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13/01/2023 | FRANCE | N°19/06065

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 13 janvier 2023, 19/06065


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/06065 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR6U





[G]

C/

Société AMBUL'AIN ASSOCIES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 11 Juillet 2019

RG : 18/00263











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 13 JANVIER 2023







APPELANT :



[H] [G]

né le 02 Novembre 19

71 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Delphine BOURGEON, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société AMBUL'AIN ASSOCIES

[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHIL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/06065 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR6U

[G]

C/

Société AMBUL'AIN ASSOCIES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 11 Juillet 2019

RG : 18/00263

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

APPELANT :

[H] [G]

né le 02 Novembre 1971 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Delphine BOURGEON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société AMBUL'AIN ASSOCIES

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Sandrine CAILLON PELLEGRINELLI, avocat plaidant inscrit au barreau d'AIN substitué par Me Patricia IARUSSI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Octobre 2022

Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La S.A.R.L. Ambul'Ain exerce l'activité de transport sanitaire en ambulance ou en véhicule sanitaire léger. Elle applique la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport (IDCC 16). Elle a embauché M. [H] [G] en qualité d'ambulancier (diplômé d'Etat), dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 4 juillet 2016.

Par courrier du 8 mars 2017, M. [G] a donné sa démission, notamment après que son employeur a déposé plainte contre lui du chef de vol d'un défibrillateur dont son ambulance était dotée, alors que lui contestait être l'auteur de ce fait.

Le 9 novembre 2017, M. [H] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse aux fins principalement de voir requalifier sa démission en prise d'acte de rupture aux torts de la société Ambul'Ain.

Par décision du 13 septembre 2018, sur demande de l'avocat de M. [G], le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire.

Après réinscription de l'affaire au rôle de la juridiction le 2 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, par jugement du 11 juillet 2019, a :

- dit et jugé que la demande de requalification de la démission de M. [G] en prise d'acte de rupture est infondée ;

- ne prononce pas la requalification de la démission de M. [G] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit que la demande d'exécution provisoire du présent jugement formulée par M. [G] n'est pas recevable ;

- condamné M. [G] à verser à la société Ambul' Ain la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

M. [G] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration formée par voie électronique le 22 août 2019. L'acte d'appel précise qu'il est demandé l'infirmation du jugement, en toutes ses dispositions, qui sont expressément rappelées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, portant le n° 2, notifiées le 31 août 2022, M. [H] [G], désigné actuellement sous l'état civil suivant : [M] [K] [Y], demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions

- prononcer la requalification de la démission de M. [G] alias [M] [K] [Y] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la société Harmonie Ambulance à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts légaux à compter de l'audience de conciliation :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 592,54 euros au titre de l'indemnité de préavis de licenciement, outre 159,25 euros au titre des congés payés afférents

Au surplus,

- condamner la société Harmonie Ambulance à lui payer les sommes suivantes :

- 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Harmonie Ambulance aux entiers dépens.

M. [M] [Y] fait valoir que, dans sa lettre de démission, il imputait à son employeur un comportement fautif, pour l'avoir faussement accusé de vol en déposant plainte auprès des services de police. Il ajoute qu'il a d'ailleurs fait délivrer une citation directe devant le tribunal correctionnel à l'encontre de M. [A], responsable départementale de la société Ambul'Ain, du chef de dénonciation calomnieuse. Il ajoute encore que M. [A] s'est montré déloyal en tentant de le déstabiliser. Il soutient qu'il a subi un important préjudice financier, puisqu'il a déménagé dans l'Ain lorsqu'il a été embauché et qu'il a de nouveau déménagé pour retourner dans sa région d'origine, lorsqu'il a démissionné.

Dans ses dernières conclusions, portant le n° 3, notifiées le 26 septembre 2022, la société Harmonie venant aux droits de la société Ambu'Ain, intimée, demande pour sa part à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boug-en-Bresse le 11 juillet 2019 en toutes ses dispositions

- débouter M. [H] [G], désigné actuellement sous l'état civil suivant: [M] [K] [Y], de l'ensemble de ses demandes

A titre reconventionnel,

- condamner M. [H] [G], désigné actuellement sous l'état civil suivant : [M] [K] [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [H] [G], désigné actuellement sous l'état civil suivant : [M] [K] [Y], aux dépens de l'instance.

La société Harmonie soutient que M. [G] ne démontre pas que son employeur a eu un comportement inapproprié, de nature à justifier que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La clôture de la procédure est intervenue le 27 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Toutefois, lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte qui produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, M. [G], désormais connu sous le nom de [Y], a indiqué, dans le courrier adressé à son employeur le 8 mars 2017 (pièce n° 7 de l'appelant), qu'il démissionnait, en précisant respecter le préavis conventionnel de 7 jours et ne pas avoir d'autre choix que celui-ci, dans la mesure où il avait été accusé « d'être un voleur », son domicile avait été perquisitionné et il avait vécu cette affaire comme une humiliation. Il s'en déduit que M. [Y] a démissionné parce qu'il reprochait à son employeur de l'avoir faussement accusé de vol ; cette démission s'analyse donc en une prise d'acte de rupture du contrat de travail.

S'agissant des accusations de vol, M. [O] [A], supérieur hiérarchique de M. [Y], a déposé plainte contre ce dernier, le 26 janvier 2017 au commissariat de police de [Localité 5]. M. [Y] lui avait signalé, le matin du 8 janvier 2017 (pièce n° 13 de l'intimée), qu'une ambulance de la société Ambul'Ain était dépourvu de défibrillateur, alors même que cet équipement était présent la veille, selon les dires d'une autre salariée. M. [A] soulignait que M. [Y] lui avait dit qu'il avait constaté l'absence du défibrillateur en présence de sa coéquipière, Mme [R] [E], ce que cette dernière avait démenti. M. [A] ajoutait que M. [C], auto-entrepreneur ambulancier, lui avait dit le 10 janvier 2017 que M. [Y] avait proposé quinze jours auparavant de lui vendre un défibrillateur. Par ailleurs, M. [A] indiquait qu'il avait reçu des appels d'autres sociétés d'ambulances, qui souhaitaient s'informer au sujet de M. [Y], ce dernier ayant postulé pour occuper un emploi chez l'une ou l'autre. M. [A] déclarait que, le 25 janvier 2017, M. [Y] était passé à l'agence et lui avait dit qu'il souhaitait démissionner, car il devait quitter rapidement la région (pièce n° 24 de l'appelant).

Entendu par les enquêteurs le 16 février 2017, M. [Y] a contesté les faits de vol, expliquant que, selon lui, cette affaire était montée de toutes pièces « pour obtenir un motif légal de licenciement » (pièce n° 25 de l'appelant).

Trois salariés de la société Ambu'Ain, Mme [L] [S], Mme [I] [D] et M. [N] [T], ont déclaré aux fonctionnaires de police qu'ils avaient entendu parler des accusations de vol portées contre M. [Y], lesquelles étaient selon eux infondées ou fantaisistes, Mme [S] précisant même que M. [A] alimentait une rumeur à ce sujet et M. [T] qu'il avait entendu dire que cela faisait longtemps que le défibrillateur ne se trouvait plus dans l'ambulance (pièces n° 8, 28 et 29 de l'appelant).

L'enquête pénale a été clôturée le 12 février 2018 et classée sans suite par le procureur de la République de Bourg-en-Bresse le 15 juin 2018, au motif que les preuves recueillies ne sont pas suffisantes pour que l'infraction dénoncée soit caractérisée (pièces n° 36 et 53 de l'appelant).

Il est constant que le défibrillateur signalé comme disparu par M. [Y] lui-même n'a pas été retrouvé.

Il résulte de l'attestation de Mme [R] [E], auxiliaire ambulancière, que cette dernière était dans les locaux de l'entreprise mais non pas aux côtés de M. [Y], quand ce dernier avait annoncé avoir constaté la disparition du défibrillateur (pièce n° 13 de l'intimée).

Par mail adressé le 6 octobre 2017 par M. [W] [C] à M. [A], le premier indiquait au second qu'il avait acheté à M. [Y] un sac d'urgence en décembre 2016 mais qu'il n'avait pas acquis le défibrillateur que ce dernier lui avait par ailleurs proposé, au prix de 700 ou 800 euros (pièce n° 35 de l'intimée).

Dans ces circonstances, M. [Y] ne démontre pas que son employeur ait agi de manière fautive lorsqu'il a déposé plainte contre lui, à plus forte raison que l'affaire du vol du défibrillateur ait été montée « de toutes pièces », comme il l'avait prétendu devant les fonctionnaires de police. La prise d'acte de rupture, exprimée le 8 mars 2017, emporte en conséquence les effets d'une démission. Le rejet des demandes de M. [Y] en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de préavis de licenciement et des congés payés afférents, mérite d'être confirmé.

Sur les demandes accessoires de l'appelant en dommages et intérêts

M. [Y] soutient que son employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail : M. [A] a déposé plainte contre lui, outre celle du chef de vol, pour avoir fait installer un téléphone dans son véhicule personnel et avoir commandé des pneumatiques pour équiper ce même véhicule personnel, le tout aux frais de la société. Par ailleurs, selon M. [Y], M. [A] exerçait sur lui des pressions de manière quotidienne, ce qu'il a dénoncé par courrier du 12 janvier 2017 adressé au gérant de la société Ambul'Ain (pièce n° 4 de l'appelant). De manière plus précise, M. [Y] a alors indiqué qu'il ne voulait plus assurer les permanences du week-end parce que M. [A] l'avait accusé de faire disparaître divers équipements, justement à l'occasion de ces permanences.

Toutefois, la Cour relève que M. [Y] a déclaré devant les fonctionnaires de police que c'était par erreur que l'entreprise qui avait installé le téléphone portable dans son véhicule personnel avait adressé la facture à la société Ambul'Ain et qu'il n'avait pas d'explication sur le fait que l'entreprise auprès de qui il avait commandé verbalement des pneumatiques pour son véhicule personnel avait, elle aussi, adressé la facture à son employeur (pièce n° 25 de l'appelant). Concernant le second grief, M. [Y] ne démontre pas la matérialité du comportement qu'il impute à M. [A], à savoir que ce dernier lui aurait reproché la disparition d'équipements à l'issue des permanences de week-end.

En définitive, M. [Y] ne démontre pas que son employeur ait exécuté de manière déloyale le contrat de travail ; le rejet de sa demande de dommages et intérêts de ce chef mérite d'être confirmé.

S'agissant de la prétention à obtenir réparation d'un préjudice distinct, à savoir les frais engendrés par son déménagement consécutif à la rupture de son contrat de travail, la Cour ayant qualifié cette dernière de prise d'acte ayant les effets d'une démission, l'employeur n'est pas responsable de ce préjudice allégué. Le rejet de sa demande de dommages et intérêts de ce chef mérite également d'être confirmé.

Sur les dépens

M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de rejeter la demande de M. [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un motif tiré de l'équité, M. [Y] sera condamné à payer la somme de 2 000 euros à la société Harmonie Ambulance, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du 11 juillet 2019 du conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, en toutes ses dispositions déférées, sauf à dire que la prise d'acte de rupture du 8 mars 2017 emporte les effets d'une démission ;

Ajoutant,

Condamne M. [M] [Y] aux dépens de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de M. [M] [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [Y] à payer à la société Harmonie Ambulance la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/06065
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;19.06065 ?
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