N° RG 20/00154 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZJB
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 09 décembre 2019
RG : 2017j358
ch n°
S.A. SFR SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE
C/
S.A.S. BIPEL
S.A.R.L. ALTERNATIVE 2.0
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 19 Janvier 2023
APPELANTE :
S.A. SFR SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE venant aux droits de la société FUTUR TELECOM venant elle-même aux droits de la société LTI TELECOM
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983 et ayant pour avocat plaidant Me Didier EDME, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES :
S.A.S. BIPEL prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [K] [J], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON, toque : 539 et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane GARDETTE, avocat au barreau de RENNES
S.A.R.L. ALTERNATIVE 2.0
[Adresse 4]
[Localité 3]
non représentée
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 29 Janvier 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 19 Janvier 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Marianne LA-MESTA, conseillère
- Aurore JULLIEN, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Bipel (ci-après société Bipel), agence de voyages avec des établissements à [Localité 6] et [Localité 5], a été approchée par la Société Alternative 2.0 (ci-après société Alternative), entreprise exerçant dans le domaine du conseil en systèmes et logiciels informatiques.
La société Bipel a signé, le 18 juillet 2014, un contrat de service intitulé « Intégrale 100% fixe, mobile et internet », qui demandait pour les locaux de [Localité 6], le portage de sa ligne fixe et de sa ligne de fax avec création d'un lien ADSL et pour les locaux de [Localité 5], le portage de sa ligne fixe et la création d'un lien ADSL, avec un changement d'opérateur, au profit de la société LTI Télécom aux droits de laquelle intervient la société SFR.
La société Alternative, a défini le matériel nécessaire et a conseillé à la société Bipel de souscrire auprès d'une société tierce un contrat de location de matériel téléphonie TIPTEL.
En raison de l'incompatibilité du matériel commandé, la société Alternative a proposé un remplacement des postes analogiques par des postes IP.
Le matériel a été installé en février 2015, et des dysfonctionnements ont été constatés en mars 2015, menant à un audit de la société Tiptel.
Le 31 mars 2015, la société Bipel a fait constater les dysfonctionnements par un huissier de justice.
Le 12 juin 2015, la société Alternative a procédé au changement du commutateur et du standard du site de [Localité 6], les dysfonctionnements persistant toutefois jusqu'en décembre 2015, période pendant laquelle la société Bipel a alerté la Société LTI Télécom.
Par courrier en date du 8 février 2016, la société Bipel a mis en demeure la société LTI Télécom d'acter la rupture des relations depuis le 13 décembre 2015, de rembourser l'intégralité des sommes versées au titre du contrat (16.583,70 euros HT), de rembourser l'intégralité des sommes versées aux prestataires ayant dû intervenir pour pallier aux dysfonctionnements causés par la société LTI Télécom (40.649,31 euros HT) et de payer la somme de 73.613,64 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Cette mise en demeure est restée infructueuse.
Par actes du 12 avril 2016 et du 31 juillet 2016, la société Bipel a assigné la société SFR en tant qu'opérateur et la société Alternative 2.0 en tant qu'installateur devant le tribunal de commerce de Rennes.
Par jugement du 24 janvier 2017, le tribunal de commerce de Rennes s'est déclaré incompétent. Il a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par acte du 30 juin 2017, la société Alternative 2.0 a assigné en intervention forcée la société Tiptel, fournisseur du matériel commandé par la société Bipel auprès de la société Grenke.
Par acte du 16 mai 2018, la société Grenke a assigné devant le tribunal d'instance de Strasbourg la société Bipel afin d'obtenir notamment sa condamnation au paiement des indemnités de résiliation des contrats à durée déterminée conclus d'un montant total de 7.830,90 euros
Par jugement du 14 mars 2019, le tribunal d'instance de Strasbourg a condamné la société Bipel à payer à la société Grenke la somme de 7.830,90 euros TTC à titre principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2016.
Par jugement contradictoire du 9 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :
- prononcé la jonction des instances 2017J358, 2017J359 et 2017J1288
- rejeté la demande de la société Tiptel en nullité de l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par la société Alternative 2.0
- déclaré irrecevable les demandes de la société Alternative 2.0 contre la société Tiptel sur les fondements de la responsabilité de vices cachés et de la garantie contractuelle
- rejeté l'intégralité des demandes de la société Alternative 2.0 contre la société Tiptel
- prononcé la résolution du contrat de prestations de téléphonie conclu entre la société LTI Télécom et la société Bipel aux torts exclusifs de la société LTI Télécom
- condamné solidairement la société SFR (venant aux droits des sociétés Futur Télécom et LTI Télécom) et la société Alternative 2.0 à verser à la société Bipel :
- la somme de 19.718,88 euros TTC au titre du remboursement des sommes correspondant aux périodes pendant lesquelles le service était défaillant
- la somme de 31.970,56 euros TTC au titre du remboursement des factures payées aux prestataires ayant dû intervenir pour pallier les carences des sociétés SFR (venant aux droits des sociétés Futur Télécom et LTI Télécom) et Alternative 2.0
- rejeté la demande de la société Bipel à faire condamner les sociétés SFR (venant aux droits des sociétés Futur Télécom et LTI Télécom) et Alternative 2.0 à lui verser la somme de 7.830,90 euros TTC correspondant aux indemnités de résiliation sollicitées par la société Grenke devant le tribunal d'instance de Strasbourg
- condamné solidairement la société SFR et la société Alternative 2.0 à payer à la société Bipel :
- la somme de 7.830,90 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016
- la somme de 400 euros au paiement de laquelle elle a été condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- les dépens au paiement desquels elle a été condamnée
- condamné solidairement la société SFR (venant aux droits des sociétés Futur Télécom et LTI Télécom) et la société Alternative 2.0 à payer à la société Bipel la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné solidairement la société SFR (venant aux droits des sociétés Futur Télécom et LTI Télécom) et la société Alternative 2.0 aux entiers dépens de l'instance qui les oppose à la société Bipel
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision sans caution ni garantie dans la mesure ou elle concerne le litige qui oppose la société Bipel aux sociétés SFR et Alternative 2.0
- rejeté la demande de la société Alternative 2.0 contre la société Tiptel fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Alternative 2.0 aux entiers dépens du litige qui l'oppose à la société Tiptel
- rejeté tous demandes, fins, moyens et conclusions contraires des parties
La Société SFR a interjeté appel par acte du 8 janvier 2020.
Par jugement rectificatif du 20 janvier 2020, à la suite d'une requête en omission de statuer présentée par la société Bipel, le tribunal de commerce de Lyon a condamné solidairement les sociétés SFR et Alternative 2.0 à verser à la société Bipel une somme supplémentaire de 72.613,64 euros TTC au titre des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Le 3 février 2020, la société SFR a interjeté appel du jugement rectificatif
Par acte du 16 mars 2020, la société SFR a assigné en référé la société Bipel devant le premier président de la cour d'appel de Lyon afin d'obtenir la consignation de la somme de 138.312,62 euros auprès de la CARPA.
Par ordonnance du 8 juin 2020, le premier président de la cour d'appel de Lyon a rejeté cette demande et a condamné la société SFR à payer à la société Bipel la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Par acte du 7 août 2020, la société SFR a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident au visa de l'article 909 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 1er décembre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables comme tardives les conclusions notifiées le 2 août 2020 par la société Bipel et débouté la société Bipel de sa demande de caducité d'appel et de ses demandes touchant au fond du litige.
Par conclusions du 11 janvier 2021 fondées sur les articles 909 et 954 alinéa 6 du code de procédure civile, l'article 16 du code de procédure civile, l'ancien article 1134 du code civil, la Société SFR a demandé à la cour, par voie d'infirmation du jugement, de :
In limine litis,
- déclarer irrecevable la communication par message RPVA du 7 janvier 2021 des conclusions n°4 de première instance de la société Bipel, de son bordereau de communication de pièces de première instance et de son dossier de plaidoirie annoncé
Au fond,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 9 janvier 2019 et le jugement rectificatif du même Tribunal en date du 20 janvier 2020 en ce qu'il :
- a prononcé la résolution du contrat de prestations de téléphonie conclu entre elle et la société Bipel à ses torts exclusifs
- l'a condamnée solidairement avec la société Alternative 2.0 à verser à la société Bipel :
- la somme de 19.718,88 euros TTC au titre du remboursement des sommes correspondant aux périodes pendant lesquelles le service était défaillant
- la somme de 72.613,64 euros TTC au titre des dommages intérêts pour les préjudices subis par la société Bipel
- la somme de 31.970,56 euros TTC au titre du remboursement des factures payées aux prestataires ayant dû intervenir pour pallier ses carences et celles de la société Alternative 2.0
- l'a condamnée solidairement avec la société Alternative 2.0 à payer à la société Bipel :
- la somme de 7.830,90 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016
- la somme de 400 euros au paiement de laquelle elle a été condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- les dépens au paiement desquels elle a été condamnée
- l'a condamnée solidairement avec la société Alternative 2.0 a payer à la société Bipel la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- l'a condamnée solidairement avec la société Alternative 2.0 aux entiers dépens de l'instance qui les oppose à la société Bipel
- a ordonné l'exécution provisoire de la présente décision sans caution ni garantie, dans la mesure ou elle concerne le litige qui l'oppose avec la société Alternative 2.0 à la société Bipel
- a débouté la société Bipel de toutes conclusions, fins et demandes contraires aux présentes
Statuant à nouveau :
- débouter la société Bipel de l'intégralité de ses demandes
A titre subsidiaire, si par extraordinaire les jugements attaqués étaient réformés, la société SFR a demandé à la cour de :
- juger que la société Bipel ne pourrait être indemnisée que si la responsabilité contractuelle de la société LTI Telecom (désormais société SFR) était démontrée au titre des préjudices directs, à l'exclusion des préjudices indirects, et dans la limite du montant mensuel moyen calculé sur la base des trois dernières factures non prescrites de la société LTI Telecom d'octobre 2015, novembre 2015 et janvier 2016 soit 1.467,62 euros TTC (1.785,94 + 1.709,11 + 907,80) / 3
En tout état de cause,
- condamner la société Bipel à lui payer, en sa qualité de venant aux droits de la société Futur Télécom venant elle-même aux droits de la société LTI Télécom, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Bipel aux entiers dépens de première instance et d'appel
S'agissant de la demande d'irrecevabilité de la communication par la société Bipel de son dossier de première instance, la société SFR a fait valoir les éléments suivants :
- l'impossibilité pour la société Bipel, intimées défaillante, en application de l'article 954 alinéa 6 du Code de Procédure Civile de pouvoir communiquer un quelconque élément, sa défaillance menant à ce qu'elle soit considérée comme s'étant appropriée les motifs du jugement de première instance
- le fait que les conclusions de la société Bipel ont été déclarées irrecevables, ne lui permettant pas de communiquer des pièces
- l'impossibilité de régularisation de la situation par la société Bipel
- le fait qu'en cas d'irrecevabilité des conclusions, le juge doit toutefois apprécier, même sans pièces de la partie défaillante, les moyens soumis et le bien-fondé du jugement déféré.
La société SFR a sollicité la réformation du jugement rendu en première instance en ce qu'il a notamment retenu sa responsabilité de plein-droit et a prononcé la résiliation du contrat à ses torts exclusifs en faisant valoir les éléments suivants :
- l'application de l'article L33-1 du code des postes et des communications électroniques, qui prévoit un corps commun d'obligations que les opérateurs sont tenus de respecter à savoir : la permanence, la disponibilité et la qualité du réseau et des services avec la mise en 'uvre des équipements et des procédures nécessaires pour remplir les objectifs, et l'application de l'article D98-4 du même code qui définit les règles portant sur les conditions de permanence, de qualité, de disponibilité du réseau et du service
- concernant les conditions de permanence du réseau et des services, le fait que l'opérateur doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l'exploitation du réseau et pour remédier aux défaillances du système dans les délais les plus brefs, ce, aux fins de permettre une qualité et une disponibilité de service satisfaisantes
- concernant la disponibilité et qualité du réseau et des services, l'obligation de mettre en 'uvre les équipements et procédures nécessaires afin que les objectifs de qualité de service demeurent au niveau prévu par les normes en vigueur, concernant les taux de disponibilité et d'erreur de bout en bout, suivant les conditions prévues à l'article L36-6 du code des postes et des communications électroniques et les exigences de l'ARCEP
- le fait que le législateur a prévu la possibilité de panne occasionnelle de réseau et a imposé aux opérateurs non pas une absence de dysfonctionnements mais la mise en 'uvre de moyens propres à assurer leur correction dans des délais raisonnables
- le fait que les sociétés commerciales ne peuvent bénéficier d'une obligation de résultat à la différence des consommateurs.
La société SFR a conclu à son absence de responsabilité dans la situation de la société Bipel au regard des éléments suivants :
- l'absence de responsabilité de plein-droit au titre d'une obligation de résultat en la présente espèce, seule une obligation de moyens étant mise à sa charge
- le fait que la jurisprudence issue de l'arrêt de la Première chambre civile de la cour de cassation du 19 novembre 2009 ne lui est pas applicable car portant sur les rapports entre un fournisseur d'accès et un consommateur ou un non-professionnel, ce que n'est pas la société Bipel
- le fait que la société Bipel a contracté pour les besoins de son activité professionnelle, seuls des arrêts d'espèce existant à l'heure actuelle au niveau des cours d'appel sur le sujet
- le fait que le contrat a prévu une obligation de moyens dans l'article 6.1 des conditions générales de vente
- l'impossibilité de mettre en 'uvre une obligation de résultat qui implique une maîtrise absolue des systèmes et des obligations alors que l'opérateur n'a pas la maîtrise sur différents phénomènes à sa voir : les saturations, le brouillage, les obstacles naturels ou construits à la propagation des ondes, les zones blanches, les usages de l'utilisateur et la configuration et les caractéristiques des sites des clients
- le fait que l'appelante ne disposait pas de moyens d'action personnels et directs sur les ressources en matière d'antennes-relais qui sont mutualisées (étant précisé que la société LTI utilisait le réseau SFR)
- l'absence de responsabilité de la société SFR pour manquement à une obligation de moyens
- l'absence de preuves par la société Bipel de ce que l'appelante aurait manqué à son obligation de moyens et aurait commis une négligence
- le fait que les dysfonctionnements connus par la société Bipel ne provenaient pas d'une défaillance dans l'acheminement des communications mais des défauts émanant de l'autocom c'est-à-dire de l'installation téléphonique, comme l'appelante l'avait indiqué à l'intimée à plusieurs reprises, ce qu'avait également confirmé la société Alternative
- l'obligation pour la société Alternative, en tant qu'installateur, d'intervenir sur l'installation téléphonique de sa cliente, en application de l'article 9 des conditions générales
- l'absence de faute lourde ou dolosive de la part de la société SFR, qui a fourni à la société Bipel les services téléphoniques, laquelle a payé les factures
- l'absence de motivation du tribunal de commerce qui indique ne pas être en mesure de se prononcer sur l'origine des dysfonctionnements, ce qui en outre pose difficulté puisque le tribunal finit par retenir une responsabilité de la société SFR
- le fait que le matériel installé a été fourni par la société TIPTEL et non par la société SFR qui n'est pas installateur mais opérateur.
Concernant les demandes indemnitaires, la société SFR a fait valoir les éléments suivants :
- la prescription annale en vertu de l'article L34-2 du code des postes et des communications électroniques, qui empêche tout paiement au titre des factures du 30 avril 2014 au 30 avril 2015, ce qui limite les demandes de la société Bipel aux factures de mai 2015 à janvier 2016 soit la somme de 11.459,84 euros de base
- le fait qu'en l'absence de toute responsabilité de sa part, la société SFR n'a pas à s'acquitter de cette somme, ayant fourni les services souscrits auprès d'elle
- le fait que le contrat entre la société SFR et la société Bipel est un contrat à exécution successive et que la résolution judiciaire, donc rétroactive, est impossible, l'annulation d'un contrat à exécution successive ne pouvant intervenir que pour l'avenir.
Elle a sollicité la réformation de la décision l'ayant condamnée à rembourser les factures payées aux prestataires au regard des éléments suivants :
- l'absence de toute carence de sa part dans le cadre de l'exécution de son contrat d'opérateur et de fait, l'impossibilité de toute condamnation solidaire entre elle-même et la société Alternative
- le fait que la société Bipel a réclamé le remboursement de sommes relatives à des contrats de maintenance et de location de matériel téléphonique, à des interventions de techniciens pour du câblage, à l'achat de casque pour améliorer le son des appareils, soit des interventions par des sociétés tierces sur le matériel installé par la société Alternative, contrats auxquels la société SFR est une société tierce
- l'absence de tout élément objectif concernant les demandes en paiement, la société Bipel ayant fourni des tableaux rédigés par ses soins.
Concernant les préjudices allégués, qui ont fait l'objet d'un jugement en omission de statuer, la société SFR a fait état des éléments suivants :
- l'existence d'une clause limitative de responsabilité prévue à l'article 10 du contrat, qui ne permet que l'indemnisation des dommages matériels directs imputables à l'opérateur
- le fait que les premiers juges n'ont pas tenu compte de cette clause.
Concernant la demande de garantie présentée par la société Bipel s'agissant des condamnations prononcées à son encontre par le Tribunal d'Instance de Strasbourg au profit de la société Grenke, la société SFR a indiqué les éléments suivants :
- le fait que la société Bipel aurait dû appeler les sociétés concernées devant le Tribunal d'Instance si elle souhaitait être garantie, ce qu'elle n'a pas fait
- le fait que le tribunal de commerce n'a pas tenu compte de la situation, ni du fait que le jugement n'avait pas été porté à la connaissance des parties dans le cadre de la procédure, la société SFR apprenant l'existence de la décision lors du rendu de la décision, sans aucun débat contradictoire à ce titre devant la juridiction, et sans aucune réouverture des débats
- le fait que la condamnation de la société Bipel est due à une résiliation anticipée des contrats en raison du défaut de paiement des loyers concernant les matériels et n'a aucun lien avec la société SFR.
Par conclusions du 4 août 2020 fondées sur les articles 1134, 1184 et 1382 anciens du code civil, la SAS Bipel demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 9 décembre 2019 ainsi que le jugement rectificatif du même tribunal en date du 20 janvier 2020 en ce qu'il :
- prononce la résolution du contrat de prestations de téléphonie conclu avec la société LTI Télécom aux torts exclusifs de la société LTI Télécom
- condamne solidairement la société SFR, venant aux droits de Futur Télécom, venant aux droits de la société LTI Télécom, et la société Alternative 2.0 à lui verser :
- la somme de 19.718,88 euros TTC au titre du remboursement des sommes correspondant aux périodes pendant lesquelles le service était défaillant
- la somme de 72.613,64 euros TTC au titre des dommages intérêts pour ses préjudices subis
- la somme de 31.970,56 euros TTC au titre du remboursement des factures payées aux prestataires ayant dû intervenir pour pallier les carences des sociétés LTI Télécom et Alternative 2.0
- la somme de 7.830,90 euros TTC correspondant aux indemnités de résillation sollicitées et obtenues par la société Grenke devant le tribunal d'instance de Strasbourg, avec intérêt au taux légal à compter du 18 juillet 2016, ainsi que la somme de 400 euros au paiement de laquelle elle a été condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens au paiement desquels elle a été condamnée
- la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- aux entiers dépens de l'instance qui les oppose
- ordonner l'exécution provisoire de la présente décision sans caution ni garantie, dans la mesure ou elle concerne le litige qui l'oppose aux sociétés SFR et Alternative 2.0
Et y ajoutant :
- condamner la société SFR, venant aux droits de Futur Télécom, venant aux droits de la société LTI Télécom, à lui verser la somme de 14.387,72 euros HT, au titre du remboursement des factures payées par elle à la société Orange
- condamner la société SFR, venant aux droits de Futur Télécom, venant aux droits de la société LTI Télécom, à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la sociétés SFR, venant aux droits de Futur Télécom, venant aux droits de la société LTI Télécom, aux entiers dépens de l'instance.
Suivant ordonnance de référé rendue par la Juridiction du Premier Président de la Cour d'appel de Lyon le 8 juin 2020, la demande de consignation des sommes auxquelles la société SFR a été condamnées en première instance a été rejetée.
Suivant ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er décembre 2020, les conclusions de la société Bipel ont été déclarées irrecevables en raison de leur notification en dehors des délais prévus à l'article 909 du Code de Procédure Civile et la demande de caducité d'appel a été rejetée étant indiquée que la société SFR s'est acquittée des condamnations prononcées en première instance avant le 1er juillet 2020.
La SARL Alternative 2.0, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 9 mars 2020, n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 23 novembre 2022.
À l'audience, la société Bipel a entendu déposer les pièces du dossier de première instance faisant suite à la communication RPVA du 11 janvier 2021, la cour devant statuer sur la recevabilité de cette communication conformément aux écritures de la société SFR.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs de la partie appelante, renvoi sera effectué à ses dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des pièces communiquées par la société Bipel
L'article 906 du code de procédure civile dispose que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
L'article 954 alinéa 6 du Code de Procédure Civile dispose que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
En l'espèce, il convient de rappeler que par ordonnance du 1er décembre 2020, le Conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées en dehors des délais prévus à l'article 909 du Code de Procédure Civile.
En conséquence, la société Bipel n'était pas en mesure de régulariser ses écritures et ne pouvait dès lors déposer des pièces, y compris relatives à l'audience en première instance.
Ainsi, les pièces communiquées par RPVA le 11 janvier 2021 et remise à l'audience de la cour le 23 novembre 2022 seront déclarées irrecevables et écartées du délibéré.
Il sera rappelé par ailleurs que même en l'absence de conclusions ou pièces de la partie défaillante, il revient à la juridiction saisie d'apprécier les moyens soumis et le bien-fondé du jugement déféré.
Sur les demandes de la société SFR
L'article 472 du Code de Procédure Civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et que le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'article 1134 du code civil dispose, dans sa version applicable au litige, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi.
L'article L33-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit un corps commun d'obligations à la charge des opérateurs à savoir : la permanence, la disponibilité, et la qualité du réseau et des services.
L'article D 98-4 du même code prévoit les conditions pour chacune de ces obligations.
En la présente espèce, il convient de relever au terme des écritures de la société SFR et du jugement rendu en première instance, que la société Bipel a conclu des contrats de fourniture d'accès avec la société appelante et a conclu des contrats de fourniture de matériels de téléphonie avec la société TIPTEL, avec un financement par le biais de la société Grenke, via une convention globale conclue avec la société Alternative.
Il doit également être rappelé que la société Bipel a conclu les contrats en question pour les besoins de son activité professionnelle. Toutefois, même si la téléphonie n'entre pas dans le champ de son activité principale, les éléments versés au débat ne permettent pas de lui octroyer la qualité de consommateur en l'absence d'éléments relatifs à ses effectifs mais aussi concernant les textes qui lui étaient applicables à la date de conclusion de la convention liant les parties.
Ainsi, la société Bipel a, par l'intermédiaire de la société Alternative, souscrit différents contrats, un contrat concernant la mise à disposition des lignes et la portabilité de celles-ci, étant rappelé qu'elle a ainsi souscrit deux contrats intitulés « Intégrale 100% LTI Fixe, mobile et internet », s'agissant de contrats de service, et que s'agissant de la fourniture du matériel, elle a été orientée par la société Alternative vers la société Tiptel.
De fait, la cour se doit d'apprécier le périmètre de l'exécution de ses obligations par la société SFR sur les questions relatives aux lignes téléphoniques et non au matériel, l'appelante étant un tiers à ce contrat.
Il convient de reprendre les stipulations contractuelles pour envisager la portée des obligations de la société SFR.
À ce titre, l'article 6.1 des conditions générales de vente permet de déterminer que le fournisseur s'engage à faire les meilleurs efforts pour fournir les services avec toute la compétence et le soin raisonnable dans le respect des normes professionnelles applicables.
La lecture des conditions générales permet de déterminer que le contrat liant les parties est un contrat de fourniture de service et non de fourniture de matériels.
De fait, aucun élément versé au débat ne permet de déterminer que la société SFR avait la responsabilité d'organiser totalement l'installation ou bien était le seul et unique co-contractant de la société Bipel, sauf à nier l'existence du contrat liant cette dernière à la société Tiptel mais aussi les contrats de financement qui ont été souscrits et pour lesquels le Tribunal d'Instance de Strasbourg a été saisi par la société Grenke.
La société SFR ne peut donc se voir mettre à sa charge une maîtrise complète de la situation.
S'agissant des obligations pesant sur le fournisseur, la société SFR ne peut, en matière de téléphonie, devoir répondre des saturations réseau, des brouillages, obstacles naturels ou construits à la propagation des ondes, des zones blanches, des usages de l'utilisateur, ou de la configuration et des caractéristiques techniques des sites des clients conformément aux textes susvisés conformément aux dispositions des articles L33-1 et D 98-4 du code des postes et des télécommunications.
Il ressort des courriels échangés entre les parties que la société SFR a pu intervenir directement auprès de la société Bipel en raison des défaillances de la société Alternative, principal interlocuteur, dans la résolution des difficultés (pièce 2).
Aucun élément objectif n'est visé par les premiers juges, permettant de constater que la société Alternative agissait sous les ordres et pour le compte de la société SFR dans le cadre des démarches auprès de la société intimée.
La lecture des courriels versés au débat permet de constater que la société LTI a communiqué directement avec la société Bipel en raison des carences de la société Alternative, qui ne répondait pas aux demandes ou avec retard.
En l'état, les pièces versées au débat par la société SFR permettent de constater que cette dernière a pu, régulièrement, intervenir dans des délais adaptés en cas de difficultés. Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à la société SFR des défaillances affectant le matériel, ce qui fut le cas concernant l'autocom, c'est-à-dire le matériel de téléphonie.
Aucun grief ne peut donc être retenu à l'encontre de la société SFR au titre du matériel, seule la société Tiptel ayant vocation à répondre sur ce point.
La motivation des premiers juges indiquant que la société SFR avait fourni le matériel est donc erronée et ne peut être retenue.
En outre, la motivation ne peut qu'être invalidée puisque retenant une absence de connaissance de l'origine des dysfonctionnements de l'installation téléphonique avant de retenir une responsabilité de plein-droit de la société SFR, donc sans lien avec son domaine qui est la fourniture de ligne.
Qui plus est, les textes susvisés et les aménagements contractuels entre les parties établissent une obligation de moyens à la charge de la société SFR concernant la fourniture d'accès, l'appelante rapportant la preuve suffisante de ce qu'elle a respecté ses obligations, notamment par les échanges de courriels dans lesquels elle demande à être mise dans les destinataires pour obtenir les informations et participer aux résolutions des difficultés en raison de la carence de la société Alternative, mais aussi par la fourniture des tickets d'intervention.
En retenant à tort une responsabilité de la société SFR, la première juridiction a fait une appréciation erronée du droit et de la convention liant les parties. La décision devra donc être infirmée de ce chef.
Enfin, s'agissant de la faute dolosive de la société SFR, revendiquée par la société Bipel, il convient de rappeler que cette faute nécessite la démonstration d'un refus volontaire d'exécution, ce qui n'est objectivé d'aucune manière.
Eu égard à ce qui précède, aucune responsabilité de la société SFR ne peut être retenue, et ainsi, aucune exception d'inexécution ne peut être qualifiée au profit de la société Bipel, qui ne pouvait de la sorte obtenir une quelconque indemnisation de la part de la société appelante, et dont les demandes devaient être rejetées dans leur totalité.
Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement déféré dans son intégralité et de rejeter la totalité des demandes de la société Bipel, l'infirmation entraînant la restitution des sommes obtenues par l'intimée au titre de la décision de première instance.
Sur les autres demandes
Il convient de condamner la société Bipel à supporter l'intégralité des dépens de la procédure.
L'équité commande d'accorder à la société SFR une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. La société Bipel sera condamnée à lui verser la somme de 4.000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant dans les limites de l'appel
Déclare irrecevables les pièces communiquées par la SAS Bipel.
Infirme le jugement déféré dans son intégralité.
Statuant à nouveau
Rejette l'intégralité des demandes de la SAS Bipel.
Condamne la SAS Bipel à supporter les entiers dépens de la procédure.
Condamne la SAS Biper à payer à la Société SFR (Société Française de Radiotéléphonie venant aux droits de la SAS Futur Télécom et de la SAS LTI Telecom) la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE