La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2023 | FRANCE | N°20/02138

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 12 janvier 2023, 20/02138


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/02138 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5WK





CPAM DES BOUCHES DU RHONE



C/

Société [5]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 04 Mars 2020

RG : 17/03434













































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

>
COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023





APPELANTE :



CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Service contentieux général

[Adresse 4]

[Localité 1]



représenté par M. [H] [T], audiencier, muni d'un pouvoir général



(Accident de travail de Monsieur [C])



INTIMEE :



S...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/02138 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5WK

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

Société [5]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 04 Mars 2020

RG : 17/03434

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

APPELANTE :

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Service contentieux général

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par M. [H] [T], audiencier, muni d'un pouvoir général

(Accident de travail de Monsieur [C])

INTIMEE :

Société [5]

Salarié : [Y] [C]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON (dispensé de comparaître)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Octobre 2022

Présidée par Vincent CASTELLI, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Y] [C] (l'assuré), salarié de la société [5] (la société), a été victime d'un accident du travail le 10 mai 2016, dont il est résulté, selon le rapport du médecin conseil du service de contrôle médical, des « Séquelles indemnisables chez un droitier déclaré d'une plaie de l'extenseur de l'inter-phalangienne proximale du 2e rayon de la main droite réparée par voie chirurgicale à type de raideur assez importante de l'index dominant ».

Le 8 juillet 2017, la société a saisi d'un recours le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rhône-Alpes en contestation de la décision du 9 mai 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) attribuant à l'assuré un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, à la date de consolidation.

Au 1er janvier 2019, le dossier de la procédure a été transféré au pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, juridiction spécialement désignée.

A l'audience du 5 février 2020, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au docteur [W].

La société a sollicité la réduction du taux d'incapacité permanente partielle à 7 %.

La caisse, non comparante, a sollicité la confirmation de sa décision.

Par jugement du 4 mars 2020 (RG n° 17/03434), le tribunal a réformé la décision du 9 mai 2017 et fixé le taux opposable à l'employeur à 7 % à compter de la date de consolidation pour l'assuré, victime d'un accident du travail le 10 mai 2016.

Par lettre recommandée du 17 mars 2020, la caisse a relevé appel du jugement.

Par arrêt avant-dire droit du 14 octobre 2021, la cour d'appel de Lyon, chambre D protection sociale, a notamment :

- ordonné une consultation médicale sur pièces et commis pour y procéder le Docteur [F] [X], avec pour mission notamment de :

- prendre connaissance de l'intégralité du rapport médical du praticien conseil de la caisse relatif à M. [Y] [C] et de l'ensemble des éléments ou informations à caractère secret ayant fondé la décision du praticien conseil, lesquels devront lui être transmis par la caisse conformément aux dispositions des articles R.142-163 et L.142-10 alinéa 1er du code de la sécurité sociale ;

- décrire, en se plaçant à la date de la consolidation du 31 janvier 2017, les séquelles résultant de l'accident du travail survenu à M. [Y] [C] le 10 mai 2016 ;

- évaluer, en se plaçant à la date de la consolidation du 31 janver 2017, le taux d'incapacité permanente partielle consécutif à l'accident du travail du 10 mai 2016, par référence au barème indicatif d'invalidité (accident du travail) ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de la cour d'appel de Lyon, chambre sociale D (protection sociale) du 14 octobre 2022 à 9 heures ;

- dit que la notification du présent arrêt valait convocation des parties à ladite audience.

Par ordonnance de la présidente de la chambre sociale, le Docteur [M] [S] a été désigné en remplacement du Docteur [F] [X], empêchée, et le délai imparti pour le dépôt de son rapport a été prorogé au 1er février 2022.

L'expert a déposé son rapport le 9 juin 2022, dans lequel il conclut : « Le taux de 10 % retenu par le médecin de la caisse paraît donc bien en rapport avec la réalité des faits ».

Dans ses conclusions déposées au greffe le 3 octobre 2022 et oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- entériner le rapport du docteur [S] ;

- confirmer le taux d'incapacité permanente partielle retenu par le service médical de la caisse, soit 10 % pour les séquelles de l'accident du travail de l'assuré du 10 mai 2016 ;

- débouter la société de toutes ses demandes.

La caisse fait valoir que le jugement de première instance, en fixant le taux d'incapacité permanente partielle à 7 %, n'a pas pris en compte la globalité de la fonction de l'index droit chez un boucher. Elle estime que le rapport du médecin consulté par la cour est clair, précis et dénué de toute ambiguïté.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 4 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que dans les rapports entre la caisse et la société, un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % doit être fixé au titre des séquelles présentées par l'assuré suite à son accident du travail du 10 mai 2016.

La société fait valoir que le taux retenu par le tribunal correspond à une juste évaluation des séquelles, conforme au rapport de son médecin conseil et du médecin consultant désigné en première instance.

La société a été dispensée de comparaître à l'audience.

L'arrêt est contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ce barème indicatif d'invalidité, annexé à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, précise que « les quatre premiers éléments de l'appréciation concernent l'état du sujet considéré, du strict point de vue médical. Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l'évaluation, lorsque les séquelles de l'accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l'intéressé, ou un changement d'emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d'influer sur l'estimation globale (...) On peut être ainsi amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel (...) ».

Le chapitre 1.2.2 du barème applicable préconise, pour les atteintes aux autres doigts que le pouce, un taux d'incapacité déterminé selon l'importance de la raideur, compris entre 7 % et 14 % pour le côté dominant.

L'incapacité permanente est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime.

La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Les aptitudes professionnelles correspondent, quant à elles, aux facultés que peut avoir une victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

L'attribution d'un correctif socio-professionnel suppose que soit rapportée la preuve d'un préjudice économique ou d'une perte d'emploi en relation directe et certaine avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Il ressort de ces dispositions que l'appréciation des séquelles et l'évaluation du taux d'IPP en cas d'atteinte des fonctions articulaires d'un index dépend principalement des critères suivants :

- degré de limitation de l'enroulement du doigt ou de l'extension de celui-ci,

- l'importance de la raideur (critère déterminant le taux d'IPP),

- la gêne de la préhension.

En l'espèce, il ressort de la notification de la décision d'attribution du taux d'incapacité permanente partielle que le médecin conseil de la caisse a motivé ainsi qu'il suit le taux d'IPP attribué : « séquelles indemnisables chez un droitier déclaré d'une plaie de l'extérieur de l'extenseur de l'inter phalangienne proximale du 2ème rayon de la main droite réparée par voie chirurgicale à type de raideur assez importante de l'index dominant ».

Le rapport du médecin conseil de la caisse, rédigé après l'examen de l'assuré réalisé le 24 février 2017 et repris partiellement dans l'avis médico-légal du docteur [G], médecin conseil de la société, et dans le rapport du docteur [W], médecin consultant désigné par le tribunal, comprend les constatations suivantes :

- assuré de 43 ans, ouvrier boucher, de latéralité droite, sans antécédent notable,

- il a repris le travail sur un poste aménagé,

- il présente à l'examen une raideur séquellaire importante de l'inter-phalangienne proximale de D2 avec une flexion de l'inter phalangienne proximale très limitée à 15°, une extension conservée, une gêne importante à la préhension de la main avec conservation de la pince pouce-index,

- un taux professionnel est à apprécier, compte tenu du retentissement professionnel.

Ces constatations mettent en évidence :

- une raideur de l'index qualifiée d'importante, avec une flexion de l'inter phalangienne proximale très limitée à 15°,

- une extension et une pince pouce-index conservées,

- une gêne de la préhension qualifiée d'importante.

A l'inverse, le médecin conseil de la société, qui reproche au praticien du service médical le caractère « pour le moins succinct » de son examen de la main droite, affirme, d'une part, que « compte tenu d'une flexion normale de la métacarpo-phalangienne et de l'inter phalangienne distale, le déficit d'enroulement de ce doigt ne pouvait être que minime et permettre une préhension quasi normale, qui devrait en outre s'améliorer avec le temps », d'autre part, que si « le barème préconise effectivement, concernant la raideur des doigts dominants, un taux de 7 à 14% pour l'index, toutefois, compte tenu d'un déficit séquellaire pour le moins minime, le médecin conseil ne pouvait retenir un taux supérieur à 7% ».

A l'audience devant le tribunal judiciaire de Lyon, le médecin consultant a retenu l'existence d'un déficit de la flexion, relevant que les autres mouvements (extension, pince pouce-index, distance pulpe-paume) étaient soit conservés, soit non évalués. Il en a déduit, comme le médecin conseil de la société et contrairement à celui de la caisse, que le taux d'IPP devait être fixé à 7% dans les rapports caisse/employeur.

En présence de ces avis divergents démontrant l'existence d'un litige d'ordre médical, la cour a ordonné par arrêt du 14 octobre 2021 une mesure de consultation médicale sur pièces confiée au Dr [M] [S]. Celui-ci a déposé son rapport le 9 juin 2022.

Le Dr [S] indique notamment : « On retient donc que pour ce salarié, seule une faible pince pouce-index est utilisable ce qui ne permet que des préhensions d'objets de faible poids (un stylo). Les 4 autres positions de l'index et notamment l'enroulement complet du doigt [...] lui sont impossibles puisque l'enroulement complet du doigt nécessite 90° minimum de flexion de l'interphalangienne proximale (IPP) et que de toute façon, il ne peut pas porter la troisième phalange au-delà de la pulpe du pouce. Or l'index joue un rôle prédominant dans les prises de force (on s'en aperçoit facilement si on saisit un marteau en gardant l'index en extension et en n'opposant au pouce autour du manche que les 3 derniers doigts). Indépendamment des prises de force, l'index joue aussi un rôle essentiel d'appui et de guidage de précision dans le maniement d'un instrument saisi par un manche (tel qu'un couteau de découpe ou un pinceau). Là aussi, on peut facilement faire l'expérience de relever son index dans divers maniements d'instruments ou d'outils et constater une gêne importante dans la précision et le guidage qui disparaît immédiatement si l'on replace l'index en position). Comme indiqué plus haut, la flexion de l'IPP nécessaire pour l'enroulement d'un doigt long est de 90°. 15° de flexion représentent donc 1/6e de la course normale utile de flexion de l'index. La perte fonctionnelle est donc ici de 5/6e. D'après le barème Accident du Travail-Maladie Professionnelle, le taux maximum pour un index enraidi du côté dominant (le salarié est ici droitier) est de 14 %. Dans le cas du salarié victime de l'accident en cause et en se référant au barème, le calcul du déficit fonctionnel est donc de 5/6e de 14 %, soit 11,66 %.

Toutefois il faut prendre en compte l'adaptation du handicap et les compensations qui sont apportées grâce [à] la rééducation, à l'entraînement et à la pratique (Monsieur [C] a repris son travail sur poste adapté).

Le taux de 10 % retenu par le médecin de la caisse paraît donc bien en rapport avec la réalité des faits ».

Les parties n'ont pas adressé de dire à l'expert après communication de son pré-rapport.

L'employeur, dispensé de comparaître à l'audience, n'a pas déposé de nouvelles conclusions.

Il résulte de l'ensemble des éléments ci-avant rappelés, spécialement le détail des séquelles présentées par l'assuré et de leur retentissement, tel qu'analysé par le Dr [S], qu'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % doit être retenu.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et réformé en ce sens.

La société qui succombe dans ses prétentions est tenue aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 mars 2020 (RG n° 17/03434) par le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon ;

Statuant à nouveau,

FIXE, dans les rapports entre la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la société [5], le taux d'incapacité permanente partielle de M. [Y] [C], victime d'un accident du travail le 10 mai 2016, à 10 % (dix pour cent) à compter de la date de consolidation ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/02138
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.02138 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award