétendue qualité de directrice administrative et financière, à savoir s'occuper la gestion administrative et financiere de la société.
Elle effectuait également cette mission pour le compte de la societe Objectif PDA , dont elle est actionnaire encore aujourd'hui.
La societe KLS France ne serait pas en mesure d'occuper un salarié, sur la base d'un temps plein, et en qualité de directeur administrastrif et financier.
Sur ce
Il doit être recherché s'il existe et a existé depuis le 1er décembre 2017 un lien de subordination entre les parties à l'instance, caractérisant l'existence d'un contrat de travail.
Il est acquis qu' à cette date, Madame [N] [B] n'était plus actionnaire de la societé KLS France et ne détenait plus de mandat social en son sein.
Il est également reconnu qu'un contrat de travail écrit avait été formé, lequel est produit aux débats.
Par ailleurs, il n'est pas discuté que Madame [N] [B] a bien eu en charge, depuis la date précitée, la gestion administrative et financiere de la société KLS France.
En présence d'un écrit, c'est à dire d'un contrat ,à tout le moins apparent, il revient à la société KLS France, qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Or, celle-ci ne dépose aucune pièce étayant l'existence d'une totale autonomie de l'intimée dans l'exercice des fonctions qu'elle exerçait en son sein.
L'appelante n'apporte donc pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail.
Bien au contraire, il sera relevé à titre surabondant que Madame [N] [B] dépose à la procédure des courriels reçus de Monsieur [S] [G], dirigeant de droit de la société, rédigés comme il suit :
'J'espère qu'on peut se permettre une semaine à ce moment sensible (le 13 novembre 2018, en réponse à l'annonce d'une semaine de congés).
'Il reste inadmissible que je n'ai pas pu te joindre(...) Je veux pouvoir te joindre jusqu'à ton retour; c'est ce qu'on peut attendre d'un cadre qui est au repos le 17 janvier 2019, durant un arrêt maladie de Madame [N].'
' Je te demande de revenir mercredi au retour des filles et je le prendrais très mal si tu continues à prendre des vacances.'
Il s'exprime au travers de ces messages l'exercice d'un pouvoir de direction caractérisant le lien de subordination.
Il sera jugé qu'il existe bien un lien salarial unissant les parties à l'instance et le jugement sera jugé bien fondé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétance qui lui était présentée.
Sur l'existence de faits de harcèlement moral
Arguments des parties
Madame [N] [B] expose que :
Alors même que sa gestion de l'entreprise est pour le moins contestable, Monsieur [G] a entrepris de mettre en cause son investissement et la qualité de son travail au service de la société, en tenant des propos irrespectueux, considérant que les difficultés de l'entreprise lui seraient imputables.
Outre le fait que Monsieur [S] [G] a adopté un comportement relevant du harcèlement moral, en portant atteinte aux conditions de travail et à son état de santé, il s'est également illustré par des propos sexistes inacceptables.
La societe KLS France répond que :
Monsieur [S] [G] et Madame [N] [B] ont entretenu des relations extra-professionnelles jusqu'en 2018, ce qui explique une certaine liberté de parole.
De même, ils ont été associes au sein de KLS France jusqu'à la fin novembre 2017 et sont encore associés dans objectif PDA.
Leur rapport dépasse donc le cadre employeur-salarié..
Un certain nombre de mails produits par Madame [B] sont antérieurs au 1er decembre 201, soit avant qu'elle devienne 'salariée ' de KLS France, et donc dans le cadre de ses fonctions de présidente.
Ces mails ne peuvent donc etre utilisé pour demontrer un quelconque harcèlement en sa qualité de salariée.
Dans tous les cas, on constate que ce mode de communication existait déjà entre eux, ce qui ne l'a pas empêché de souhaiter conclure un CDI avec la société.
Sur ce
Il résulte de l' article L. 1152-1 et suivants du Code du travail qu'« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L'article L1154-1 du même code précise que 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
Il doit ainsi être recherché, en premier lieu, si Madame [N] [B] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Elle produit aux débats un courriel reçu de Monsieur [S] [G] le 17 janvier 2019, comprenant les phrases suivantes:
'Ton type de travail façon routine ne suffit pas et cela tu ne veux pas le comprendre ( ...) tu n'es ni fiable, ni disponible, ni désireuse d'aborder sereinemnt , quand c'est le moment plein de questions(...) Oui tu as largemnt ta part dans ce qui part à volo au rdc(...) En attendant j'attends de toi un minimum de conscience professionnelle en travaillant de chez toi dans les prichains jours'.
Ce message a été adressé alors que Madame [N] [B] était en arrêt maladie et, ainsi, outre qu'il contient des mises en cause de sa personne même et de sa conscience professionnelle, ainsi personnelles,, il lui est demandé de travailler durant ce congé pour raisons de santé. Ce fait est susceptible de porter atteinte à sa santé.
Le 21 janvier 2019, ce chef d'entreprise s'adressait à cette dernière par un nouveau courriel et en ces termes :
'Tu comprends que dalle, myope et sourde, désolé pour toi (...) Tu es le plus souvent à côté de la plaque (...) Si tu ne veux pas organiser le rdc, je vais m'en occuper aussi (...) Et alors, une portière que je claque (...) , tu ne peux pas supporter une exaspération de quelques secondes sur ton comportement.'
Il s'exprime là encore une mise en cause personnelle de l'intimée et de ses qualités et cela en des termes violents et dégradants ('Tu comprends que dalle myope et sourde').
Il y est également reconnu un geste de colère, une violence matérielle, dirigés à l'endroit de cette dernière.
Par un nouvel écrit du 5 février 2019, soit quelques jours plus tard, Monsieur [G] s'adressait encore à sa préposée en ces termes:
'Si tu allais coucher avec [J] pour qu'on ait au moins un fournisseur solide''
Ces propos sont incontestablement dégradants et sexistes.
L'ensemble de ces messages a bien été adressé durant l'exercice du contrat de travail.
Monsieur [M] [F], ancien salarié de la société appelante, atteste qu'il a été témoin de paroles "déplacées' par Monsieur [S] [G] à l'encontre de Madame [N] [B]; il ajoute que certaines de ces paroles étaient sexistes et visaient le passé de celle-ci, ainsi « ce tempérament de fille prude vient du fait qu'elle soit la seule fille de la famille ».
Ce témoin ajoute avoir vu Madame [N] [B] pleurer à cause du comportement de Monsieur [S] [G] et que celui-ci en est venu quasiment aux mains en voulant bloquer le véhicule de Madame [N] [B] pour retarder son départ.
Monsieur [U] [X] atteste en ces termes :
« J'ai été témoin du comportement inapproprié du Mr [G] envers Mme [B]. Tout d'abord, j'ai été choqué des paroles de ce dernier en l'entendant porter des propos sexistes particulièrement visés comme « les femmes aiment quand les hommes insistent et se montrent dominants (...) les harcèlements envers Mme [B] étaient monnaie courante de la part de M [G], si bien que nous avons dû nous mobiliser, M. [F], M.
[V] et moi-même pour que cela cesse, sans quoi nous nous mettions en grève'.
Madame [Z] [P] témoigne avoir été témoin du harcèlement par Monsieur [S] [G] de ses employés, dont Madame [N] [B].
Elle ajoute avoir été témoin de la détresse de Madame [N] [B] et que celle-ci a "aussi su prendre les excès de colère sur elle pour éviter que Monsieur [S] [G] ne s'en prenne à ses alternants".
Il résulte de ces pièces que Madame [N] [B] présente bien des éléments de fait répétés laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Il incombe, dès lors, à la partie employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que son comportyement était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A ce stade, il sera précisé que le fait qu'un chef d'entreprise soit le conjoint d'une de ses salariés ne saurait l'autoriser, pendant la relation conjugale et à fortiori après celle-ci à mettre en doute les qualités même de sa préposée et à tenir des propos sexistes ou dégradants à son endroit.
De même, le fait que Madame [N] [B] ait pu tolérer dans le passé de tels faits, à supposer ce fait établi, ne saurait autoriser ou justifier la persistance d'un comportement fautif de ce chef d'entreprise.
De tels comportements, notamment du fait de leur violence et leur sexisme, ne sauraient être 'justifiés' par des éléments 'objectifs' quelconques.
A titre surabondant il sera, cependant, ajouté que la société KLS France n'apporte aucun élément aux débats propre à justifier l'expression des mises en cause personnelles et professionnelles visées, tenues envers la salariée intimée.
Sans besoin de s'intéresser aux autres éléments déposés par cette dernière, il sera bien jugé qu'elle a été victime de faits multiples de harcèlement moral et de sexisme, imputables à la société KLS France, prise en la personne de son dirigeant et cela durant l'exercice de son contrat de travail.
Madame [N] [B] dépose à la procédure un certificat médical du 27 janvier 2021 attestant qu'elle est suivie 'pour son moral' , qu'elle 'décrit des angoisses, des troubles du sommeil, un moral altéré côté à 30" et est suivie par un psychiatre et un psychologie.
Elle justifie d'un très long arrrêt de travail.
Elle recevra la somme de 15 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et sexuel qu'elle a subi.
Sur la résiliation du contrat de travail
Le harcèlement démontré, plus encore en ce qu'il a généré des troubles psychiques, interdit d'évidence la poursuite du contrat de travail, sauf à mettre en péril la santé future de Madame [N].
Il sera, dès lors, fait droit à la demande en prononcé de la résiliation du contrat de travail, aux torts de l'employeur à effet du jour de cette décision.
En ce que cette résiliation est fondée sur l'existence d'un harcèlement moral, elle produira les effets d'un licenciement nul.
Madame [N] [B] recevra les sommes suivantes, non contestées en leur montant, même à titre subsidiaire:
7.527,96€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 752,79€ au titre des congés payés afférents,
-311,36€ à titre d'indemnité légale de licenciement,
Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation à l'audience de conciliation devant le Conseil de prud'hommes valant mise en demeure, soit le 25 septembre 2019 .
A titre de dommes et intérêts réparant le dommage né du licenciemnt nul, elle recevra la somme de 15000 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société KLS France succombant supportera les dépens de première instance et d'appel.
Elle succombera en sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
En équité, elle versera la somme de 1000 euros à Madame [N], en application de cette disposition légale et cela en sus de la somme déjà allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne le 5 mai 2021 en ce qu'il a :
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat travail liant la société KLS France à Madame [N] [B] aux torts exclusifs de la société KLS France.
Condamné la société KLS France à verser à Madame [N] [B] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019 :
' 7527,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
' 752,79 euros au titre des congés payés afférents
' 911,36 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
Condamné la société KLS France à verser à Madame [N] [B] la somme de 15 000euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Ajoutant au dit jugement,
Déboute la société KLS France de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civil,
Condamne la société KLS France à verser à Madame [N] [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexiste,
Condamne la société KLS France à verser à Madame [N] [B] la somme de 1000 euros, au titre des frais irrépétibles engagés au titre de la procédure d'appel, en sus de la somme déjà allouée à ce titre en première instance.
Condamne la société KLS France aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT