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12/01/2023 | FRANCE | N°19/07003

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 janvier 2023, 19/07003


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/07003 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUF2





SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE



C/

[D]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Octobre 2019

RG : 17/04128





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023





APPELANTE :



SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE prise en son établissement

situé [Adresse 3], agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Jean-bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOC...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07003 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUF2

SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE

C/

[D]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Octobre 2019

RG : 17/04128

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

APPELANTE :

SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE prise en son établissement situé [Adresse 3], agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, Me Sabine LEYRAUD de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant

INTIMÉE :

[S] [D]

née le 07 Février 1974 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant, substituée par Me Elodie SIGNOL, avocat au barreau de LYON, Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Vincent CASTELLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 2008, Mme [D] (la salariée) a été engagée par la société Areva et son contrat a été transféré le 1er juillet 2010 à la société Schneider Electric Energy France (l'employeur), où elle exerçait en dernier lieu des fonctions de gestionnaire administrative, qualification IV 3, coefficient 285, selon la convention collective des industries métallurgiques du Rhône.

Durant l'été 2009 puis le 25 mars 2014, elle a dénoncé à l'employeur des faits et gestes inappropriés d'un collègue de travail, qu'elle a considérés comme des agressions sexuelles.

Elle estimait par la suite que l'employeur, avisé de cette situation, n'a pas pris les mesures adaptées.

Cette agression était prise en charge comme accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie.

Le 2 avril 2014, un avertissement était adressé par l'employeur au collègue de travail de la salariée.

Le 24 avril 2014, la salariée était placée en arrêt de travail, jusqu'en mai 2015.

Le 25 avril 2014, l'employeur notifiait une mise à pied disciplinaire d'un jour ouvré contre le collègue de travail de la salariée.

Le 5 mai 2014, lors de la reprise de son travail à mi-temps thérapeutique, après déclaration d'aptitude de la médecine du travail, avec aménagement de poste (consistant dans l'absence de déplacement au bâtiment dans lequel son collègue de travail l'ayant agressé exerçait ses fonctions), son poste n'étant plus disponible, elle a été affectée à différentes missions puis à un poste de gestionnaire administrative du service communication.

Le 22 juin 2016, l'état de santé de la salariée rechutait, ce qui était pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 25 mars 2014.

Le 29 novembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de différentes demandes.

Après que la médecine du travail, le 16 avril 2018, l'a déclarée inapte à son poste de travail et a constaté l'impossibilité de reclassement dans l'emploi, la salariée a été licenciée le 14 mai 2018 pour inaptitude d'origine professionnelle.

Le 11 juin 2018, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes d'une contestation de cette mesure de licenciement.

Par jugement du 8 octobre 2019, la formation paritaire de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon a :

- ordonné la jonction des procédures engagées par la salariée ;

- dit que le harcèlement moral et sexuel contre la salariée est avéré et rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné l'employeur à verser à la salariée les sommes de :

- 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;

- 15 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à l'employeur le remboursement à Pôle emploi d'une partie des indemnités de chômage payées à la salariée, à hauteur de 2 327,45 euros ;

- débouté la salariée de toutes ses autres demandes ;

- débouté l'employeur de l'intégralité de ses demandes ;

- dit n'y avoir à exécution provisoire de droit ;

- condamné l'employeur aux dépens.

Par déclaration au RPVA du 10 octobre 2019, l'employeur a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions récapitulatives n° 2 déposées le 20 juin 2022, l'employeur demande à la cour de :

- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de résiliation judiciaire ;

- en conséquence, statuant à nouveau,

- dire et juger que les faits de harcèlement moral et sexuel ne sont pas établis ;

- dire et juger que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;

- dire et juger que l'employeur a exécuté de façon loyale le contrat de travail de la salariée ;

En conséquence,

- débouter la salariée de sa demande de condamnation en versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution du contrat de travail ;

- débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire ;

- dire et juger que l'employeur n'a manqué à aucune de ses obligations et que l'origine de l'inaptitude ne lui est pas imputable ;

- dire et juger que la procédure de licenciement pour inaptitude a parfaitement été respectée,

En conséquence,

- débouter la salariée de sa demande de requalification de son licenciement pour inaptitude en licenciement nul, ou à tout le moins, en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- plus généralement, débouter la salariée de l'intégralité de ses prétentions ;

- condamner reconventionnellement la salariée à verser à l'employeur la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- A titre subsidiaire, limiter le montant des condamnations à :

- 13.964,70 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- Ou 6.382,35 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses conclusions responsives déposées le 13 septembre 2022, la salariée demande à la cour de :

- juger recevables et bien fondées ses demandes ;

- à titre principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que le harcèlement moral et sexuel à son encontre était avéré ;

- condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement moral et sexuel, sauf à majorer le quantum alloué ;

- condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture du contrat de travail, sauf à majorer le quantum alloué ;

- condamné l'employeur au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le réformer pour le surplus, en conséquence :

* au titre des manquements au cours de la relation contractuelle :

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;

* au titre de la rupture du contrat de travail :

- prononcer à titre principal la résiliation judiciaire ;

- juger que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul, à effet du 14 mai 2018 ;

- juger, à titre subsidiaire, nul le licenciement notifié ;

- juger, à titre infiniment subsidiaire, ou très infiniment subsidiaire, mal fondé le licenciement notifié ;

- en toutes hypothèses, condamner l'employeur à lui verser :

- 80 000 euros à titre principal, subsidiaire ou infiniment subsidiaire, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

- 24 438,22 euros nets, à titre très infiniment subsidiaire, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

- à titre subsidiaire : confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant : condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juin 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les faits de harcèlement moral et sexuel et les manquements de l'employeur

A titre infirmatif, l'employeur soutient que :

- la salariée ne justifie pas que l'employeur ait été avisé d'une agression commise par l'un de ses employés, avant 2014, les courriels produits étant tous postérieurs au 25 mars 2014 ;

- concernant les faits du 25 mars 2014, un collaborateur a adopté un comportement provocateur et inadapté, se livrant à un jeu puéril ;

- dès qu'il a été avisé de cet incident, un supérieur hiérarchique a immédiatement répondu à la salariée ;

- le 2 avril 2014, le collaborateur recevait un avertissement, ce dont la salariée était avisé, et elle en remerciait la direction des ressources humaines ;

- le collaborateur était ensuite convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire, qui s'est tenu le 18 avril 2014, et une mise à pied d'un jour lui était notifiée le 25 avril 2014, sanction proportionnée aux faits, en considération de ses états de service professionnels et de ce qu'aucun autre incident n'avait été à déplorer ;

- la salariée n'a plus jamais rencontré de difficulté avec ce collaborateur ;

- la salariée a vivement ressenti les réserves de l'entreprise relative à la déclaration d'accident du travail concernant les faits de mars 2014, alors qu'elle était tout à fait en droit d'émettre de telles réserves ;

- la salariée ayant été en arrêt de travail entre le 24 avril 2014 et mai 2015, des courriels ont été échangés en avril 2015 entre elle et la direction des ressources humaines pour la reprise de son poste ;

- la salariée a repris le travail le 4 mai 2015, pour une mission de deux mois à la direction des sites, en mi-temps thérapeutique (deux journées par semaine) jusqu'au 7 juillet 2015 ;

- après cette mission, la salariée a déclarée apte, sans réserve à la reprise de son poste, et elle a poursuivi sa mission à la direction des sites, dans l'attente d'une mission chez Energy;

- le courriel de la DRH du 23 juillet 2015 fait état du souci de l'employeur d'éviter tout contact entre la salariée et le collaborateur l'ayant agressé ;

- ce collaborateur a quitté l'entreprise le 30 juin 2016 ;

- la salariée a candidaté à un poste de chargé de logistique et administrative des ventes, pour lequel elle a eu un entretien le 25 octobre 2015, mais a indiqué le 29 octobre 2015 que ce poste ne pouvait correspondre à son organisation personnelle ;

- elle n'a manqué à aucune de ses obligations, ni de loyauté, ni d'accompagnement, ni de sécurité ;

- la salariée ne justifie pas de ce que son retrait de plainte résulte d'une demande de l'entreprise ;

- le harcèlement repose sur des faits répétés, tandis qu'il n'est fait état que d'un fait, celui de 2009 n'ayant jamais été porté à la connaissance de l'employeur et ne résultant que d'une attestation.

A titre confirmatif, mais infirmatif sur le quantum, la salariée fait valoir que

- elle a été agressée à plusieurs reprises, devant témoins, et en avisé sa hiérarchie ;

- ses conditions de travail se sont dégradées ;

- alors qu'elle avait déposé une plainte contre l'employé qui l'avait agressé, l'employeur lui a demandé de la retirer, ce qu'elle a fait ;

- l'employeur a contesté la prise en charge de l'agression du 25 mars 2014 au titre de l'accident du travail ;

- l'employeur n'a adopté aucune mesure efficace contre l'employé l'ayant agressé et n'a pas respecté les préconisations de la médecine du travail qui contre-indiquait tout contact entre la salariée et son collègue de travail ;

- lors de la reprise de son contrat de travail en mai 2015, à mi-temps thérapeutique, elle n'était plus affectée à son poste de travail et aucune réponse ne lui a été apportée alors qu'elle dénonçait, le 7 juillet 2015, la précarité de sa situation, avant le 23 juillet 2015 ;

- elle a constaté qu'après avoir accepté le poste de gestionnaire au service communication, qu'elle ne souhaitait pas, un poste qu'il lui avait antérieurement promis au service achat, et qui lui avait été refusé après la reprise de son travail, avait été recruté en interne, ce qu'elle a dénoncé à l'employeur le 13 juin 2016, sans que celui-ci ne lui apporte de réponse appropriée ;

- les sanctions prononcées par l'employeur étaient insuffisantes et l'employeur n'a pas pris la mesure de la gravité des agissements ;

- ces agissements justifient l'allocation de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- si la cour venait à ne pas retenir le harcèlement moral, il y aurait, à titre subsidiaire, manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, ou à titre plus subsidiaire, manquement à l'exécution loyale du contrat de travail, et l'employeur devra être également condamné à lui verser la somme de 50 000 euros.

Sur les faits de harcèlement moral

Il sera noté que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence de faits de harcèlement moral et sexuel, sans caractériser cependant les premiers.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 4121-1 dispose que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte de la combinaison de l'article L. 1152-1 susvisé de l'article L. 1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.

La salariée soutient l'existence de différents faits à l'appui de sa reconnaissance de la situation de harcèlement moral qu'elle estime avoir subie par le fait de l'employeur.

* Elle reproche en premier lieu à l'employeur de l'avoir culpabilisé et d'avoir exigé d'elle le retrait de la plainte pénale effectuée.

Il sera noté que si la salariée évoque le retrait de plainte dans un courriel avec l'un de ses supérieurs du 28 mars 2014 (pièce n° 8 et 9 de l'intimée), elle ne justifie pas avoir procédé ainsi par la suite, et n'indique pas dans ces messages qu'elle retirait sa plainte sur préconisation ou exigence de ses supérieurs, étant relevé en outre que dans la lettre qu'elle a adressé à l'inspectrice du travail (pièce n° 13 de l'intimée), la salariée indique que s'il a été évoqué avec un supérieur hiérarchique le retrait de plainte, celui-ci ne l'a pas exigé d'elle.

En outre, les faits invoqués ne résultent que de ses seules affirmations (la salariée invoquant à l'appui de ses dires une pièce n° 11, qui rapporte surtout la teneur de son message à la direction des ressources humaines, la réponse de celui-ci ne corroborant pas les faits allégués) et leur matérialité des faits n'est pas établie.

* La salariée reproche à l'employeur d'avoir contesté auprès de la caisse la prise en charge des faits du 25 mars 2014 au titre de la législation sur les risques professionnels. Cela résulte de la pièce n° 12 produite par la salariée.

Ce fait est établi.

* en deuxième lieu, la salariée reproche encore à l'employeur de ne pas avoir adopté de mesure efficace et immédiate, notamment en ne respectant pas les préconisations de la médecine du travail ayant recommandé l'absence de contact.

La fiche d'aptitude médicale du 4 mai 2015 (pièce n° 14 de l'intimée) indique une reprise à mi-temps thérapeutique, préconise particulièrement : « sans déplacement au bâtiment ADP ». Or, il ressort des éléments du dossier (voir pièce n° 5 de l'appelante) que ce bâtiment serait celui dans lequel M. [H] exerçait ses fonctions. Ainsi, si le sens de l'avis de la médecine du travail est d'éviter les contacts entre la salariée et M. [H], la préconisation était d'éviter à la salariée de se rendre sur les lieux de travail de celui-ci. Il n'est pas matériellement établi par la salariée que l'employeur ait demandé à la salariée de se rendre dans ce bâtiment après le 4 mai 2015.

En outre, il doit être relevé que la salariée produit elle-même plusieurs échanges intervenus, après qu'elle a avisé l'employeur des faits du 25 mars 2014, notamment avec l'un de ses supérieurs hiérarchiques qui indique s'être entretenu le jour même avec elle (pièce n° 8 de l'intimée) et que les « mesures adaptées » seraient prises.

Il est justifié que le 2 avril 2014, un avertissement a été préparé par la direction des ressources humaines et que la salariée en a été avisée le 4 avril.

Le 6 avril 2014, la salariée écrivait à la direction des ressources humaines qu'elle ne souhaitait plus voir M. [H] dans son environnement de travail (pièce n° 11 de l'intimée).

L'employeur justifie que, plutôt qu'un avertissement, c'est une mise à pied disciplinaire d'un jour, sanction à l'échelle supérieure, qui va être adressée à M. [H], le 25 avril 2014 (pièce n° 13 de l'appelante), en raison des faits commis sur la salariée.

Il n'est donc matériellement pas établi que l'employeur n'ait pas pris immédiatement des mesures après avoir été avisé des faits du 25 mars 2014, ni qu'il est méconnu les préconisations de la médecine du travail.

Il convient de noter que si la salariée fait état de ce que des fleurs et un paquet cadeau auraient été déposées le 1er avril 2014 sur son bureau, en son absence, émanant de M. [H], celui-ci manifestant une démarche que l'on pourrait rattacher à une forme, fort maladroite, d'excuse au regard des agissements qu'il avait commis, ce qui aurait légitiment heurté la salariée, cela ne résulte que des seules affirmations de la salariée et la matérialité de ces faits n'est pas établie.

En outre, il convient de relever que, à les supposer encore matériellement établis, ces faits auraient été commis alors que l'employeur était en train d'envisager puis de suivre une procédure disciplinaire ayant abouti à la mise à pied du 25 avril 2014.

* La salariée fait également état de ce qu'elle a risqué d'être en contact avec son agresseur, en juillet 2015, puisque celui-ci s'est rendu dans le même bâtiment qu'elle.

La matérialité de ces faits est corroborée par l'attestation de M. [R] du 26 mars 2019 (pièce n° 39 de l'intimée) et est donc établie.

* la salariée soutient encore que, à sa reprise du travail, elle n'était plus affectée à son poste de travail antérieur et a été chargée de missions successives jusqu'à occuper un poste de gestionnaire administrative au sein du service communication.

Ces faits sont constants et établis.

* la salariée soutient que, tandis qu'elle souhaitait avoir un poste au service achat, et alors qu'un poste au service communication lui a été attribué, elle a appris qu'un poste au service achat a été pourvu en interne.

Toutefois, ces faits ne reposent que sur les seules affirmations qui résultent de sa lettre du 13 juin 2016 (pièce n° 17 de l'intimée).

Ces faits ne sont pas matériellement établis.

En cet état, l'ensemble des faits matériellement établis par la salariée consistent dans la contestation par l'employeur de la prise en charge des faits du 25 mars 2014 au titre de la législation sur les risques professionnels, le risque de contact avec M. [H] survenu en juillet 2015, le défaut de reprise de son poste antérieur et l'affectation au poste dans le service communication.

Par ailleurs, si la salariée ne l'invoque pas spécialement à l'appui de ses moyens concernant une situation de harcèlement moral, il est également constant qu'elle a été en arrêt de travail du 24 avril 2014 au 4 mai 2015, puis à partir du 22 juin 2016.

En ce qui concerne la contestation par l'employeur de la prise en charge des faits de harcèlement au titre de la législation sur les risques professionnels, datée du 6 mai 2015, soit le même jour que la déclaration effectuée à la demande de la salariée, elle constitue un droit ouvert à l'employeur qui intéresse, certes, les relations salariée/caisse mais aussi les relations employeur/caisse, et, en l'absence de toute invocation et démonstration d'un abus commis par l'employeur dans l'exercice de ce droit, comme désirant porter atteinte aux intérêts de la salariée. Or, il doit être relevé que, pratiquement dans le même temps, consécutivement aux faits, l'employeur a répondu avec diligences à l'alerte de la salariée concernant les faits à l'origine de l'accident de travail, et pris des mesures disciplinaires à l'égard de l'auteur de ces faits, ce qui écarte l'hypothèse d'un abus de l'employeur dans son droit de contester la prise en charge de l'accident du travail.

En ce qui concerne l'incident de juillet 2015où la salariée a risqué d'entrer en contact avec M. [H], il ne peut être appréhendé comme un quelconque agissement de l'employeur à l'égard de la salariée ou le fait que l'employeur ait pu permettre à M. [H] de poursuivre un quelconque harcèlement à l'égard de la salariée, ou se soit montré négligent sur ce point puisqu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que cet employé savait que la salariée était présente dans le bâtiment au moment où il s'y trouvait, étant rappelé que la médecine du travail avait préconisé le 4 mai 2015 (pièce n° 14 de l'intimée) d'éviter tout déplacement de la salariée dans le bâtiment dans lequel travaillait son agresseur.

Il sera relevé en outre que, alerté par la salariée de ce fait, le service des relations humaines de l'entreprise lui a confirmé par courriel du 23 juillet 2015 (pièce n° 16 de l'intimée) qu'il avait demandé à M. [H] de ne pas se rendre dans le bâtiment où travaillait la salariée (« le Millénaire »), complétant ainsi les préconisations de la médecine du travail.

Il n'est fait état d'aucun autre contact ou risque de contact, jusqu'à la rechute de la salariée, le 22 juin 2016.

En ce qui concerne l'absence de reprise de poste antérieur, l'affectation à des missions, puis au service communication, il est constant que, à la suite de son arrêt de travail qui s'est poursuivi du 24 avril 2014 au 4 mai 2015, la salariée a fait l'objet d'un avis de la médecine du travail pour reprise à mi-temps thérapeutique durant deux mois (jusqu'au 7 juillet 2015), par journées de travail non consécutives (sans déplacement au bâtiment « ADP »).

La pièce n° 15 de l'intimée reproduit un courriel du services des relations humaines du 30 avril 2015, soit antérieurement à la reprise, qui fait état de ce qu'il était prévu, pour la reprise de la salariée, que celle-ci soit affectée dans une équipe et soit chargée de missions particulières, qui sont décrites. Il est constant que c'est ainsi que la reprise de la salariée s'est effectuée, étant relevé que la salariée indique dans un courriel du 24 juin 2015 que son mi-temps devait être renouvelé jusqu'en septembre 2015 (pièce n° 15, p. 2).

Parmi les différents échanges qu'elle produit, la salariée ne se plaint pas de l'absence de reprise de son poste antérieur. Elle ne conteste pas plus l'affectation en tant que chargée de mission durant son mi-temps thérapeutique, de sorte que, en l'état du dossier, elle n'a manifesté aucune réticence à un changement de fonction.

La difficulté paraît cristalliser sur le fait qu'elle espérait, ce qui, selon ses dires, était son projet initial avant son agression, rejoindre le service achat, ce qu'elle n'a pu obtenir. Toutefois, elle soutient qu'un tel poste lui était promis (conclusions, p. 5) mais ne peut en justifier, matériellement.

Il convient de relever que, dans sa réponse du 11 juillet 2016 (pièce n° 11 de l'appelante) à la lettre de la salariée du 13 juin 2016, l'employeur exprime clairement qu'il prend acte de ce que la salariée a refusé un poste qu'il lui a proposé en lui en indiquant qu'il « s'engage(ait) à (aider la salariée) à construire un projet professionnel en vue d'occuper un emploi correspondant à (ses) compétences (et) à ses attentes », ce dont il résulte que l'employeur avait conscience que le poste alors confié à la salariée ne pouvait être définitif et qu'il ouvrait la perspective d'une évolution.

La cour constate qu'il n'est pas possible d'apprécier, ni dans un sens ni dans l'autre, la portée de cet engagement, puisque, par la suite, la salariée, placée en arrêt de travail à compter du 22 juillet 2016, n'a manifestement pas repris le travail jusqu'à sa déclaration d'inaptitude.

Enfin, en ce qui concerne les problèmes de santé de la salariée, qui ont été suffisamment objectivés, les pièces médicales qu'elle produit (pièces n° 22, 27, 28 et 29) tendent à démontrer que le personnel médical les imputait à l'agression subie en mars 2014 et non à la dégradation de ses conditions de travail.

Dès lors, la cour considère qu'il ne résulte pas des faits matériellement établis par la salariée qu'il puisse être présumé l'existence d'une situation de harcèlement moral à son égard.

Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a retenu que la salariée avait fait l'objet d'un harcèlement moral.

Sur les faits de harcèlement sexuel commis par un employé de l'entreprise

La cour rappelle que, selon l'article L. 1153-1, le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit, portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Il résulte en outre des dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement sexuel , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte en outre de l'application des textes qui précèdent que :

- les comportements ou éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement sexuel peuvent être de toute nature : propos, gestes, courriers, courriels, textos, remise d'objets, attitudes... ;

- l'auteur du harcèlement sexuel peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise.

- un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel.

La cour relève que si l'attestation établie par le 27 octobre 2017 par M. [T] (pièce n° 21 de l'intimée) relate de manière précise être intervenu en 2009 dans le bureau de la salariée, voisin du sien, après avoir entendu celle-ci protester en raison d'agissements de M. [H], le témoin n'a pas assisté directement aux faits qui auraient été commis par celui-ci, étant intervenu en raison des protestations de la salariée, et la teneur de ces faits lui auraient été manifestement, alors, rapportée par la salariée.

En outre, si celle-ci fait état, dans sa déposition auprès des forces de l'ordre du 26 mars 2014 (pièce n° 24 de l'intimée), de faits commis par M. [H], elle les date de deux ans auparavant, soit 2012 et ne fait nullement état de l'intervention de M. [T].

Le défaut de concordance, ne serait-ce que sur le plan chronologique, entre ces éléments, seuls produits afin de caractériser un fait précédent celui de 2014, ne permettent pas à la cour de considérer que la salariée en justifie suffisamment.

En revanche, il est établi par les éléments du dossier, de manière non contestée par l'employeur, que M. [H], dans des circonstances qui sont au demeurant décrites très précisément par M. [T] dans son attestation, qui déclare y avoir assisté, s'est livré à un attouchement sur la poitrine de la salariée, le 25 mars 2014.

Ce fait unique est établi et, en ce qu'il a porté atteinte à la dignité de la salariée, en raison de son caractère dégradant - M. [H] ayant estimé pouvoir se prêter à un « jeu » totalement déplacé ayant pour objectif un attouchement sur la salariée - dès lors, offensant, il laisse présumer l'existence d'un harcèlement.

L'employeur, à qui incombe dans cette hypothèse la charge de la preuve, fait valoir les mesures qu'il a adoptées lorsqu'il a eu connaissance de ces faits mais ne justifie pas des mesures de prévention prises antérieurement à leur commission.

Dès lors, la cour considère que la salariée été victime du harcèlement sexuel d'un employé de l'entreprise, dont le préjudice en résultant doit être indemnisé par l'employeur.

* sur l'indemnisation du préjudice

La cour ayant retenu que la salariée avait été victime de faits de harcèlement sexuel, il convient de prendre en considération que les agissements de l'employé de l'entreprise ont été considérés comme un accident de travail, à l'origine d'une rechute en 22 juin 2016, et d'arrêts de travail.

Ces faits ont été manifestement à l'origine d'une profonde déstabilisation personnelle de la salariée qui l'a notamment empêchée de reprendre son ancienne activité professionnelle, la plaçant dans un sentiment de crainte.

Ainsi, le préjudice qui en résulte sera indemnisé par l'allocation d'une indemnité à hauteur de 10 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la demande de résiliation judiciaire

A titre infirmatif, la salariée fait valoir que :

- elle reproche à l'employeur des manquements graves, pour avoir laissé se produire des faits de harcèlement moral et sexuel, les ayant cautionnés et l'ayant sanctionnée en la mettant à l'écart et la privant d'un poste, ce qui a conduit à son placement en arrêt de travail ;

- ces manquements résultent dans l'absence de considération de l'agression dont elle a été victime, la persistance de mises en contact avec l'employé l'ayant agressé en violation des préconisations du médecin du travail et la privation de tout poste à sa reprise d'activités ;

- la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement nul, doit être prononcée à la date du 14 mai 2018 ;

- en conséquence, l'indemnités de l'article L. 1235-3(-1') du code du travail, correspondant au moins à six mois de salaires, est due.

A titre confirmatif, l'employeur soutient que la demande de la salariée est tardive, comme formée le 29 septembre 2017 et intervenant plus de trois ans après les faits.

Il indique que la salariée ne justifie pas de manquements graves de l'employeur, ayant continué à travailler plusieurs semaines après l'incident avec le collaborateur, lequel a quitté l'entreprise le 30 juin 2016, tandis que la demande de résiliation a été formée le 29 novembre 2016.

Il considère que les demandes indemnitaires de la salariée sont manifestement excessives et alors qu'elle ne justifie pas de son préjudice, de son niveau de ressources, ni de sa situation professionnelle.

Il en déduit que si une indemnité devait être accorder au titre de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, elle ne pourrait excéder six mois de salaires.

La cour constate que la salariée a demandé, lors de l'introduction de l'instance devant le conseil de prud'hommes, la résiliation de son contrat du travail, dont elle précise en appel qu'il doit prendre effet à la date du 14 mai 2018, date de son licenciement.

Contrairement à ce que soutient la salariée au soutien de sa demande, une situation de harcèlement moral n'a pas été caractérisée à son égard.

Il ne ressort par ailleurs nullement des éléments du dossier que l'employeur ait refusé de prendre en considération ou cautionné les faits de harcèlement sexuel subis par la salariée, auxquels il a mis un terme puisqu'il a réagi avec diligence et a sanctionné l'employé auteur des faits, mesures propres à mettre un terme au harcèlement dont la salariée a été victime, les développements qui précèdent ayant en outre établi qu'il ne pouvait être considéré que l'employeur ait méconnu les préconisations de la médecine du travail.

Au regard de ce qui précède, il n'est pas plus établi que l'employeur ait permis la persistance des contacts entre la salariée et l'employé l'ayant agressé ou privé de tout poste à sa reprise d'activité, puisqu'il est constant qu'elle était affecté au service communication en dernier lieu.

Il sera noté en outre que si la salariée dépeint dans ses conclusions l'état de l'état de droit relatif à l'obligation de sécurité incombant à l'employeur, et notamment à son obligation de prévention, elle n'articule aucun moyen de fait précis se rapportant à l'espèce, se bornant pour l'essentiel à soutenir que l'employeur n'avait pris, par une « inertie condamnable », aucune mesure efficace et immédiate, moyen qui est au demeurant invalidé par l'analyse des éléments du dossier, précédemment relevée.

En effet, il a été précédemment admis que l'employeur, informé des agissements à caractère sexuel de son employé, a réagi avec diligence et sanctionné celui-ci, en prenant les mesures nécessaires, conformes à la préconisation de la médecine du travail, visant à prévenir tout contact entre la salariée et son agresseur, aucun fait de cette nature ne s'étant par la suite reproduit.

Par ailleurs, la salariée ne justifie pas du lien entre ses arrêts de travail pour maladie, qu'elle ne produit pas, et le harcèlement sexuel dont elle a été victime.

En outre, à considérer les faits de harcèlement sexuel dont la salariée a été victime, ils sont antérieurs de trois ans à la demande de résiliation.

Dès lors, la salariée n'établit pas l'existence de manquements graves justifiant l'impossibilité de poursuivre la relation de travail, à la date de sa demande en résiliation.

Les demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et celle de versement de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3-1 du contrat de travail, en cas de nullité du licenciement, doivent être dès lors rejetées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande subsidiaire en nullité du licenciement, ou en mal-fondé du licenciement

La salariée soutient que :

- l'inaptitude ayant pour origine les faits de harcèlement moral et sexuel, le licenciement est nul ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'inaptitude résulte de faits de harcèlement moral et sexuel commis par un employé de l'entreprise sur le lieu et au temps de travail qui ont entraîné la dégradation de l'état de santé de la salariée à l'origine de l'inaptitude étant imputable à l'employeur, le licenciement n'est pas fondé ;

- si le harcèlement moral n'est pas retenu, le contrat de travail a été exécuté de manière déloyale ;

- à titre très infiniment subsidiaire, en l'absence de consultation des délégués du personnel, en application de l'article L. 1226-10 du code du travail, le licenciement n'est pas fondé.

A titre infirmatif, l'employeur fait valoir que :

- à la suite de la visite de reprise du 16 avril 2018, la salariée a fait l'objet d'un avis d'inaptitude proscrivant tout reclassement dans un emploi ;

- la salariée a été convoquée, le 19 avril 2018, pour un entretien le 23 avril 2018 et son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement a été notifiée le 14 mai 2018 ;

- il n'a manqué à aucune de ses obligations, la situation de la salariée ayant été prise en compte et il ne peut être considéré comme étant à l'origine de l'inaptitude de la salariée ;

- en application de l'article L. 1226-12 du code du travail, un employeur peut licencier un salarié déclaré inapte sans rechercher un reclassement préalable, dès lors que l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou, en application de l'article L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans son avis d'inaptitude que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, ce qui est le cas en l'espèce ;

- dans un tel cas, la consultation des représentants du personnel est sans objet ;

- le licenciement ne peut être également considéré comme étant nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse

La cour, rappelant que les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée ont été écartés, constate que la salariée, si elle produit l'avis d'inaptitude (pièce n° 34-1 de l'intimée) n'invoque aucun élément précis sur la cause de cette inaptitude, qu'elle se borne à attribuer aux faits de harcèlement qui étaient survenus quatre ans plus tôt, étant relevé qu'elle ne produit pas les arrêts de travail qui lui ont été établis au titre de la maladie ou de l'accident du travail, pour lequel elle avait fait une rechute en juin 2016.

En outre, les faits de harcèlement n'étant pas le fait direct de l'employeur, il appartenait à la salariée de démontrer que l'inaptitude était la conséquence de la carence de l'employeur dans la prise en considération des faits de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée en mars 2014, ce qui, comme cela a été précédemment retenu, n'est pas le cas.

Il ne peut dès lors être considéré que l'inaptitude soit la conséquence des faits de harcèlement sexuel dont la salariée a été victime et la demande d'annulation de ce chef du licenciement ne peut qu'être rejetée.

Il doit être souligné que, à l'appui de sa demande subsidiaire en mal-fondé du licenciement, la salariée invoque une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Toutefois, la salariée n'invoque aucun fait particulier relatif à cette exécution déloyale, étant relevé que, à considérer encore les moyens de fait qu'elle a soulevés en ce qui concerne le harcèlement sexuel et moral, il a été retenu par le présent arrêt que l'employeur ne s'était pas montré déficient dans le traitement de l'agression subie par la salariée ni dans les conditions dans lesquelles la salariée avait repris son travail, à partir de mai 2015, ce dont il résulte qu'aucune déloyauté dans l'exécution du contrat ne peut être retenue.

Dès lors, sa demande subsidiaire aux fins de déclarer mal fondé le licenciement n'est pas étayée et la cour ne peut y faire droit.

Le jugement devra être infirmé de ce chef.

Sur la régularité du licenciement pour inaptitude

La cour relève que, selon l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Il résulte de ce texte que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

En l'espèce, il est constant que l'avis d'inaptitude établi par la médecine du travail le 16 avril 2018 (pièce n° 34-1 de l'intimée) indique expressément que l'inaptitude résulte de ce que l'état de santé de la salariée fait obstacle à toute reclassement dans un autre emploi.

En conséquence, la salariée ne peut utilement reprocher à l'employeur de ne pas avoir consulter les délégués du personnel.

Ce moyen sera rejeté.

Sur les demandes indemnitaires de la salariée au titre de la rupture

La cour ayant rejeté la demande en résiliation du contrat de travail, celle aux fins d'annulation du licenciement, celle subsidiaire visant à le faire déclarer mal fondé, les demandes indemnitaires présentées par la salariée à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Le jugement sera infirmé, en ce qu'il a alloué la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu également d'infirmer le jugement, en ce qu'il a ordonné à l'employeur le remboursement à Pôle emploi d'une partie des indemnités de chômage payées à la salariée, en application de l'article

Sur les autres demandes

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'employeur.

Au vu de l'équité, l'employeur sera condamné à verser à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

REFORME le jugement en ce qu'il a :

- dit que le harcèlement moral et sexuel contre la salariée est avéré et rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné condamne la société Schneider Electric Energy France à verser à Mme [D] les sommes de :

- 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;

- 15 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonné à l'employeur le remboursement à Pôle emploi d'une partie des indemnités de chômage payées à la salariée, à hauteur de 2 327,45 euros ;

STATUANT À NOUVEAU de ce chefs :

- dit que Mme [D] a été victime de faits de harcèlement sexuel ;

- dit que Mme [D] n'a pas été victime de faits de harcèlement moral ;

- dit que le licenciement de Mme [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

- condamne la société Schneider Electric Energy France à verser à Mme [D] la somme de 10 000 euros au titre du harcèlement sexuel dont elle a été victime ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y AJOUTANT,

Met les dépens à la charge de la société Schneider Electric Energy France ;

CONDAMNE la société Schneider Electric Energy France à payer à Mme [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/07003
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;19.07003 ?
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