AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/06601 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIFE
Fondation RADIO ESPERANCE
C/
[S]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE
du 02 Novembre 2020
RG : 18/508
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
APPELANTE :
Fondation RADIO ESPERANCE Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice
domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Romain PIOCHEL de la SELEURL DELOS, avocat plaidant au barreau de LYON, Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[H] [S]
né le 21 Septembre 1964 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Octobre 2022
Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [S] (le salarié) a été recruté par la Fondation Radio Espérance (l'employeur) par contrat à durée déterminée pour la période du 19 janvier 2016 au 18 septembre 2016, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 19 septembre 2016, en qualité de webmestre.
Par courrier recommandé du 23 avril 2018, l'employeur a soumis pour accord au salarié une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique, modifiant la durée de travail de 35 heures à 16 heures hebdomadaire.
Par courrier du 19 mai 2018, le salarié a refusé cette modification.
L'employeur a ensuite convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 6 juin 2018, par lettre recommandée du 28 mai 2018, entretien auquel le salarié n'a pas assisté.
L'employeur a notifié au salarié son licenciement pour refus d'une modification pour motif économique de son contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception, signé le 18 juin 2018.
Le salarié ayant adhéré au dispositif de contrat de sécurisation professionnelle par lettre du 26 juin 2018, son contrat de travail a été rompu à compter du 29 juin 2018.
Par requête du 25 octobre 2018, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Saint-Étienne afin qu'il constate le harcèlement moral et/ou l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur, et déclare son licenciement nul ou, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il a sollicité également la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre du solde de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral et/ou exécution fautive du contrat de travail.
Par jugement du 2 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes :
- 548,21 euros à titre de solde d'indemnité légale de licenciement,
- 8 400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 398,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 239,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale (obligation de sécurité) du contrat de travail,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 2 398.85 euros,
- débouté le salarié de ses autres demandes,
- débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle,
- condamné l'employeur aux entiers dépens.
Par déclaration au RPVJ du 26 novembre 2020, l'employeur a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées le 3 août 2021, l'employeur demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer recevable son appel principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en nullité de son licenciement,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- juger que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse,
- juger que le salarié n'apporte pas la preuve de faits de harcèlement moral ou/et d'exécution fautive de son contrat de travail par son employeur,
- donner acte du paiement de l'indemnité légale de licenciement au salarié pour un montant de 999,04 euros ;
En conséquence,
- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
- réduire à de plus justes et légales proportions la demande indemnitaire formulée par le salarié conformément au plancher et plafond fixé par l'article L.1235-3 alinéa 2 du code du travail soit entre les sommes de 1 199,42 euros et 4 797,7 euros ;
- réduire à l'euro symbolique en l'absence de toute justification la demande indemnitaire formulée par le salarié au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail,
- confirmer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2 398,85 euros outre les 239,88 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
- condamner le salarié à verser à l'employeur la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'employeur fait valoir que :
- l'ancienneté du salarié est de 21 mois, son contrat de travail à durée indéterminée ayant débuté le 19 septembre 2016 et l'ancienneté découlant de son contrat à durée déterminée n'a pas été reprise, les fonctions résultant de son nouveau contrat étant différentes et une telle reprise d'ancienneté n'était pas prévue dans les documents de la relation de travail ;
- concernant la signature de la lettre de licenciement, l'employeur est une fondation reconnue d'utilité publique dépendant de textes spécifiques, que le signataire de la lettre de licenciement (M. [M]) est membre du directoire, la nomination de ses membres ayant été validée par décret pris en conseil d'État le 28 août 2017, il avait qualité et pouvoir pour signer la lettre de licenciement du salarié, aucun texte n'imposant à une fondation d'utilité publique de publier la nomination de ses dirigeants pour rendre leurs décisions opposables aux tiers, que le procès-verbal du conseil de surveillance du 26 novembre 2015 confirme que les membres du directoire représentent l'employeur à l'égard des tiers et dans tous les actes de la vie conformément à l'article 8 des statuts ;
- sa situation économique ne doit pas être appréciée au niveau de l'ensemble des associations subventionnées par celle-ci mais seulement au niveau de la fondation elle-même, que les dons et subventions servant à financer les missions sociales de l'employeur, ce ne sont pas des transferts ;
- les difficultés économiques ne sont pas la source de choix opérés par l'employeur mais résultent de la baisse des produits financiers et produits exceptionnels et la hausse des charges de personnels ;
- le résultat d'exploitation est déficitaire à compter de l'année 2012 et croit de manière exceptionnelle en 2017 ; que l'existence d'une trésorerie en réalité « dotation intangible » n'est pas un choix de l'employeur mais une obligation liée à son statut de fondation reconnue d'utilité publique ;
- un déficit important et structurel de la branche internet a été identifié, c'est pourquoi le développement web interne du site internet a été arrêté, réduisant les missions confiées au salarié impliquant alors la réduction de la durée du travail de ce dernier mais il n'était pas question de le licencier ;
- la décision du 23 novembre 2017 du conseil de surveillance prévoyant de réduire le service développement informatique à un poste ne précisait pas que ce poste devait être à temps plein ; que l'autre salarié de ce service, M. [D], a été licencié pour faute simple, licenciement intervenu bien avant l'engagement de la procédure de licenciement économique du salarié,
- s'agissant de l'exécution fautive du contrat de travail et du harcèlement moral, le salarié ne rapporte pas la preuve du harcèlement moral ;
- la décision de réorganisation de l'employeur a été prise en amont de la réception par la direction de son courrier datant du 31 janvier 2018 ; aucun retrait de tâche n'a été réalisé ; les courriers appuyant les propos du salariés ne mentionnent pas le nom du salarié et ne le visent pas ; l'absence de réponse de l'employeur aux plaintes des autres salariés ne caractérise pas un manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles envers le salarié, tout comme l'absence de réponse écrite à son courrier ; le salarié n'a pas été licencié à la suite de sa dénonciation du prétendu harcèlement mais à la suite du refus d'une modification pour motif économique de son contrat de travail, le salarié ne justifiant aucunement le lien entre le harcèlement et la procédure de licenciement pour motif économique.
Dans ses conclusions notifiées le 17 mai 2021, le salarié demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser les sommes de :
- 548.21 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,
- 1 500.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau,
- déclarer le licenciement nul,
- condamner l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes :
- 4 797,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 479,77 euros à titre des congés payés sur préavis,
- 24 000 à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et/ou exécution fautive du contrat de travail,
- dire que les intérêts légaux courent à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation sur l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés,
- dire que les intérêts légaux sur les sommes présentant le caractère de dommages-intérêts courent à compter du jugement à concurrence de la somme allouée par les premiers juges et à compter de l'arrêt à venir pour le surplus,
- condamner l'employeur au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié fait valoir que :
- l'ancienneté à prendre en compte est de 2 ans et 7 mois, soit à compter du 19 janvier 2018, le contrat à durée indéterminée du 19 septembre 2016 ne précisant pas les attributions du salarié, il est impossible de prétendre que ses fonctions auraient radicalement changé lors de son entrée en vigueur, aucune indemnité compensatrice de congés payés entre la fin du contrat à durée déterminée et le début de celui à durée indéterminée ne lui ayant été versée;
- concernant la signature de la lettre de licenciement par M. [M], sa nomination en qualité de « membre du directoire » n'a pas été déposée à la préfecture, sans mesure de publicité susceptible de la rendre opposable aux tiers et aux salariés, celui-ci ne disposait d'aucun pouvoir pour le licencier, et ce, indépendamment de la validité de la déclaration d'utilité publique par décret de la fondation,
- l'activité principale de l'employeur est de récolter des dons et des subventions, son déficit traduit seulement les choix de ce dernier en décidant de les redistribuer à d'autres organismes ou associations ;
- si le résultat d'exploitation est déficitaire depuis plusieurs années, le résultat final est un déficit très faible, ce résultat déficitaire depuis 2012 n'a d'ailleurs pas empêché l'employeur de l'embaucher ; ces déficits cumulés sont loin d'absorber le bénéfice important réalisé en 2015 et il ressort du bilan arrêté au 31 décembre 2017 qu'elle demeurait dans une bonne santé financière ;
- l'employeur ne produit aucun justificatif permettant d'apprécier l'impact financier de son licenciement afin de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ;
- l'objectif contenu dans la décision du 23 novembre 2017 du conseil de surveillance de réduire ce service de deux postes à temps plein à un poste à temps plein à été réalisé avant son licenciement économique par le licenciement de M. [D], aucune réduction de la durée du travail, ni licenciement économique n'était ainsi nécessaire ;
- concernant la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a été licencié à l'âge de 54 ans, n'a pas retrouvé d'emploi et n'est plus indemnisé et le barème de l'article L.1235-3 du code du travail ne permet pas une réparation adéquate compte tenu du préjudice qu'il a subi, c'est pourquoi il doit être écarté ;
- s'agissant de l'exécution fautive du contrat de travail et du harcèlement moral, les conditions de travail étaient extrêmement difficiles du fait de l'attitude des dirigeants, s'illustrant par des crises, avec des cris, des accusations d'incompétence au cours d'entretiens répétés, des menaces, dont témoignent certains salariés qui font état de ces scènes violentes et dénoncent les mêmes conditions de travail difficiles ;
- sa possibilité d'aménagement d'horaires lui a été supprimée fin janvier 2017 et certaines tâches lui ont été retirées et il a informé le conseil de surveillance par lettre le 31 janvier 2018 mais ce dernier n'a pris aucune mesure pour permettre une amélioration des relations de travail ;
- il a contacté l'inspection du travail en mars 2018 et un contrôleur du travail est ensuite intervenu ;
- ses conditions de travail ont rejailli sur son état de santé et son licenciement économique résulte plutôt de sa dénonciation des conditions de travail et du harcèlement moral dont il était victime,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de la procédure de licenciement
Le salarié soutient que, la lettre de licenciement n'ayant pas été signée par une personne ayant qualité pour ce faire, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La cour rappelle que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il est constant que la lettre de licenciement a été signée par M. [L] [M], en qualité de membre du directoire.
Le salarié soutient que la nomination de cette personne n'a pas fait l'objet des mesures de publicité susceptible de la rendre opposable au tiers.
Toutefois, il sera rappelé que les fondations reconnues d'utilité publique sont notamment régies, comme le soutient l'employeur, par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat (article 18 à 18-3).
A cet égard, conformément aux prescriptions de l'article 18 de ce texte, le décret pris en Conseil d'Etat du 28 août 2007 a reconnu la Fondation comme établissement d'utilité publique et a approuvé ses statuts, qui sont produits par l'employeur (pièce n° 19 de l'appelant) et dont l'article 5 prévoit que le conseil de surveillance nomme pour une durée de quatre ans renouvelable, 1 ou 2 personnes composant le directoire, dont l'une d'elle a qualité de président.
Par ailleurs, l'employeur justifie de la délibération du conseil de surveillance du 26 novembre 2015 ayant désigné M. ([L]) [M] en qualité de membre du directoire et président.
Les textes précités n'imposent pas la publication des décisions nominatives concernant la représentation de la Fondation.
La cour retient dès lors, comme les premiers juges, que le président et membre du directoire ayant signé la lettre de licenciement avait qualité pour ce faire.
La lettre de licenciement est dès lors régulière à cet égard et le moyen soulevé par le salarié sera écarté.
Sur le harcèlement moral ou le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
Il convient de relever que le salarié fait état d'une série de faits qu'il qualifie de harcèlement moral, et à « tout le moins », et de manière alternative, de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.
La cour rappelle qu'il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ce dernier en sa rédaction applicable depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.
Concernant les « crises et cris, accusations répétées d'incompétence et de creuser un gouffre financier », le salarié produit à cet égard l'attestation de M. [D] (pièce n° 8 de l'intimé), avec lequel il s'occupait du service web, qui décrit l'évolution de leurs rapports avec les membres du directoire à partir d'octobre 2016. Il indique qu'un point de tension résulte de problèmes techniques avec un logiciel et fait état de ce que les membres du directoire, qui étaient en désaccord avec la position du salarié et de son collègue, pouvaient venir dans leurs bureaux et « leur crier dessus ». Il indique que le salarié a avisé le président du conseil de surveillance, en octobre 2017, de ces difficultés. Il fait état de ce que le salarié, à la suite de l'opposition de points de vue avec les membres du directoire, s'est vu confier un nombre décroissant de tâches. Il indique que le salarié a, dans ce contexte, perdu la possibilité de faire des horaires aménagés.
Le salarié produit la lettre de démission de Mme [O] (pièce n° 9 de l'appelant) ainsi qu'une attestation de sa part (pièce n° 21 de l'intimé). Il résulte de celle-ci qu'elle a assisté à des réunions concernant les problèmes techniques liés au logiciel où les échanges lui sont apparus conflictuels, avec des altercations entre la direction et les techniciens, dont le salarié, nommément désigné, des « intrusions violentes et répétées » de la direction dans le bureau du service web. Elle indique avoir proposé au directeur de créer un groupe de travail sur ces questions, ce qui n'a pas été retenu et lui avoir fait part de son malaise par rapport à cette situation, qui lui suscitait du stress.
Le salarié produit également la copie de la lettre qu'il a adressée le 31 janvier 2018 aux membres du conseil de surveillance, qui reprend notamment, et pour l'essentiel, la chronologie des faits, telles qu'elle transparaît dans les documents susvisés.
Les autres documents que produit le salarié à cet égard ne le concernent pas directement.
En réplique, l'employeur produit une attestation d'un bénévole (pièce 37 de l'appelant) qui précise avoir côtoyé le salarié et discuté avec lui et que celui-ci ne lui a jamais fait part de difficulté avec les membres du directoire et que ceux-ci ne lui ont pas fait part de difficulté avec le salarié. Une autre attestation d'une bénévole est produite par l'employeur (pièce n° 38 de l'appelant) qui indique avoir travaillé avec le salarié et n'avoir pas été témoin de faits de harcèlement de la part des membres du directoire, notamment à l'occasion des réunions hebdomadaires auxquelles elle indique avoir assisté.
Par ailleurs, l'employeur produit une lettre de l'inspection du travail du 18 juin 2019 (pièce n° 33 de l'appelant) qui indique avoir été destinataire d'une copie d'une lettre du salarié du 31 janvier 2018 (adressée aux membres du conseil de surveillance) et qu'un agent de contrôle s'est rendu dans l'entreprise en mars 2018, sans que cette visite n'ait donné lieu à observations ou relevé d'infractions.
Il doit être noté que l'employeur justifie (pièce n° 21 de l'appelant) de ce que M. [D] a été licencié pour faute grave, le 13 janvier 2018, (pour avoir téléchargé des fichiers informatiques auxquels il n'était pas censé avoir accès), ce qui doit être mis en regard avec l'attestation, ci-dessus visée, qu'il a établie le 31 janvier 2019.
En cet état, le dossier comporte des attestations testimoniales, cohérentes de part et d'autre, mais contradictoires quant aux faits reprochés par le salarié, qui entend en outre justifier de la situation en produisant des documents dont il est l'auteur et qui reposent sur ses seules affirmations tandis que l'inspection du travail, saisie des faits, a estimé ne pouvoir en tirer aucune conséquence, ne serait-ce qu'à titre d'observations.
Le témoignage du collègue de travail du salarié, s'il ne peut être écarté pour ce seul fait, doit être appréhendé avec la considération de ce qu'il a été, antérieurement à la rédaction de son attestation, licencié pour faute grave.
Par ailleurs, les témoignages des bénévoles peuvent être accueillis particulièrement en ce que ceux-ci n'ont aucun lien de subordination avec la Fondation.
Il en résulte que la matérialité des faits, selon la description qu'en a retenu le salarié, n'est pas établie.
Concernant la dépossession du salarié de certaines tâches qui lui incombaient, de même que le retrait par l'employeur de l'autorisation d'horaires aménagés, il n'est produit aucun élément objectif permettant de retenir la matérialité des faits allégués.
En revanche, le salarié justifie d'une lettre adressée au conseil de surveillance, du 31 janvier 2018, faisant part de son trouble et des circonstances dans lesquelles il estimait que ses conditions de travail s'étaient dégradées.
Ce fait est matériellement avéré.
Le salarié justifie par ailleurs des difficultés de santé qu'il a rencontrées, ayant donné lieu à des prescriptions médicales d'avril à mai 2018 (pièce n° 23 de l'intimé) et de ce qu'un médecin, le 25 mai 2018, a attribué ces troubles à un « syndrome anxio-dépressif réactionnel avec des serrées thoraciques dans un contexte de stress intense ».
Ce fait est matériellement établi.
De ce qui précède, il y a lieu de considérer comme établies l'expression du ressenti du salarié, auprès du conseil de surveillance, le 31 janvier 2018, quant à l'existence d'un contexte conflictuel avec les membres du directoire de la Fondation ainsi que ses difficultés de santé, à partir d'avril 2018.
Il convient toutefois de relever que ces faits coïncident avec la décision de l'employeur de modifier le contrat de travail du salarié pour un motif économique.
En cet état, la cour, considère que les éléments présentés par le salarié qui sont matériellement établis, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
La demande en indemnisation du salarié de ce chef devra être écartée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
En l'espèce, il est patent que par lettre du 31 janvier 2018, le salarié a alerté le conseil de surveillance des difficultés qu'il rencontrait dans l'exécution de son contrat de travail.
Par ailleurs, il a avisé les services de l'inspection du travail de ces mêmes faits, laquelle a dépêché un agent pour un contrôle en mars 2018.
S'il résulte de cette investigation, tout comme de l'analyse des éléments du dossier dans le cadre de la présente instance, qu'une situation de harcèlement moral n'a pu être caractérisée, ces écrits et cette démarche établissaient la souffrance au travail que ressentait le salarié.
Cette souffrance ne peut qu'être mise en lien avec les traitements médicamenteux qui ont été prescrits au salarié, à partir d'avril 2018, et le lien qui a été suggéré par son médecin entre sa souffrance et sa relation au travail.
Or, sur ce point, tout comme devant les premiers juges, l'employeur ne justifie pas que, bien que dûment averti des difficultés que rencontrait le salarié, il a entrepris une démarche afin de tenter d'apporter une réponse à la souffrance que celui-ci exprimait, en relation avec son travail.
Cette absence de réponse a vraisemblablement participé de la dégradation de l'état de santé du salarié.
Dès lors, la cour retient, comme les premiers juges, que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité vis à vis du salarié.
La teneur des propos du salarié dans ses écrits, dont il peut être déduit la gravité de la détresse morale dans laquelle il se trouvait, à laquelle l'employeur n'a cherché à apporter aucune solution, permet de considérer que le préjudice subi par le salarié justifie l'allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la nullité du licenciement
Le salarié soutient que le motif réel du licenciement résulte de sa dénonciation de ses conditions de travail auprès de l'inspection du travail en janvier et mars 2018 et qu'il est nul en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, soit en raison de ce qu'il se trouvait en situation de harcèlement moral ou ayant relaté ou témoigné de tels agissements.
Toutefois, la cour ayant écarté la demande en reconnaissance de la situation de harcèlement moral dont se prévaut le salarié, sa demande en nullité du licenciement doit être écartée.
Sur le bien-fondé du licenciement
La cour relève que, pour justifier du motif économique du licenciement, l'employeur fait état dans sa lettre du 18 juin 2018 de :
- un résultat d'exploitation déficitaire en 2017 de plus de 257 000 euros ;
- la décision consécutive d'arrêter le développement et la gestion de son propre site internet, en procédant par externalisation ;
- la nécessité consécutive de restructurer l'entreprise, par proposition de la réduction de la quotité horaire du salarié.
Or, les dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, imposent notamment, pour qu'un licenciement puisse être motivé par un motif économique, des difficultés économiques caractérisées par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique « tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».
L'employeur reconnaît que le résultat d'exploitation est déficitaire depuis l'année 2012, soit quatre années avant le recrutement du salarié, atteignant en 2016, année du recrutement 131 000 euros et 257 000 euros en 2017.
L'employeur indique lui-même que le premier déficit de 3 000 euros, a été enregistré en 2016, pour atteindre 6 613 euros en 2017.
Il en résulte que, lorsqu'il a embauché le salarié, l'employeur connaissait déjà un résultat d'exploitation déficitaire et un résultat final légèrement déficitaire.
Or, si une telle évolution de situation économique n'a pas été un frein pour l'embauche du salarié, elle ne saurait constituer, au regard de l'importance relative des déficits susvisés, un motif de la rupture du contrat de travail de celui-ci pour un motif économique.
En outre, la cour approuve les premiers juges en ce qu'ils ont relevé que les déficits enregistrés en 2016 et 2017, de 2 955 et 6 613 euros, doivent être pris en compte au regard du bénéfice de 106 000 euros, réalisé en 2015.
Il convient en outre de relever, contre l'analyse que fait l'employeur de ses propres documents, qu'il résulte du tableau que comporte le rapport moral et financier de l'année 2017 (pièce n° 26 de l'appelant), que le montant des dons est passé de 777 686 en 2016 à 729 868 en 2017 cependant que le montant des produits est en hausse de 1 021 923 en 2016 à 1 069 993 en 2017, le même rapport indiquant que le montant des produits exceptionnels, soit les dons supérieurs à 2 000 euros, considérés comme non renouvelés, a été de 15 000 euros en 2016 contre 45 000 euros en 2017, de sorte qu'il ne peut être considéré que les ressources de l'employeur étaient sensiblement affectées en 2017.
Il peut être également noté que les comptes annuels de l'année 2017 (pièce n° 16 de l'appelant) indiquent que le montant des charges d'exploitation relatives aux salaires et traitements et charges sociales a été pratiquement constant entre 2016 et 2017 (autour de 300 000 euros), que les produits financiers ont été en 2017 de 187 071, contre 95 126 euros en 2016 et que le résultat financier a été de 171 078 en 2017, contre 67 316 en 2016.
Dès lors, au regard de ces éléments et de ceux versés au dossier, l'employeur n'établit pas l'existence d'une évolution significative d'un indicateur économique de l'entreprise, de sorte que le motif économique de la modification du contrat de travail du salarié ne peut être retenu.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'ancienneté du salarié
L'article 1243-11 du code du travail prévoit que : « Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée. »
Il est constant que le salarié a conclu un contrat à durée déterminée avec l'employeur du 19 janvier 2016 au 18 septembre 2016, puis un contrat à durée indéterminée à compter du 19 septembre 2016.
Dès lors, les deux contrats se sont succédés sans aucune interruption et l'ancienneté du salarié, en dépit de ce qu'elle n'ait pas été ainsi mentionnée dans les bulletins de paye du salarié, doit être prise en compte dans l'entreprise à compter du 19 janvier 2016.
Le moyen invoqué par l'employeur selon lequel de nouvelles fonctions auraient été attribuées au salarié lors de la conclusion de son contrat à durée indéterminée est inopérant.
Le salarié ayant été licencié le 18 juin 2018, à effet du 29 juin 2018, date d'effet du contrat de sécurisation professionnelle, son ancienneté était de 2 ans et 7 mois.
Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Il résulte des articles L. 1233-67, L. 1233-69 et L. 5312-1 du code du travail, en leur rédaction applicable au litige, qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées.
Dès lors, le salarié n'est pas irrecevable à former une demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, comme le soutient l'employeur.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1234-1, 3°, du code du travail, le salarié disposant d'une ancienneté supérieure à deux ans, il peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois.
Les parties s'accordent sur ce que le salaire moyen des trois derniers mois du salarié était de 2 398,85 euros, conformément aux dispositions de l'article R. 1234-4 du code du travail.
Ainsi, le salarié peut prétendre au versement de la somme de 4 797,70 euros, outre celle de 479,77 euros au titre des congés payés afférents, étant précisé que l'employeur ne justifie pas des sommes qui auraient pu être déjà versées au salarié à ce titre.
Le jugement sera réformé sur le quantum de ce chef.
Sur l'indemnité de licenciement
Le salaire moyen des trois derniers mois du salarié était de 2 398,85 euros.
En application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, cette indemnité doit être calculée ainsi : 2,58 X 1/4 X 2 398,85 = 1 547,25 euros.
Le salarié ayant déjà perçu la somme de 999,04 euros, le montant de l'indemnité de licenciement qui reste dû est de 548,21 euros.
Le jugement est confirmé.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié demande d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Cependant, les dispositions de ce texte, telles qu'elles résultent de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).
L'entreprise ayant moins de onze salariés et le salarié justifiant d'une ancienneté de 2 ans et 7 mois peut ainsi prétendre à une indemnité minimale au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un demi-mois de salaire, le texte ne prévoyant pas d'indemnité maximale.
Au regard de la situation du salarié, notamment de son âge, et de l'absence de revenus, dont il justifie, le préjudice résultant pour le salarié de la perte de son emploi est justement indemnisé par l'équivalent d'un peu plus de trois mois de salaires, soit la somme de 7 200 euros.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les autres demandes
La condamnation de l'employeur à verser au salarié des sommes au titre de l'indemnité de licenciement , de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, en application des dispositions des articles R. 1452-5 du code du travail et 1236-1 du code civil.
En application de ces mêmes textes, la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêts à compter du prononcé du présent arrêt et celle allouée à titre de dommages-intérêts manquement à l'obligation de sécurité portent intérêts à compter de la date du jugement la prononçant.
L'employeur, partie qui succombe en son appel, en supporte les dépens.
Au vu de l'équité, il convient de le condamner à payer au salarié la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a condamné la Fondation Radio espérance à verser à M. [H] [S] :
- les sommes de 2 398,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 239,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
- la somme de 8 400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
CONDAMNE la Fondation Radio espérance à verser à M. [H] [S] :
- la somme de 4 797,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 479,77 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au légal à compter de la convocation de la Fondation Radio espèrance devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes ;
- la somme de 7 200 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
DIT que les intérêts au taux légal courent à compter du prononcé du jugement sur les dommages-intérêts alloués au titre du manquement par l'employeur à son obligation de sécurité ;
MET les dépens d'appel à la charge de la Fondation Radio espérance ;
CONDAMNE la Fondation Radio espérance à payer à M. [H] [S] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE