AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/06739 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTUY
SAS NAOS FRANCE
C/
[L]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon
du 05 Septembre 2019
RG : 17/02309
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
APPELANTE :
SAS NAOS FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 2] / France
représentée par Me Caterina LISI de la SELAS DELOITTE SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Aurore LAVILLE-PITZALIS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[R] [L]
née le 18 Décembre 1968 à Esch sur Alzette (Luxembourg)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Camille ROUSSET de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022
Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Françoise CARRIER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Président et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 1999, Mme [L] (la salariée) a été embauchée par la société Bioderma en qualité de technico-commerciale, catégorie agent de maîtrise de la convention collective de la chimie avant d'être promue cadre, le 1er janvier 2004, puis visiteur en pharmaceutique en 2007 et enfin responsable des comptes clés Rhône-Alpes, en 2013, statut cadre, coefficient 460.
Elle était chargée de l'animation et du suivi des comptes clients les plus importants en chiffre d'affaires de la région Rhône-Alpes.
Le 1er avril 2016, l'entreprise Bioderma a été cédée à la société Naos France (la société) et la relation de travail s'est poursuivie avec cette dernière.
Au cours de l'année 2015, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie puis, à compter du 13 octobre 2016, de façon continue jusqu'à la fin de la relation contractuelle.
Le 13 octobre 2016, un arrêt de travail a été établi pour accident du travail survenu le 13 octobre 2016 pour «dépression réactionnelle», à la suite duquel la société a transmis une déclaration d'accident du travail avec réserves.
Le 27 février 2017, en un seul examen médical par application de l'article R. 4627-42 du code du travail, le médecin du travail a déclarée la salariée «inapte à son poste de travail. L'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise».
Après avoir consulté les délégués du personnel, le 7 avril 2017, et avoir, le 14 avril 2017, convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement pour inaptitude physique, auquel l'intéressé n'a pu se rendre en raison de son état de santé, par courrier du 11 mai 2017, la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Estimant que son inaptitude trouvait son origine dans ses mauvaises conditions de travail, et plus particulièrement dans une surcharge anormale de travail et que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité, le 24 juillet 2017, la salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité, le paiement d'heures supplémentaires au titre des trois dernières années de travail ainsi que de la contrepartie obligatoire de repos liée aux heures supplémentaires effectuées au delà du contingent d'heures supplémentaires, le paiement de la prime sur objectif «C5» qui aurait du lui être versée en janvier 2017, de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que de l'indemnité compensatrice en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles et la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
' dit et jugé que la salariée a réalisé de nombreuses heures supplémentaires, que le licenciement pour inaptitude est d'origine professionnelle du fait de manquements graves et ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et que la société n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat,
' condamné la société à payer à la salariée les sommes suivantes :
25'627,63 euros bruts au titre des heures supplémentaires,
2 562,76 euros bruts au titre des congés payés afférents,
9 242,75 euros bruts au titre de l'indemnité de rupture du contrepartie du repos compensateur,
15'293 euros bruts à titre de l'indemnité compensatrice de préavis ,
1529,3 euros bruts à titre de l'indemnité de congés payés afférents,
70'000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
20'000 euros nets à titre des dommages-intérêts pour préjudice distinct pour la dégradation de son état de santé,
1600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' ordonné à la société de remettre à la salariée les bulletins de salaire, l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail conformes du jugement, dans le délai de huit jours après sa notification,
' ordonné d'office le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage perçu par la salariée licenciée, dans la limite de six mois,
' dit n'y avoir lieu exécution provisoire,
' fixé la moyenne mensuelle du trois derniers mois de salaire à 5798,77 euros,
' débouté la salariée de sa demande de primes C5 ainsi que de sa demande de prime spéciale du fait d'une requalification en accident du travail,
' débouté la société de toutes ses demandes,
' condamné la société aux dépens.
La société a relevé appel partiel de ce jugement, le 2 octobre 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :
' dire recevable et bien fondé son appel,
' infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en rappel de primes C5 et de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement du fait d'une requalification en accident du travail sur le fondement de l'article L.1226 '14 du code du travail,
Statuant à nouveau,
' dire que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est d'origine non professionnelle et repose sur une cause réelle et sérieuse,
' dire que le licenciement est intervenu hors tout contexte de dégradation des conditions de travail et de manquement fautif de l'employeur,
A titre subsidiaire, si la cour devait confirmer l'origine professionnelle du licenciement :
- dire que la salariée ne peut prétendre qu'à une indemnité compensatrice sur le fondement de l'article L.1226'14 du code du travail, de nature indemnitaire d'un montant égal à celui de l'indemnité légale compensatrice de préavis, soit la somme de 5097,67 euros bruts, équivalente à deux mois de rémunération brute mensuelle moyenne et non à une indemnité équivalente à trois mois de rémunération brute mensuelle moyenne;
' dire que la salariée ne saurait prétendre à aucune indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme ;
' dire que la salariée ne saurait prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis équivalent à trois mois de rémunération brute mensuelle moyenne de congés payés afférents ;
' rejeter les demandes en paiement de l'indemnité compensatrice de 15'293 euros nets en application de l'article L.1226 '14 du code du travail, d'une indemnité compensatrice de préavis de 15'293 euros bruts, outre 1529,30 euros bruts au titre des congés payés afférents,
' dire que la société a respecté son obligation de sécurité de résultat,
' dire que la salariée n'établit pas de lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions travail,
' dire que les éléments fournis par la salariée a l'appui de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires ne sont pas suffisamment précis et de nature à étayer ses demandes ;
' dire que la société rapporte la preuve des heures de travail effectif réalisées par la salariée ;
A titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement s'agissant des heures supplémentaires et des demandes en lien avec celle-ci :
' condamner la salariée au paiement d'une somme de 16'233,76 euros correspondant à la restitution des 23 jours de repos indûment perçu sur une période de 3 ans, à laquelle il conviendra de rajouter des charges salariales et patronales supportées par la société ;
' condamner la salariée à restituer à la société les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit d'un montant de 32'343,80 euros,
' dire que ces sommes porteront avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes soit contée du 27 juillet 2017,
' débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes,
' condamner la salariée à lui payer la somme de 3000 euros le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel et de première instance, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 31 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la salariée demande à la cour de :
' constater que les conditions dans lesquelles elle a exécuté son contrat de travail caractérise une grave violation de l'obligation de sécurité de résultat par la société du fait d'une surcharge anormale travail y compris pendant un arrêt pour maladie de sept semaine en mars 2015, outre les reproches infondés formulés à son endroit au cours de l'année 2016,
' dire que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cause de l'inaptitude trouvant son origine dans la dégradation de ses conditions de travail,
' constater que la société n'a pas rempli son obligation de rémunérer les heures supplémentaires, prime sur objectifs, complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement (au titre des heures supplémentaires réintégrées dans le calcul afférent) et d'octroyer une contrepartie obligatoire en repos,
' confirmer la décision et y ajoutant,
' condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
90'000 euros nets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
30 000 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi pour la dégradation de son état de santé liée à ses conditions de travail et aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
64'363,41 euros bruts, en paiement des heures supplémentaires au titre des trois dernières années, outre 6430,34 euros bruts de congés payés afférents,
15'631,84 euros bruts au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement du fait de l'intégration des heures supplémentaires dans le salaire de référence retenue pour son calcul,
33'929,30 euros bruts en paiement de la contrepartie obligatoire en repos lié aux heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent d'heures supplémentaires,
1500 euros au titre de la prime sur objectifs qui aurait du lui être versée en janvier 2017,
15'293 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1529,30 euros bruts au titre des congés payés afférents,
15'293 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice du fait de la requalification en accident du travail du 13 octobre 2016, en application de l'article L.1226-14 du code du travail,
90'000 euros nets, en lieu et place des 70'000 euros alloués en première instance,
5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la condamnation de la société aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir - constater - ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir - dire et juger - lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
1- Sur les heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151,67 heures par mois.
Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
La durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Et il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.
Il est constant que la durée du travail hebdomadaire de la salariée était contractuellement fixée à 39 heures par semaine, avec octroi de 23 jours de repos par an afin d'atteindre la durée moyenne de 35 heures par semaine sur l'année, moyennant une rémunération sur la base de 151,57 heures par mois.
La salariée précise qu'exerçant un travail itinérant, elle n'était pas soumise à un horaire collectif, alors même que la société n'apporte à l'appui de sa contestation sur ce point aucun élément sérieux au regard de la nature des fonctions exercées, et elle soutient qu'elle effectuait au minimum 50 heures de travail par semaine.
A l'appui de sa demande en paiement de 1 399,50 heures supplémentaires effectuées au delà de 39 heures par semaine, la salariée produit en pièces n°18 et n°19 des tableaux récapitulatifs détaillant, par année et par jour, le temps de travail en heures ainsi que le calcul par semaine des heures réclamées, du 1er juin 2014 au 13 octobre 2016, assortis des agendas de rendez-vous de janvier à octobre 2015 et de janvier à octobre 2016 produits en pièces n°32 et 33.
Elle estime en outre avoir effectué, sur la même période, 376 heures supplémentaires, soit 2 heures en moyenne par jour sur 94 semaines, au titre du travail de préparation des rendez-vous, de rédaction des compte-rendus d'activités et de saisie des commandes depuis son domicile sur la plate-forme informatique, effectué les soirs après sa journée de travail, dont elle produit le calcul en pièce n°19.
Il en résulte que, sur la période concernée, la salariée établit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre en produisant ses propres éléments.
En réplique, la société produit le détail du compte carburant du véhicule de fonction attribué à la salariée pour la période de janvier 2014 à décembre 2016, les agendas d'activités de janvier à octobre 2015 et de janvier à octobre 2016, des documents afférents aux séminaires et formations auxquels la salariée a participé ainsi qu'un tableau de synthèse que la société a établi à partir de ces documents, pour la période du 2 septembre 2014 au 12 octobre 2016 (pièce n°53-1).
Il convient de relever qu'alors que la société affirme que la salariée n'a pas effectué d'heures supplémentaires, il ressort pourtant du tableau de synthèse par elle établi, qu'elle identifie elle-même un nombre d'heures supplémentaires, hors temps de déplacement, qu'elle évalue à 25 heures sur la période considérée, sans toutefois justifier, ni offrir de régler le rappel de salaire correspondant.
Par ailleurs, si le temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ne peut être considéré comme du temps de travail effectif, en revanche tel n'est pas le cas du temps passé par le salarié pour se rendre sur le lieu de sa mission depuis son lieu de travail ou de celui passé pour se rendre d'un lieu de mission à un autre.
Aussi, alors qu'il n'est pas soutenu par la société que les rendez-vous professionnels se faisaient nécessairement à partir du domicile de la salariée, cette dernière a pu inclure dans son temps de travail le temps de déplacement nécessaire pour rejoindre les lieux de prospection.
Enfin, alors que compte tenu de la nature des fonctions occupées par la salariée qui comportait un travail de préparation des rendez-vous clientèle ainsi qu'un travail de compte-rendu d'activité et de saisie informatique des commandes, il convient de constater que les agendas et le tableau de synthèse produits par la société ne rendent pas compte de la durée de ce temps de travail effectif, et ce alors même que la société n'a pas déféré à la demande procédurale de la salariée de produire la globalité des commandes saisies par elle de 2014 à 2016 dans son poste de responsable des comptes clés Rhône-Alpes.
L'employeur pouvant confier au salarié des tâches qui ne peuvent être accomplies dans la durée du travail, il n'est pas suffisant d'affirmer que des heures de travail ne lui ont pas été demandées et compte tenu de la nature des fonctions occupées par la salariée ainsi que de l'organisation du travail afférent à celles-ci, il ne peut être soutenu que les heures supplémentaires étaient effectuées à l'insu de l'employeur et il importe peu que la salariée ne lui en ait pas réclamé le paiement avant de saisir le conseil de prud'hommes.
Par ailleurs, il convient de constater que la société ne produit aucun élément de nature à démontrer que la charge de travail n'impliquait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires.
Au regard des éléments produits par l'une et l'autre parties, il ressort que des heures supplémentaires ont été accomplies au delà des 39 heures par semaine effectivement payées sur la période en cause, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de rappel des heures supplémentaires sur la base dont la cour, comme les premiers juges, peut se convaincre et, par confirmation du jugement, de condamner la société à payer à la salarié la somme de 25'627,63 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 2 562,76 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signature de l'accusé de réception par la société de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.
Le décompte des heures supplémentaires étant réalisé sur la base d'un horaire de 39 heures et non de 35 heures par semaine, la demande reconventionnelle de la société en paiement de la somme correspondant à la restitution des 23 jours de récupération de temps de travail qu'elle estime indûment perçus par la salariée sur une période de trois ans, n'est pas fondée et doit être rejetée. Le jugement est également confirmé sur ce point.
2- Sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Compte tenu de la réintégration dans le calcul de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement de 250 heures supplémentaires non rémunérées en 2016, c'est par des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont chiffré à 7 422,23 euros le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement restant due à la salariée.
3- Sur la demande d'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos
Il résulte des articles L. 3121-11 et D. 3121-14-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date du licenciement, que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 220 heures, applicable à défaut d'accord collectif, ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos de 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus et de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Selon l'article D. 3121-14 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Il est constant que l'accord collectif applicable au sein de l'entreprise prévoit un contingent d'heures supplémentaires de 130 heures par an et que la salariée n'a jamais bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos, de sorte que, sur la base du salaire horaire non utilement contesté de 33,61 euros bruts et du nombre d'heures supplémentaires effectuées et non payées confirmées ci-avant, dépassant le contingent annuel à raison de 20 heures en 2014, 80 heures en 2015 et 120 heures en 2016, la cour approuve, dans son principe et son chiffrage, le montant de l'indemnité dont le paiement à la salariée a été mis à la charge de la société.
4- Sur le licenciement
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2.
Lorsque l'inaptitude du salarié est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée, le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au cas présent, alors que la salariée était placée dans une situation de travail la conduisant à effectuer, de façon structurelle, de nombreuses heures supplémentaires, ce que la société ne pouvait ignorer compte de la nature des fonctions qu'elle occupait et de l'organisation du travail qui en dépendait, force est de constater que la société ne justifie d'aucune mesure entreprise pour y remédier, que ce soit par l'affectation de moyens supplémentaires ou par la redéfinition du périmètre de son intervention.
Ensuite, face à la teneur des courriels que la salariée produit et qui démontrent qu'elle a continué à travailler en passant des commandes pendant la durée de la suspension de son contrat de travail pour maladie en avril-mai 2015, la société se borne à soutenir que la salariée avait agi d'initiative, sans toutefois offrir la preuve de l'organisation de son remplacement pendant son absence, non plus des mesures prises, relevant de son pouvoir de direction, afin de veiller au respect par la salariée de la suspension de son contrat de travail pendant cette période.
Encore, tout en reconnaissant avoir été alertée par la salarié en août 2016 dans le cadre d'un échange de courriels avec le directeur de réseau, à qui la salarié faisait part de son désarroi, se disant constamment stressée et subir une dégradation de son état de santé depuis un entretien de mai 2016 à la suite de réclamations de clients, la société se borne à indiquer avoir pris en compte la situation de stress et de mal être qui lui était décrite, en recevant à plusieurs reprises la salariée en entretien, sans toutefois justifier de la mise en place concrète du plan d'action que son supérieur hiérarchique lui avait pourtant annoncé dans son courriel du 22 août 2016, étant observé que la salariée continuait à exprimer un désarroi persistant dans son courriel du 2 octobre 2013, essentiellement autour des réclamations de clients dont les écrits n'étaient pas portés à sa connaissance.
Enfin, le vécu de mise en cause systématique de son travail et de mise à l'écart que la salariée décrit est accrédité par les termes de l'attestation de témoignage d'une ancienne directrice qui rapporte que la salariée faisait partie d'une «liste rouge» des personnes dont «on voulait se débarrasser».
La salarié a été placée en arrêt de travail pour maladie, le 13 octobre 2016, puis un arrêt de travail lui a été prescrit le 15 octobre 2016 pour accident du travail survenu le 13 octobre 2016 pour «dépression réactionnelle» et, dans un compte rendu du 6 février 2017, le médecin psychiatre psychothérapeute traitant décrit, à l'examen clinique, des troubles du sommeil avec réveils nocturnes, cauchemars en lien avec le travail, des troubles digestifs, une tendance au repli sur soi, et une agitation psychique et des signes d'oppressions thoraciques à l'évocation des difficultés rencontrées au travail.
Les certificats médicaux produits mettent ainsi en évidence la souffrance psychique de l'intéressée en lien avec le travail.
La salariée a été déclarée médicalement inapte à son poste de travail, son état faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise, par avis du médecin du travail 27 février 2017.
Des éléments produits, il résulte que la preuve est rapportée d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude médicale définitive de la salariée, de sorte que le licenciement survenu dans ces conditions est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Alors que l'inaptitude de la salariée trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité, c'est par des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont fait droit à la demande de la salariée en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire.
En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement onze salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise dont il n'est pas contesté qu'il était d'au moins onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée âgée de 47 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 18 ans, de ses difficultés à retrouver un emploi de qualification équivalente, la cour estime que le préjudice résultant de la rupture a été justement évalué par le conseil de prud'hommes dont le jugement est confirmé sur ce point.
Le manquement fautif par l'employeur à son obligation légale de sécurité à l'origine de la détérioration de l'état de santé de la salarié lui ayant causé un préjudice personnel caractérisé par la nécessité d'un suivi thérapeutique depuis le 13 décembre 2016 qui se poursuivait au 23 octobre 2018, date à laquelle le médecin psychiatre en attestait, distinct du préjudice résultant de la perte de son emploi, motive une indemnisation dont l'évaluation a été justement appréciée par les premiers juges à la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement
Il résulte des articles L. 1226-10 et L.1226-14 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la date du licenciement en litige, que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Alors que s'il résulte des motifs ci-avant retenus que l'inaptitude de la salariée trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité, pour autant la seule circonstance que, sur la base d'un certificat médical du 13 octobre 2016 prescrivant un arrêt de travail pour accident du travail survenu le 13 octobre 2016 pour « dépression réactionnelle», une déclaration d'accident du travail a été établie le 21 novembre 2016 avec réserves par l'employeur, ne peut permettre d'en conclure qu'à la date du licenciement du 11 mai 2017 l'employeur avait connaissance que l'inaptitude trouvait son origine au moins partielle dans un accident du travail, ce alors que la caisse primaire d'assurance maladie lui avait antérieurement notifié, le 6 mars 2017,une décision de refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle et que dans son avis le médecin de travail n'identifiait pas une origine professionnelle à l'inaptitude.
La salariée n'est donc pas fondée dans sa demande en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et le jugement est confirmé sur ce point.
5- Sur le rappel de la prime sur objectifs
A titre infirmatif, la salariée réclame le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de la prime sur objectifs individuels C5 qui aurait du lui être versée en janvier 2017 calculée sur les mois de novembre et décembre 2016
La salariée n'ayant pas travaillé pendant la période de référence, elle ne peut prétendre au paiement de cette prime sur objectifs individuels, étant observé qu'elle ne forme aucune demande au titre de la perte d'une chance d'avoir pu réaliser ses objectifs par la faute de l'employeur qui a manqué à son obligation légale de sécurité à l'origine de son inaptitude.
Le jugement est confirmé sur ce point.
6 - Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à la salariée une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens qu'il est équitable de fixer à 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
REJETTE la demande de la société Naos France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Naos France à payer à Mme [R] [L] la somme de
2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Naos France aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE