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19/01/2023 | FRANCE | N°19/08597

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 19 janvier 2023, 19/08597


N° RG 19/08597 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MX55









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 27 novembre 2019



RG : 2018j1020

ch n°





[C]

Société LA BOITE A CIGARES



C/



SAS EXCO LOIRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 19 Janvier 2023







APPELANTS :



M. [V] [H] [C]

[Adress

e 1]

[Localité 4]



Société LA BOITE A CIGARES

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentés et plaidant par Me Sylvain NIORD de la SELAS D.F.P & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 125





INTIMEE :



SAS EXCO LOIRE agissant poursuites et diligence...

N° RG 19/08597 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MX55

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 27 novembre 2019

RG : 2018j1020

ch n°

[C]

Société LA BOITE A CIGARES

C/

SAS EXCO LOIRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 19 Janvier 2023

APPELANTS :

M. [V] [H] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Société LA BOITE A CIGARES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés et plaidant par Me Sylvain NIORD de la SELAS D.F.P & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 125

INTIMEE :

SAS EXCO LOIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Baptiste BADO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES - LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 421 et ayant pour avocat plaidant Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 29 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Novembre 2022

Date de mise à disposition : 19 Janvier 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [H] [C] est propriétaire d'un fonds de commerce de tabac-presse à [Localité 3], exploité par la SNC la Boîte à Cigares (ci-après la société La Boîte à Cigares) depuis le 1er février 2013.

Par lettre de mission du 12 décembre 2012, M.[C], en sa qualité de gérant de la société La Boîte à Cigares, a confié à la SAS Exco Loire (ci-après la société Exco Loire) une mission d'expertise-comptable.

M. [C], reprochant à la société Exco Loire de ne pas l'avoir conseillé sur les conséquences de la déduction des 'remises-tabac' sur les revenus déclarés au titre des exercices 2014 et 2015 à son régime de retraite, a mis cette société en demeure de l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi par lettre du 13 mars 2017.

Suivant courrier du 2 octobre 2017 M. [C] a saisi l'ordre des experts comptables aux fins de conciliation, ledit ordre ayant répondu le 20 octobre 2017 que cette demande ne relevait pas de sa compétence.

Par acte du 18 janvier 2018, M. [C] a assigné la société Exco Loire devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne, la société La Boîte à Cigares étant ensuite intervenue volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 19 mars 2018, le président du tribunal de commerce a ordonné le renvoi de l'affaire devant M. le premier président de la cour d'appel de Lyon aux fins qu'il statue sur le renvoi devant une autre juridiction du ressort de la cour d'appel de Lyon.

Par ordonnance du 23 avril 2018, le premier président de la cour d'appel de Lyon a renvoyé l'examen de cette affaire devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 27 novembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté M.[C] de sa demande d'indemnisation au titre de la réparation du préjudice qu'il aurait subi,

- débouté M.[C] de sa demande de voir désigner un expert ayant pour mission de déterminer le montant de la décote qui lui serait appliquée au titre de ses droits à la retraite,

- condamné M. [V] [H] [C] à payer à la société Exco Loire la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M.[C] et la société La Boîte à Cigares ont interjeté appel par acte du 13 décembre 2019.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2020 et fondées sur l'article 1240 du code civil, M. [V] [H] [C] et la société La Boîte à Cigares demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de M. [C],

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 novembre 2019 en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,

- juger que la société Exco Loire a commis une faute de nature délictuelle à l'encontre de M.[C] en optant d'office pour la déduction des remises tabac sur ses revenus à l'origine de la réduction de ses droits à retraite,

- juger qu'il a, du fait de cette option prise sans son avis par la société Exco Loire, subi un préjudice lié à un manque à gagner relatif à l'absence de majoration pour départ différé calculé sur 5 trimestres,

En conséquence,

- condamner la société Exco Loire à la somme de 19.323,66 euros au titre de la réparation du préjudice subi par M.[C],

Subsidiairement, si la Cour s'estimait insuffisamment informée sur le montant exact de la décote applicable au titre de ses droits à la retraite, voir désigner tel expert avec pour mission de déterminer le montant des droits à lui revenir pour une durée de cotisation de 162 trimestres,

- condamner la société Exco Loire à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Y ajoutant,

- condamner la société Exco Loire à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M.[C] fait valoir :

- que par le truchement de sa société La Boîte à Cigares, il a confié à la société Exco Loire une mission complète de gestion des aspects fiscaux et sociaux de l'exploitation, par le biais d'une lettre de mission du 12 décembre 2012, renouvelée chaque année par tacite reconduction,

- que lorsqu'il a interrogé le RSI, chargé de liquider ses droit à la retraite, un relevé de carrière et une estimation de sa retraite à taux plein tous régimes cumulés sans décote ni surcote lui ont été transmis le 22 septembre 2016,

- qu'une difficulté a cependant été portée à sa connaissance par le RSI concernant une décote en raison d'un nombre de trimestres manquants lié au fait que dans le cadre des déclarations sociales, les remises tabac ont été exclues de la base des cotisations, de sorte qu'aucun trimestre ne pouvait être validé au titre des années 2014 et 2015 faute d'atteindre un certain plafond et qu'il ne pourrait se voir servir une retraite à taux plein, compte tenu du caractère limité de la faculté de rachat,

- qu'au regard de la mission complète qui lui était confiée, la société Exco Loire ne pouvait ignorer qu'il avait acquis le fonds de commerce afin précisément de compléter sa carrière qui avait connu, lorsqu'il était salarié, des périodes non cotisées,

- que pourtant, la société Exco Loire ne l'a pas conseillé, ni même consulté, sur l'option à prendre concernant la déduction des remises tabac des revenus déclarés au titre des BIC, ce qui l'a contraint à prolonger son activité pendant 5 trimestres, puisque lesdits trimestres ne pouvaient être rachetés qu'à concurrence de 3 seulement,

- que la responsabilité extracontractuelle de la société Exco Loire peut être recherchée, dès lors qu'elle a spontanément , soit au titre de travaux exceptionnels non facturés, soit au titre d'un service qu'elle estimait dû au gérant de sa cliente, procédé aux déclarations auprès du RSI et fait valoir, auprès de cet organisme, l'exonération aménagée au profit des buralistes concernant la faculté qui leur est ouverte, par le code général des impôts, de ne pas inclure, dans l'assiette de leurs cotisations retraite, les revenus tirés de la revente de tabac (remises tabac),

- qu'eu égard à cette intervention intempestive de l'expert-comptable de la société La Boîte à Cigares, sans se renseigner auprès de lui, en sa qualité de tiers au contrat, il a subi un préjudice résultant du choix d'une exonération qui s'est avérée défavorable au regard de l'objectif qu'il poursuivait, étant rappelé que le principe est l'assujettissement de l'ensemble des revenus du travailleur et que la dérogation suppose une démarche en ce sens pour emporter le retranchement d'une partie des revenus,

- que cette faute est distincte de celles susceptibles d'être reprochées à la société Exco Loire au titre de l'inexécution du contrat la liant avec la société La Boîte à Cigares,

- qu'il doit au demeurant être noté que cette option consistant à déduire les remises tabac ne s'imposait pas, car il n'était pas dans l'incapacité financière d'assumer le surplus de cotisations, sachant que l'activité de buraliste n'est pas risquée,

- qu'en tant que tiers au contrat, il ne lui incombe pas de rapporter la preuve qu'il se serait acquitté d'un devoir de collaboration avec une personne dont il n'est pas le cocontractant,

- qu'il justifie que les déclarations sociales litigieuses ont bien été opérées par la société Exco Loire au moyen de l'outil informatique dédié à cet effet, ce qui n'avait d'ailleurs pas été nié par l'expert-comptable dans ses conclusions de première instance,

- que la référence à la gestion en bon père de famille, qui renvoie au comportement d'une personne diligente n'ayant commis aucune imprudence, est indifférente, car c'est le régime de la responsabilité pour faute qui doit s'appliquer et non celui de la responsabilité quasi-délictuelle,

- qu'il subit un préjudice du fait de la décote de ses droits retraite découlant du retranchement d'une partie non négligeable du chiffre d'affaires, puisque son revenu de référence est devenu inférieur à 800 fois le SMIC horaire pour une année civile, de telle sorte que 5 trimestres entiers n'ont pas été validés,

- qu'en vertu de l'article R 351-27 du code de la Sécurité sociale, il s'est vu appliquer une décote correspondant à 1,25% x 5 (nombre de trimestres manquants), soit un pourcentage de 6,25% à retrancher du taux plein fixé à 50%,

- qu'en dépit des difficultés inhérentes à son activité, il a donc été contraint de la prolonger afin d'obtenir l'intégralité de ses droits à la retraite sans décote,

- qu'en retenant une retraite à taux plein, qui aurait dû être prise à l'âge de 64 ans et demi en faisant la moyenne, le manque à gagner est de (21.909 + 23.038) /2 = 22.473,50 euros brut x 1,25% = 280,92 euros par trimestre, soit 1.404,59 euros brut par an x l'espérance de vie de 82,5 ans pour un homme en 2017 , ce qui, au regard de son âge actuel de 64 ans, représente un manque à gagner total de 18,5 x 1.404,59 euros = 25.984,91 euros,

- qu'il ne aurait y avoir une quelconque pondération pour perte de chance dans la mesure

où c'est une faute délictuelle ayant consisté à prendre d'autorité une exonération défavorable au tiers qui est reprochée à la société Exco Loire, et non un défaut de conseil ou d'information,

- qu'en revanche, le manque à gagner doit être diminué de l'économie de charges réalisée sur 5 trimestres, diminution chiffrée à 5.045 pour l'année 2014 en appliquant un taux de 24,4% + 8,35,

- que les cotisations à régler auraient dû, selon l'expert comptable, être fixées à 9.461 euros pour une année, soit 2.365,25 euros pour un trimestre, auxquels il convient de retrancher ce qui a été payé (749 euros), ce qui correspond à un différentiel de 1.616,25 euros,

- qu'il s'ensuit que son manque à gagner est de 25.984,91 - 5.045 - 1.616, 25 = 19.323,66 euros,

- que si la Cour s'estimait insuffisamment informée sur les conséquences de la faute commise par la société Exco Loire en matière de droits à la retraite de M. [C], il y aurait lieu de désigner un expert judiciaire spécialisé en protection sociale pour déterminer précisément la perte qu'il subit.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2020, fondées sur les articles 8, 9, 10, 11, 32, 122, 132 à 137, 861, 862 et 865 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles 1217, 1231-1 (article 1147 ancien), 1240 et1315 du code civil, la SAS Exco Loire demande à la cour :

A titre principal,

- de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 novembre 2019 en l'ensemble de ses dispositions,

Ce faisant,

- juger qu'aucun manquement ne peut être retenu à son encontre,

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où par impossible un manquement serait retenu à son encontre,

Statuant à nouveau,

- juger qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les prétendus manquements fautifs et le préjudice allégué par M. [C],

- juger que la demande d'instauration d'une mesure d'instruction n'est pas justifiée,

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que le préjudice allégué n'est pas justifié et pas fondé,

- débouter en conséquence M. [C] de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

- Subsidiairement, juger que la perte de chance alléguée ne saurait être supérieure à 25% de la somme de 7.031,08 euros ou très subsidiairement de 14.126,23 euros,

En tout état de cause,

- débouter M. [C] de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

- condamner M. [C] au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

La société Exco Loire observe en substance :

- que dans le cadre de la lettre de mission du 12 décembre 2012, elle a pris en charge la comptabilité de la société La Boîte à Cigares à compter de l'année 2013, à savoir la tenue des opérations achats/ventes/fournisseurs, l'édition/révision des comptes annuels de la société avec établissement d'un bilan, d'un compte de résultat et d'une annexe comptable afin notamment de déterminer le résultat imposable, ainsi que la réalisation d'une partie des déclarations fiscales afférentes à ce résultat imposable et de formalités sociétaires (procès-verbal d'assemblée générale, tenue des registres...),

- que cette mission est exclusive de toute mission supplémentaire, sauf demande spéciale de la part du client, comme le rappelle le référentiel normatif de l'ordre des experts-comptables,

- que les déclarations fiscales qui lui incombaient ne doivent en effet pas être confondues avec les déclarations au titre des cotisations de retraite,

- que dans le cas présent, M.[C] ne rapporte pas la preuve qu'il l'avait chargée d'une mission supplémentaire consistant à calculer ou déclarer ses cotisation de retraite,

- qu'il ne verse d'ailleurs aucune pièce de nature à confirmer ses allégations selon lesquelles elle aurait matériellement procédé à la déclaration des cotisations retraite de ce dernier (courrier, courriel, fax, devis, facture...),

- qu'en l'absence de lien contractuel avec M.[C], elle n'était tenue d'aucun devoir de conseil à son égard concernant le calcul de ses droits à retraite,

- qu'à supposer qu'elle puisse être débitrice d'un devoir de conseil vis-à-vis du gérant à titre personnel, encore eut-il fallu qu'elle ait eu connaissance en amont des informations nécessaires à la réalisation de sa mission, ce qui ne pouvait être le cas en l'espèce, dès lors que M.[C] lui-même ignorait l'étendue de ses droits avant d'interroger l'organisme de retraite dont il dépendait,

- que quand bien même il devait être retenu qu'elle était en mesure de procéder à la déclaration litigieuse et l'a effectivement réalisée, il n'est pas démontré par M.[C] qu'elle a commis une faute délictuelle se caractérisant par la violation d'un devoir général de diligences qui lui serait personnellement préjudiciable,

- que la faute délictuelle invoquée en cause d'appel par M.[C] impose d'apprécier ses éventuels manquements à l'aune de ses obligations contractuelles,

- que c'est en effet à raison de l'exécution défectueuse d'un contrat que le tiers victime pourra solliciter l'indemnisation du préjudice consécutif à cette faute qui revêt un caractère délictuel à son égard,

- qu'outre le fait qu'elle n'était pas tenue d'un devoir de conseil envers ce dernier dont elle ignorait la situation particulière, elle s'est comportée en bon père de famille en proposant à son client la société La Boîte à Cigares une option qui induisait une économie certaine et immédiate pour le professionnel,

- que M.[C] ne peut au demeurant valablement soutenir avoir choisi d'exploiter le fonds de commerce dans le seul objectif de compléter sa carrière, alors même qu'il continue d'exercer cette activité bien qu'il ait dûment complété ses droits à la retraite,

- que M.[C] ne justifie en outre nullement qu'il l'aurait informée de cette volonté de reprendre un fonds de commerce dans l'unique but de compléter ses droits à la retraite,

- que subsidiairement, les prétendus manquements qui lui sont reprochés n'ont pas de lien de causalité direct et exclusif avec le préjudice allégué par M.[C], puisque la raison pour laquelle il ne peut profiter d'une retraite à taux plein résulte de la non validation des trimestres au titre de l'année 1976,

- qu'en tout état de cause, M.[C] ne justifie pas d'un quelconque préjudice à ce jour dès lors qu'il a choisi de reporter la date de son départ en retraite et peut donc désormais bénéficier d'une retraite à taux plein, sachant qu'en 2020, il poursuivait toujours son activité car il refuse de prendre sa retraite sans avoir vendu son fonds de commerce,

- que l'allocation de dommages et intérêts au titre d'une prétendue décote de ses droits à la retraite jusqu'à l'âge de 80 ans conduirait ni plus ni moins à lui faire bénéficier de manière indue d'une double indemnisation,

- que tout au plus pourrait-il solliciter un préjudice moral qui ne peut en aucun cas correspondre aux droits à la retraite perçus,

- qu'à titre infiniment subsidiaire, il sera observé que le calcul auquel se livre M.[C] pour chiffrer son manque à gagner est erroné en raison, d'une part d'une erreur matérielle (il faut prendre en compte 4 trimestres et non 5), ce qui donne une somme de 20.788,08 euros, d'autre part de la nécessité de tenir compte de l'économie par ailleurs réalisée par M.[C] en raison de l'option choisie, ce qui représente 5.045 euros pour l'année 2014 et 8.712 euros pour l'année 2015, soit une économie globale de 13.757 euros,

- qu'il en résulte que le quantum du préjudice allégué, à le supposer caractérisé, ne peut être supérieur à 20.788,08 euros - 13.757 euros = 7.031,08 euros,

- que ce préjudice ne reposant que sur l'existence d'une perte de chance, la réparation du dommage qui en découle ne peut en aucun cas consister en l'intégralité du montant du redressement, la réparation étant nécessairement partielle, à hauteur de 25% du préjudice au maximum, ce d'autant que M.[C] a lui-même contribué à sa perte de chance d'obtenir une retraite à taux plein, faute d'avoir validé les trimestres au titre de l'année 1976,

- qu'il lui appartenait au demeurant de diligenter les recours nécessaires devant les juridictions compétentes pour contester le refus de rachat des trimestres non validés et tenter d'obtenir une rectification de la décision du RSI,

- que la demande d'expertise judiciaire de M.[C] ne saurait prospérer, car une mesure d'insruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans la charge de la preuve.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 23 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de préciser que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Sur la responsabilité de l'expert-comptable

L'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du code civil, dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il appartient à celui qui se prévaut de ces dispositions de rapporter la preuve de la faute, du préjudice et du lien de causalité entre les deux.

En l'espèce, pour justifier de la faute délictuelle commise par la société Exco Loire à son encontre, à savoir le fait d'avoir procédé, de sa propre initiative et en dehors de tout cadre contractuel aux déclarations sociales auprès du RSI, en déduisant les remises tabac de ses revenus, ce qui a conduit à la réduction de l'assiette de calcul de ses cotisations retraite, M.[C] verse une seule pièce aux débats, en l'occurrence un relevé de situation établi le 2 janvier 2020 par l'URSSAF suite à une demande de sa part (pièce n°12 de l'appelant).

Si la lecture de ce relevé de situation permet de confirmer que dans le cadre des déclarations de revenus opérées pour le calcul des cotisations retraite au titre des années 2014 et 2015, il a effectivement été fait application de la 'déduction pour les débitants de tabac', force est en revanche de constater que le document en question ne comporte strictement aucune indication sur l'identité du déclarant, sachant que de son côté, la société Exco Loire conteste totalement avoir réalisé une telle démarche auprès du RSI.

De même, les affirmations de M.[C] selon lesquelles seule la société Exco Loire disposait de l'outil informatique lui donnant la possibilité d'effectuer les déclarations litigieuses auprès du RSI ne sont-elles étayées par aucune pièce probante.

En l'absence d'autre offre de preuve, comme des courriers, courriels ou fax de la société Exco Loire à l'intention du RSI, de nature à établir que celle-ci aurait spontanément procédé aux déclarations sociales litigieuses en optant pour l'exonération des remises tabac sans en aviser M.[C], il convient de retenir que celui-ci ne démontre pas l'existence de l'immixtion fautive qu'il invoque de la part de l'expert-comptable.

Dès lors, faute de caractériser le manquement dont la société Exco Loire se serait rendue coupable à son encontre, et sans même qu'il soit besoin d'examnier les autres moyens qu'il soulève quant au préjudice subi, M.[C] ne peut qu'être débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'intimée, ce qui conduit, par ces motifs substitués, à la confirmation du jugement déféré.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant dans son recours, M.[C] supportera les dépens d'appel, conservera la charge de ses frais irrépétibles et devra verser à la société Exco Loire une indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel que l'équité commande de fixer à la somme de 2.000 euros. Les condamnations de ce chef et sur les dépens prononcées par les premiers juges sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré et y ajoutant,

Condamne M.[V] [H] [C] à verser à la SAS Exco Loire une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Déboute M.[V] [H] [C] de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur d'appel,

Condamne M.[V] [H] [C] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/08597
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;19.08597 ?
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