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13/01/2023 | FRANCE | N°19/06212

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 13 janvier 2023, 19/06212


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/06212 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MSLH





Société KILLIAN SERVICES

C/

[Z]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Juillet 2019

RG : F 16/03821











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 13 JANVIER 2023







APPELANTE :



Société KILLIAN SERVICES

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[Localité 1]



représentée par Me Olivier FOURMANN de la SELARL FOURMANN & PEUCHOT, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nathalie BOYER-SANGOUARD, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[R] [Z] épouse [T]

née le 17 Juillet 1963 à [Localité 6]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/06212 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MSLH

Société KILLIAN SERVICES

C/

[Z]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Juillet 2019

RG : F 16/03821

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

APPELANTE :

Société KILLIAN SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Olivier FOURMANN de la SELARL FOURMANN & PEUCHOT, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nathalie BOYER-SANGOUARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[R] [Z] épouse [T]

née le 17 Juillet 1963 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean SANNIER de la SELARL CABINET SANNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Astrid DE BALATHIER LANTAGE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Octobre 2022

Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La S.A.R.L. Killian Services a pour activité le nettoyage de locaux professionnels, notamment d'hôtels. Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés (IDCC 3043). Elle emploie plus de dix salariés.

Mme [R] [T] a été embauchée par la société Killian Services en qualité d'agent de propreté, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel, à compter du 16 mai 2013. Il était prévu une durée de travail de 11 heures 54 par semaine, soit à titre indicatif 50 heures par mois.

La société Killian Services a décidé de suspendre le contrat de travail de Mme [T] à compter du 12 octobre 2015, au motif que la préfecture du Rhône n'a pas renouvelé le titre de séjour de celle-ci, de nationalité étrangère.

Par la suite, Mme [T] a déposé une demande pour obtenir un nouveau titre de séjour. Elle recevait alors un récépissé, valable du 12 septembre 2016 au 11 mars 2017, période pendant laquelle elle se trouvait dès lors en séjour régulier en France, sans être autorisée à y travailler.

Mme [T] a été licenciée, par lettre recommandée avec accusé réception du 24 octobre 2016, au motif qu'elle n'avait pas le droit de travailler sur le territoire français.

Le 21 décembre 2016, Mme [R] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon, afin de demander la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, et également de contester la régularité et le bien-fondé de son licenciement.

Par jugement du 22 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement de Mme [R] [T] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;

- requalifié le contrat de travail de Mme [R] [T] à temps partiel en un contrat de travail à temps plein ;

- en conséquence, condamné la SARL Killian Services à verser à Mme [R] [T] les sommes suivantes :

- 20 881,83 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er novembre 2013 au 11 octobre 2015

- 2 099,18 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 697,89 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées ;

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toute pièce que l'employeur est tenu de remettre, ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans les limites de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires a été fixée par le conseil de prud'hommes à 1 495,97 euros ;

- débouté Mme [R] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour irrégularité de la procédure de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- débouté la SARL Killian Services de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la SARL Killian Services aux entiers dépens.

La société Killian Services a interjeté appel de ce jugement, par déclaration au greffe par voie électronique le 4 septembre 2019. L'acte d'appel précise que la société demande l'infirmation du jugement, en toutes ses dispositions, qui sont expressément rappelées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2022, la société Killian Services demande à la Cour de :

Sur le licenciement

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [R] [T] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté Mme [T] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents

- déclarer irrecevable la demande d'indemnité forfaitaire spécifique de Mme [T] et, en toute hypothèse, l'en débouter

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a chiffré le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 697,89 euros

Statuant à nouveau,

- fixer le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 547,99 euros

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a requalifié le contrat de travail de Mme [R] [T] à temps partiel en un contrat de travail à temps plein et condamné la société Killian Services au paiement de rappels de salaire et congés payés afférents

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [T] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein

- débouter Mme [T] de sa demande en rappel de salaire et congés payés afférents

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

En toute hypothèse,

- condamner Mme [T] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Killian Services souligne que le fait que Mme [T] n'était plus autorisée à travailler en France constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle prétend que, de ce fait, elle n'avait pas l'obligation de respecter les règles de la procédure de licenciement. Elle considère que la demande de Mme [T] aux fins de recevoir l'indemnité forfaitaire due au salarié étranger est nouvelle, comme n'ayant pas été formulée en première instance. Elle soutient que le contrat de travail à temps partiel de Mme [T] était rédigé conformément aux exigences légales.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 23 septembre 2022, Mme [R] [T], intimée, demande pour sa part à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a requalifié son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein et condamné la SARL Killian Services à lui verser les sommes suivantes :

- 20 881,83 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er novembre 2013 au 11 octobre 2015

- 2 099,18 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 697,89 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon pour le surplus

Statuant à nouveau,

- condamner la société Killian Services à lui verser la somme de 8 972,82 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé

- fixer à 1 495,47 euros bruts le salaire moyen de référence

En outre,

A titre principal,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- en conséquence, condamner la société Killian Services à lui verser les sommes suivantes :

- 13 459,23 euros, soit 9 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 495,47 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 149,54 euros bruts au titre des congés payés afférents

A titre subsidiaire,

- juger que la société Killian Services n'a pas respecté la procédure de licenciement

- en conséquence, condamner la société Killian Services à lui payer la somme de 1 595,97 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que la société Killian Services n'a pas versé l'indemnité forfaitaire spécifique due en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié étranger

- en conséquence, condamner la société Killian Services à lui payer la somme de 4 486,41 euros au titre de l'indemnité forfaitaire

En tout état de cause,

- ordonner que l'ensemble des demandes porte intérêts de droit au taux légal, à compter de la demande en justice

- condamner la société Killian Services à lui payer la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Killian Services aux entiers dépens.

Mme [T] souligne que son contrat de travail, à temps partiel, ne précise pas la répartition de ses heures de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois. Elle n'avait connaissance que le matin même de ses horaires de travail pour la journée. Elle affirme que son licenciement était injustifié, puisqu'elle se trouvait en situation de séjour régulier en France et qu'elle avait justifié de sa démarche auprès de l'autorité administrative auprès de son employeur. Elle ajoute que la procédure de licenciement n'a pas été respectée, dans la mesure où elle n'a jamais été convoquée à un entretien préalable.

La clôture de la procédure est intervenue le 27 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein

L'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de travail de Mme [T], énonce que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit, qui mentionne notamment la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

Le contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel, conclu le 16 mai 2013, mentionne que a durée de travail de Mme [T] « comprendra 11 heures 54 de travail hebdomadaire, soit à titre indicatif, 50 heures de travail par mois, réparties de la façon suivante :

site : Hôtel Première classe à [Localité 5] ' jours et durée journalière du travail : en fonction du planning, pour un total hebdomadaire de 11 heures 54 ».

Il est précisé que « les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont remis au salarié à compter du jour de la signature du présent contrat dans un planning joint en annexe » et encore que « les horaires de travail pour chaque journée travaillée pourront être modifiés par la direction de la société en fonction des nécessité de service. Toute modification sera communiquée au salarié par écrit au moins 48 heures à l'avance. La répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine pourra quant à elle être modifiée conformément à la réglementation applicable ». (pièce n° 1 de l'appelante).

Dès lors, le contrat de travail de Mme [T] était conforme aux prescriptions de l'article L. 3123-14 du code du travail qui n'exige pas, lorsque le contrat prévoit un durée de travail mensuelle, que soit préciser la répartition de la durée du travail entre entre les jours de la semaine (selon l'interprétation de cette disposition légale retenue par la Cour de cassation : Cass. Soc, 25 novembre 2015 ' pourvoi n° 13-26.417). Il est dès lors indifférent que le planning annoncé comme étant joint en annexe du contrat de travail ne soit pas versé aux débats et il n'y a donc pas lieu de présumer qu'il s'agissait d'un contrat de travail à temps complet.

En outre, Mme [T], au-delà de ses allégations, ne démontre pas qu'elle devait travailler chaque jour selon des horaires dont elle n'avait pas eu préalablement connaissance, ce qui lui aurait imposé de rester en permanence à disposition de l'employeur.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé, en ce qu'il procédé à cette requalification et condamné la société Killian Services à payer en conséquence à Mme [T] des sommes d'argent à titre de rappel de salaires pour la période du 1er novembre 2013 au 11 octobre 2015, ainsi qu'au titre des congés payés afférents.

Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

En outre, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail, Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ».

Si l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l'application des dispositions relatives aux licenciements et de l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n'est pas constitutive en soi d'une faute privative des indemnités de rupture.

En l'espèce, la lettre de licenciement, adressée le 24 octobre 2016 à Mme [T], mentionne :

« Nous avons récemment reçu votre nouveau titre de séjour valable jusqu'au 11 mars 2017, cependant, il stipule que vous n'avez pas le droit de travailler sur le territoire français.

De ce fait, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement ».

La Cour retient que la lettre de licenciement, dont les termes fixes les limites du litige et donc sans qu'il y ait lieu de retenir le fait que l'employeur a indiqué dans l'attestation destinée à Pôle-emploi que le motif de la rupture du contrat de travail était un licenciement pour faute grave, vise comme seule cause du licenciement le fait que le tire de séjour de Mme [T] ne l'autorise pas à travailler sur le territoire français, sans jamais qualifier celui-ci de faute grave.

Le fait que le récépissé de demande de titre de séjour produit par Mme [T] (pièce n° 9 de l'appelante) précise qu'elle n'est pas autorisée à travailler sur le territoire français est avéré et constitue une cause objective, réelle et sérieuse du licenciement, le seul fait que la salariée soit en situation régulière au regard des règles du séjour des étrangers en France et interdite de travailler en France à titre temporaire étant à cet égard inopérant. Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point, ainsi que sur le rejet de la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

En premier lieu, le montant de l'indemnité légale de licenciement ne peut pas être inférieur, en application de l'article R. 1234-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, en retenant que l'ancienneté de Mme [T] était de 2 ans et 4 mois d'ancienneté (après déduction de la période correspondant à la suspension du contrat de travail) et que la moyenne des trois derniers mois de salaire était de 710,91 euros (montant le plus favorable à la salariée), à : 710,91 x 1/4 x 2,33 = 414,10 euros.

La société Killian Services offre de payer 547,99 euros. En conséquence, la Cour fixe le montant de l'indemnité de licenciement à 547,99 euros, le jugement du conseil de prud'hommes sera réformé sur ce point.

En deuxième lieu, l'article L. 1234-5 du code du travail prévoit que, sauf en cas de licenciement pour faute grave, le salarié a droit à une indemnité compensatrice, s'il n'a pas exécuté le préavis. Toutefois, ce droit à l'indemnité compensatrice de préavis est conditionné à la possibilité juridique pour le salarié de travailler durant la période de préavis, selon le principe dégagé par la Cour de cassation (Cass. Soc., 28 novembre 2018 ' pourvoi n° 17-13.199), qui s'applique en particulier à la situation du salarié étranger qui a été licencié dès que son employeur a été informé de l'absence d'une autorisation de travailler (Cass. Soc., 3 avril 2019 ' pourvoi n° 17-17.106).

Tel est le cas en l'espèce : le contrat de travail de Mme [T] a été suspendu et, en conséquence, elle n'a plus travaillé pour le compte de la société Killian Services jusqu'au moment où celle-ci, apprenant qu'elle n'était pas à autoriser à travailler en France, a décidé de la licencier. Le jugement du conseil de prud'hommes, en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [T] de ce chef, sera confirmé.

En troisième lieu, il est constant que la société Killian Services n'a pas convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le fait que la salariée n'était plus autorisée à travailler en France ne justifie pas que l'employeur omette de respecter les prescriptions de l'article L 1233-2 du code du travail. Toutefois, Mme [T] ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de l'absence d'entretien préalable. Dès lors, sa demande en dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement mérite d'être confirmé.

En quatrième lieu, la Cour, au visa de l'article 565 du code de procédure civile, analyse la demande de Mme [T] aux fins de recevoir l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8252-2 du code du travail, comme n'étant pas nouvelle et la déclarera donc recevable, même si elle n'a pas été présentée devant les premiers juges, car elle tend aux mêmes fins que les demandes formulées devant le conseil de prud'hommes, sur un fondement juridique différent.

A droit à cette indemnité le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail, c'est à dire sans que ce salarié ne soit muni de l'autorisation à exercer une activité salariée en France.

En l'espèce, le contrat de travail de Mme [T] a été suspendu dès que son employeur a su que son titre de séjour n'était pas renouvelé et elle a été licenciée dès que son employeur a appris qu'elle n'était pas autorisée à travailler en France. Dès lors, Mme [T] n'a jamais été employée par la société Killian Services dans des conditions illicites au sens de l'article L. 8252-2 du code du travail. La demande en indemnité formée sur ce fondement juridique sera donc rejetée.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Mme [R] [T] affirme qu'elle travaillait entre 30 et 35 heures par semaine et qu'elle devait se tenir en permanence à disposition de l'employeur, également que ce dernier n'a pas rémunéré toutes les heures travaillées, pour demander le versement d'une indemnité pour travail dissimulé.

Toutefois, Mme [T] ne produit strictement aucun élément quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies et ne demande d'ailleurs aucune rémunération pour ces heures. En outre, la Cour infirme le jugement du conseil de prud'hommes, en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet. Dès lors, il y a lieu de confirmer le rejet de la demande de Mme [T] en indemnité pour travail dissimulé, celle-ci n'étant pas fondée.

Sur les dépens

Mme [R] [T], partie perdante pour le principal, sera condamnée aux dépens.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Pour un motif tiré de l'équité, les demandes de Mme [T] et de la société Killian Services en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées, en ce qui concerne les frais irrépétibles exposées en première instance et en instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 22 juillet 2019, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Mme [R] [T] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Mme [R] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour irrégularité de la procédure de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 22 juillet 2019, en ce qu'il a :

- requalifié le contrat de travail de Mme [R] [T] à temps partiel en un contrat de travail à temps plein ;

- condamné la SARL Killian Services à verser à Mme [R] [T] les sommes suivantes :

- 20 881,83 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er novembre 2013 au 11 octobre 2015

- 2 099,18 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 697,89 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la SARL Killian Services de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la SARL Killian Services aux dépens

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Déclare recevable la demande de Mme [T] relative à l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8252-2 du code du travail ;

Rejette les demandes de Mme [R] [T] en paiement d'un rappel de salaires et des congés payés afférents pour la période du 1er novembre 2013 au 11 octobre 2015 ;

Rejette la demande de Mme [T] relative à l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8252-2 du code du travail ;

Condamne la SARL Killian Services à payer à Mme [R] [T] la somme suivante de 547,99 euros, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, au titre de l'indemnité de licenciement ;

Condamne Mme [R] [T] aux dépens de première instance et de l'instance d'appel ;

Rejette les demandes de Mme [R] [T] et de la société Killian Services en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qui concerne les frais irrépétibles exposées en première instance et en instance d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/06212
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;19.06212 ?
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