AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/02457 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQBI
S.A.S. [6] ([6])
C/
CPAM DE L'AIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de BOURG EN BRESSE
du 24 Février 2021
RG : 20/00308
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
APPELANTE :
S.A.S. [6] ([6])
(Assurée : [H] [P])
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Anne BAUJARD, avocat au barreau de LYON
(Accident de travail de Mme [P])
INTIMEE :
CPAM DE L'AIN
Pôle des affaires juridiques
[Adresse 3]
[Localité 1]
dispensée de comparaître
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Octobre 2022
Présidée par Vincent CASTELLI, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [H] [P] (la victime), salariée de la société [5] (l'employeur), mise à la disposition de la société [6] (la société utilisatrice), a été victime d'un accident du travail le 1er mars 2016.
Le 10 juillet 2020, l'employeur a saisi d'un recours le pôle social du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en contestation de la décision du 14 novembre 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain (la caisse) attribuant à la victime un taux d'incapacité permanente partielle de 12 %, à la date de consolidation, pour une «Limitation douloureuse modérée de la mobilité de l'épaule droite chez une droitière ».
A l'audience du 20 janvier 2021, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au docteur [L].
L'employeur a sollicité la réduction du taux d'incapacité permanente partielle à 8 %.
La société utilisatrice a également sollicité la réduction du taux d'incapacité permanente partielle à ce quantum.
La caisse a sollicité la confirmation de sa décision.
Par jugement du 24 février 2021 (RG n° 20/00308), le tribunal a dit qu'à la date de la consolidation, le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur et à la société utilisatrice, à la suite de l'accident du travail de la victime du 1er mars 2016, est de 12 %.
Par lettre recommandée du 2 avril 2021, la société utilisatrice a relevé appel du jugement en intimant seulement la caisse.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 12 octobre 2022 et oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société utilisatrice demande à la cour de juger son appel recevable, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
A titre principal :
- ramener le taux d'incapacité permanente partielle de 12 % à 8 % ;
A titre subsidiaire :
- ordonner avant-dire droit, une expertise médicale sur pièces ;
- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et rectifier le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime.
La société utilisatrice soutient que la procédure étant orale, les écritures et pièces d'une partie ne peuvent, selon l'article 446-2 du code de procédure civile, être écartées des débats que lorsqu'elles ont été communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et seulement lorsque la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense. Elle souligne que la caisse ayant établi des conclusions en réplique le 6 octobre 2022, aucune atteinte aux droits de la défense ne peut être alléguée. La société utilisatrice estime par ailleurs avoir qualité à agir en vertu de l'article 31 du code de procédure civile, dès lors que le taux d'incapacité de la victime a été imputé sur son relevé de compte employeur à hauteur d'un tiers, lui conférant donc intérêt à agir. Au fond, la société utilisatrice, reprenant l'avis de son médecin conseil, soutient que l'examen par le praticien conseil du contrôle médical n'a pas été réalisé dans les règles de l'art, seuls trois mouvements sur six ayant été explorés. Par ailleurs, elle relève qu'aucune amyotrophie n'a été constatée. Elle estime enfin que la motivation des premiers juges est inexistante. Subsidiairement, elle considère qu'une mesure d'expertise médicale serait nécessaire si la cour s'estimait insuffisamment informée.
Par décision du 30 septembre 2022, à sa demande, la caisse a été dispensée de comparaître à l'audience des débats.
Par des écritures du 6 octobre 2022, reçu au greffe le 13 octobre 2022, la caisse a demandé à la cour de :
A titre principal :
- rejeter le recours de la société utilisatrice pour appel non soutenu et, en toute hypothèse, irrecevable ;
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement querellé.
La caisse soutient que la société utilisatrice n'a communiqué ses écritures et pièces qu'en date du 5 octobre 2022, soit bien au-delà de la date prévue selon le calendrier de procédure fixé par la cour, portant ainsi atteinte aux droits de la défense. Elle demande dès lors à la cour d'écarter l'ensemble des prétentions, moyens et pièces produites par l'appelante. La caisse soutient en toute hypothèse que la société utilisatrice, qui n'est pas l'employeur juridique de la victime, n'est pas recevable à contester le taux d'incapacité permanente partielle retenu par la caisse. Subsidiairement, elle estime que le taux retenu a été correctement évalué et est conforme au barème applicable.
La cour, à l'audience des débats, a expressément relevé d'office la question de la qualité à agir de la société utilisatrice.
La société utilisatrice, se référant oralement à ses écritures précitées, a conclu, sur ce point, à la recevabilité de son appel.
L'arrêt est contradictoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel de la société utilisatrice
- Sur le respect du principe du contradictoire
Selon l'article 446-2 in fine du code de procédure civile, le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.
En l'espèce, il est constant que, selon calendrier de procédure communiqué aux parties le 10 septembre 2021, la société utilisatrice, appelante, devait conclure au plus tard le 6 avril 2022, d'une part, et que celle-ci n'a communiqué ses conclusions à la partie adverse que le 5 octobre 2022, sans alléguer de motif légitime, d'autre part.
Cependant, comme le relève la société utilisatrice, la caisse, intimée, a été en mesure de répliquer aux écritures adverses par des conclusions établies le 6 octobre 2022, en vue de l'audience du 14 octobre 2022.
La tardiveté de la communication par l'appelante de ses prétentions, moyens et pièces n'a donc pas porté atteinte aux droits de la défense et, en conséquence, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.
- Sur la qualité à agir de la société utilisatrice
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Selon une jurisprudence bien établie (2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n°16-19.043, publié), il résulte de l'application des articles L.1251-1 du code du travail et 31 du code de procédure civile, que le seul employeur d'un salarié lié par un contrat de mission à une entreprise de travail temporaire et mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice est l'entreprise de travail temporaire ; qu'il en résulte que, si elle peut agir en responsabilité contractuelle contre l'entreprise de travail temporaire devant la juridiction de droit commun, ou contester devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale l'imputation pour partie du coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle prévue par l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale, l'entreprise utilisatrice, qui n'est pas l'employeur juridique du salarié mis à sa disposition, n'a pas qualité pour contester devant les juridictions du contentieux de l'incapacité la décision portant fixation du taux d'incapacité permanente du salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle à l'occasion d'une mission.
En l'espèce, il est constant que la société utilisatrice n'est pas l'employeur juridique de la salariée, victime de l'accident du travail survenu le 1er mars 2016, de sorte que la société utilisatrice n'a pas qualité à agir en contestation de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente partielle de la victime.
En conséquence, l'appel de la société utilisatrice est irrecevable.
La société utilisatrice, qui succombe, est tenue aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
DÉCLARE irrecevable l'appel de la société [6] ;
CONDAMNE la société [6] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE