N° RG 22/03395 -N°Portalis DBVX-V-B7G-OJG2
Décision du Président du TJ de LYON en référé du 07 mars 2022
RG : 21/02035
S.A.R.L. SIRAC ARCHITECTE DE VOS EMPLOIS
C/
Organisme CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES AUVERGNE RHONE ALPES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 18 Janvier 2023
APPELANTE :
La société SIRAC ARCHITECTE DE VOS EMPLOIS, Société A Responsabilité Limitée au capital de 19 200,00 dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON (69000) sous le numéro 491 699 278, prise en la personne de son représentant légal,
Représentée par Me Sandrine VARA de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1041
INTIMÉE :
Le CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES AUVERGNE RHONE ALPES, dont le siège social est à [Adresse 3], représenté par son Président en exercice demeurant audit siège
Représentée par Me Laurent BURGY de la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1748
INTERVENANT :
Le SYNDICAT DES ENTREPRISES D'EMPLOI DURABLE, dit « SEED » syndicat domicilié au [Adresse 1], prise en la personne de son représentant en exercice,
Représentée par Me Sandrine VARA de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1041
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas PORTE, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 29 Novembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 18 Janvier 2023
Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Karen STELLA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Karen STELLA, conseiller
- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La sarl Sirac Architecte de vos emplois, présidée par M. [E]-[V] [Z] et immatriculée le 4 septembre 2006, a pour activité la mise à disposition d'entreprises clientes du personnel qualifié, et conseil en matière de gestion des compétences et de la formation à destination des entreprises clientes.
M. [Z] est également président de la SAS Ecrins Groupe, société de participations et gérant de la SARL Sirac Services ayant pour activité des prestations de services.
Parmi les autres sociétés du groupe, ont été créées en 2014 Sirac Calade, puis en 2015 Sirac Valence et Sirac Dijon, entreprises de travail à temps partagé.
Des instances judiciaires entre le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Rhône-Alpes et des sociétés susvisées ont été engagées depuis 2012 au motif d'un exercice illégal de la profession d'expert-comptable.
Par ordonnance du 5 mai 2021, sur requête du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes, le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon a autorisé des mesures de constat au siège identifié des sociétés Sirac Services et Sirac Architecte de vos emplois, soit au [Adresse 2].
Les mesures ont été exécutées le 9 septembre 2021.
Le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes a, par la suite, assigné la SARL Architecte de vos emplois devant le juge des référés.
Par ordonnance de référé du 5 mars 2022, le président du tribunal judiciaire de Lyon :
a ordonné à la société Sirac Architecte de vos emplois la cessation immédiate de toutes prestations, activités mission de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre 1945, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, qui commencera à courir 15 jours après la signification de la présente décision,
s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
a ordonné la publication du dispositif de la présente décision dans les journaux 'le Progrès de Lyon' et '20 minutes', aux frais de la société Sirac architecte de vos emplois pour un montant maximum de 2 500 euros par insertion,
a condamné la société Sirac Architecte de vos emplois aux dépens,
a condamné la société Sirac Architecte de vos emplois à payer au Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration régularisée au RPVA le 10 mai 2022, la Sarl Sirac Architecte de vos emplois a interjeté appel sur la totalité du dispositif.
Par conclusions n°3 d'appelant régularisées le 25 novembre 2022, la Sarl Sirac Architecte de vos emplois sollicite, voir :
Vu les articles L. 1252-1 et suivants du Code du travail,
Vu l'article 1353 du Code civil,
Vu l'ordonnance du 19 septembre 1945,
Vu l'article 835 du Code de procédure civile,
Vu la Jurisprudence,
Vu les pièces,
INFIRMER l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Lyon en date du 7 mars 2022 en ce qu'elle a :
Ordonné à la société Sirac Architecte de vos emplois la cessation immédiate de toutes prestations, activités ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre 1945, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, qui commencera à courir quinze jours après la signification de la décision ;
Réservé la liquidation de l'astreinte ;
Ordonné la publication du dispositif de la décision dans les journaux Le Progrès de Lyon et 20 minutes, aux frais de la société Sirac Architecte de vos emplois pour un montant maximum de 2 500 euros par insertion ;
Condamné la société Sirac Architecte de vos emplois aux dépens ;
Condamné la société Sirac Architecte de vos emplois à payer au Conseil régional de l'Ordre des experts comptables Auvergne Rhône Alpes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
ET STATUANT A NOUVEAU,
DÉBOUTER le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes de l'ensemble de ses demandes, fins et prétention,
ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir dans 3 publications au choix de la société Sirac Architecte de vos emplois et aux frais du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes.
En tout état de cause,
CONDAMNER le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes à payer à Sirac Architecte de vos emplois la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante soutient notamment :
- le premier juge a commis une erreur d'appréciation sur les règles juridiques applicables à la mise à disposition de personnel,
être une entreprise de travail à temps partagé,
faire du prêt de main-d''uvre à but lucratif sans conserver le pouvoir de contrôle et de direction sur le salarié.
la cour doit déterminer si le salarié réalisait les taches confiées par l'entreprise utilisatrice en son propre nom et sous sa propre responsabilité ou sous celle de cette dernière.
il n'a été fait aucune démonstration de l'exercice d'une activité comptable en son nom et sous sa responsabilité,
les pièces produites ne visent que des qualifications d'assistance,
chaque convention de mise à disposition appréhendée par l'huissier instrumentaire précise que chaque salarié mis à disposition exerce ses fonctions sous la responsabilité d'un autre salarié de l'entreprise,
le temps de mise à disposition est facturé suivant un relevé d'heures signé par l'entreprise utilisatrice,
les entreprises utilisatrices sont la plupart du temps des cabinets d'expertise comptable qui effectuent pour leur compte, la saisie, la révision et l'établissement des comptes annuels.
Par conclusions d'intimé à titre principal et d'appelant à titre incident n°2, le 8 août 2022, le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes sollicite :
Vu l'ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée,
Vu l'article 835 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat,
' DÉCLARER recevables les conclusions d'intimé à titre principal et d'appelant à titre incident du Conseil Régional de l'Ordre des Experts-Comptables Auvergne Rhône Alpes,
' CONFIMER l'ordonnance de référé de Mme la Première Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire de Lyon du 7 mars 2022 en ce qu'elle a :
ordonné à la Société Sirac Architecte de vos emplois la cessation immédiate de toutes prestations, activités, ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre 1945, sous astreinte,
jugé qu'elle se réservait la liquidation de l'astreinte,
ordonné la publication de son dispositif dans les journaux Le Progrès de Lyon et 20 minutes, aux frais de la Société Sirac Architecte de vos emplois pour un montant maximum de 2 500 euros par insertion,
condamné la Société Sirac Architecte de vos emplois aux entiers dépens, - condamné la Société Sirac Architecte de vos emplois à payer au Conseil Régional de l'Ordre des Experts-Comptables Auvergne Rhône Alpes la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
' INFIRMER l'ordonnance de référé de Madame la Première Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire de LYON du 7 mars 2022 en ce qu'elle a :
fixé l'astreinte afférente à la cessation immédiate par la Société Sirac Architecte de vos emplois de toutes prestations, activités, ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre à un montant de 1 000 euros par infraction constatée commençant à courir dans les quinze jours après sa signification.
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :
' SUR L'INTERVENTION VOLONTAIRE DU SYNDICAT DES ENTREPRISES D'EMPLOI DURABLE (SEED) :
A TITRE PRINCIPAL : DÉCLARER que son intervention volontaire est nulle pour défaut de capacité et de pouvoir à agir en Justice et le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions,
A TITRE SUBSIDIAIRE : DÉCLARER que son intervention volontaire est irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir et violation des articles 328 et suivants du Code de procédure civile et le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions,
A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE : DÉCLARER que ses demandes sont mal fondées et le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions,
' SUR LES DEMANDES DE LA SOCIÉTÉ ARCHITECTE DE VOS EMPLOIS ET CELLES RELATIVES A SON ENCONTRE :
DÉCLARER IRRECEVABLE pour être nouvelle la demande de la Société Sirac Architecte de vos emplois de voir publier l'arrêt à intervenir dans trois publications choisies par elle aux frais du Conseil Régional de l'Ordre des Experts-Comptables,
DÉBOUTER la Société Sirac Architecte de vos emplois de toutes ses demandes fins et conclusions,
FIXER l'astreinte afférente à la cessation immédiate par la Société Sirac Architecte de vos emplois de toutes prestations, activités, ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre à un montant de 10 000 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance rendue.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
' CONDAMNER la Société Sirac Architecte de vos emplois à payer au Conseil Régional de l'Ordre des Experts Comptables Auvergne Rhône à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' CONDAMNER le SYNDICAT DES ENTREPRISES D'EMPLOI DURABLE à payer au Conseil Régional de l'Ordre des Experts Comptables Auvergne Rhône à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' CONDAMNER conjointement et solidairement la Société Sirac Architecte de vos emplois et le SYNDICAT DES ENTREPRISES D'EMPLOI DURABLE aux entiers dépens d'appel au profit de Maître BURGY (SELARL LINK ASSOCIES), avocat aux offres de droit.
Au soutien de ses prétentions, le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes fait principalement valoir que :
la réglementation découlant de l'ordonnance du 19 septembre 1945 vise ainsi à confier la tenue de la comptabilité des entreprises à des professionnels dont l'activité est strictement encadrée,
le Groupe Sirac anime et exploite de nombreuses sociétés qui effectuent des travaux de comptabilité pour leurs clients,
la dérogation prévue à l'obligation d'inscription au tableau de l'Ordre pour l'exécution des travaux de comptabilité, concerne exclusivement les salariés des entreprises et organismes au profit desquels sont effectués ces travaux de comptabilité,
alors même que les investigations n'ont pas été exhaustives, l'huissier a constaté l'existence de conventions de mise à disposition, correspondant en tout ou en partie à des travaux de comptabilité,
M. [Z], dirigeant de la Société Sirac Architecte de vos emplois, n'a d'ailleurs pas contesté la réalité de l'activité comptable exercée en tant qu'entreprise de travail à temps partagé,
Il est regrettable que le SEED défende un groupe qui n'applique pas la règlementation qu'il est lui-même censé faire respecter.
Par conclusions n°2 régularisées le 10 novembre 2022, le syndicat des entreprises d'emplois durables (SEED) a sollicité voir :
JUGER RECEVABLE l'intervention volontaire du SYNDICAT DES ENTREPRISES D'EMPLOI DURABLE - SEED,
REJETER la demande d'irrecevabilité soulevée par le Conseil de l'ordre des experts-comptables d'Auvergne Rhône-Alpes,
INFIRMER l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Lyon
STATUANT À NOUVEAU, débouter l'Ordre des experts-comptables d'Auvergne Rhône-Alpes de l'ensemble de ses demandes.
À l'appui de ses conclusions, le SEED fait notamment valoir :
justifier d'un intérêt à agir, étant le seul syndicat national professionnel des entreprises à temps partagées. Il invoque les articles L 2262-11 et L 2132-3 du Code du travail,
avoir notifié le 5 juillet 2022 ses conclusions d'intervention volontaire mana incident technique était intervenu. Les conclusions avaient de nouveaux étés notifiés dès le 7 juillet 2022,
à travers la contestation de l'activité de la société Sirac architecte de vos emplois, l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes conteste en réalité le modèle juridique même du travail à temps partagé,
l'intérêt collectif des entreprises de travail à temps partagé a été indiscutablement atteint,
le Seed produisait ses statuts ainsi que le mandat donné à son représentant pour agir en justice,
le salarié de l'entreprise à temps partagée intervenait toujours exclusivement sous la direction et le contrôle de l'entreprise utilisatrice,
le schéma de l'entreprise de travail à temps partagé est strictement identique à celui des missions d'intérim,
la mise à disposition de comptable auprès d'entreprises utilisatrices n'est pas interdite par les textes régissant la profession d'expert-comptable,
la décision attaquée n'a pas démontré en quoi les salariés de Sirac effectueraient en leur nom propre et sous leur responsabilité, des taches réservées aux experts-comptables.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures déposées et débattues par observations à l'audience du 29 novembre 2022 à 9 heures.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2023.
MOTIFS :
Sur l'intervention volontaire du Syndicat des entreprises d'emplois durable
Aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties, elles comprennent un dispositif récapitulant les prétentions.
Aux termes de l'article 117 du même code, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte notamment le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.
Si le 5 juillet 2022, le SEED a notifié des conclusions qui n'auraient pas respecté les dispositions susvisées, il a régularisé dans le délai imposé, de nouvelles conclusions le 7 juillet 2022 comprenant un dispositif récapitulant des prétentions.
Pour autant, l'intervention volontaire est également contestée par ce que le Seed ne démontre pas du dépôt de ses statuts en mairie conformément à l'article R 2131-1 du Code du travail et parce qu'il n'est pas justifié du respect des statuts.
En effet, les statuts du syndicat indique dans leur article 8.4 que le conseil d'administration administre le syndicat en prenant toutes les décisions nécessaires à cet effet, en ce compris la ligne de défense aux actions en justice et l'introduction d'action en justice ; à la seule exception de celles qui sont de la compétence exclusive des assemblées générales ordinaires et extraordinaires.
L'article 8.5 prévoit notamment que le président représente le syndicat auprès des tiers, y compris dans le cadre d'action en justice en demande comme en défense.
Or le SEED ne démontre aucunement l'existence d'une décision du conseil d'administration relative à l'intervention volontaire du syndicat dans la présente instance et produit seulement une autorisation donnée par le président, c'est-à-dire M. [T] autorisant M. [T] ou toute personne le représentant à intervenir volontairement dans le cadre de la procédure dont la cour est saisie.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens quant à l'intervention du Syndicat des entreprises d'emplois durables, la nullité de son intervention volontaire doit être constatée.
Sur les demandes du conseil régional de l'ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes
En application de l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable réprime pénalement « l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable ou d'une partie des activités d'expertise comptable ainsi que l'usage abusif de ce titre ou de l'appellation de société d'expertise comptable, de succursale d'expertise comptable ou d'association de gestion et de comptabilité ou de titres quelconques tendant à créer une similitude ou une confusion avec ceux-ci ».
Le même texte dispose :
« Exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre en son propre nom et sous sa responsabilité, exécute habituellement des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes ».
Selon l'article 2 de la même ordonnance :
« Est expert-comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultats.
L'expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. »
L'article 3 indique que le port du titre d'expert-comptable et l'exercice de cette profession nécessite l'inscription au tableau de l'ordre et notamment "un diplôme français d'expertise comptable ou répondre aux conditions prévues aux articles 26 ou 27."
La seule dérogation prévue par l'ordonnance susvisée concerne les salariés de l'entreprise bénéficiaire des travaux de comptabilité.
Le conseil de l'ordre soutient que la sarl Sirac Architecte de vos emplois, malgré de précédentes décisions judiciaires, met à disposition d'entreprises utilisatrices des salariés effectuant des missions relevant de l'activité d'expert-comptable.
La société Sirac soutient que le salarié n'accomplit pas en son nom et sous sa responsabilité les taches confiées par l'entreprise utilisatrice dont il prend les instructions et que dans ce cas, peu importe la nature des taches confiées, elles ne pourront juridiquement pas relever d'un exercice illégal de la profession d'expert-comptable.
Elle soutient que l'entreprise de travail à temps partagé réalise des activités de prêt de main d'oeuvre licite qui se caractérisent par la mise à disposition de salariés auprès d'entreprises utilisatrices, le pouvoir de contrôle et de direction du salarié étant assuré par l'entreprise utilisatrice.
Pour autant, si en application des dispositions de l'article L 1252-7 du Code du travail pendant la durée de la mise à disposition, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions du travail, il doit être rappelé qu'en l'application l'article L 1252-1 dudit code, chaque mission donne lieu à la conclusion de deux contrats, l'un de mise à disposition entre l'entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur ; et le second contrat de travail entre le salarié et son employeur, l'entreprise de travail à temps partagé.
Sirac Architecte de vos emplois est ainsi l'unique employeur des salariés, que cette société met à disposition d'entreprises utilisatrices aux fins d'exécution d'une mission.
La sarl Sirac architecte de vos emplois n'est pas inscrite à l'ordre des experts-comptables.
Or l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable constituant un délit pénal, et la seule exception à l'inscription à l'ordre étant la réalisation des travaux, par des salariés de l'entreprise bénéficiaire, l'exercice d'une l'activité comptable hors du cadre prévu par l'ordonnance du 19 septembre 1945 au plan civil, constitue un trouble manifestement illicite.
Sirac Architecte de vos emplois conteste cependant la réalisation de taches comptables par les salariés qu'elle met à disposition d'entreprises utilisatrices.
Le Conseil de l'ordre des experts comptables produit à l'appui de son action des pièces saisies lors du constat autorisé par requête et notamment :
deux factures de la société Sirac Architecte de vos emplois libellée à l'entreprise de nettoyage maintenance pour les mois de juillet et d'août 2021 et relative à la "Mise à disposition de Mme [J] [S] en tant qu'assistante administrative et comptable" ;
une convention de mise à disposition du 6 janvier 2014 au 31 décembre 2014 de Mme [L] [Y], salariés qualifiés en tant qu'assistante de Direction du CE, entre la société Sirac Architecte de vos emplois et le Comité d'entreprise Eiffage travaux publics Rhone-Alpes Auvergne. L'article 2 "Mission" indiquait notamment que Mme [Y] sera chargée de la "gestion des 'uvres sociales et du budget de fonctionnement, comptabilité, réception et accueil" ;
une convention de mise à disposition du 2 septembre 2019 au 31 août 2020 de Mme [W], en tant qu'assistante, entre la société Sirac Architecte de vos emplois et la société ISV Consulting. L'article 2 "Mission" indique notamment la "gestion administrative courante et classement : traitement des factures clients et fournisseurs, gestion des tableaux de trésorerie..." ;
une convention de mise à disposition du 21 septembre 2020 au 19 mars 2021 de Mme [I], en tant qu'assistante de Gestion, entre la société Sirac Architecte de vos emplois et la société Kestio. L 'article 2 "Mission" indique notamment "enregistrement des factures fournisseurs dans Zoho Books/dropbox, gestion des règlements(...) Rapprochements bancaires, préparations des pièces comptables",(...) liste non exhaustive ;
un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Mme [C], à compter du 2 février 2015, en tant qu'assistante comptable ;
un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de Mme [G], à compter du 11 juillet 2016 en tant qu'assistante comptable.
Il est établi au vu de ces éléments que parmi les prestations proposées par la Sarl architecte de vos emplois, certaines ont porté sur des travaux prévus par l'article 2 de l'ordonnance de 1945.
Au surplus, le procès-verbal de constat consigne les propos de M. [Z] : "M. [E] [Z] nous déclare que les quelques contrats dont nous avons pris copie ne correspondent qu'à une infime proportion de ses salariés alors que la très grande majorité effectue des missions qui n'ont rien à voir avec la comptabilité".
La cour confirmera la décision attaquée en ce qu'elle a ordonné à titre de mesure de remise en état, la cessation de toute prestations, activités, mission de comptabilité relavant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre 1945.
La nécessité d'assurer l'exécution de la décision afin de mettre fin au trouble manifestement illicite justifie également la confirmation de l'astreinte de 1 000 euros par jour passé le délai de 15 jours suivant la signification de la décision sans qu'il soit justifié d'en augmenter le montant comme le sollicite le Conseil régional de l'ordre, l'astreinte devant en outre être limitée à 90 jours au stade du référé.
La cour, en revance, infirmera la décision attaquée s'agissant des publications dans les journaux ordonnées puisque s'apparentant à une sanction et non à une mesure de remise en état destinée à faire cesser le trouble manifestement illicite retenu.
La cour confirmera également la réserve par le premier juge, de la liquidation de l'astreinte.
Sur les mesures accessoires :
L'article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d'office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
La sarl Sirac Architecte de vos emplois qui succombe auprinciapl devra assumer les dépens de première instance comme l'a prévu le premier juge, mais également les dépens de l'appel.
En équité la cour confirmera la condamnation de la société Sirac Architectes de vos emplois au paiement en première instance d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en y ajoutant en cause d'appel une somme de 2 000 euros sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate la nullité de l'intervention volontaire du Syndicat des entreprises d'emploi durable ( Seed),
Infirme la décision attaquée en ce qu'elle a :
- ordonné à la société Sirac Architecte de vos emplois la cessation immédiate de toutes prestations, activités mission de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre 1945, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, qui commencera à courir 15 jours après la signification de la présente décision,
- ordonné la publication du dispositif de la présente décision dans les journaux 'le Progrès de Lyon' et '20 minutes', aux frais de la société Sirac architecte de vos emplois pour un montant maximum de 2 500 euros par insertion,
Et statuant à nouveau :
- ordonne à la société Sirac Architecte de vos emplois la cessation immédiate de toutes prestations, activités mission de comptabilité relevant des activités visées par l'ordonnance du 19 septembre 1945, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée sur une durée de 90 jours qui commencera à courir 15 jours après la signification de la présente décision,
Confirme pour le surplus la décision attaquée,
Condamne la Sarl Sirac Architecte de vos emplois aux dépens d'appel,
Condamne la Sarl Sirac Architecte de vos emplois à payer au Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables Auvergne Rhône-Alpes en cause d'appel, la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT