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12/01/2023 | FRANCE | N°19/06875

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 janvier 2023, 19/06875


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/06875 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MT4C





[H] [P]



C/

SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2019

RG : F 18/00747





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023





APPELANT :



[I] [H] [P]

né le 18 Janvier 1973 à [Localité 10

]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Sylvie ESCALIER, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/06875 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MT4C

[H] [P]

C/

SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2019

RG : F 18/00747

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

APPELANT :

[I] [H] [P]

né le 18 Janvier 1973 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sylvie ESCALIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SASU SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me LEYRAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Vincent CASTELLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [I] [H] [P] avait été initialement embauché par la société KAPPA, laquelle l'a mis à la disposition de la société Areva le 28 avril 2005.

Ce salarié, par suite, a été embauché par la dite société Areva, suivant contrat à durée indéterminée du 5 août 2008, pour exercer à [Localité 12] la fonction de responsable d'affaires, statut cadre, cela avec une reprise d'ancienneté au 28 avril 2005.

Ensuite du rachat de la branche transmission et distribution de la société Areva, le contrat de travail de Monsieur [I] [H] [P] a été transféré à la la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE.

Le 21 août 2012, Monsieur [I] [H] [P] a été nommé au poste de chef de projet photovoltaïque et affecté sur le site de [Localité 12].

À compter du 1er janvier 2015, il a été désigné, en qualité de ' responsable métiers projet centre d'applications'.

Il a alors été affecté au 'projet [Localité 11]'.

Le 15 février 2017, il recevait de sa direction un courriel lui indiquant :

« Je te demande de stopper toute action liée au projet [Localité 11]. En effet, nous sommes entrés dans une phase de run de l'application et les équipes de [W] [R] se chargeront maintenant de poursuivre les formations avec un planning discuté avec le CODIR du CEFG. »

Dès lors, ce salarié a été informé de cequ'il devait être réaffecté sur un poste de travail différent.

Les parties au contrat de travail échangeaient sur la question de cette réaffectation.

Le 10 novembre 2017, Monsieur [I] [H] [P] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, lequel étai fixé à la date du 20 novembre suivant.

Suivant lettre du 23 novembre 2017, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Au terme de ce courrier, le licenciement était motivé en ces termes :

« Vous avez été embauché au sein de la société AREVA, en août 2008, en qualité de responsable d'affaires. Votre transfert au sein de la société SCHNEIDERELECTRIC, lors du rachat de la branche T&D AREVA par SCHNEIDER ELECTRIC en 2011, s'est fait sur un poste identique dénommé Chef de ProjetRéalisation au sein de SCHNEIDER ELECTRIC.

Vous avez tenu ce poste au sein de l'équipe photovoltaïque du CADE Rhône Alpes Auvergne de l'agence de [Localité 12] jusqu'au er janvier 2015, date à laquelle vous avez intégré le projet [Localité 11].

Nous sommes engagés dans votre processus de mobilité professionnelle depuis un an, faisant suite à la fin de votre mission au sein du projet [Localité 11].

Dès le mois de novembre 2016, nous vous avons indiqué que nous vous réintégrions dans votre poste de Chef de Projet au sein de l'équipe Solar, du CADE à l'agence [Localité 12]. Ceci vous a été confirmé par Monsieur [M] [C], Directeur du CADE, au cours de votre entretien téléphonique. Chaquefois, vous nous avez informés de votre refus de reprendre ce poste au motif que vous aspiriez à un poste de manager. Dans ce but, vous nous avez indiqué souhaiter réorienter l'ensemble de vos recherches d'opportunités professionnelles sur des postes de manager.

Malgré ce refus exprimé à deux occasions et que nous estimions infondé, nous avons fait le choix de vous laisser du temps pour vous permettre de poursuivre vos recherches afin que vous puissiez identifier la solution la plus adaptée à vos souhaits, compte tenu toutefois de votre profil.

A ce titre, nous vous avons fait part à plusieurs reprises que le positionnement que vous envisagiez sur un poste de management n'était pas compatible avec votre niveau d'expérience au sein du Groupe, ou encore les compétencesdémontrées jusqu'à ce jour lors des précédents projets auxquels vous avez pris part.

En effet, dès novembre 2016, des échanges sur votre développement professionnel à plus court terme et en particulier sur la dimension de votre prochain poste, ont eu lieu avec votre manager, [F] [Z], au cours de votre entretien annuel de performance, dans lequel il a précisé que « (') je valide comme « Chef de Projet Senior ». Il doit encore travailler son impact sur les autres afin de prétendre à un poste de manager à l'issue de sa prochaine mobilité ».

Au cours de vos recherches, nous vous avons alerté à plusieurs reprises sur le décalage existant entre vos aspirations professionnelles et vos capacités, considérant que vous n'aviez pas encore acquis les aptitudes managériales et vos capacités de leadership attendues sur un poste de qualification supérieure ou orienté sur la gestion d'équipe.

En sus du temps accordé, nous avons, de notre côté, déployé de nombreuses actions en vue de vous accompagner dans le choix d'une nouvelle affection professionnelle tout en tenant compte de vos souhaits de positionnement géographiques et de vos compétences.

Au mois de décembre 2016, au cours d'un entretien avec votre manager, celui-ci vous a proposé un poste de Chef de Projet dans l'équipe du centre d'applications ITD, à [Localité 5].

Vous lui avez alors expliqué ne pas vouloir aller travailler à [Localité 5].

Malgré votre refus et dans le souci de tenir compte de vos souhaits de mobilité, nous avons, alors que nous n'en étions pas tenus, poursuivi nos efforts pour identifier une alternative. Dès janvier 2017, à notre initiative, nous avons mis en place des points d'échange avec votre Responsable Ressources Humaines, Madame [X] [Y]. Notre premier entretien, dans ce cadre, a eu lieu le 10 janvier 2017, au cours duquel nous avons établi un plan d'action qui a été suivi par voie d'échanges de mails. A partir du mois de mars 2017, dès la fin de votre mission dans le projet [Localité 11], ces points contacts ont eu lieu à un rythme d'environ 2 par mois en moyenne, jusqu'à ce jour. Ces points contacts téléphoniques ou présentiels étaient complétés d'échanges de mails sur le suivi de votre dossier.

Durant l'ensemble de cette période, nous avons mis en 'uvre les actions

suivantes :

- Nous vous avons proposé votre poste précédent au sein de l'équipe photovoltaïque à l'agence de [Localité 12], que vous avez refusé début 2017. Nous vous avons reproposé, 4 mois plus tard, ce poste, à titre de mission, car vous n'aviez toujours pas d'autres pistes à ce moment-là. Vous l'avez à nouveau refusé.

- En décembre 2016, nous vous avons proposé le poste de chef de projet à [Localité 5] que vous avez décliné, au motif que vous ne souhaitiez pas aller à [Localité 5];

- Fin janvier 2017, nous vous avons fait parvenir le poste de Hive Experience Officer que vous avez décliné au motif qu'il était localisé à [Localité 4], siège social du Groupe SCHNEIDER ELECTRIC ;

- Début mai 2017, nous vous avons transmis l'offre de poste de Master Data à [Localité 6], afin d'allier à ce poste vos compétences issues du projet [Localité 11]. Vous l'avez décliné également considérant que les demandes en compétences informatiques n'étaient pas en adéquation.

- Mi-juin 2017, nous vous avons fait suivre le poste de Supply Chain Coordinator Solar, pour lequel vous avez été reçu en entretien mais n'avez pas été retenu.

- Enfin, en juillet 2017, nous vous avons proposé une mission longue de 4 mois en tant que chef de projet au sein des équipes Global Field Services. Ce poste était en adéquation avec vos compétences et vous aurait permis une exposition plus large que le périmètre dans lequel vous avez exercé vos fonctions jusqu'à ce jour. Vous avez refusé cette mission au motif qu'elle était basée à [Localité 9].

En parallèle de ces propositions de poste, nous vous avons accompagné dans vos démarches de la façon suivante :

- Tout au long de cette année, nous avons assuré un accompagnement RH régulier, relancé les RH recruteurs lors de chaque candidature que vous

avez présentée.

- En janvier 2017, nous avons transmis votre CV aux RHBP du périmètre France Opérations, qui couvrent ainsi le périmètre commercial en France.

- En avril 2017, nous avons transmis votre CV à un manager de vendeur Industry à [Localité 12].

- En mai 2017, nous avons présenté votre candidature au Comité Emploi France.

- Nous vous avons mis en relation avec le Conseiller d'Orientation SCHNEIDER, afin qu'il vous propose un accompagnement complémentaire, orienté sur le bilan des compétences et les techniques de recherches d'emploi.

En juin, puis en septembre 2017, nous vous avions confié deux missions en lien avec vos compétences. Ces missions avaient pour objectif de vous maintenir dans une dynamique professionnelle, de vous faire connaître plus largement et démontrer de nouvelles compétences.

Toutefois, de votre côté, vous avez toujours refusé d'entendre notre message sur l'inadéquation de votre profil à un poste de manager, et avez majoritairement orienté toutes vos recherches sur ce type de poste. Ainsi, vous avez postulé au poste de Responsable Régional CADE à l'agence de [Localité 12] en novembre 2016, sur le poste de « Pricing Director ITD » en décembre 2016, ou « ESS demand Project / Program Manager » et « Marketing Communications Manager (Solar Business) » en janvier 2017.

Malgré nos entretiens, les retours factuels que nous vous avons faits, vous avez poursuivi en mars 2017 en postulant au poste de Directeur Régional du Centre d'Applications PA à [Localité 12], puis au poste de « Director Technical Communications », « Execution Team Manager », ou « Product Manager » par la suite. En septembre 2017, vous avez même postulé au poste « Chief Operations Officer » chez REC qui est un poste de manager expérimenté (poste de « manager de managers »).

Au cours de nos entretiens, nous avons pourtant régulièrement évoqué que vous n'aviez pas les compétences attendues pour un poste de manager, telles que définies dans les sept valeurs de leadership par le Groupe SCHNEIDER ELECTRIC et évaluées par votre management. Que ce soit à l'occasion du projet [Localité 11] ou lors des entretiens que vous avez pu avoir au cours de votre mobilité,vous n'avez pas été en posture d'écoute, de remise en question, reportantsystématiquement les erreurs sur les autres, vous n'avez pas démontré de

leadership affirmé. En réponse à nos remarques, vous avez systématiquement répondu que vous aviez une formation initiale en management et que cela suffirait à tenir un poste de manager.

Nous vous avons donc fait un ensemble de propositions que vous n'avez pas retenues, décidant d'axer vos recherches sur des postes différents. Vos différentes candidatures n'ont pas été retenues ou les entretiens n'ont pas abouti car vous n'étiez pas au niveau de compétences et expérience attendues.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes au regret de vous notifier notre décision de vous licencier. ».

Par requête reçue au greffe le 16 mars 1018 Monsieur [I] [H] [P] faisait convoquer son ancien employeur devant le conseil de prud'hommes de LYON et cela aux fins que le dit conseil:

-Juge que son licenciement ne reposait sur aucune cause réelle ni sérieuse,

-En conséquence condamne la la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE à lui payer la somme de 54'615,22 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

-Condamne la dite société à lui payer la somme de 14'298 €, à titre de rappel de salaire,

- Condamne la société à lui payer la somme de 15'000 €, à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale,

- Condamne celle-ci à lui payer la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Prononce l' exécution provisoire.

La société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE, comparante, sollicitait que ce demandeur soit débouté de l'ensemble de ses prétentions et concluait à sa condamnation à lui payer la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 5 septembre 2019, le conseil des prud'hommes de LYON rendait un jugement dont le dispositif était pour l'essentiel rédigé comme suit :

'Déboute Monsieur [I] [H] [P] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Monsieur [I] [H] [P] de sa demande au titre de la discrimination salariale,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [I] [H] [P] aux dépens.'

Le 4 octobre 2019, Monsieur [I] [H] [P] formait appel de ce jugement.

Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 27 avril 2021, Monsieur [I] [H] [P] sollicite que la présente cour:

- Infirme le jugement appelé en toutes ses dispositions,

- Juge qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamne en conséquence la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE à lui payer la somme totale de 51'677 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter de la mer de l'arrêt intervenir,

-Juge que la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE n'a pas respecté le principe « à travail égal, salaire égal »,

- La condamne, en conséquence , à lui payer la somme totale brute de 9146,40 euros, à titre de rappel de salaire outre 914,64 euros au titre des congés payés afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale,

- Condamne également la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE à lui payer la somme de 5000 €, à titre de dommages-intérêts pour en réparation du préjudice résultant de ce manquement,

- Condamne enfin la dite société à lui payer la somme de 2500 €, à titre d'indemnité, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 24 juin 2022, la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE sollicite que la cour:

-Confirme le jugement en ce qu'il a :

-Débouté Monsieur [I] [H] [P] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Débouté ce dernier de sa demande au titre de la discrimination ce salariale et de sa demande en paiement d'un rappel de salaire,

condamné celui-ci aux dépens,

-Ajoutant du jugement elle demande condamnation de Monsieur [I] [H] [P] à lui payer la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Il sera renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions, susvisées, qu'elles ont déposées et, ce, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.'

MOTIFS

Sur le licenciement et sa cause

Arguments des parties

Monsieur [I] [H] [P] , de ce chef, expose que :

Le contrat de travail est un accord de volonté qui tient lieu de loi aux parties. ll ne peut être modifié sans l'accord des deux parties contractantes.

L'employeur qui réduit les responsabilites d'un salarié modifie son contrat de travail.

Ce dernier, dès lors, peut refuser un changement de poste ne correspondant pas à sa qualification.

Or,en l'espèce, un changement de poste lui a bien été abusivement imposé.

Il devait conserver son poste de 'Responsable Métiers projets [Localité 8] d'Application', au [Adresse 7] (CEF).

C'est bien la société qui a décidé de ne plus l'affecter sur le projet [Localité 11].

Lorsqu'il a été nommé 'Responsable Métiers Projets, centre d'application' , il ne lui a jamais été indiqué que cette nomination était temporaire et qu'elle était liée à son affectation sur le proiet [Localité 11].

Contrairement, à ce qu'affirme la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE dans le cadre des débats, rien dans l'avenant au contrat de travail ne l'indiquait.

D'ailleurs, en sa qualité de 'Responsable Métiers Projets, centre d'application', il n'avait pas pour seule mission le dit projet [Localité 11].

En conséquence, à l'issue de cette mission,il aurait dû continuer à occuper le dit poste de 'Responsable Metiers Projets [Localité 8] d'Application', au sein du Centre d'Execution France (CEF), structure d'environ 600 personnes qui regroupe une demi- douzaine dc [Localité 8] d'Application (CA), dont le Centre d'Application Distribution Electrique (CADE).

La société n'avait aucun droit de l'affecter sur un autre poste sauf à évoquer des insuffissances professionnelles ce qu'elle se dispense de faire.

Il a légitimement refusé de reprendre son ancien poste de ''Chef de Projet photovoltaïque' au sein du CADE Rhône-Alpes.

Sa nomination au poste de 'Responsable Métiers Projets, centre d'application' avait constitué une promotion.

L'employeur avait lui-même qualifié cette nomination ' d'évolution professionnelle'.

Alors qu'en sa qualité de chef de projet photovoltaïque il était classé en position 2 indice 100, il s'est vu attribuer l'indice 108 de la classification dès janvier 2015 lorsqu'il a été nommé 'Responsable Métiers Projet centre d'applications', puis il s'est vu attribuer l'indice 114 à compter de janvier 2016.

Contrairement à ce qu'affirme la société, sa classification a donc bien évolué lorsqu'il a pris le poste de ' Responsable Metiers Projets [Localité 8] d'Application' .

Si l'avenant au contrat de travail du 29 septembre 2014 ne mentionne pas le changement de classification, les bulletins de salaire sont de leurs côtés , très explicites.

Cette promotion etait également accompagnée d'une augmentation de salaire et également d'un bonus dont le pourcentage passait de 2 % à 4 %, soit une évolution salariale globale de 5,20 %.

Il a légitimement répondu négativement à la proposition de poste de son employeur visant à le déclasser sur son ancien poste, précisant justement qu'il l'estimait sous-dimensionné et sans valeur ajoutée par rapport à ce qu'il avait fait auparavant.

Il n'avait bien aucune obligation d'accepter d'être retrogradé.

Pour l'ensemble de ces raisons, la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE ne peut sérieusement affirmer qu'il ' a refusé de reprendre son poste'.

Ce simple constat suffit à priver son licencient de toute légitimité.

La société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE, de ce chef, répond que :

Elle a licencié Monsieur [H] [P] en raison de ses refus répétés de reprendre le poste qui était le sien avant le projet [Localité 11], et plus généralement, des refus qu'il a opposé aux différents postes proposés, Monsieur [H] [P] n'ayant par ailleurs lui-même pas trouvé un poste en adéquation avec ses compétences et aspirations.

La Cour constatera qu'elle n'a jamais entendu imposer à Monsieur [H] [P] une modification de son contrat de travail, qu'elle lui a fait plusieurs propositions de poste qu'il a toutes refusées et qu'elle l'a, malgré tout, accompagné dans son souhait de repositionnement professionnel, sans que cela puisse aboutir, compte tenu de ce que celui-ci refusait d'entendre qu'il ne pouvait occuper un poste de manager.

Elle n'a certes pas formalisé par un écrit la réintégration de Mo nsieur [H] [P] au sein de l'équipe photovoltaïque de [Localité 12].

Pour autant, cette proposition a bel et bien été faite, et même à plusieurs reprises.

En cause d'appel, Monsieur [H] [P] croit soudainement pouvoir invoquer un autre argument : la proposition de reprendre son poste de chef de projet réalisations CADE alors qu'il était ''Responsable Métiers Projet centre d'applications'' aurait constitué une modification de son contrat de travail, et même un déclassement, qu'il était en droit de refuser; en conséquence de quoi son refus ne pouvait constituer une cause de licenciement.

La Cour observera que lorsque Monsieur [H] [P] est passé du poste de chef de projets réalisations CADE à celui de 'responsable métiers projets centre d'application', le 1 er janvier 2015, sa classification n'a pas été modifiée : il est resté positionné au statut cadre position II indice 108.

Les bulletins de paie de Monsieur [H] [P] démontrent qu'il n'est passé à l'indice 114 qu'en janvier 2016, soit un an après avoir pris le poste de responsable métiers projets centre d'application.

De même, que ce soit en 2014 ou 2015, ses entretiens d'évaluation mentionnent qu'il était toujours évalué en tant que project manager (chef de projet).

Dans les faits, Monsieur [H] [P] a toujours été 'Chef de Projet'. L'avenant établi en janvier 2015 n'avait que vocation à entériner son positionnement sur la mission 'projet [Localité 11]'.

Mais Monsieur [H] [P] n'a jamais changé de postes ou de fonctions.

Dès lors, la proposition formulée de reprendre son poste antérieur, réalisations CADE n'induisait pas de modification de son contrat de travail.

Cette proposition constituait donc un simple changement des conditions de travail qui s'imposait à lui.

Sur ce

Il entre dans le pouvoir de direction d'un employeur d'imposer à un salarié son affectation, dès lors qu'il a la charge d'organiser le travail au sein de l'entreprise au gré des besoins de celle-ci.

Celui-ci est ainsi fondé à opérer une modification des conditions de travail d'un salarié, dès lors que celle-ci n'apporte pas de modification au contrat lui-même

En l'espèce, il est constant que l'employeur a mis fin à l'affectation de Monsieur [I] [H] [P] sur la mission 'Projet [Localité 11]' et qu'il a proposé à celui-ci et souhaité qu'il soit réaffecté sur le poste antérieurement occupé , celui de 'Chef de Projet photovoltaïque' sur le site de [Localité 12] .

Il importe peu que cette proposition ait été formulée ou non par écrit, dès lors qu'il n'est pas débattu qu'elle a bien été faite.

Il est également constant que ce dernier a refusé ce retour sur cet ancien poste.emploi.

Le licenciement querellé étant de nature disciplinaire, la cour doit déterminer si ce refus était ou non légitime.

Pour se faire, elle doit interroger la question de savoir si la demande faite à Monsieur [I] [H] [P] de se voir réaffecté sur son ancien poste de travail constituait ou non une modification de son contrat de travail ou si elle relevait d'une simple modification des conditions de travail, relevant ainsi du pouvoir de direction de l'employeur et qui ne pouvait en cela être rejetée.

Il sera précisé que la charge de la preuve de ce que l'employeur entendait modifier le contrat de travail revient au salarié invoquant cet argument.

En premier lieu, il doit être sera recherché si l'affectation de ce salarié au projet [Localité 11], en qualité de 'Responsable Métiers Projet' était convenue pour être limitée dans le temps .

Il n'est produit aux débats aucune pièce ayant trait à cet argument présenté par la partie intimée.

Dès lors, il ne peut être retenu que les parties avaient explicitement convenu que l'affectation de Monsieur [I] [H] [P] sur le 'Projet [Localité 11]' était limitée dans le temps.

Cependant, comme cela a été indiqué précédemment, il n'en reste pas moins que le pouvoir de direction de l'employeur l'autorisait à réaffecter ce salarié sur d'autres missions, au gré des besoins de l'entreprise.

À ce titre, l'appelant qui soutient que son retrait du projet [Localité 11] aurait eu pour finalité une réduction de coûts, ne prétend ainsi pas qu'il aurait subi un abus de droit et une décision fondée sur une cause étrangère à l'intérêt, à tout le moins économique, de son employeur.

La seconde question posée à la présente juridiction est celle de savoir si la désignation de Monsieur [I] [H] [P] en qualité de 'Responsables Métiers Projet centre d'application's à compter du 1er janvier 2015 a constitué ou non une promotion, induisant qu 'un retour au poste de chef de projet aurait constitué une rétrogradation..

Ce dernier dépose aux débats l'un courrier, qui lui a été remis par son employeur en date du 29 septembre 2014.

Ce document est rédigé comme il suit :

'Avenant au contrat de travail- votre mutation

Nous avons le plaisir de vous confirmer votre évolution professionnelle qualité de responsables métiers projet centre d'applications à compter du 1er janvier 2015.

Dans le cas de cette prise de poste, nous avons le plaisir de vous accorder :

'une augmentation de votre salaire mensuel brut de base d'un montant de 140€

'une évolution de votre bonus cible de 2 % à 4 %.(...)

Ce qui représente une évolution salariale de 5,20 %.

Les autres éléments de votre contrat demeurent inchangés.'

Il doit être considéré que contrairement à ce que soutient l'appelant, les vocables 'évolution pro professionnelle ' ne sont pas synonymes de « promotion ».

Il produit également l'avenant au contrat de travail signé et à effet du 1er octobre 2015, soit 10 mois après sa date de prise de fonctions sur son nouveau poste.

Cet avenant a exclusivement trait au montant de sa rémunération.

Le courrier précité, en date du 29 septembre 2014, ne définit pas les fonctions nouvellement confiées à cet ingénieur et ne permet pas d'apprécier si elles étaient d'un niveau de responsabilité supérieur à celles de chef de projet, cela d'autant qu'aucune des parties aux débats ne produit un quelconque élément de classification des emplois dans cette entreprise, qui permettrait de comparer le niveau de chacune de ces fonctions.

Par ailleurs, le bulletin de salaire du mois de mois de janvier 2015 rapporte que ce salarié était alors classifié au niveau « indice 108 ».

Il soutient que jusqu'alors son indice était arrêté au niveau 100.

Cependant il ne produit pas aux débats les bulletins de paye de l'année 2014 c'est-à-dire pour la période juste antérieure à sa prise de fonction nouvelle.

Dans ces conditions est faute de comparaison possible, de comparaison possible il n'est pas démontré que sa désignation comme 'Responsable Métiers Projet' aurait été accompagnée d'une élévation de la classifiction de son poste.

En définitive si la désignation de l'appelant sur un emploi de ' 'Responsable Métiers Projet' centre d'application', à compter du mois de janvier 2015 n'était pas limitée dans le temps et si elle s'est accompagnée d'une augmentation salariale, il n'en reste pas moins que ce dernier n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de considérer qu'il s'est agi là d'une promotion fonctionnelle, accompagnée de responsabilités nouvelles.

Par ailleurs, aucune pièce ne démontre que le retour de ce cadre sur son ancien poste se serait nécessairement accompagné d'une diminution de son 'bonus cible' ou d'une baisse des conditions de rémunération contractualisées par l'avenant à effet du 1er octobre 2015.

Enfin le fait que les tâches confiées à un chef de projet photovoltaïque aient pu évoluer dans le temps et qu'elles aient pu être vécues par celui-ci comme présentant un moindre intérêt ne saurait conduire la présente juridiction à retenir qu'il il ne s'est pas agi d'une simple modification descondition de travail s'imposant à lui.

En conséquence, il sera jugé que l'appelant ne démontre pas que l'injonction faite par son employeur qu'il reprenne ses fonctions antérieures de chef de projet photovoltaïque sur le site de [Localité 12] aurait induit une modification du contrat de travail les liant.

Ainsi, il sera retenu qu'il entrait dans les prérogatives de la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE de muter ce salarié dans ses fonctions précédentes et , à titre surabondant, il sera rappelé que rien ne l'obligeait à l'avoir accompagné plusieurs mois durant dans sa demande d'une autre mutation ou de reporter sa reprse d'activité durant plus de 9 mois.

Aucune faute ne peut donc être imputée à cette entreprise.

Il sera considéré qu'après qu'il ait bénéficié d'un temps de latence notable et de recherches d'un poste pouvant répondre à ses aspirations, le refus qu'il a opposé à la demande qui lui était faite de reprendre son ancien poste de travail, a bien constitué une faute.

Au regard de la détermination explicite de ce salarié à ne pas reprendre son activité sur ce poste auquel il était légitimement désigné, cette cause réelle constituait également une cause sérieuse de rupture de contrat travail.

Monsieur [I] [H] [P] sera donc débouté de sa contestation du bien-fondé de son licenciement et est des demandes indemnitaires en résultant, le jugement appelé étant end ainsi confirmé de ces chefs.

Sur la demande de rappel de salaire fondée sur le principe « à travail égal, salaire égal »

Arguments des parties

De ce chef, Monsieur [I] [H] [P] expose que :

À compter de la date du transfert des contrats de travail, les salariés deviennent salariés de l'entreprise cessionnaire.

Si une négociation préalable transfert s'est soldée par la conclusion d'un accord de transition, celui-ci s'applique aux salariés transférés. Si cette négociation aboutit la signature de la anticipée de substitution, celui-ci remplace en principe immédiatement les conventions et accords collectifs auxquels il se substitue

En l'absence d'accord de substitution après un an, , le salarié d'une société absorbée est fondé à revendique, à compter de la date à laquelleil est devenu salarié de cette société, le bénéfice 'un accord collectif en vigueur dans la société dans la société absorbante.

En l'espèce, à la suite du rachat de la branche transmission et distribution de la société Areva, la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE a maintenu les aux anciens salariés de la dite société Areva dans un statutit particulier.

Les salariés transférés de la société Areva étaient dénommés 'SEEF' tandis que les salariés historiques de la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE étaient dénommés 'SEF', il ne compare donc pas sa situation à celle de salarié d'une société distincte, mais bien à celle de salarié de la même entité, la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE.

Or à la différence des chargés d'affaires, salariés historiques de la société, il s'est vu privé d'un complément de rémunération (CRM) représentant 5 % de la rémunération mensuelle

En réponse la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE énonce que :

Monsieur [H] [P] indique que les salariés SEF bénéficieraient d'un complément de salaire de 5 % que ne perçoivent pas les salariés SEEF.

Mais le principe « à travail égal salaire égal » ne signifie pas qu'il ne peut y avoir de différence de traitement.

Cette différence de traitement doit seulement être objectivement justifiée.

Ainsi, la Cour de cassation a précisé que le principe « à travail égal, salaire égal » « n'a vocation à s'appliquer qu'à l'égard des salariés d'une même entreprise ».

Dès lors, Monsieur [H] [P], salarié de la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE ELECTRIC ENERGY FRANCE, ne peut se comparer aux salariés de la société SCHNEIDER, qui est une société distincte.

En outre, les ruptures d'égalité sont justifiées lorsqu'elles résultent de la mise en oeuvre d'un accord collectif suite à une fusion ou cession.

Plus généralement, la différence de traitement peut résulter d'un accord collectif et elle, est alors présumée justifiée dès lors qu'elle résulte d'un accord collectif négocié et signé par des syndicats représentatifs.

C'est précisément le cas en l'espèce. Monsieur [H] [P] souligne d'ailleurs lui-même qu'aucun accord de substitution n'a été conclu.

De surcroît, il ressort des pièces communiquées par Monsieur [H] [P] que celui-ci entend se prévaloir de dispositions conventionnelles prévoyant le versement d'un complément de rémunération métier de 5% aux chargés d'affaires.

Mais Monsieur [H] [P] n'est pas chargé d'affaires.

Sur ce

Monsieur [I] [H] [P] fait grief à son employeur de ne pas lui avoir versé un élément de rémunération perçu par d'autres salariés « chargés d'affaires » également présents dans l'entreprise, pour la période courant du mois de mars 2015.

Cependant il convient de rappeler qu'il a été nommé chef de projet photovoltaïque en août 2012, puis ' Rresponsable Métiers Projet' .

Comme le relève la partie intimée, il ne justifie pas avoir occupé durant la période litigieuse précitée un emploi de chargé d'affaires. Il ne justifie pas plus que les fonctions qu'il occupait à compter du 1er septembre 2012 lui ouvrait droit aux éléments de rémunération versés aux chargés d'affaires.

Dans ces conditions, il ne justifie pas d'une situation contractuelle identique à celle des personnes auxquelles il se compare, quand aux stipulations relatives à sa rémunération.

Sa demande de ce chef sera rejetée, sans qu'il soit besoin de s'intéresser aux autres arguments développés par les parties.

Sa demande en dommages et intérêts fondés sur le manquement allégué au respect de la règle « à travail égal salaire égal » sera ainsi rejetée. Là encore le jugement appelé sera de ce chef confirmé

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur [I] [H] [P] succombant en sa demande supportera les dépens de première instance et d'appel.

En équité et au regard de situation économique très différente des parties à l'instance, la société SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE ne sera pas accueillie en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

De ce chef encore, le jugement sera là encore confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement appelé, rendu le 5 septembre 2019,

Dit n'y avoir liey à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ccondamne Monsieur [I] [H] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/06875
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;19.06875 ?
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