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19/01/2023 | FRANCE | N°20/00583

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 19 janvier 2023, 20/00583


N° RG 20/00583

N° Portalis DBVX-V-B7E-M2GH









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 02 décembre 2019



RG : 2018j00808







[P]



C/



Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 19 JANVIER 2023







APPELANTE :

>
Mme [G] [P] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207







INTIMÉE :



LA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES représentée par son dirigeant soc...

N° RG 20/00583

N° Portalis DBVX-V-B7E-M2GH

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 02 décembre 2019

RG : 2018j00808

[P]

C/

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

APPELANTE :

Mme [G] [P] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207

INTIMÉE :

LA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES représentée par son dirigeant social en exercice, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence CHARVOLIN de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON, toque : 1086

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 29 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Novembre 2022

Date de mise à disposition : 19 Janvier 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Maokiss, créée en 2010 et dont Mme [G] [P] épouse [F] était la présidente (ci-après Mme [F]), exploitait une activité de négoce de maroquinerie, chaussures et articles de voyage.

Le 21 décembre 2010, la société Maokiss a ouvert un compte courant n°[XXXXXXXXXX04] dans les livres de la Banque populaire Loire et Lyonnais.

Suivant acte sous seing privé du 20 juin 2014, Madame [F] s'est portée caution solidaire des engagements souscrits par la société Maokiss dans la limite de 20.000 euros et pour une durée de 5 ans.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 4 juillet 2017, la société Maokiss a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par courrier recommandé du 19 juillet 2017, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, venant aux droits de la Banque populaire Loire et Lyonnais, a déclaré sa créance entre les mains de Maître [V], mandataire judiciaire, à hauteur de 10.287,49 euros outre intérêts débiteurs à courir.

Le même jour, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes a mis Mme [F] en demeure de lui régler cette somme au titre de son engagement de caution.

La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif par décision du 4 janvier 2018.

Par exploit d'huissier en date du 15 mai 2018, la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes a assigné Madame [F] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir le règlement de la somme de 10.693, 09 euros.

Par jugement contradictoire du 2 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

condamné Madame [G] [P] épouse [F] à payer à la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 10.693,09 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018, date d'arrêté des comptes, au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX04],

ordonné la capitalisation des intérêts,

accordé à Mme [G] [P] épouse [F] un délai de paiement de 24 mois, à compter de la décision, sous la forme de 24 mensualités de 200 euros et le solde le 24ème mois, outre intérêts au taux d'intérêt légal. Le solde sera d'autre part immédiatement exigible à la première échéance non respectée,

débouté la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande au titre de la résistance abusive,

condamné Mme [G] [P] épouse [F] à payer la somme de 750 euros à la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande d'exécution provisoire,

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

condamné Madame [G] [P] épouse [F] aux entiers dépens.

Mme [F] a interjeté appel de l'entier dispositif par acte du 21 janvier 2020

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2020, fondées sur les articles 1289, 1907 et 1343-5 du code civil, les articles L.313-1, L.313-2, L.341-4, L.341-6 et R.313-1 du code de la consommation, ainsi que sur les articles L.313-4 et L.313-22 du code monétaire et financier, Mme [G] [P] épouse [F] demande à la cour :

A titre principal,

de juger que le cautionnement du 20 juin 2014 était manifestement disproportionné au regard de ses biens et revenus lors de sa conclusion,

de juger que son patrimoine, au moment où elle est appelée, ne lui permet pas de faire face à son obligation,

de juger que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes ne peut se prévaloir du cautionnement du 20 Juin 2014, dont elle réclame l'exécution, en raison de sa disproportion eu égard à ses revenus et à son patrimoine,

de juger que la demande en paiement de la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes n'est pas fondée,

En conséquence,

de réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 2 décembre 2019, en ce qu'il a fait droit à la demande de la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes,

de rejeter la demande en paiement de la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes.

Si par extraordinaire le cautionnement était considéré comme valable, à titre subsidiaire,

de juger qu'elle avait la qualité de caution non avertie,

de juger que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes n'a pas satisfait son devoir de conseil et de mise en garde à son égard,

de juger qu'il en résulte un préjudice à son égard en raison d'une perte de chance de ne pas avoir pu contracter avec un consentement éclairé,

En conséquence,

de réformer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 2 décembre 2019, en ce qu'il a jugé qu'elle avait la qualité de caution avertie et rejeté sa demande de dommages et intérêts,

de condamner la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour un montant équivalent à celui demandé par la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, soit la somme de 10.693,09 euros, outre intérêts, sauf à parfaire,

d'ordonner la compensation des dommages et intérêts versés avec les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire,

de juger que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes ne justifie pas avoir satisfait aux exigences posées par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier imposant aux établissements de crédit de respecter une information annuelle envers les cautions concernant l'état de leur engagement, et notamment le montant de la créance,

En conséquence,

de réformer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 2 décembre 2019, en ce qu'il a jugé que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes avait satisfait à son obligation d'information,

de prononcer la déchéance des pénalités et intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de la nouvelle communication, pour chaque période n'ayant pas donné lieu à information,

de juger que les paiements effectués par le débiteur principal seront affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En tout état de cause,

de lui accorder les plus larges délais de paiement que la loi autorise, en cas de condamnation à son encontre,

de juger que les intérêts des condamnations à intervenir ne se capitaliseront pas par année entière,

de juger n'y avoir lieu à exécution provisoire,

de débouter la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

de condamner la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, Mme [F] fait valoir à titre principal :

qu'en violation de l'obligation qui lui était impartie en ce sens, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes n'a pas vérifié sa solvabilité avant de lui faire signer le contrat de cautionnement,

qu'ainsi, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes ne produit pas la fiche de renseignement permettant de s'assurer qu'elle s'est renseignée sur son taux d'endettement et ses capacités de remboursement,

qu'au jour de la conclusion de ce contrat de cautionnement, elle avait d'ores et déjà souscrit deux autres cautionnements, l'un à hauteur de 149.500 euros, l'autre de 20.000 euros, outre deux prêts, en l'occurrence un crédit immobilier d'un montant de 168.541,68 euros et un prêt travaux de 18.006,42 euros,

qu'il est constant que ces engagements antérieurs doivent être pris en compte pour apprécier l'éventuelle disproportion de son engagement de caution,

qu'elle disposait certes d'un actif immobilier dont la valeur résiduelle était de 47.000 euros, mais son passif s'élevait à la somme de 187.506, 42 euros, soit près de 4 fois la valeur de son actif,

qu'il est donc manifeste que le nouvel engagement demandé par la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes était disproportionné compte tenu du poids de ses engagements antérieurs, de sorte que cette dernière ne peut se prévaloir dudit cautionnement,

que si elle disposait par ailleurs de parts sociales dans la société Maokiss, leur valeur était nulle dans la mesure où le passif de la société s'élevait à 301.980 euros alors que le fonds de commerce n'était valorisé qu'à 80.000 euros,

qu'elle a au surplus abandonné un compte courant de 55.000 euros au profit de sa société,

que son passif était donc de 161.022,21 euros (215.026 euros - 376.048,10 euros) supérieur à l'actif en sa possession, ou à tout le moins de 148.877,1 euros si ses parts sociales sont valorisées à la somme de 12.145 euros (314.125 euros - 301.980 euros),

que les affirmations de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes selon lesquelles son bien immobilier aurait une valeur de 320.934 euros ne sont pas fondées sur un quelconque élément de preuve, l'appelante opérant une confusion entre les calculs afférents à la détermination de la soulte du divorce et l'évaluation du bien immobilier,

que l'acte d'acquisition du bien en 2005 fait apparaître une valeur de 208.274 euros, tandis que l'état des droits de chacun des époux 4 ans plus tard fait état d'une valeur de 215.026 euros, soit un montant très nettement inférieur aux 320.000 euros avancés par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes,

qu'à l'heure actuelle, son patrimoine ne lui permet pas non plus de faire face aux demandes de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, sa situation financière étant même de plus en plus précaire,

qu'en effet, en sus des engagements antérieurs au cautionnement donné à la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, elle s'est également portée caution pour un montant de 13.000 euros auprès de la Banque en faveur de la société Maokiss,

qu'en 2019/2020, les charges de son foyer se sont élevées à la somme mensuelle de 5.338,45 euros, alors que les revenus du ménage ne sont que 3.792,16 euros par mois avec deux enfants à charge,

qu'ayant été contrainte de céder la maison acquise à [Localité 5] pour apurer ses dettes, elle ne dispose plus d'aucun patrimoine immobilier,

qu'elle a été victime d'un AVC en 2016 à la suite duquel elle a été déclarée invalide par la CPAM du Rhône.

Subsidiairement, Mme [F] expose :

qu'avant la création et le financement de la société Maokiss, elle était totalement profane de la vie des affaires et n'avait aucune connaissance du monde de la finance,

qu'elle n'est pas devenue aguerrie en prenant la présidence de la société Maokiss qui est un petit commerce de maroquinerie, chaussures et articles de voyages dans un centre commercial,

que dès lors, compte tenu de sa qualité de caution non avertie, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes était tenue d'une obligation de conseil et de mise en garde à son égard qu'elle n'a pas respectée, comme le révèle l'absence de vérification de ses capacités financières et du risque excessif d'endettement tant pour elle-même que pour la société Maokiss,

qu'ainsi, au jour de son engagement de caution, la société Maokiss était déjà lourdement endettée à hauteur de 301.980 euros au titre de 4 prêts, alors qu'en 2013, son résultat d'exploitation n'était que de 919 euros, de sorte que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes aurait dû l'alerter sur le risque important de non remboursement,

que le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter en raison du manquement de la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes à ses devoirs de mise en garde et de conseil doit être indemnisé par un montant équivalent à celui réclamé par cette dernière, soit la somme de 10.693,09 euros outre intérêts, ces dommages et interêts venant en compensation de son éventuelle condamnation au titre de son engagement de caution.

A titre infiniment subsidiaire, Mme [F] observe :

que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes ne rapporte pas la preuve qu'elle a satisfait à son obligation annuelle d'information, telle que prévue par les articles L 313-22 du code monétaire et financier et L 341-6 du code de la consommation, puisqu'elle se borne à fournir une copie de la lettre sans justifier de son envoi, ce qui doit entraîner la déchéance des pénalités et intérêts de retard échus pour chaque période n'ayant pas donné lieu à information et conduire à l'affectation des paiements du débiteur au règlement du principal de la dette,

que sa situation financière délicate justifie l'octroi de délais de paiement.

Elle souligne en tout état de cause qu'elle n'a fait que faire valoir légitimement ses droits sans aucune mauvaise foi et que la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes ne justifie d'aucun préjudice financier distinct du retard de paiement, ce qui ne peut que conduire au rejet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2020, fondées sur les articles 1134 ancien, 1343-2, 1343-5 et 2288 du code civil, l'ancien article L.341-6 du code de la consommation et l'article L.313-22 du code monétaire et financier, la SA coopérative Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes demande à la cour :

de débouter Madame [G] [F] de l'intégralité de ses demandes,

de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :

condamné Mme [F] à lui payer la somme de 10.693,09 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018, date d'arrêté des comptes, au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX04], ès qualités de caution solidaire,

ordonné la capitalisation des intérêts,

de réformer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il :

a accordé un délai de paiement à Madame [G] [F],

l'a déboutée de sa demande au titre de la résistance abusive.

Statuant à nouveau,

de débouter Mme [F] de sa demande de délais de paiement,

de condamner Mme [F] à lui payer la somme de 450 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

Y ajoutant,

de condamner Mme [F] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'aux frais relatifs à toutes mesures conservatoires, dont ceux d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me Florence Charvolin, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes soutient en substance :

que Mme [F], à laquelle il appartient de rapporter la preuve d'une disproportion flagrante de son engagement de caution même en l'absence de fiche de renseignements, échoue dans cette démonstration,

qu'en effet, au jour de la souscription de son engagement de caution, elle était propriétaire du bien immobilier situé à [Localité 5] évalué à la somme de 320.934 euros pour lequel le solde restant dû au titre du prêt était de 145.608 euros, soit une valeur résiduelle de 175.326 euros, étant précisé que la somme de 215.026 euros mentionnée dans l'acte de partage du régime matrimonial de M. [S] et Mme [F] correspond à la valeur de la part de M. [S] dans le bien, soit 63%, à laquelle il convient d'ajouter la valeur des 37% revenant à Mme [F],

qu'à tout le moins, la valeur résiduelle du bien immobilier peut être fixée à 47.000 euros, ainsi que l'a retenu le tribunal, somme qu'il convient d'intégrer à l'actif de l'appelante,

que Mme [F] était également présidente de la société Maokiss dont le capital social était de 30.000 euros et détenait un fonds de commerce évalué à 314.125 euros comme mentionné dans le bilan de l'exercice 2014, celui-ci étant grevé d'un prêt de 230.000 euros en fin d'année 2013, ce qui donne une valeur résiduelle de plus de 80.000 euros,

qu'elle disposait en outre d'un compte courant d'associé de 55.000 euros, sachant que les conditions générales du prêt consenti par ses soins en novembre 2013 prévoyaient que ce compte devait faire l'objet d'un blocage pendant toute la durée de l'emprunt,

que Mme [F] reste taisante sur la date à laquelle elle a effectué l'abandon de ce compte courant,

qu'il ne fait donc aucun doute que l'engagement de caution de Mme [F] était parfaitement proportionné à ses biens et revenus au jour de la souscription,

que contrairement à ce que prétend Mme [F], elle n'était pas tenue d'un devoir de conseil, car il ne lui appartient pas, sauf à porter atteinte au principe de non-immixtion, de se faire juge de l'opportunité du crédit et d'orienter la décision de la société Maokiss,

qu'elle n'était pas plus tenue d'un devoir de mise en garde, celui-ci ne trouvant à s'appliquer que lorsque deux conditions cumulatives sont réunies, à savoir une caution non avertie et un risque d'endettement excessif,

que dans le cas présent, Mme [F] ne saurait être considérée comme une caution non avertie, puisqu'elle était son interlocutrice principale et a signé les concours consentis à la société Maokiss dont elle était la gérante depuis 2010,

qu'elle ne présentait pas non plus de risque d'endettement excessif au regard de ses revenus et du patrimoine qu'elle détenait,

qu'il doit en outre être rappelé que le devoir de mise en garde ne concernait pas la société Maokiss qui avait au demeurant intégralement remboursé à son échéance en 2016 un prêt de 20.000 euros souscrit en 2011, ce qui démontre de fait l'absence de risque d'endettement excessif,

qu'elle produit aux débats les lettres d'information annuelle adressées à Mme [F] dont le domicile n'a pas changé entre son acquisition en 2009 et sa vente en mai 2017, de sorte qu'il y a lieu de rejeter sa demande de déchéance du droit aux intérêts,

que depuis la mise en demeure lui ayant été envoyée le 19 juillet 2017, Mme [F] n'a pas procédé à l'apurement, même partiel, de sa dette et a donc de fait d'ores et déjà bénéficié d'importants délais de paiement, ce qui doit conduire à la débouter de sa demande en ce sens en cause d'appel, étant de surcroît observé que les justificatifs dont elle se prévaut sont obsolètes,

que cette absence totale de paiement depuis 2017 permet de caractériser la mauvaise foi et la résistance abusive de Mme [F], ouvrant droit à l'octroi de dommages et intérêts.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 23 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de souligner que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution

L'article L.341-4 du code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er juillet 2016 applicable au cautionnement litigieux signé le 20 juin 2014), dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

En revanche, il incombe au créancier qui entend se prévaloir d'un engagement disproportionné au jour de la souscription, de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution en prenant en compte son endettement global.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude. A défaut de fiche mentionnant les déclarations de la caution sur ces éléments, celle-ci est autorisée à rapporter librement la preuve de la disproportion.

En l'espèce, il est constant que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne verse aucun document renseigné par Mme [G] [F] préalablement ou concomitamment à son engagement de caution faisant état de ses biens et revenus, ainsi que de son endettement.

Cette dernière peut donc produire tous éléments utiles à sa convenance en vue d'établir la disproportion dont elle se prévaut.

A cet égard, Mme [F] justifie qu'au jour de la signature de l'acte de cautionnement litigieux, elle s'était déjà portée caution à deux reprises, ce qui n'est au demeurant pas contesté par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes :

d'une part, en novembre 2013, à hauteur de 149.500 euros incluant le principal, les intérêts, commissions et frais accessoires, pour garantir un prêt de 230.000 euros remboursable sur une durée de 7 ans à compter du 16 décembre 2013, souscrit le 23 novembre 2013 par la société Maokiss (pièce n°2 de l'appelante),

d'autre part, en décembre 2013 ou janvier 2014, à concurrence de 20.000 euros pour garantir un prêt du même montant remboursable sur 12 mois à compter du 22 janvier 2014, également contracté par la société Maokiss (pièce n°3 de l'appelante).

La Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes avait nécessairement connaissance de ces engagements de Mme [F], puisque les deux concours financiers précités ont été accordés par ses soins à la société Maokiss.

Mme [F] rapporte par ailleurs la preuve :

que le 5 juin 2014, elle restait à devoir, solidairement avec son époux M. [L] [F], une somme de 145.608,75 euros au titre du solde d'un prêt contracté le 27 avril 2009 auprès du CIC Lyonnaise de Banque pour financer l'acquisition d'un bien immobilier constituant sa résidence principale et situé [Adresse 1]) qu'elle avait initialement acheté avec son précédent conjoint, M. [X] [S] avant que celui-ci ne lui cède les droits détenus sur cet immeuble dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial opérée en 2009 (pièces n°4 et 13 de l'appelante),

que début juin 2014, son époux et elle-même devaient également encore rembourser un reliquat de 18.006,42 euros au titre d'un prêt de 24.000 euros sur une durée de 156 mois qui leur avait été consenti en décembre 2009 par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes pour réaliser des travaux d'économie d'énergie au sein de leur logement (pièce n°5 de l'appelante).

Il s'infère de ces éléments qu'au jour de la signature de l'acte de cautionnement faisant l'objet de la présente procédure, le passif de Mme [F] s'élevait à la somme globale de 149.500 + 20.000 + 145.608,75 + 18.006,42 = 333.115,17 euros.

A la même date, Mme [F] disposait des actifs suivants selon les pièces versées aux débats par chacune des parties :

le bien immobilier situé à [Localité 5] dont la valeur avait été estimée à 215.026 euros lors du partage opéré en 2009 (pièce n°13 de l'appelante), et non à 320.934 euros, comme le soutient de manière erronée la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes qui considère que la somme de 215.026 euros correspond uniquement aux droits détenus par M. [S], soit 63% de la valeur globale du bien ; la simple lecture de l'acte de partage permet en effet d'écarter cette analyse qui est au demeurant également contredite par le fait que le bien immobilier a finalement été revendu par Mme [F] moyennant la somme de 263.000 euros le 12 mai 2017 (pièce n°8 de l'intimée),

un compte courant d'associé présentant un solde égal à 55.000 euros au 26 novembre 2013 selon l'attestation rédigée par l'expert-comptable de la société Maokiss lors de la souscription, par Mme [F], du prêt de 230.000 euros déjà évoqué supra, étant précisé que par lettre du 23 novembre 2013, celle-ci s'était engagée à bloquer ledit compte courant jusqu'au remboursement intégral du prêt (pièce n°2 de l'appelante) ; l'annexe de l'exercice du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 établie par l'expert-comptable (pièce n°11 de l'intimée) révèle certes qu'au cours de l'année 2014, Mme [F] a abandonné ce compte courant avec clause de retour à meilleure fortune, mais la date de l'abandon n'est pas précisée, de sorte qu'à défaut d'indication sur ce point, il y a lieu de retenir que ces 55.000 euros faisaient encore partie de son patrimoine lors de la souscription du cautionnement le 20 juin 2014,

la totalité des parts sociales de la société Maokiss, dont la valeur patrimoniale doit être calculée en prenant en compte tout à la fois l'ensemble des éléments d'actif de cette société, notamment ceux qui composent le fonds de commerce lui appartenant, et de son passif externe ; à cet égard, l'analyse du bilan 2013 (pièce n°9 de l'intimée) fait apparaître que la valeur du fonds de commerce était estimée à 314.125 euros au 31 décembre 2013, tandis que le passif externe (dettes) était évalué à 383.680 euros, ce qui signifie que les parts sociales dont Mme [F] était titulaire étaient en réalité dépourvues de toute valeur vénale.

Le patrimoine mobilier et immobilier de Mme [F] à la date de souscription de son engagement de caution atteignait en conséquence la somme globale de 215.026 + 55.000 = 270.026 euros.

Les affirmations de Mme [F] selon lesquelles elle ne s'est pas versé de rémunération durant les premières années d'exploitation de la société Maokiss, et a fortiori au moment où elle s'est portée caution à hauteur de 20.000 euros, ne sont quant à elles pas discutées par la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, étant souligné que l'analyse des bilans 2013 et 2014 vient confirmer ces déclarations de l'appelante, puisqu'aucune masse salariale n'est mentionnée (pièce n°9 de l'intimée). Il n'est pas non plus contesté par la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes que Mme [F] et son époux avaient deux enfants à charge. C'est pourquoi, même si M.[F] avait des revenus, ce qui n'est même pas évoqué par les parties, ceux-ci étaient nécessairement en grande partie consacrés aux dépenses courantes du foyer familial auxquelles Mme [F] n'était pas en mesure de participer, faute de ressources personnelles.

Dans ce contexte, seul son patrimoine peut être pris en considération pour apprécier sa capacité à faire face à son engagement.

Or, il y a lieu de relever que le patrimoine de 270.026 euros, tel que décrit ci-dessus, était d'ores et déjà insuffisant pour lui permettre de s'acquitter de l'ensemble du passif dont elle était tenue avant même de signer l'acte litigieux, puisqu'il résulte des développements qui précèdent que son endettement global pouvait être évalué à la somme de 333.115,17 euros.

Il est par conséquent démontré par Mme [F] que l'engagement de caution contracté le 20 juin 2014 était manifestement disproportionné à ses revenus et biens.

Il convient dès lors de vérifier si la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes rapporte la preuve que la caution, au moment où elle a été appelée en paiement, était en mesure de répondre aux obligations résultant de son engagement.

Mme [F] a été assignée en paiement par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux termes d'un exploit d'huissier délivré le 18 mai 2018 selon les indications figurant dans le jugement du tribunal de commerce, à hauteur d'une somme de 10.693,09 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018.

Il ne peut qu'être constaté que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne produit aucune pièce relative au revenus et au patrimoine de Mme [F] à cette date.

En conséquence, faute d'établir qu'au jour de l'assignation, Mme [F] disposait des capacités contributives et/ou d'un patrimoine suffisant pour lui permettre d'honorer le paiement de la somme qui lui était réclamée, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes est mal fondée à se prévaloir du cautionnement.

Et sans plus ample discussion sur les autres chefs de demande formés par l'appelante qui deviennent sans objet, il convient de débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de ses réclamations financières à l'encontre de la caution, ce qui conduit à l'infirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a condamné Mme [F] à lui verser la somme de 10.693,09 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018.

Compte tenu du rejet de sa principale prétention, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive par ailleurs formulée par la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à l'encontre de Mme [F] ne peut évidemment prospérer, étant au demeurant rappelé que le seul fait d'être contraint d'ester en justice ne permet pas de caractériser une faute. Le jugement déféré est dès lors confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Succombant en toutes ses prétentions, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes supportera les dépens d'appel comme ceux de première instance, le jugement étant par conséquent infirmé sur ce point.

Il l'est également s'agissant de la condamnation de Mme [F] à verser à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît enfin équitable d'allouer à Mme [F] une indemnité de 1.500 au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la Société Coopérative Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le cautionnement de Mme [G] [P] épouse [F] est manifestement disproportionné,

Dit que la Société Coopérative Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de Mme [G] [P] épouse [F] pour obtenir le paiement de la somme de 10.693,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018,

Condamne la Société Coopérative Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Société Coopérative Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à verser à Mme [G] [P] épouse [F] une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/00583
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.00583 ?
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