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19/01/2023 | FRANCE | N°19/04381

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 19 janvier 2023, 19/04381


N° RG 19/04381

N° Portalis DBVX-V-B7D-MOA4









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 05 juin 2019



RG : 2018j00514





SARL L'ATELIER DES DELICES



C/



S.A.R.L. [H]

SELAS COMPAGNIE EUROPÉENNE DE CONSEILS AUX SOCIÉTÉS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 19 JANVIER 2023







APPE

LANTE :



SARL L'ATELIER DES DELICES

[Adresse 8]

[Localité 5]



Représentée par Me Christian LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 374







INTIMÉES :



S.A.R.L. [H] ayant pour nom commercial LES GOURMANDISES DE P...

N° RG 19/04381

N° Portalis DBVX-V-B7D-MOA4

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 05 juin 2019

RG : 2018j00514

SARL L'ATELIER DES DELICES

C/

S.A.R.L. [H]

SELAS COMPAGNIE EUROPÉENNE DE CONSEILS AUX SOCIÉTÉS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

APPELANTE :

SARL L'ATELIER DES DELICES

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Christian LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 374

INTIMÉES :

S.A.R.L. [H] ayant pour nom commercial LES GOURMANDISES DE PINOCCHIO représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Assistée de Me Isabelle MABRUT, de la SELARL KAEPPELIN-MABRUT-BREYSSE DELABRE, avocat au barreau de la HAUTE LOIRE

SELAS COMPAGNIE EUROPÉENNE DE CONSEILS AUX SOCIÉTÉS

[Adresse 3]

[Localité 4]

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 27 Novembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Novembre 2022

Date de mise à disposition : 19 Janvier 2023

Audience tenue par Marianne LA-MESTA, président, et Aurore JULLIEN, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffier.

A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Marianne LA-MESTA, conseiller

- Aurore JULLIEN, conseiller

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Marianne LA-MESTA, président, et par Clémence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Le 13 novembre 2017, la SARL l'Atelier des Délices (ci-après la société l'Atelier des Délices), vendeur, et la SARL [H] (ci-après la société [H]), acquéreur, ont signé une promesse synallagmatique de vente portant sur un fonds de commerce situé [Adresse 8], moyennant le prix de 340.000 euros sous conditions suspensives devant être réalisées au plus tard le 15 décembre 2017, dont l'une relative à l'obtention d'un prêt d'un montant maximum de 240.000 euros pour une durée maximum de 7 ans et au taux fixe maximum de 2% l'an hors assurance.

A la même date, la société [H] a remis, à titre de dépôt de garantie sur le prix de cession, une somme de 15.000 euros entre les mains de Me Anne Garlon, avocate au sein de la SELAS Compagnie Européenne de Conseils aux Sociétés.

Par courrier en date du 16 février 2018, le conseil de la société l'Atelier des Délices a demandé le déblocage du dépôt de garantie à son profit au motif que la société [H] ne démontre pas que les conditions suspensives fixées par le compromis de vente ne pouvaient être réalisées au plus tard le 15 décembre 2017.

Par acte en date du 12 mars 2018, la société l'Atelier des Délices a fait assigner la société [H] et la Compagnie Européenne de Conseils aux Sociétés devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir le versement de cette somme de 15.000 euros.

Par jugement contradictoire du 5 juin 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit que la non réalisation des conditions suspensives du compromis de vente du 13 novembre 2017 n'est pas imputable à la société [H] et que la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas réputée accomplie,

dit le jugement opposable à la Compagnie Européenne de Conseils aux Sociétés,

ordonné le déblocage de la somme de 15.000 euros par la Compagnie Européenne de Conseils aux Sociétés, en sa qualité de séquestre, au profit de la société [H], nom commercial 'Les gourmandises de Pinocchio',

rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société [H], nom commercial 'Les gourmandises de Pinocchio',

condamné la société l'Atelier des Délices à payer à la société [H], nom commercial 'Les gourmandises de Pinocchio', une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution,

condamné la société l'Atelier des Délices aux entiers dépens de l'instance.

La société l'Atelier des Délices a interjeté appel par acte du 24 juin 2019.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2020, fondées sur les articles 1304 et suivants du code civil, ainsi que sur l'article 1353 du code civil, la SARL l'Atelier des Délices demande à la cour :

d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 5 juin 2019,

et, statuant à nouveau,

de juger que la non-réalisation des conditions suspensives du compromis de vente du 13 novembre 2017 est imputable à la société [H] et que la condition suspensive est réputée accomplie,

de juger l'arrêt à intervenir opposable à la Compagnie Européenne de Conseils aux Sociétés,

d'ordonner le versement de la somme de 15.000 euros par la société [H] à son profit,

de condamner la société [H] à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, la société L'Ateliers des Délices fait valoir :

que dans le cadre des promesses de vente assorties de conditions suspensives, il revient au bénéficiaire de la promesse de rapporter la preuve de la présentation d'une demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées au contrat,

que le bénéficiaire de la promesse qui sollicite un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse viole l'article 1178 du code civil, devenu l'article 1304-3 du code civil,

que dans le cas présent, la société [H] ne démontre pas avoir déposé des demandes de prêt conformes aux stipulations du compromis de vente, le tribunal ayant renversé la charge de la preuve en considérant qu'elle n'était pas responsable des attestations fournies par les banques,

que le renversement de la charge de la preuve n'est admis que lorsqu'il est établi par le bénéficiaire qu'il a présenté au moins une offre de prêt conforme aux stipulations contractuelles, à savoir un prêt de 240.000 euros sur une durée de 7 ans avec un taux maximum de 2%, ce que ne fait pas la société [H],

que la société [H] justifie avoir respecté seulement deux des trois conditions suspensives du compromis de vente, en l'occurrence le dépôt de demandes de prêt auprès de 3 établissements bancaires avant le 15 décembre 2017, mais pas la troisième relative au montant du prêt, à sa durée et au taux d'intérêt applicable,

qu'ainsi, deux des refus de prêt ne permettent pas d'appréhender les conditions des prêts sollicités par la société [H],

que le courrier de la CIC Lyonnaise de Banque est particulièrement laconique, en ce qu'il ne mentionne ni le montant, ni le taux, ni la durée du prêt sollicité, tandis que celui du Crédit Agricole ne fait pas apparaître le taux d'intérêt demandé, la formulation employée tendant même à indiquer que le dossier de demande était incomplet,

que l'attestation de refus de prêt de la Caisse d'Epargne n'est quant à elle pas conforme au compromis de vente puisqu'elle fait état d'un taux d'intérêt de 1,15% ne correspondant pas à celui stipulé dans la promesse qui est de 2% l'an hors assurance,

que la condition suspensive est réputée accomplie lorsque le bénéficiaire de la promesse sollicite un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse,

qu'en outre, les attestations de refus communiquées par la société [H] ne démontrent pas qu'un dossier de financement a bien été déposé par cette dernière,

que le CIC Lyonnaise de Banque et le Crédit Agricole n'ont pas donné suite au courrier qui leur a été adressé par son conseil afin de connaître les caractéristiques des prêts sollicités et savoir si la société [H] avait transmis un dossier de financement complet,

que la société [H] n'a pas non plus déféré à la sommation, faite dans le cadre de la première instance, de communiquer le dossier de financement déposé auprès des établissements bancaires et l'accusé de réception dudit dossier par les établissements,

que bien que n'ayant pu obtenir de prêt pour financer l'acquisition de son fonds de commerce, la société [H] a, dès le 30 avril 2018, acheté un autre fonds de commerce de même nature exploité au [Adresse 2] moyennant le prix de 370.000 euros, soit une somme supérieure à celle de la promesse de vente régularisée le 13 novembre 2017,

que suite à une sommation en ce sens, la société [H] a communiqué en première instance le compromis de vente signé le 7 février 2018 avec la société Boulangerie Charpentier, ainsi que l'acte de cession du fonds de commerce faisant apparaître que le paiement du prix a été rendu possible par un prêt du CIC Lyonnaise de Banque d'un montant de 198.000 euros d'une durée de 83 mois au taux de 1,4% l'an hors assurance,

qu'il est dès lors évident que la société [H] n'a pas transmis l'entier dossier de financement aux établissements bancaires, afin de se voir opposer un refus de leur part et ainsi empêcher l'accomplissement de la condition suspensive du compromis de vente.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2019, la SARL [H] demande à la cour :

de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 5 juin 2019, et en conséquence,

de condamner la société l'Atelier des Délices à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

de condamner la société l'Atelier des Délices à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société [H] soutient en substance :

qu'elle a déposé 3 demandes de prêt auprès de 3 banques distinctes, à savoir le Crédit Agricole, le CIC et la Caisse d'Epargne dans le délai imparti, les trois établissements bancaires ayant refusé de financer l'acquisition, ce dont elle a informé le vendeur en lui communiquant les attestations bancaires,

qu'une première attestation de la Caisse d'Epargne du 20 octobre 2017 indique qu'une demande de prêt a bien été déposée pour un montant de 200.000 euros sur une durée de 84 mois afin de financer l'acquisition du fonds de commerce de boulangerie sis [Adresse 8],

qu'une seconde attestation de ce même établissement mentionne qu'aucune suite favorable ne peut être donnée à la demande de prêt d'un montant de 200.000 euros pour une durée de 7 ans, au taux de 1,15% destinée à l'acquisition du fonds de commerce de boulangerie sis [Adresse 8],

qu'une attestation du directeur de l'agence du Crédit Agricole Centre-Est en date du 13 novembre 2017 précise quant à elle qu'elle a déposé une demande de prêt professionnel destiné à la reprise d'un fonds de commerce situé à la [Localité 7] pour un montant de 240.000 euros sur une durée de 84 mois,

que le 14 décembre 2017, cet établissement lui a adressé une lettre pour lui faire savoir que le prêt n'était pas accordé,

que la Lyonnaise de banque (CIC) a établi une attestation de refus de prêt le 18 janvier 2018 relatant qu'elle ne donne pas suite à sa demande de financement à hauteur de180.000 euros pour l'acquisition d'un commerce de boulangerie-pâtisserie sis [Adresse 8],

qu'elle a demandé aux banques de lui communiquer les dossiers de financement qu'elle avait déposés, sans réponse de leur part,

que de même, elle a sollicité en vain ces établissements en vue qu'ils complètent les attestations qu'ils avaient bien voulu établir,

qu'en tout état de cause, ces attestations et lettres de refus démontrent qu'elle a bien respecté les termes de la condition suspensive,

qu'elle ne saurait être tenue responsable du caractère laconique des courriers rédigés par les banques qui n'ont d'ailleurs pas l'obligation de motiver leur refus,

que chacun des dossiers déposés comprenait nécessairement le compromis de vente faisant apparaître les conditions suspensives et donc les conditions sollicitées par l'emprunteur, comme l'a bien noté le tribunal de commerce,

que dans le cadre d'une demande de prêt, c'est la banque qui propose le taux d'intérêt auquel elle entend financer l'acquisition, s'agissant de la rémunération de son service,

que l'absence de mention d'un taux maximum était une contrainte de moins de nature à augmenter ses chances d'obtenir une offre de prêt,

que la lettre de refus de la Caisse d'Epargne fait bien état du dépôt d'une demande de prêt mentionnant les trois conditions prévues au compromis,

que compte tenu de l'existence de cette demande conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse, il appartenait à la société l'Ateliers des Délices de rapporter la preuve qu'elle a empêché l'accomplissement de la condition suspensive, ce qu'elle ne fait pas,

que le fonds de commerce dont elle a finalement fait l'acquisition était certes plus cher à l'achat, mais la masse salariale nécessaire à son fonctionnement était moindre et son chiffre d'affaire plus important que celui de la société l'Atelier des Délices, ce qui explique l'obtention d'un prêt pour ce second fonds et le refus de financement pour celui de la société l'Atelier des Délices au vu du bilan de l'entreprise,

que le 31 janvier 2018, elle était libre de tout engagement et pouvait donc tout à fait rechercher un autre fonds pour lequel elle a signé un compromis le 7 février 2018.

La SELAS Compagnie Européenne de Conseils aux Sociétés, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 27 août 2019, n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 novembre 2020, les débats étant fixés au 16 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger que ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.

Sur l'accomplissement de la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt

Il résulte des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi et ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise.

L'article 1304 du code civil dispose quant à lui que l'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 1304-3 du même code, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Il incombe au bénéficiaire d'une promesse de vente obligé sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente.

La condition est réputée accomplie si le bénéficiaire ne rapporte pas cette preuve.

Lorsque le bénéficiaire de la promesse démontre avoir présenté au moins une demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse, il appartient alors au promettant de rapporter la preuve que son cocontractant a empêché l'accomplissement de la condition en commettant une faute à l'origine de la défaillance de la condition.

En l'espèce, le compromis de vente régularisé le 13 novembre 2017 entre la société L'Atelier des Délices et la société [H] stipule dans sa partie relative aux conditions suspensives que 'le cessionnaire devra obtenir un prêt d'un montant maximum de deux cent quarante mille euros (240.000) pour une durée maximum de 7 ans au taux fixe maximum de 2% l'an hors assurances.

Le cessionnaire s'engage à déposer ses demandes de prêt avant le 15 novembre 2017 et devra justifier de l'accomplissement de ces formalités, démarches et diligences à première demande du cédant, faute de quoi ce dernier pourra invoquer la caducité du compromis.

Il s'engage par ailleurs à déposer son dossier de financement auprès de 3 établissements bancaires.'

La convention prévoit encore qu' 'à défaut de réalisation de toutes le conditions suspensives ci-dessus indiquées (dont celle relative à l'obtention du prêt), le présent acte sera considéré comme nul et non avenu et chacune des parties sera déliée de tous ses engagements sans indemnité de part, ni d'autre, sauf dans le cas prévu au paragraphe réitération de la vente.'

Pour justifier de la réalisation des diligences nécessaires à l'obtention d'un prêt répondant aux conditions et caractéristiques fixées à la clause précitée, la société [H] produit :

un courrier de la Caisse d'Epargne Rhône Alpes en date du 20 octobre 2017 attestant que M. et Mme [H] ont déposé auprès de l'agence [Localité 7] de la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes une demande de crédit d'un montant de 200.000 euros pour une durée de 84 mois, afin de financer l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie sis [Adresse 8] (pièce n°2 de l'intimée),

un second courrier de cet organisme bancaire daté du 15 décembre 2017 relatant que 'nous avons le regret de vous informer que nous ne pouvons pas donner une suite favorable à votre demande de prêt d'un montant de 200.000 euros pour une durée de 7 ans au taux d'intérêt de 1,15% destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie sis [Adresse 8]' (pièce n°3 de l'intimée),

une attestation du directeur de l'agence de Caluire du Crédit Agricole Centre-Est en date du 13 novembre 2017 mentionnant que 'la SARL [H] [Adresse 1], a déposé une demande de prêt professionnel dont l'objet de financement est destiné à la reprise d'un fonds de commerce boulangerie pâtisserie situé sur la commune de la [Localité 7], dont les caractéristiques sont les suivantes : montant du prêt 240.000 euros, durée sur 84 mois' (pièce n°4 de l'intimée),

une lettre adressée le 14 décembre 2017 par le Crédit Agricole Centre-Est qui indique 'vous avez sollicité un prêt au Crédit Agricole Centre-Est pour un montant de 240.000 euros sur 84 mois dans le but de financer une acquisition de fonds de commerce de pâtisserie boulangerie situé sur la commune de la [Localité 7]. A ce jour et en l'état, ce prêt ne peut vous être accordé' (pièce n°5 de l'intimée),

une attestation de dépôt de prêt établie le 6 novembre 2017 par le CIC Lyonnaise de Banque énonçant que la 'SARL [H] [Adresse 1] a déposé un dossier de demande de prêt pour le financement de l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie sis [Adresse 8]' (pièce n°18 de l'intimée),

une attestation de refus de prêt rédigée le 18 janvier 2018 par le CIC Lyonnaise de Banque précisant que 'suite à la remise de l'étude prévisionnelle de la SAS Lyon City Expertise Comptable sur le plan de financement de la SARL [H] [Adresse 1], nous ne donnons pas suite à cette demande de financement de 180.000 euros pour l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie sis [Adresse 8]' (pièce n°6 de l'intimée).

La société [H] verse également la copie des courriers recommandés envoyés le 26 octobre 2018 par son conseil à ces trois établissements bancaires pour solliciter la transmission du dossier de financement déposé par ses soins auprès desdits organismes (pièces n°10 à 12 de l'intimée). Elle a en outre demandé au CIC Lyonnaise de Banque, par courriel du 8 mars 2018, de préciser le taux d'intérêt sollicité à l'appui de la demande de prêt (pièce n°13 de l'intimée).

Il ressort de l'analyse de ces différentes pièces :

que la société [H] a bien sollicité des concours financiers auprès de trois établissements bancaires distincts dans le délai imparti par le compromis de vente,

que la dernière demande de prêt auprès du CIC Lyonnaise de Banque ne correspond pas aux caractéristiques de financement figurant dans la promesse, puisqu'aucun des deux documents établis par la banque ne comporte de précision sur la durée de l'emprunt et le taux d'intérêt sollicités,

qu'il en est de même pour le second dossier auprès du Crédit Agricole, dès lors que le taux d'intérêt maximum envisagé n'est pas non plus mentionné, ce qui ne permet pas de savoir si celui-ci répondait ou non aux exigences du compromis,

qu'en revanche, la première demande formulée par la société [H] auprès de la Caisse d'Epargne Rhône Alpes apparaît conforme aux conditions posées par l'acte du 13 novembre 2017, tant s'agissant du montant (200.000 euros), que de la durée (84 mois) et du taux d'intérêt (1,15%).

Il convient en effet de relever que le compromis du 13 novembre 2017 fixe des seuils maximums pour le montant, le taux et la durée du prêt, au-delà desquels l'acquéreur ne peut aller lorsqu'il fait sa demande. Il ne lui est en revanche nullement interdit de solliciter un emprunt à des conditions de montant, de durée et de taux inférieures.

Au contraire, la formalisation d'une demande prêt portant sur un montant, une durée ou un taux en-deçà des maximums imposés augmente les chances d'octroi du concours financier par la banque, et donc de réalisation de la condition suspensive.

Il résulte ainsi clairement du courrier rédigé le 15 décembre 2017 par la Caisse d'Epargne que la société [H] se serait nécessairement également vu opposer un refus si elle avait demandé à emprunter une somme plus conséquente et à un taux plus onéreux, de telles conditions financières impliquant un ratio d'endettement supérieur.

Pour ce qui est plus spécifiquement du taux d'intérêt, il sera au demeurant observé que ce taux est in fine déterminé suivant le marché par les banques et non tranché par l'emprunteur.

Il s'ensuit que la société [H] démontre avoir déposé au moins une demande d'emprunt auprès d'un établissement bancaire dans le délai imparti et selon les caractéristiques de financement stipulées dans la promesse, ce qui suffit à établir qu'elle a accompli les diligences attendues.

De son côté, la société l'Atelier des Délices ne rapporte pas la preuve de ce que l'intimée a commis une faute à l'origine de la défaillance de la condition suspensive. La circonstance selon laquelle la société [H] s'est vu accorder, quelques mois plus tard, un prêt par le CIC Lyonnaise de Banque pour l'achat d'un autre de fonds de commerce de boulangerie ne permet pas de caractériser l'existence d'un tel manquement de sa part, dans la mesure où la société l'Atelier des délices ne produit pas d'éléments financiers faisant apparaître que la rentabilité économique des deux établissements était peu ou prou équivalente et donc que l'opération était réalisée dans des conditions plus ou moins similaires. Les mentions de l'acte authentique du 30 avril 2018 (pièce n°9 de l'intimée) révèlent au contraire que la masse salariale du fonds de commerce dont la société [H] a finalement fait l'acquisition était nettement moins importante que celle de la boulangerie gérée par la société l'Atelier des Délices.

La décision déférée sera par conséquent confirmée, en ce qu'elle a dit que la non réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt n'est pas imputable à la société [H], de sorte qu'elle ne peut être réputée accomplie.

Le compromis de vente étant caduc de plein droit en application du contrat, le jugement entrepris sera donc également confirmé, en ce qu'il a ordonné le déblocage, au profit de la société [H], de la somme de 15.000 euros détenue par la SELAS Compagnie Européenne de Conseil aux Sociétés à titre de dépôt de garantie.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, la société [H] ne rapporte pas la preuve de ce que la société l'Atelier des Délices aurait cherché à lui nuire en l'assignant devant le tribunal de commerce puis en exerçant son droit d'appel.

Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ne sera dès lors pas favorablement accueillie, ce qui conduit également à la confirmation du jugement du 5 juin 2019 sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société l'Atelier des Délices, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande par ailleurs d'allouer à la société [H] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, en sus de l'indemnité de procédure déjà octroyée en première instance et justement évaluée par le tribunal à la somme de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées et y ajoutant,

Condamne la SARL l'Ateliers des Délices aux dépens d'appel,

Condamne la SARL l'Atelier des Délices à payer à la SARL [H] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/04381
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;19.04381 ?
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