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13/01/2023 | FRANCE | N°19/05183

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 13 janvier 2023, 19/05183


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/05183 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MP7M





[H]

C/

Société DAI







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Juin 2019

RG : 17/00966











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 13 JANVIER 2023







APPELANTE :



[K] [H]

née le 01 Avril 1973 à [Localité 6]

[A

dresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Carole CHAMPIGNY de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON substituée par Me Marion CELARD, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société DAI

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Laurent LIGIER ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/05183 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MP7M

[H]

C/

Société DAI

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Juin 2019

RG : 17/00966

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

APPELANTE :

[K] [H]

née le 01 Avril 1973 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Carole CHAMPIGNY de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON substituée par Me Marion CELARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société DAI

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Laurent BELJEAN de l'AARPI AERYS AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substitué par Me Faïssel BEN OSMANE, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Octobre 2022

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Mme [K] [H] a été engagée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée le 18 février 2013 par la SAS Distribution Aménagement et Isolation (DAI) en qualité d'attaché technico-commerciale (ATC).

Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé au 19 février 2015, elle a été licenciée le 5 mars suivant pour cause réelle et sérieuse.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, elle a saisi le 7 août 2015 le conseil de prud'hommes de Lyon qui, par jugement du 24 juin 2019, a dit que le licenciement est fondé, a débouté la salariée de ses prétentions et a rejeté la demande de la SAS DAI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 juillet 2019, Mme [H] a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

Par conclusions transmises par voie électronique le 16 mars 2021, Mme [H] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SAS DAI à lui payer les sommes de :

- 13 185,67 euros brut, outre 1 318,57 euros brut de congés payés, à titre de rappel de prime variable,

- 270,83 euros net à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et étant capitalisés,

- 25 000 euros net à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner sous astreinte la SAS DAI à lui remettre des bulletins de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément au rappel de salaire et à la contrepartie de la caluse de non-concurrence ;

- ordonner le remboursement par la SAS DAI des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois.

Elle soutient que :

- le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où les objectifs assignés pour 2014 étaient irréalisables, où aucun élément ne vient établir que le chiffre d'affaire réalisé n'aurait pas été satisfaisant, où l'absence de prospection reprochée n'est pas démontrée et où les moyens mis à sa dispostion étaient insuffisants ;

- elle a droit au maximum de la prime variable prévu dans la mesure où aucun objectif ne lui avait été fixé en 2013, où ceux assignés en 2014 et 2015 étaient irréalisables et où le mode de calcul des primes versées n'est pas expliqué ; qu'un complément d'indemnité de licenciement est par voie de conséqunce dû.

Par conclusions transmises par voie électronique le 16 janvier 2020, la SAS DAI demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, subsidiairement de limiter les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 13 766 euros brut et de condamner Mme [H] à lui verser 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le licenciement est fondé ; que l'insuffisance professionnelle de Mme [H] , qui était peu impliquée et ne faisait pas assez de visites et de prospection malgré l'accompagnement dont elle bénéficiait, est démontrée ; que par ailleurs la salariée n'a pas atteint les résultats qui lui avaient été fixés et qui n'étaient pas irréalisables ;

- Mme [H] a été remplie de ses droits au paiement de la prime variable ; que ses objectifs avaient été fixés et étaient réalisables ; que le calcul des montants versés ont été justifiés.

SUR CE :

- Sur le licenciement :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Que l'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification ; qu'elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi ;

Que si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci ;

Qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié ;

Attendu qu'en l'espèce la lettre de licenciement du 5 mars 2015, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, fait grief à Mme [H] d'une diminution du chiffre d'affaire réalisé en 2014, par rapport à celui de 2013, de la non-atteinte de l'objectif fixé pour 2014, d'une insuffisance de développement de la clientèle existante et d'une insuffisance de prospection ;

Attendu qu'il résulte du courriel et du tableau des résultats produits en pièces 12 et 13 par la SAS DAI qu'alors que Mme [H] avait pour objectif la réalisation d'un chiffre d'affaires de 2 173 000 euros pour l'année 2014 elle a généré un simple chiffre d'affaires de 1 291 350 euros ;

Que le défaut d'atteinte d'objectifs reproché à la lettre de rupture, de même que celui portant sur la baisse de chiffre d'affaires par rapport à celui atteint en 2013 (1 319 177 euros), sont donc matériellement établis ; que la cour observe Mme [H] ne conteste pas expressément le chiffre d'affaires 2014 sauf à prétendre que 500 000 euros correspondant aux chiffres d'affaires concernant les clients Millet et Optima devraient être être ajoutés aux 1 291 350 euros retenus ; que toutefois le chiffre d'affaires du client Millet a été bien inférieur aux 300 000 euros invoqués par la salariée tandis que celui du client Optima ne peut être pris en compte du fait du retrait du portefeuille de l'intéressée - motivé un conflit d'intérêts puisque le gérant d'Optima est son conjoint ;

Que par ailleurs le défaut d'atteinte d'objectifs est bien constitutif d'une insuffisance de résultats que la SAS DAI est bien fondée à reprocher à sa salariée dans la mesure où, contrairement aux allégations de cette dernière, il n'est nullement démontré que les objectifs fixés auraient été irréalisables ; qu'en effet, à l'appui de ses affirmations, Mme [H] se borne à invoquer le fait que ses objectifs pour 2014 ont été bien supérieurs au chiffre d'affaires réalisés en 2013 et que le portefeuille de clients confié au moment de son embauche avait un potentiel réduit ; que toutefois, sur le premier point, la SAS DAI observe avec justesse qu'aucun objectif n'avait été formellement assigné à la salariée en 2013 afin de lui permettre de prendre la mesure de son nouveau poste ; qu'en revanche les objectifs 2014 assignés aux autres ATC étaient pour la plupart supérieurs à celui fixé à Mme [H]; que c'est ainsi que les objectifs des ATC des agences de [Localité 5] oscillaient entre 1 910 000 et 4 150 000 euros tandis que ceux des ATC d'autres agences de la zone étaient compris entre 1 880 000 et 4 650 000 euros ; que, sur le second point, les documents fournis ne démontrent en rien que le portefeuille de clients confié à son embauche aurait été à faible potentiel ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, il figure sur le tableau remis à l'embauche que son portefeuille incluait, à concurrence de presque la motié, des clients identifiés comme à potentiel, voire même certains à fort potentiel ; que la société remarque en outre à juste titre que la salariée ne s'est jamais plainte du portefeuille confié ;

Attendu qu'il résulte ensuite des pièces produites par la SAS DAI que Mme [H] a fait preuve de carences dans le suivi commercial et le développement de sa clientèle, son manque d'implication étant à l'origine de son insuffisance de résultats ; que c'est ainsi que son chef de site M. [T] [Z] lui a lors d'un entretien du 26 septembre 2014, dont la teneur est confirmée par un courrier du 6 octobre suivant, reproché un manque de visites clients, 41 clients n'ayant pas été visités depuis début 2014 et 32 clients n'ayant connu qu'entre 1 et 7 visites depuis début 2013 ; qu'il lui a lors été demandé de changer au plus vite cette situation, un plan concret lui étant fixé avec des mesures d'accompagnement (points hebdomadaires, aide sur l'utilisation du logiciel Cloé) ; que lors d'un nouvel entretien du 13 novembre 2014, dont la teneur est confirmée par un courrier du 10 décembre suivant, M. [Z] a constaté que les exigences fixées le 6 octobre n'avaient pas été remplies, 23 clients n'ayant toujours pas été vus, les points sur le potentiel achat n'ayant été réalisés que pour 4 clients sur 7 et 7 clients sur les 15 concernés n'ayant pas eu le tarif ; qu'un plan d'action lui a été demandé le 12 janvier 2015 pour le 19 janvier suivant mais qu'aucun document n'a été remis à cette date tandis que le plan remis le 26 janvier était très insuffisant - seuls 12 clients étant listés, pour lesquels seulement 6 d'entre eux auraient été contactés; que dans un ultime entretien du 2 février 2015 M. [Z] a déploré le manque de progression de Mme [H] et le caractère peu concluant du plan d'action ;

Que, si Mme [H] impute la responsabilité de ses carences à M. [Z], les courriels isolés qu'elle fournit à ce titre sont insuffisants à en établir la démonstration ; que la salariée n'établit pas davantage avoir manqué de soutien et de moyens dans l'exercice de ses fonctions, alors même qu'elle n'a pas mis à profit le plan d'action qui était mis en place par son chef de site ;

Attendu que, compte tenu de la persistance des carences de la salariée en dépit des instructions fournies par son chef de site, la cour retient que l'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats relevées à son encontre justifiaient son licenciement ; que, par confirmation, Mme [H] est dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Sur le rappel de prime variable et d'indemnité de licenciement :

Attendu que le contrat de travail de Mme [H] prévoit en son article 3 qu'elle est susceptible de bénéficier d'une prime variable sur résultat 'dont les modalités d'attribution sont fixées chaque année par l'entreprise' ;

Attendu que, s'agissant de la prime pour l'année 2013, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un objectif aurait été fixé à Mme [H] ; que les modalités de calcul ne lui ont pas davantage été expliquées ; que la salariée est dès lors bien fondée à réclamer, pour cette période, le maximum de l'indemnité à laquelle elle aurait pu prétendre prorata temporis ; que, dans la mesure, où, pour les années suivantes, le montant maximal de la prime a été de 6 500 euros brut annuel, il était dû à la salariée la somme de 5 900 euros brut ; qu'ayant perçu 841 euros brut, il lui revient 5 059 euros brut, outre 505,90 euros de congés payés ; que ces montants produiront intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015, date de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, et que les intérêts seront capitalisés ;

Attendu que, s'agissant de la prime pour les années 2014 et 2015, les objectifs assignés à Mme [H] n'étaient pas irréalisables ainsi qu'il a été dit plus haut ; que par ailleurs la salariée ne précise pas en quoi, compte tenu de ses résultats tels que communiqués par la SAS DAI et des modalités de calcul de la prime telles que détaillées dans des fiches descriptives signées de sa part, elle n'aurait pas été remplie de ses droits, alors même que, selon le premier alinéa de l'article 1353 du code civil, 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.' ; que la demande présentée à ce titre est donc rejetée, de même que celle afférente au rappel de l'indemnité de licenciement, calculée sur la base des revenus de 2014 ;

- Sur la remise des documents sociaux rectifiés :

Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, il est fait droit à cette réclamation, y compris en ce qui concerne la mention de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence - laquelle a la nature d'une indemnité compensatrice de salaire ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à Mme [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, excepté en ce qu'il a débouté Mme [K] [H] de ses demandes de rappel de prime variable pour l'année 2013, de remise des documents sociaux rectifiés, d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Condamne la SAS DAI à payer à Mme [K] [H] les sommes de :

- 5 059 euros brut, outre 505,90 euros de congés payés, à titre de rappel de prime variable pour l'année 2013, ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015 et les intérêts étant capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

Ordonne à la SAS DAI de remettre à Mme [K] [H] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés comportant le rappel de salaire susvisé et la contrepartie à la clause de non-concurrence versée,

Dit qu'à défaut d'exécution volontaire dans le mois de la signification du présent arrêt, elle sera contrainte de s'exécuter sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et par document, l'astreinte étant limitée à six mois

, délai au-delà duquel il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution pour qu'il soit de nouveau fait droit,

Condamne la SAS DAI aux dépens de première instance et d'appel,

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/05183
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;19.05183 ?
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