AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 20/06530 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIAF
S.A. [3]
C/
Etablissement CPAM DU RHONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 29 Octobre 2020
RG : 17/04624
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
APPELANTE :
S.A. [3]
[Adresse 2]'
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Antony VANHAECKE de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Véronique BENTZ de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
(Maladie Professionnelle de Mme [Z])
INTIMEE :
Etablissement CPAM DU RHONE
Services des Affaires Juridiques
[Localité 1]
représenté par M. [X], audiencier, muni d'un pouvoir général
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Octobre 2022
Présidée par Vincent CASTELLI, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [V] [Z] (l'assurée), salariée de la société [3] (la société), a déclaré une maladie professionnelle le 24 septembre 2014.
Le 28 novembre 2017, la société a saisi d'un recours le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rhône-Alpes en contestation de la décision du 29 septembre 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse) attribuant à l'assurée un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, à la date de consolidation, pour des «Séquelles douloureuses et fonctionnelles d'une tendinopathie de l'épaule en élévation antérieure, abduction et rotation interne ».
Au 1er janvier 2019, le dossier de la procédure a été transféré au pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, juridiction spécialement désignée.
A l'audience du 22 septembre 2020, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au docteur [S].
La société a sollicité que la décision de la caisse lui soit déclarée inopposable et subsidiairement a sollicité la réduction du taux d'incapacité permanente partielle à 6 %.
La caisse a sollicité la confirmation de sa décision.
Par jugement du 29 octobre 2020 (RG n° 17/4624), le tribunal a déclaré la décision du 29 septembre 2017 opposable à l'employeur, confirmé cette décision et fixé le taux opposable à l'employeur à 10 % à compter de la date de consolidation pour la salariée, victime de la maladie professionnelle du 24 septembre 2014.
Par lettre recommandée du 23 novembre 2020, la société a relevé appel du jugement.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 30 décembre 2021 et oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :
à titre principal :
- déclarer inopposable la décision attributive de rente notifiée à la salariée le 29 septembre 2017 ;
à titre subsidiaire :
- réduire le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la salariée à 6 % ;
en tout état de cause :
- condamner la caisse au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société soutient que l'intégralité des pièces consultées par le médecin du service du contrôle médical n'ont pas été communiquées à son médecin conseil, ce qui ne lui a pas permis de vérifier le bien fondé de la décision attributive de rente. Subsidiairement, elle reprend les conclusions de son médecin conseil, selon lesquellesl il existait un « conflit sous-acromial complètement occulté par le médecin conseil [...] [qui] a été dans l'incapacité d'identifier les lésions, et donc les séquelles, en rapport direct, certain et exclusif avec la MP 57 A du 24/09/14 [...] La limitation, pour le moins légère, épargne l'adduction, la rétropulsion, la rotation externe, la rotation interne, les mouvements main-tête et main-nuque, et quasiment l'antépulsion, soit 7 mouvements sur 9 ; en conséquence le taux devait être très inférieur à 8 %, même sans état antérieur [...] Si par impossible le tribunal estimait le tableau présenté en rapport très partiel avec la MP 57 A du 24/09/14, le taux de 10 %, surestimé, devrait être ramené, tout au plus à 6 % ».
Dans ses conclusions déposées au greffe le 30 septembre 2022 et oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement.
Elle soutient que l'entier rapport médical que doit transmettre le médecin conseil au médecin expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction s'entend de l'avis et des conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir et des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé, à l'exclusion des pièces et documents consultés ou détenus par le médecin conseil. S'agissant du taux d'incapacité, elle estime qu'un conflit sous-acromial constitue une prédisposition anatomique qui ne saurait justifier une réduction du taux d'incapacité.
L'arrêt est contradictoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'opposabilité de la décision attributive de rente de la caisse
Selon l'article L.143-10 du code de la sécurité sociale, applicable au litige, « Pour les contestations mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 143-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente, l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification ».
L'article R.143-33 du même code, applicable au litige, dispose :« L'entier rapport médical mentionné à l'article L. 143-10 comprend :
1° L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir ;
2° Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé ».
Par un arrêt du 21 septembre 2017, (pourvoi n° 16-13.969, publié), la Cour de cassation, deuxième chambre civile, a jugé que pour l'application de ces dispositions, qui concourent à l'instruction du recours porté devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale préalablement à tout débat contradictoire et indépendamment des éléments de fait et de preuve que les parties peuvent produire ou dont elles peuvent demander la production, l'entier rapport médical au sens de l'article R. 143-33 doit s'entendre de l'avis et des conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir et des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé, à l'exclusion des pièces et documents consultés ou détenus par le médecin-conseil.
En l'espèce, la société fait grief à la caisse de n'avoir pas transmis les éléments consultés par le médecin conseil du service de contrôle médical, à savoir l'intégralité des comptes-rendus d'un bilan radio-échographique, d'une IRM, d'une échographie et d'une intervention chirurgicale.
Toutefois, le médecin conseil du contrôle médical, uniquement tenu de préciser les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels son avis s'est fondé, n'avait pas obligation de communiquer les pièces et documents consultés.
Il ressort par ailleurs des propres écritures de la société ainsi que de l'avis de son médecin conseil que ces constatations et éléments d'appréciation figurent dans le rapport d'évaluation des séquelles du praticien conseil du contrôle médical.
D'où il suit que la caisse n'a pas manqué à son obligation d'information et que la demande de la société en inopposabilité de la décision de la caisse n'est pas fondée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le taux d'incapacité permanente partielle
Selon l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Ce barème indicatif d'invalidité, annexé à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, précise que « les quatre premiers éléments de l'appréciation concernent l'état du sujet considéré, du strict point de vue médical. Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l'évaluation, lorsque les séquelles de l'accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l'intéressé, ou un changement d'emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d'influer sur l'estimation globale (...) On peut être ainsi amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel (...) ».
Le chapitre 1.1.2 du barème applicable préconise pour les atteintes de l'épaule, un taux de 8 % à 10 % pour une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule, côté non dominant ; en présence de périarthrite douloureuse, est ajouté 5 % aux chiffres indiqués, selon la limitation des mouvements.
L'incapacité permanente est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime.
La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Les aptitudes professionnelles correspondent, quant à elles, aux facultés que peut avoir une victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
L'attribution d'un correctif socio-professionnel suppose que soit rapportée la preuve d'un préjudice économique ou d'une perte d'emploi en relation directe et certaine avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
En l'espèce, après avoir procédé à l'examen clinique de l'assuré, le médecin conseil du service du contrôle médical a fixé le taux d'IPP à 10 % chez un droitier présentant des « Séquelles douloureuses et fonctionnelles d'une tendinopathie de l'épaule en élévation antérieure, abduction et rotation interne ».
Après avoir pris connaissance du rapport d'évaluation des séquelles du médecin conseil du service du contrôle médical ainsi que du rapport du médecin conseil de la société, dans son rapport annexé au jugement dont appel, le médecin consultant désigné par le tribunal a conclu à une « raideur légère avec douleur » justifiant une « IPP de 10 % ».
La société produit une note du docteur [O] [F] du 24 novembre 2020, médecin qu'elle a mandaté, lequel relève, d'une part, que l'existence d'un conflit sous-acromial aurait été complètement occulté par le médecin conseil , d'autre part, que seuls certains mouvements de l'épaule non dominante sont atteints par une limitation très légère, ce qui justifie, selon lui, un taux d'incapacité de 6 %.
A supposer établie l'existence d'une arthropathie, il n'est ni établi, ni soutenu que cette pathologie occasionnait jusqu'alors une invalidité, de sorte que s'agissant d'un état antérieur jusqu'alors muet ou asymptomatique, il ne peut être considéré comme étant une pathologie évoluant pour son propre compte, contrairement à ce que suggère le médecin mandaté par l'employeur, de sorte que la totalité de l'état séquellaire constaté doit être prise en compte dans l'évaluation de l'incapacité permanente partielle au titre de la maladie professionnelle.
Enfin, compte tenu des douleurs à la mobilisation constatées chez la victime, lesquelles justifient une majoration du taux de 5 %, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu comme étant justifié le taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.
Aussi convient-il de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
La société, qui succombe, sera tenue aux dépens d'appel et sa demande au titre de l'article 700 est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 octobre 2020 (RG n° 17/4624) par le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société [3] aux dépens ;
REJETTE la demande de la société [3] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE