AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/05328 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQKA
[N] [S]
C/
Société POMONA
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 25 Juin 2019
RG : 16/03074
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 13 JANVIER 2023
APPELANT :
[P] [N] [S]
né le 01 Juillet 1961 à Irak
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Malik NEKAA de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nathalie BOUVIER, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société POMONA
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substitué par Me Xavier BLUNAT, avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Octobre 2022
Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Béatrice REGNIER, président
- Catherine CHANEZ, conseiller
- Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
M. [P] [N] [S] a été engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée le 10 avril 2007 par la SA Pomona en qualité de chauffeur livreur.
Il a fait l'objet de plusieurs arrêt de travail à compter de la fin de l'année 2013.
Deux déclarations d'accident du travail ont été faites pour des blessures des 5 novembre 2013 et 29 décembre 2014, dont la caisse primaire d'assurance maladie a refusé la prise en charge à ce titre.
A l'issue de deux visites de reprise des 2 et 18 mars 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et a dit qu'il pourrait être affecté à un poste de conduite sans montées/descentes répétées du camion et sans manutention manuelle lourde.
Après avoir été convoqué le 5 avril 2016 à un entretien préalable fixé au 14 avril suivant, il a été licencié pour inaptitude et impossbilité de reclassement le 19 avril 2016.
Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 16 septembre 2016 le conseil de prud'hommes de Lyon qui, par jugement du 25 juin 2019, a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses prétentions.
Par déclaration du 23 juillet 2019, M. [N] [S] a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.
Par conclusions transmises par voie électronique le 27 février 2020, M. [N] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- dire que son inaptitude est d'origine professionnelle ;
- dire que son licenciement est nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse;
- condamner la SA Pomona à lui payer les sommes de :
- 42 984 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 014,57 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,
- 3 582 euros, outre 358,20 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- condamner la SA Pomona à payer à son conseil Maître NekM. [N] [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement d ela loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Il soutient que :
- son inaptitude est liée à l'accident du travail dont il a été victime le 29 décembre 2014 ; qu'il a en effet à cette date fait une chute sur le genou droit alors qu'il était en livraison et que la gonalgie droite à l'origine de son inaptitude est la conséquence de cette chute ; qu'il a dès lors droit aux indemnités spéciales de rupture prévues en cas d'inaptitude d'origine progessionnelle ; que par ailleurs son licenciement est nul faute de consultation préalable des délégués du personnel ;
- subsidiairement, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l'absence de recherches sérieuses de reclassement et de preuve de l'absence de poste disponible au sein du groupe auquel la SA Pomona appartient.
Par conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2019, la SA Pomona demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Elle fait valoir que :
- l'inaptitude de M. [N] [S] n'est pas d'origine professionnelle ; que la matérialité de l'accident du travail survenu le 29 décembre 2014 n'est pas démontrée ;
- elle n'a pas failli à son obligation de reclassement ; qu'il n'existait au sein de l'entreprise et du groupe auquel elle appartient aucune poste disponible adapté aux compétences professionnelles et capacités physiques restantes du salarié.
SUR CE :
- Sur les indemnités spéciales de rupture :
Attendu que M. [N] [S] demande le paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ainsi que de l'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis prévues à l'article L. 1226-14 du code du travail en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ;
Attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l' inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ;
Attendu que, si M. [N] [S] prétend que son inaptitude est la conséquence d'un accident du travail survenu le 29 décembre 2014, la réalité de l'accident du travail n'est pas établie ; qu'ainsi que l'a mis en évidence le 14 septembre 2015 la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône saisie d'un recours contre la décision de la caisse rejetant la demande de reconnaissance d'un accident de travail, il n'existe aucun témoin du sinistre allégué, aucune constatation médicale n'a été faite le 29 mars et il n'est justifié d'aucune information de l'employeur à cette date ; que la matérialité de la chute dont aurait été victime M. [N] [S] le 29 mars 2014 au cours d'une livraison, et donc de la survenance de la blessure sur le lieu et par le fait ou à l'occasion du travail, n'est ainsi pas démontrée ; que les seules circonstances que plusieurs certificats ou compte-rendus médicaux font état d'une chute d'un camion, que les fiches de paie suivant l'arrêt de travail initial portent la mention 'acc travail' sont insuffisantes à en établir la démonstration, alors même que les médecins n'ont pu se baser que sur les déclarations de M. [N] [S] et que les bulletins de salaire sont simplement conformes à la déclation d'accident du travail effectuée ;
Attendu que, par suite, et par confirmation, la cour retient que l'inaptitude de M. [N] [S], et, partant, son licenciement, ne sont pas d'origine professionnelle et rejette les demandes en paiement d'indemnités spéciales de rupture ;
- Sur le licenciement :
- Sur la nullité du licenciement :
Attendu que, dans la mesure où l'origine professionnelle de l'inaptitude n'a pas été retenue, la demande présentée à ce titre, motivée par le non-respect de l'obligation de consultation préalable des délégués du personnel en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, n'est pas fondée ; que la cour observe au surplus que, même dans l'hypothèse d'un manquement à ce titre, le licenciement n'est pas nul mais ouvre droit au paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail dans sa rédaction applicable ; que M. [N] [S] est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
- Sur le caractère réel et sérieux du licenciement :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : 'Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.' ;
Que la recherche doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que la notion de groupe, qui détermine le périmètre de l'obligation de reclassement, se distingue du groupe au sens du droit commercial, puisque le critère déterminant y est la permutabilité du personnel, en sorte que l'existence d'un groupe peut être admise sans qu'aucun lien sociétaire ne fut établi, des liens de fait entre les activités tenant à la personne de l'employeur ou à une gestion commune des diverses sociétés étant suffisants ;
Que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue ;
Que la sanction de la violation de l'obligation de reclassement édictée par l'article L. 1226-2 susvisé se traduit par le versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, par des motifs pertinents que la cour adopte, le conseil de prud'hommes a à juste titre considéré que les recherches de reclassement menées par la SA Pomona avaient été sérieuses et qu'il n'existait, à la date du licenciement, aucun poste correspondant aux compétences de M. [N] [S] et étant adapté à son état de santé et aux restrictions émises par le médecin du travail ; que la cour observe que l'ensemble des sociétés appartenant aux différents réseaux du groupe a bien été contacté par l'employeur - M. [N] [S] n'indiquant aucunement quelle société aurait pu être omise et les pièces 24 et 25 qu'il fournit confirmant que les réseaux correspondent à ceux mentionnés sur le tableau récapitulatif figurant en pièce 9-2 de la SA Pomona ; que les offres d'emploi invoquées par le salarié - pour une période plus étendue que celle au cours de laquelle la société était soumise à l'obligation de reclassement - ne portent pas sur des postes auxquels il aurait pu être affecté au regard de ses compétences et de ses capacités physiques restantes ; que sur ce dernier point les premiers juges ont notamment noté avec justesse que les postes de préparateur de commande, de réceptionnaire et de chauffeur-livreur comprennent des tâches de manutention lourde et/ou de montées/descentes fréquentes du camion ;
Attendu que, par suite, et par confirmation, la cour retient que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute M. [N] [S] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ;
- Sur les frais irrépétibles :
Attendu que M. [N] [S], qui succombe en ses prétentions, est débouté de sa réclamation à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré,
Ajoutant,
Déboute M. [P] [N] [S] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique,
Condamne M. [P] [N] [S] aux dépens d'appel,
Le Greffier La Présidente