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11/01/2023 | FRANCE | N°19/07221

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 11 janvier 2023, 19/07221


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/07221 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUVW



[Z]

C/

Société MAVIFLEX



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : 16/01922



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 11 JANVIER 2023







APPELANTE :



[V] [Z]

née le 05 Octobre 1955 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentÃ

©e par Me Elsa MAGNIN de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société MAVIFLEX

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07221 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUVW

[Z]

C/

Société MAVIFLEX

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : 16/01922

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

APPELANTE :

[V] [Z]

née le 05 Octobre 1955 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Elsa MAGNIN de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société MAVIFLEX

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée, Mme [V] [Z] a été embauchée le 25 septembre 2000 par la société MAVIFLEX en qualité d'assistante commerciale sédentaire.

Mme [Z] est élue depuis 2002 au sein de la délégation unique du personnel.

Après plusieurs arrêts de travail de longue durée, Mme [Z] a été classée en invalidité catégorie 2 par la CPAM et déclarée inapte par le médecin du travail par deux avis des 21 février et 8 mars 2013 « l'état de santé actuel de la salariée ne permet pas d'envisager un aménagement de poste ou un reclassement au sein de l'entreprise ».

Par courrier du 28 Mars 2013, Madame [Z] était convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 10 avril 2013.

Par décision du 13 Mai 2013, l'Inspectrice du travail refusait d'autoriser le licenciement de la salariée en considérant que le Comité d'Entreprise n'avait pas été régulièrement consulté.

Lors d'une nouvelle réunion du 24 Juin 2013, le Comité d'Entreprise était à nouveau consulté sur le cas de Madame [Z].

Par décision du 12 Juillet 2013, l'Inspectrice du Travail autorisait le licenciement de Madame [Z] en considérant que la Société MAVIFLEX avait satisfait à son obligation de reclassement et qu'il n'existait aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat par la salariée.

Par courrier du 18 juillet 2013, la société MAVIFLEX a licencié Madame [Z] pour inaptitude.

Par décision du 10 janvier 2014, le Ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisi d'un recours hiérarchique exercé par la salariée, confirmait la décision de l'Inspectrice du Travail en considérant d'une part que l'employeur avait rempli les obligations lui incombant en matière de recherche de reclassement et d'autre part qu'il n'existait aucun lien entre la mesure de licenciement envisagée et l'exercice de ses mandats par la salariée.

Les 5 mars 2014 et 21 avril 2015, Mme [Z] a saisi le tribunal administratif de LYON aux fins d'annulation des décisions de l'inspectrice du travail et du ministre du travail.

Par requête du 26 mars 2014, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON d'une demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement du 8 mars 2016, le Tribunal Administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspection du travail ainsi que celle du ministre du travail en considérant que l'autorisation de licenciement était intervenue en violation du principe du contradictoire.

Par jugement du 4 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Lyon a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de LYON

Par arrêt du 28 juin 2018, la Cour Administrative d'Appel de LYON a confirmé le jugement de ayant annulé la décision d'autorisation de licenciement.

Par jugement du 24 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a

débouté Mme [Z] de ses demandes au titre du harcèlement moral et du non-respect de l'obligation de sécurité ;

dit que la société MAVLIFLEX a respecté l'obligation de reclassement et que le licenciement est justifié ;

débouté Mme [Z] de ses demandes à ce titre ;

condamné la société MAVIFLEX au paiement des sommes suivantes :

23 361,12 euros nets (outre le versement des cotisations) au titre des différentes augmentations générales entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018,

726,08 euros nets au titre des intéressements des années 2014 à 2018,

1 435,10 euros nets au titre des accords d'intéressement et de participation de 2015 à 2018,

793 euros nets au titre des avantages versés aux salariés par le Comité d'Entreprise entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018,

4 558,60 euros nets au titre des tickets-restaurant attribués entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018,

7 611,75 euros nets au titre de la prime de 13ème mois pour la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018,

761,17 euros nets au titre des congés payés afférents pour la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018,

3 021,94 euros nets au titre de l'avantage lié à la mutuelle prise en charge par l'entreprise pour la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018 ;

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

condamné la société MAVIFLEX aux dépens.

Le 21 octobre 2019, Mme [Z] a fait appel de ce jugement.

Aux termes de ses écritures notifiées le 8 mai 2020, Mme [Z] demande à la cour de :

CONFIRMER la décision prud'homale en ce qu'elle a condamné la Société MAVIFLEX à lui verser les sommes de 23.361,12 euros nets (outre le versement des cotisations) à titre de rappels de salaires entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018, 726,08 euros nets au titre des intéressements des années 2014 à 2018, 1 435,10 euros nets au titre des accords d'intéressement et de participation de 2015 à 2018, 793 euros nets au titre des avantages versés aux salariés par le Comité d'Entreprise entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018, 4 558,60 euros nets au titre des tickets restaurant attribués entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018, 7 611,75 euros nets au titre de la prime de 13ème mois pour la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018, 761,17 euros nets au titre des congés payés pour la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018, 3 021,94 euros nets au titre de l'avantage lié à la mutuelle prise en charge par l'entreprise pour la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018, et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

REFORMER le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

condamner la Société MAVIFLEX à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'imposition des sommes versées au titre de l'article L2422-4 du code du Travail,

condamner la Société MAVIFLEX à lui verser la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité,

condamner la Société MAVIFLEX à lui verser la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la Société MAVIFLEX à lui verser la somme de 3 721,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 372,17 euros de congés payés afférents,

condamner la Société MAVIFLEX à lui verser la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

débouter la Société MAVIFLEX de l'ensemble de ses demandes,

condamner la même aux éventuels frais d'exécution forcée.

Par conclusions notifiées le 15 septembre 2022, Mme [Z], reprenant de manière superflue ses précédentes conclusions au fond, demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions n°3 et pièces notifiées par RPVA par la Société MAVIFLEX le 31 août 2022,

Par conclusions notifiées le 25 juillet 2022, la société MAVIFLEX demande à la cour de :

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a l'a condamnée à payer à Madame [Z] la somme de 23 361,12 euros nets à titre des différentes augmentations générales de salaire entre le 18 juillet 2013 et le 4 septembre 2018 ;

le confirmer pour le surplus.

En conséquence,

débouter Madame [Z] de ses demandes ;

la condamner au règlement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions notifiées le 7 octobre 2022, la société MAVIFLEX demande à la cour, à titre principal, de déclarer irrecevables les conclusions adverses notifiées le 15 septembre 2022, postérieurement à' l'ordonnance de clôture, à titre subsidiaire, d'ordonner le rabat de la clôture prononcée le 8 septembre et, à titre infiniment subsidiaire, de rejeter la demande de rejet de ses conclusions notifiées le 31 août 2022 ainsi que des pièces communiquées le même jour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.

SUR CE,

Sur la recevabilité des conclusions n°3 notifiées le 15 septembre 2022 par Mme [Z] :

Ces conclusions n°3, en date du 15 septembre 2022, en ce qu'elles tendent à dire irrecevables les conclusions n°3 notifiées par la société MAVIFLEX, sont recevables, en application de l'article 802 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité des conclusions n°3 et pièces notifiées par RPVA par la Société MAVIFLEX le 31 août 2022 :

Mme [Z] rappelle les dispositions des articles 5, 16 et 135 du code de procédure civile et souligne qu'alors qu'elle a fait appel le 21 octobre 2019 ; que les parties ont échangé leurs conclusions et que le 8 juillet 2020, la date de clôture était fixée au 8 septembre 2022, la société MAVIFLEX a attendu plus de deux ans pour compléter sa communication initiale et faire état d'éléments volumineux et anciens qui auraient pu être communiqués antérieurement, que cela porte atteinte au principe du contradictoire et est dilatoire.

La société MAVIFLEX réplique :

qu'elle a communiqué ses pièces et conclusions le 31 août 2022, en rappelant à la partie adverse la date de la clôture ;

que Mme [Z] n' a pas pris de nouvelles conclusions ni sollicité le rabat de la clôture ;

qu'elle a disposé d'un délai de 8 jours pour répondre ou le cas échéant solliciter un report de la clôture ;

qu'elle ne justifie d'aucune circonstance qui l'aurait empêchée de répondre avant l'ordonnance de clôture

***

En application de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Le 8 juillet 2020, les parties ont été avisées de la date de la clôture (8 septembre 2022) et de la date d'audience (18 octobre 2022).

Après avoir notifié des conclusions le 30 mars 2020, puis le 25 juillet 2022, la société MAVIFLEX a notifié de nouvelles conclusions et 17 nouvelles pièces, le 31 août 2022, soit 9 jours avant la clôture, plaçant la partie adverse dans l'incapacité de prendre connaissance utilement des pièces et conclusions et le cas échéant, répondre.

Les conclusions n°3 de la société MAVIFLEX et ses pièces notifiées le 31 août 2022 seront déclarées irrecevables.

Sur le harcèlement moral,

La salariée fait valoir :

qu'elle a occupé ses fonctions sans la moindre difficulté jusqu'en 2004, date à laquelle le service commercial a fait l'objet d'une réorganisation ;

qu'il lui a alors soudainement été reproché de mal travailler et qu'elle a été soumise à une surcharge de travail ;

qu'alors qu'elle a alerté son employeur, dès 2005, sur ses conditions de travail délétères, ce dernier n'a pas réagi ;

que cette inertie, pendant plus de 8 ans, a eu de graves conséquences sur son état de santé ;

que la société MAVIFLEX n'a réagi qu'en 2012, à la suite d'un courrier du syndicat CFDT;

qu'ainsi, la société MAVIFLEX ne démontre pas que, dès qu'elle a eu connaissance de la situation de souffrance dénoncée, elle a pris toutes les mesures nécessaires pour y mettre un terme ;

qu'outre le préjudice moral lié à l'arrêt de travail, elle s'est vue privée de son salaire pendant l'arrêt maladie ;

que la société MAVIFLEX ne démontre pas l'avoir aidée financièrement et lui avoir accordé des facilités en terme d'horaire et d'organisation du travail.

L'employeur réplique :

que Mme [Z] n'invoque pas de faits précis et concordants ;

qu'avant le courrier de la CFDT du 30 mai 2012, elle n'a été avisée d'aucun élément

qu'elle a immédiatement proposé un entretien qui s'est déroulé le 28 juin 2012 et au cours duquel des solutions concrètes pour remédier à son mal-être ont été présentées ;

que Mme [Z] a toujours voulu appliquer « ses propres méthodes de travail » et s'est ainsi créée des tâches supplémentaires alors que le service s'est structuré en mettant en place, petit à petit et dans la concertation, des procédures standardisées ;

qu'il a tout mis en 'uvre pour le plein épanouissement de Mme [Z] sur le plan professionnel et personnel ;

qu'en 2010, il a créé un poste au service qualité et suivi des appels d'offre, sans contact avec la clientèle, pour Mme [Z], qui disait ne plus arriver à appréhender les clients

***

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 19 août 2015.

Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation...) et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

La salariée verse aux débats des mails qu'elle a adressés au cours de la relation contractuelle :

Au mois de février 2005, elle se plaint, auprès « d'[D] et [Y] » qu'elle n'arrive plus à suivre l'ensemble des tâches de son poste que « c'est usant de pleurer tous les jours à cause de l'angoisse générée par les dossiers qui s'accumulent ».

Au mois de décembre 2008, un échange de mail avec Mme [M], dont il n'est pas précisé quel poste elle occuperait dans l'entreprise : la salariée se plaint de sa charge de travail et s'interroge sur la compatibilité avec ses heures de délégation.

Au mois de février 2009 : Mme [Z] se plaint, dans un mail qu'elle a titré « la rumeur'je la vois venir », auprès de Mme [D] [P], présidente, d'un mail reçu de Mme [L] qui l'a beaucoup dérangée car celle-ci lui dit « qu'elle sent bien que ce boulot ne lui convient plus, qu'elle a du mal à revenir » ; Mme [P] lui répond « ce sont des propos d'une collègue qui s'inquiète de l'absence longue d'une autre collègue ! je n'y vois pas d'arrière-pensée ni de rumeur ». : un simple mail d'une collègue, en l'espèce Mme [L], semble avoir été mal compris par Mme [Z].

Au mois de mars 2010, un échange de mail entre Mme [Z] et M. [F] : Mme [Z] se plaint de ne pas être à même de faire toutes les tâches de son nouveau poste ; M. [F] lui répond notamment « on a mis en place des procédures avec des pochettes et toutes les filles du service trouvent ça bien ; j'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi tu paniques à ce point et que tu culpabilises » et « il faut vraiment que tu fasses comme les autres ».

Il ne ressort pas de ces mails d'éléments qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement.

La salariée verse encore aux débats un courrier de la CFDT adressé à MAVIFLEX le 22 mai 2012, qui dit avoir été alertée par Mme [Z] de sa longue maladie et son mal être au travail.

L'employeur a organisé un entretien avec Mme [Z], le secrétaire général de la CFDT, le délégué du personnel et secrétaire général du Comité d'Entreprise, le secrétaire général du CHSCT , le 28 juin 2012: à cette occasion, Mme [P] a dit n'avoir pas eu connaissance de la situation jusqu'au courrier de la CFDT et que des actions en interne allaient être mises en place afin d'accompagner les collaborateurs à la vigilance et à l'écoute des situations professionnelles pouvant générer du stress négatif et intervenir/gérer un conflit par l'instauration d'un dialogue social et une égalité de traitement.

Mme [P] fait trois propositions pour un accompagnement spécifique à la réintégration de Mme [Z], au sein de Maviflex ou à l'extérieur de Maviflex.

Ainsi, dès que l'employeur a été alerté sur la souffrance de Mme [Z], il a pris des dispositions pour y remédier.

Dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a dit qu'il n'y avait pas de harcèlement ni de manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le licenciement

Sur l'indemnisation consécutive à l'annulation de l'autorisation de licenciement :

Mme [Z] rappelle les dispositions de l'article L 2422-4 du code du travail et précise que la société MAVIFLEX reste lui devoir au titre des rappels de salaire la somme de 23 361,12 euros et qu'il doit être tenu compte des augmentations accordées aux salariés de la société MAVIFLEX entre juillet 2013 et septembre 2018.

Elle ajoute qu'elle a subi un préjudice résultant du versement, en 2019, de sommes qui auraient dû être versées entre 2013 et 2018 et n'auraient pas été soumises à impôt et sollicite à ce titre une somme de 4 000 euros.

L'employeur réplique que le conseil de prud'homme a commis un certain nombre d'erreurs quant à l'étendue du droit à indemnisation de Mme [Z] couvrant la période du 18 juillet 2013 au 4 septembre 2018, soit 61 mois et 17 jours.

Il estime que Mme [Z] ne peut pas réclamer le taux maximum d'augmentation et qu'aucune somme n'est due au titre des augmentations. Au vu du salaire reconstitué, incluant les augmentations, par la salariée, il fait remarquer que, déduction faite des revenus de remplacement, le reliquat ne serait que de 14 473,02 euros.

Il considère que Mme [Z] a été déboutée à juste titre de la demande de dommages-intérêts du fait de l'imposition des sommes versées.

***

Aux termes de l'article L2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois si le salarié n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

Mme [Z] n'a pas demandé sa réintégration.

Il n'est pas contesté par l'employeur que la période à prendre en compte pour l'appréciation du préjudice subi par Mme [Z] débute le 18 juillet 2013 et s'achève le 4 septembre 2018.

Si la salariée était demeurée dans l'entreprise, il ne peut être affirmé, comme le fait l'employeur qu'elle n'aurait pas bénéficié d'augmentation.

Au vu du calcul fait par Mme [Z], celle-ci aurait pu prétendre à une rémunération d'un montant total de 93 578,83 euros outre congés payés afférents, soit 9 357,83 euros. Elle a perçu un revenu de remplacement de 88 763,24 euros.

Au titre des différentes augmentations, elle a subi un préjudice de 14 172,83 euros, outre cotisations sociales.

Le jugement sera réformé quant au montant de la somme allouée à ce titre.

En revanche, le paiement des impôts ne pouvant constituer un préjudice, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la cause du licenciement,

Mme [Z] soutient :

qu'à la date de son licenciement, son employeur aurait dû rechercher toutes les solutions de reclassement même si le médecin du travail avait conclus à une impossibilité de reclassement ;

qu'il existait au sein des sociétés du groupe, des postes disponibles ( agent de production ou manutentionnaire) qui auraient dû lui être proposés pour éviter son licenciement et être soumis à l'avis du médecin du travail ;

qu'un poste d'assistante commerciale a été pourvu au sein de la société ULTRATECH le 10 septembre 2013 ;

que ce poste lui aurait permis de conserver son emploi tout en étant tenue éloignée de sa collègue ;

qu'elle a été mise à la retraite d'office en octobre 2017, à l'âge de 62 ans, alors qu'elle aurait souhaité travailler davantage ;

qu'elle perçoit une pension de retraite inférieure de 500 euros à son salaire ;

que s'il elle avait pu travailler normalement jusqu'à son départ à la retraite, ses pensions seraient plus importantes.

L'employeur répond qu'il a tout mis en 'uvre pour rechercher un poste de reclassement de Mme [Z], en collaboration avec le médecin du travail.

En interne, il précise qu'il a sollicité l'avis du médecin du travail sur un poste d'opérateur toile mais que le médecin a confirmé l'avis d'inaptitude ; qu'aucun autre poste ne pouvait être proposé à Mme [Z] qui ne disposait pas des compétences techniques nécessaires pour être technicien SAV ou opérateur monteur en porte.

En externe, il soutient qu'il n'y avait pas de postes compatibles avec les compétences de Mme [Z], dans les sociétés PIL et ULTRATECH ; qu'il n'avait pas à assurer une formation diplômante à Mme [Z] pour lui permettre d'accéder au poste d'aide comptable, en remplacement d'un congé maternité au sein de la société SOFINECO ; qu'il est allé au-delà de ses obligations en matière de reclassement d'un salarié inapte, notamment en mettant Mme [Z] en relation avec la société JOURS DE PRINTEMPS SERVICE, agence de service aux particuliers, société extérieure au groupe mais qui correspondait aux souhaits de Mme [Z].

***

Le juge judiciaire est fondé à apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement d'un salarié bénéficiant de la protection en raison de l'exercice de fonctions représentatives, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ultérieurement annulée pour un motif de légalité externe par le juge administratif.

La cour administrative d'appel a confirmé la décision du tribunal administratif de LYON qui avait annulé, au motif du non-respect du principe du contradictoire, la décision de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de Mme [Z].

L'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2017, dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, consécutive à une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail.

L'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise et à l'impossibilité de son reclassement au sein de celle-ci ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.

Il incombe à ce dernier de justifier des recherches de reclassement qu'il a effectuées et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de reclasser la salariée.

Les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doivent s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en 'uvre de façon loyale et personnalisée.

Il suit de là que, quoique reposant sur une inaptitude physique d'origine non professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n'est légitime que pour autant que l'employeur aura préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte.

Par avis rendus le 21 février 2013 puis le 8 mars 2013, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte et a indiqué que son état de santé actuel ne permettait pas d'envisager un aménagement du poste ou un reclassement au sein de l'entreprise.

L'employeur justifie avoir interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement sur un poste d'opératrice toile et que le médecin du travail a répondu que ce poste n'était pas compatible avec l'état de santé de Mme [Z]. Il justifie également avoir sollicité les représentants des entreprises SOFINECO, PIL et ULTRATECH, et la réponse apportée à cette sollicitation : les trois sociétés ont répondu ne pas avoir de poste disponible.

La société MAVIFLEX justifie encore que Mme [K] [T] a été embauchée, en qualité d'assistante export, par la société SOFINECO, le 17 juillet 2012, par contrat de professionnalisation devant s'achever au 5 juillet 2013, qu'un nouveau contrat de professionnalisation a été signé avec cette salariée le 28 août 2013 et qu'entre les deux contrats, un contrat de mise à disposition par entreprise de travail temporaire a été régularisé avec Mme [T]. Mme [T] prépare un diplôme de manager de la stratégie commerciale.

Le poste ne pouvait donc pas être proposé à Mme [Z].

Egalement, un contrat a été signé entre RANDSTAD et SOFINECO pour la mise à disposition de [J] [H], du 1er juillet au 12 juillet 2013, qui avait été stagiaire du 22 avril 2013 au 28 juin 2018, dans le cadre d'un DUT de Génie Mécanique et productique. La mission confiée à [J] [H] était à la mise en place d'un prototype d'une machine à découper.

L'employeur n'a pas failli à son obligation de reclassement en ne proposant pas à Mme [Z] ce poste.

Il n'a pas manqué à cette obligation en ne proposant pas à Mme [Z] de remplacer la salariée occupant le poste d'aide comptable, pendant son congé maternité.

Le jugement du conseil de prud'homme sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement est justifié.

Sur les autres demandes :

La société MAVIFLEX sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties, pour les frais engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

DÉCLARE recevables les conclusions de Mme [Z] notifiées le 15 septembre 2022 en ce qu'elles tendent à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la société MAVIFLEX notifiées le 31 août 2022

DÉCLARE irrecevables les conclusions et pièces de la société MAVIFLEX notifiées le 31 août 2022

CONFIRME le jugement, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée à Mme [Z] au titre des augmentations de salaire (23 361,12 euros) ;

Statuant à nouveau sur ce point,

CONDAMNE la société MAVIFLEX à payer à Mme [Z] la somme de de 14 172,83 euros, outre les cotisations sociales afférentes ;

CONDAMNE la société MAVIFLEX aux dépens d'appel ;

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/07221
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;19.07221 ?
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