AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00606 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M2H7
[R]
C/
Association SESAME AUTISME RHÔNE APLES
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon
du 19 Décembre 2019
RG : 17/04381
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
APPELANTE :
[W] [R]
née le 10 Novembre 1971 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Association SESAME AUTISME RHÔNE APLES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maud VERNET, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Octobre 2022
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'Association SESAME AUTISME RHONE ALPES est une association de parents qui propose, au sein des différents établissements qu'elle gère, un accueil, une prise en charge et un accompagnement aux personnes atteintes d'autisme et à leurs familles.
Mme [W] [R] a été embauchée, par contrat à durée indéterminée, à compter du 16 mai 2011, en qualité de «Responsable Ressources Humaines», statut Cadre, Classe III Niveau 1, Coefficient 848 par l'association SESAME AUTISME.
Mme [R] s'est trouvée en arrêt de travail du 13 juin au 25 juillet 2013 puis, à compter du 26 janvier 2015.
Par requête du 12 décembre 2017, Mme [R] a saisi le conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 5 juin 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [R] inapte à son poste dans les termes suivants «L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi».
Par courrier du 29 juin 2018, SESAME AUSTISME a procédé au licenciement de Mme [R] pour inaptitude.
Par jugement du 19 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a débouté Mme [R] de ses demandes afférentes au manquement à l'obligation de sécurité, à la durée du travail et au travail dissimulé, à l'exécution déloyale du contrat de travail et a condamné l'association SESAME AUTISME :
à payer à Mme [R] les sommes de 1 737,89 euros à titre de rappel de salaire et de 173,78 euros au titre des congés payés afférents, et la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
aux dépens.
Le 22 janvier 2020, Mme [R] a fait appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 2 septembre 2022, Mme [R] demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association SESAME AUTISME RHONE Alpes à lui verser la somme de 1 737,89 euros à titre de rappel de salaire, outre 173,78 euros de conges payes afférents.
l'infirmer POUR LE SURPLUS.
STATUANT A NOUVEAU,
dire que l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes a manqué à l'obligation de sécurité qui lui incombait ;
la condamner à lui verser la somme de 70 000 euros nets à titre de dommages et intérêts ;
Dire que l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes n'a pas respecté les dispositions légales et contractuelles relatives à la durée du travail ;
la condamner à ce titre à lui payer la somme de 24 000 euros nets à titre de dommages et intérêts
dire que l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail ;
la condamner à ce titre à lui verser la somme de 24 000 euros nets a titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice subi.
A TITRE PRINCIPAL
dire que les manquements commis par l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail ;
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet au 29 Juin 2018 ;
CONDAMNER l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes à lui verser à ce titre :
14 698,64 euros e titre d'indemnité compensatrice de préavis,
1 469,86 euros au titre des congés payés afférents,
40 000,00 euros nets de C.S.G. et C.R.D.S. a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner SESAME AUTISME Rhône-Alpes à lui verser les sommes suivantes :
14 698,64 euros a titre d'indemnité compensatrice de préavis,
1 469,86 euros au titre des congés payés afférents,
40 000,00 euros nets de C.S.G. et C.R.D.S. a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y AJOUTANT
condamner l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
condamner l'association SESAME AUTISME Rhône-Alpes aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 7 septembre 2022 ; l'association SESAME AUTISME RHONE ALPES demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le Conseil de prud'hommes de LYON, sauf en ce qu'il a condamné l'Association à verser à Madame [R] la somme de 1 737,89 euros de rappel de salaire, outre les congés payés afférents,
INFIRMER le jugement rendu en première instance en ce qu'il l'a condamnée au rappel de salaire susvisé,
JUGER que l'état de santé de Mme [R] est sans lien avec ses conditions de travail au sein de l'association et débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes pécuniaire formulées à ce titre,
A TITRE SUBSIDIAIRE, et si un doute devait persister sur l'absence de lien entre l'état de santé de Mme [R] et ses conditions de travail au sein de l'association, nommer tel expert qu'il lui plaira aux fins de procéder à l'étude du dossier médical de la salariée, et de déterminer l'origine des problèmes de santé rencontrés par Mme [R],
A titre infiniment subsidiaire :
Juger que Mme [R] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice afférent aux prétendus manquements de l'employeur, réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités par Mme [R],
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
A TITRE PRINCIPAL,
juger que la demande de résiliation judiciaire de Mme [R] ne présente aucune légitimité et justification et la débouter de l'ensemble des demandes qu'elle formule à ce titre,
juger que le licenciement de Mme [R] pour inaptitude est parfaitement légitime et fondé,
débouter Mme [R] de toutes les demandes qu'elle formule à ce titre,
A TITRE SUBSIDIAIRE,
faire application de l'article L. 1235-3 du Code du travail,
réduire en conséquence le montant des dommages-intérêts dont Mme [R] sollicite l'allocation au titre de son licenciement,
En tout état de cause,
juger que Mme [R] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice afférent à la rupture de son contrat de travail,
ramener les demandes indemnitaires formulées par Madame [R] à ce titre à plus justes proportions,
III. SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES,
condamner Madame [R] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
SUR CE
Sur la durée du travail :
La salariée fait valoir :
qu'elle était soumise à une charge de travail excessive puisqu'elle a été engagée dans le cadre d'une création de poste en qualité de responsables des ressources humaines avant la fusion SESAME AUTISME Dauphiné-Savoie et Rhône Alpes ;
qu'elle a participé à la préparation de la fusion tout en travaillant, en parallèle à la préparation des négociations en vue de la finalisation de divers accords salariaux ;
qu'elle a, régulièrement, dépassé la durée maximale de travail et que son employeur en était informé ;
que, lorsqu'elle demandait le paiement des heures supplémentaires, elle n'obtenait aucune réponse ;
qu'elle n'est plus en possession d'un décompte exhaustif de son temps de travail en 2014 car ce document est resté dans son bureau et qu'elle n'a pas pu le récupérer, la déléguée syndicale qu'elle avait mandatée pour ce faire n'ayant pas été autorisée à se rendre dans son bureau ;
qu'aucune solution de télétravail n'a été mise en place mais qu'elle travaillait à domicile car elle n'a disposé d'un bureau individuel qu'au mois de juillet 2014 ;
que l'employeur ne verse aucun document établissant les heures travaillées.
L'association SESAME AUTISME réplique :
que les tâches énumérées par Mme [R] font partie de sa fonction et ne constituent pas une surcharge de travail ;
qu'elle ne l'a jamais alertée sur un quelconque surmenage lié à ses conditions de travail ;
que l'attestation de M. [N] est un document de pure convenance ;
que ce témoin affirme que Mme [R] était victime d'une surcharge d'activité alors qu'en sa qualité de directeur général de l'association, il était responsable des conditions de travail ;
qu'après le départ de M. [N], il a été accédé aux demandes de la salariée visant à améliorer ses conditions de travail ;
que Mme [R] se contente de produire un décompte des heures supplémentaires, pour la seule année 2013, établi unilatéralement par ses soins ;
qu'elle n'a sollicité qu'une seule fois le paiement de ses heures supplémentaires et a obtenu une réponse puisque des jours de récupération lui ont été accordés pour la période de Noël 2013 ;
que Madame [R] disposait d'une grande liberté dans l'organisation de son temps de travail, tout d'abord en raison de son statut de Cadre, mais également et surtout en raison du fait qu'elle était autorisée, plusieurs jours par semaine, à travailler en télétravail ;
que c'est en raison de sa seule volonté qu'elle procédait à des réponses tardives à des mails qui ne concernaient pas des sujets urgents.
***
Mme [R] a été embauchée sur une création de poste, elle a participé à la fusion des associations SESAME AUTISME Dauphiné Savoie et Rhône Alpes.
Son contrat de travail prévoit un horaire hebdomadaire de 38 heures et 18 jours de RTT.
Elle justifie avoir organisé des négociations collectives, des consultations sur le projet de fusion, préparé des plans de formation, travaillé à l'harmonisation des pratiques RH.
Elle verse aux débats le tableau de ses horaires 2013, très précis puisque l'horaire journalier y est mentionné ainsi que les activités et le lieu d'exercice.
La salariée avait comptabilisé 315 heures supplémentaires pour l'année.
Le 8 août 2013, au retour d'un arrêt maladie, elle alertait le nouveau Directeur Général sur le dépassement de son horaire de travail, antérieur à son arrêt maladie.
Elle justifie avoir demandé à Mme [P], déléguée syndicale de récupérer son cahier de travail resté dans son bureau. Mme [P] témoigne avoir demandé l'autorisation au directeur général de lui transmettre le cahier de note 2014 et que ce dernier lui a répondu ne pas savoir de quel cahier il s'agissait.
Par courrier du 18 octobre 2016, M. [A], directeur général, répondait à un courrier de Mme [R] que les cahiers de prise de note réalisée dans le cadre de ses fonctions contenant des éléments professionnels ne pouvaient être assimilés à des objets personnels et qu'il n'avait trouvé « aucun planning de travail, ni relevés horaires la concernant dans son bureau ».
La salariée n'a donc pas d'éléments concernant ses horaires de l'année 2014 et pour le mois de janvier 2015, avant son arrêt maladie.
Elle ne fait pas de demandes au titre de heures supplémentaires, ni pour l'année 2013, ni pour l'année 2014.
L'importance de la charge de travail ressort des attestations d'une collègue de Mme [R], Mme [S], DAF, qui a mené la fusion des associations conjointement avec elle et témoigne de déplacement et nombreuses réunions de travail et d'une charge de travail évaluée en moyenne à 50 heures par semaine pour les deux salariées. Cette attestation ne peut à elle-seule établir que la durée légale hebdomadaire de travail a été dépassée et combien de fois.
M. [N], ancien directeur général témoigne lui aussi de l'importante charge de travail de Mme [R]. Il ne donne pas d'éléments précis quant au nombre d'heures travaillées par semaine.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages 'intérêts au titre du dépassement de la durée du travail.
Sur l'obligation de sécurité :
Mme [R] soutient :
que sa charge excessive de travail a entrainé une profonde dégradation de son état de santé ;
que l'employeur a pris conscience de la charge anormale pendant de nombreux mois et a décidé de l'embauche d'une personne supplémentaire pour s'occuper du volet social de la paie ;
qu'il n'a pris aucune décision à la suite d'une agression verbale dont elle a été victime en novembre 2014 de la part de M. [O] ;
L'Association SESAME AUTISME objecte que :
Mme [R] n'était pas surmenée et avait une grande latitude dans son organisation ;
elle a veillé à l'amélioration de ses conditions de travail en lui octroyant un véhicule de fonction, un repositionnement conventionnel, des jours de récupération et un nouveau bureau ;
l'attestation de M. [N], tout comme celles de Mme [S], doivent être accueillies avec la plus grande réserve, dans la mesure où le sentiment de vengeance semble largement prendre le pas sur l'objectivité ;
les fonctions exercées par Mme [R] ont par la suite été exercées par une seule et unique personne, à savoir Madame [I], qui mène à bien l'ensemble des missions qui lui sont attribuées ;
elle ne nie pas l'existence des problèmes de santé mais réfute le lien avec les conditions de travail ;
si un doute venait à subsister quant à l'absence de lien entre l'état de santé de Madame [R] et ses conditions de travail, il conviendrait d'ordonner une expertise médicale.
***
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
Mme [R] verse aux débats les arrêts de travail des 2 février, 19 février et 12 mars 2015, pour « troubles anxieux et dépressifs compliquant un épuisement professionnel », « tableau d'épuisement compliqué de trouble anxieux » et « troubles anxieux et de l'humeur en lien avec situation professionnelle ».
Le Dr [Y] [M], psychiatre, qui a prescrit ces arrêts de travail, a établi une attestation le 28 décembre 2019 : il suit Mme [R] depuis le 29 mai 2013 et dès 2013 mais surtout à partir de 2014, il a constaté « un discours cohérent relatant des difficultés professionnelles, la persistance d'un certain niveau d'épuisement surtout psychiques avec difficultés cognitives (concentration et mémorisation), réduction nette du sentiment d'accomplissement professionnel avec une auto-dévalorisation et un sentiment d'impuissance, une perte de confiance en soi, une tristesse de l'humeur réactionnelle, une anxiété majeure. Ces symptômes étaient tout à fait compatibles avec le tableau clinique habituel d'épuisement professionnel (ou burn out) compliqué de troubles dépressifs, si la patiente était en mesure de prouver ses dires sur les conditions de travail. ».
Le médecin ajoute que la lésion tumorale, pour laquelle la patiente a bénéficié d'une chirurgie d'exérèse en mars 2017 ne saurait expliquer la symptomatologie décrite.
Le Dr [U], psychiatre à la clinique [4] a établi un certificat médical le 5 décembre 2016 pour le médecin de la CPAM : elle déclare que Mme [R] est toujours en soins à l'hôpital de jour et participe à divers groupes thérapeutiques à raison de 3 jours par semaine ; qu'elle « reste avec une anxiété de fond, une réelle vulnérabilité au stress ['] elle ne me semble pas en mesure de se remobiliser sur un travail et de tenir dans la durée, sans risque majeur d'une nouvelle dégradation de son état de santé. Je serais favorable à une invalidité 2ème catégorie, qui lui permettrait de manière plus sécurisante des poursuivre de soins encore nécessaires, avant de se remobiliser à plus long terme vers une réorientation professionnelle ».
Mme [L] [S], ancienne Directrice administrative et financière, a établi deux attestations (9 septembre 2017 et 10 juin 2020).
Elle témoigne avoir participé au recrutement de Mme [R], dans le cadre de la fusion entre SESAME AUTISME Dauphiné Savoie et Rhône Alpes et avoir travaillé avec cette dernière jusque fin 2013, dans un climat délétère compte tenu de l'opposition de plusieurs directeurs, d'une surcharge de travail, avec des journées de 12-15 heures pendant plusieurs mois, dans des conditions déplorables car elles n'avaient pas de bureau au siège. Elle ajoute qu'elles ont fait un burn out en juin 2013, après la démission de M. [N], fatigué d'être déligitimé en permanence par le Président M. [G].
Elle déclare avoir alerté, avec Mme [R], M. [A], nouveau DG, sur la charge de travail excessive mais que ce dernier n'a ni reconnu ni réévalué cette surcharge à aucun moment. Elle ajoute qu'elles n'étaient pas soutenues par M. [A] en comité de direction vis-à-vis des directeurs d'établissement.
M. [N], directeur général de SESAME AUTISME Rhône Alpes, jusqu'au mois d'avril 2013 et qui a participé à la fusion témoigne de la charge de travail importante, «de l'état dégradé des pratiques en GRH du côté de l'association SARA : procédure de paie, droit du travail, non respect de la réglementation'» et de l'opposition des directeurs d'établissement « qui souhaitaient poursuivre leur gestion antérieure, sans aucun contrôle de l'organisme gestionnaire, sans aucune volonté d'harmoniser les modes d'action » et que « ces derniers se sont autorisés des propos dégradants à l'endroit de Mme [R], remettant régulièrement en cause ses capacités techniques réelles ' leur insubordination à l'employeur comme leur comportement répétés et déplacés n'ont pas fait l'objet d'une procédure disciplinaire puisque le président de l'association m'en a empêché, ce qui m'a conduit à démissionner en avril 2013' ».
Ces deux témoins établissent la charge de travail importante, les conditions de travail difficiles, la connaissance par l'employeur de ces circonstances et son refus d'agir pour y remédier.
Le manquement à l'obligation de sécurité est établi.
Compte tenu des symptômes présentés par Mme [R], compatibles avec le tableau clinique habituel d'un épuisement professionnel, ce manquement a causé un préjudice à Mme [R].
Il y a lieu d'allouer à Mme [R] une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Mme [R] fait valoir :
qu'elle aurait dû bénéficier du maintien du salaire pendant son arrêt maladie, mais que l'examen des bulletins de paie fait apparaitre une variation ;
qu'il lui est dû à ce titre un rappel de salaire de 1 787,89 euros outre congés payés afférents ;
que, pendant son arrêt maladie, SESAME AUTISME a changé d'organisme de prévoyance
qu'elle n'a pas fait l'objet d'une inscription de la part de son employeur auprès du nouvel organisme ;
qu'elle a dû elle-même régulariser son inscription auprès de MALKOFF MEDERIC ;
que l'employeur a fait apparaître sur ses bulletins de paie un avantage en nature alors qu'elle ne disposait plus de véhicule de fonction pendant son arrêt maladie ;
L'association SESAME AUTISME répond :
qu'elle était prête à organiser le retour de Mme [R] en tenant compte de son état de santé ;
que, dans la perspective d'une reprise à mi-temps thérapeutique, il était prévu que Mme [I] continuerait à superviser les tâches de paies, déclarations sociales, mutuelle, tableaux de bord RH, absences ;
que, dans un premier temps Mme [I] est intervenue par le biais d'une agence intérim ;
devant la nécessité de mettre en place une solution pérenne afin de préparer le retour de Mme [R] « en douceur », elle a dans un premier temps fait le choix de dédoubler le poste de cette dernière, avec un poste orienté sur le volet social et la paie, et un poste orienté vers la gestion des compétences et le volet juridique, réservé à Madame [R] ;
qu'il ne s'agit pas de la reconnaissance d'une surcharge de travail ;
que, pendant une période de suspension donnant lieu à un maintien de rémunération, le précompte de la part salariale du financement de la prévoyance et des frais de santé continue à devoir être appliqué ;
qu'elle a procédé en parfaite conformité avec ses obligations légales et conventionnelles et qu'il y a lieu de rejeter la demande de rappel de salaire ;
que le véhicule de fonction ayant été endommagé fin décembre 2017, elle a procédé à son remplacement et avisé Mme [R] fin mars 2018 que le nouveau véhicule était à sa disposition ;
que Mme [R] ayant renoncé à ce véhicule, elle lui a alloué une prime équivalente.
***
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il est n'est pas contesté que les dispositions conventionnelles prévoient un maintien du salaire en cas d'arrêt maladie.
Mme [R] précise, sans être contredite, que le contrat de prévoyance avec APICIL garantissait le maintien du salaire à 100%, puis que ce taux a été diminué à 97%.
Courant 2015 et 2016 le salaire net versé à Mme [R] n'était pas égal mais inférieur à 97% du net, ainsi que cela ressort du tableau dressé par la salariée.
L'employeur fait référence aux dispositions conventionnelles or l'article 6 de la Convention collective du 15 mars 1966 fixe comme base de calcul du maintien du salaire des cadres, le salaire net qu'ils auraient perçu normalement sans interruption d'activité.
Dès lors, en maintenant le salaire, l'Association SARA devait payer le salaire qu'aurait perçu Mme [R] normalement.
Ainsi, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a condamné l'association SARA au paiement de la somme de 1737,89 euros outre congés payés afférents.
Le 4 janvier 2018, l'association SARA a adressé un courrier à Mme [R], en lui demandant de retourner le formulaire de désignation de bénéficiaire pour Malakoff Médéric, nouvel organisme de prévoyance décès. Ce formulaire n'étant pas joint, Mme [R] l'a réclamé par mail le 9 janvier, puis à nouveau le 10 janvier et ce document lui a été adressé le 17 janvier.
Au mois de mars et avril 2018, l'association SARA et Mme [R] ont échangé des mails et des courriers en raison notamment de la fin de la subrogation du versement des indemnités journalières, de la mise en invalidité de la salariée, de l'avantage en nature de véhicule de fonction qui continuait de figurer sur les bulletins de paie alors que la salariée n'en bénéficiait plus.
Il ne peut être déduit de ces échanges une mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution de ses obligations.
La demande en paiement de dommages-intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Mme [R] soutient :
que les manquements à l'obligation de sécurité justifient la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
qu'elle s'est totalement investie dans ses fonctions ;
L'association SESAME AUTISME répond :
qu'elle n'a été que tardivement informée d'un prétendu lien entre l'état de santé de la salariée et ses conditions de travail et a toujours mis en 'uvre l'ensemble des moyens à sa disposition pour assurer à la salariée de bonnes conditions d'exercice ;
qu'en cas de reconnaissance d'un manquement, il convient de caractériser le préjudice et de l'évaluer ;
qu'aucun élément médical probant n'est produit aux débats pour établir le lien entre l'état de santé et les conditions de travail.
La demande de résiliation judicaire a été formée par requête du 12 décembre 2017, alors que le contrat de travail n'avait pas été rompu. Cette demande doit en conséquence être examinée en premier lieu.
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit alors les effets, soit d'un licenciement nul, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes leurs conséquences de droit.
La gravité des manquements à l'obligation de sécurité, tels que ci-dessus décrits, justifie la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, à effet au 29 juin 2018, date du licenciement. Cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités consécutives à la rupture :
Mme [R] fait valoir :
qu'elle est fondée à solliciter une indemnité compensatrice de préavis de 4 mois de salaire ;
que les plafonds fixés à l'article L. 1235-3 du Code du travail devront donc être écartés comme étant contraires à l'article 24 de la Charte Sociale Européenne et à l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OlT ;
que la réparation doit être intégrale du point de de vue de son assiette et de son étendue ;
qu'elle a désormais une santé fragile, est indemnisée sous le régime de l'invalidité et a obtenu la reconnaissance de travailleur handicapé ;
que cela justifie la condamnation de l'association SESAME AUTISME au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts.
L'association SESAME AUTISME réplique :
que le barème d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compatible avec l'article 10 de la convention 158 de l'OIT ;
que la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;
que Mme [R] ne justifie pas du préjudice subi ;
que son indemnisation ne peut dépasser 8 mois de salaire
que les sommes allouées par l'article L.1235-3 du code du travail viennent en réparation de l'intégralité du préjudice causé par le licenciement de la salariée et qu'il ne peut y avoir d'indemnisation indépendante qu'en cas de démonstration d'un préjudice distinct.
***
Selon le contrat de travail et la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, le délai-congé pour les cadres est de 4 mois en cas de licenciement.
Le salaire brut avant la suspension était de 3 917,26 euros. Toutefois, la salariée limite sa demande à la somme de 14 698,64 euros, au paiement de laquelle il y a lieu de condamner l'association SESAME AUTISME, outre la somme de 1 469,86 euros au titre des congés payés afférents.
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Mme [R] a acquis une ancienneté de 7 années au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 8 mois de salaire.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à Mme [R] la somme de 30 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes :
La résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'association SARA de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [R], dans la limite de trois mois d'indemnités.
Le recours de Mme [R] étant accueilli pour l'essentiel, l'association SARA sera condamnée aux dépens d'appel.
Il est équitable de condamner l'association SARA à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné l'association SARA à payer à Mme [R] la somme de 1 737,89 euros outre 173,78 euros pour congés payés afférents et la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail et la demande de dommages-intérêts pour non-respect du temps de travail
L'INFIRME pour le surplus de ses dispositions ;
PRONONCE, aux torts de l'employeur, la résiliation judiciaire du contrat de travail, avec effet au 29 juin 2018
CONDAMNE l'association SESAME AUTISME RHONE ALPES à payer à Mme [W] [R] :
la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
la somme de de 14 698,64 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 469,86 euros pour congés payés afférents
la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
ORDONNE d'office à l'association SARA de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [R], dans la limite de trois mois d'indemnités.
CONDAMNE l'association SESAME AUTISME RHONE ALPES aux dépens d'appel ;
CONDAMNE l'association SESAME AUTISME RHONE ALPES à payer à Mme [W] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE