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11/01/2023 | FRANCE | N°19/07113

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 11 janvier 2023, 19/07113


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/07113 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUOJ



[Z]

C/

Société ALLIANZ VIE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : 17/02464





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 11 JANVIER 2023







APPELANTE :



[U] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barre

au de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Bruno HASSANIN, avocat au barreau de HAUTE-MARNE







INTIMÉE :



Société ALLIANZ VIE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP B...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07113 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUOJ

[Z]

C/

Société ALLIANZ VIE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : 17/02464

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

APPELANTE :

[U] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Bruno HASSANIN, avocat au barreau de HAUTE-MARNE

INTIMÉE :

Société ALLIANZ VIE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Florence AUBONNET de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant un contrat à durée indéterminée du 11 septembre 1995, Mme [Z] a été embauchée par la société AGF Finance conseils en qualité de conseiller en Assurfinance Stagiaire au sein du réseau commercial aujourd'hui dénommé Allianz Expertise et Conseil.

La société Allianz Vie (ci-après dénommée « la Société ») a pour activité la commercialisation de produits d'assurance vie, d'épargne, de retraite ainsi que des placements financiers. Elle emploie environ 4 500 salariés

De 1997 à 2004, Mme [Z] a occupé le poste d'inspecteur des ventes, puis de septembre 2004 à août 2006, celui d'inspecteur des ventes équipe IL 34 à [Localité 5].

A compter du 1er septembre 2006, Mme [Z] a été nommée à un poste d' Inspecteur au Développement Patrimonial au sein de la Direction Manche-Océan, à [Localité 10].

A compter du 1er mai 2010, Mme [Z] a été affectée à une nouvelle zone régionale, la région Rhône Alpes Auvergne, où elle exerçait des fonctions identiques .

Elle occupait en dernier lieu le poste d'Inspecteur au Développement Patrimonial, cadre de niveau classe 7.

La relation de travail était régie par la convention collective des Assurances (inspection) du 27 juillet 1992 (IDCC 1679).

Courant décembre 2014, le service des Ressources Humaines a proposé à Mme [Z] d'entrer en mobilité. C'est ainsi qu'à compter du 1er janvier 2015, Mme [Z] s'est trouvée en mobilité professionnelle interne et de repositionnement individuel en relation avec l'espace mobilité mis en place au sein de l'entreprise.

L'espace mobilité est une structure composée des membres de l'équipe des Ressources Humaines d'Allianz, assistés par des professionnels extérieurs du cabinet BPI. L'objectif de cette structure est d'offrir aux collaborateurs concernés tous les outils et les moyens facilitant leurs démarches de repositionnement.

Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 4 septembre 2015.

Mme [Z] a repris le travail le 13 juin 2016 et a fait l'objet d'un nouvel arrêt maladie le 26 septembre 2016 pour 'état dépressif réactionnel à une souffrance ressentie dans le cadre du travail.'

Dans le cadre de la visite de reprise de son poste dans l'entreprise, Mme [Z] a été examinée le 11 février 2016 par le médecin du travail qui a conclu à son inaptitude.

Le 20 juin 2016, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude avec aménagement de poste, dans les termes suivants :

« Doit pouvoir adapter son plan de travail à sa taille (chaise adaptée à sa taille puis plan de

travail à régler selon les conseils ergonomiques en vigueur). Doit pouvoir disposer d'un

clavier/souris déportés à relier à l'ordinateur portable qui lui-même doit être surélevé. Doit

conduire un véhicule automatique et travailler selon son niveau de fatigue (aménagements

d'horaires). A revoir dans trois mois à ma demande ou avant si besoin »

Elle a été dispensée d'activité à compter du 13 juin 2016, cette dispense d'activité étant rémunérée.

Le 10 novembre 2016, à la suite d'une visite organisée à la demande de Mme [Z], le médecin a rendu l'avis suivant :

« Inapte au poste, ceci pour deux raisons médicales :

- A ce jour, la conduite automobile professionnelle n'est pas compatible avec l'état de santé

stabilisé de la salariée.

- Par ailleurs, d'une manière plus générale, l'état de santé de la salariée n'est plus compatible avec la poursuite de son poste tel qu'il est défini et également vis-à-vis des nouveaux postes proposés par l'entreprise à ce jour (proposition de mutation les 26 septembre poste /OP [Localité 7] Nord-Est et le 4 novembre, ISP Alsace Moselle).

Contact à organiser avec le représentant de l'employeur avant la prochaine visite de reprise à ma demande le 28 novembre.

A noter que : compte tenu des informations médicales connues à ce jour, le reclassement

professionnel ne pourra s'envisager qu'en dehors de l'entreprise ALLIANZ.

A revoir le 28 novembre pour la deuxième visite de reprise » (Pièce n°17).

Le 28 novembre 2016, à l'issue de la deuxième visite de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude totale et définitive en ces termes :

« Confirmation de l'inaptitude au poste de « inspecteur au développement patrimonial » (art

4624-31 du code du travail). Contre-indication à la conduite automobile professionnelle intense et quotidienne.

Par ailleurs, l'état de santé de la salariée n'autorise pas la recherche d'un reclassement au sein de l'entreprise ALLIANZ et ses filiales (risque d'aggravation de l'état de santé en cas de reclassement dans un autre poste dans cette entreprise et ses filiales).

Contact avec le représentant de l'employeur le 17/11/2016 et constat commun des limites du reclassement au niveau de l'entreprise.

A ce jour, inapte médicalement à tout poste dans l'entreprise et ses filiales » (Pièce n°18).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er décembre 2016, la société Allianz a convoqué Mme [Z] le 14 décembre 2016 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 décembre 2016, la société Allianz a notifié à Mme [Z] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 24 août 2017, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes en lui demandant de déclarer son licenciement nul, de condamner en conséquence la société Allianz à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement nul, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix le 30 août 2018.

Par jugement rendu le 24 septembre 2019, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 26 novembre 2019 par Mme [Z].

Par conclusions régulièrement communiquées le 13 janvier 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [Z] demande à la cour de :

- Condamner l'entreprise Allianz à lui payer une indemnité représentative de dommages-intérêts estimée à un montant de 324 422,40 euros en raison du harcèlement moral subi ayant conduit à son inaptitude (94 623,20 euros au titre de la mise au placard, majorés de 229 799,20 euros au titre des tentatives de déstabilisation depuis le 22 juillet 2015 jusqu'au licenciement pour inaptitude médicale le 14 décembre 2016),

- Dire et juger que son licenciement pour inaptitude prononcé par l'entreprise Allianz doit être considéré comme étant nul et abusif, du fait du comportement fautif d'Allianz consistant en du harcèlement moral (et accessoirement en un manquement à son obligation de sécurité de résultat en terme de prévention du harcèlement moral) ayant conduit à son inaptitude,

- Condamner l'entreprise Allianz à lui payer une indemnité représentative de dommages-intérêts estimée à un montant de 324 422,40 euros en raison du caractère abusif de son licenciement pour inaptitude,

- Condamner l'entreprise Allianz à lui payer une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaires, soit un montant brut de 40 552,80 euros en raison du caractère abusif de son licenciement pour inaptitude,

- Condamner l'entreprise Allianz à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d'un montant brut de 4 055,28 euros,

- Condamner l'entreprise Allianz à lui payer une indemnité pour perte de chance de percevoir une pension de retraite supérieure, d'un montant de 162 211,20 euros (équivalente à 12 mois de salaires),

- Condamner l'entreprise Allianz à rembourser à Pôle Emploi des allocations-chômage

versées à Mme [Z] en application de l'article L.1235-4 du code du travail, et dans la limite de six mois d'allocations-chômage,

- Condamner l'entreprise Allianz à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

A titre subsidiaire et en tant que de besoin, ordonner, si la Cour le juge utile :

- la communication du registre d'entrées et sorties du personnel du siège à [Localité 8] concernant le réseau AEC (ALLIANZ FINANCE CONSEH. devenue ALLIANZ EXPERTISE ET CONSEIL) ainsi que du registre d'entrées et sorties du personnel de la Direction Régionale Centre-Est à LYON ([Adresse 11]), sur la période de 2013 à 2017 inclus ;

- la communication de copies des délibérations du CE et du CHSCT d'Allianz de 2014 à 2017 inclus, dans l'ordre chronologique, ainsi que de tous autres documents qu'elle jugerait utiles.

Par conclusions régulièrement communiquées, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Allianz demande à la cour de :

A titre liminaire

- Déclarer irrecevables les demandes, non mentionnées dans la déclaration d'appel, et ses

demandes tendant à voir ordonner :

o le remboursement des allocations chômage versées dans la limite de 6 mois ;

o la communication des registres d'entrées et sorties du personnel du siège à [Localité 8] concernant le réseau AEC et de la Direction régionale Centre-Est à [Localité 6], sur la période de 2013 à 2017 inclus ;

o la communication des délibérations du CE et du CHSCT d'Allianz de 2014 à 2017 inclus

et de tout autre document que le Conseil jugerait utile.

A titre principal,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de

Lyon du 24 septembre 2019 et en conséquence,

- Débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire,

- Débouter Mme [Z] de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis,

- Débouter Mme [Z] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l'exécution du contrat de travail, et, à titre infiniment subsidiaire, les ramener à de plus justes

proportions,

- Si par extraordinaire le licenciement était jugé nul ou abusif, réduire à de plus justes

proportions le montant des dommages et intérêts sollicités

En tout état de cause,

- la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur l'irrecevabilité de certaines demandes :

La société Allianz soulève, au visa de l'article 901 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes de Mme [Z] tendant à voir ordonner :

- le remboursement des allocations chômage versées dans la limite de 6 mois ;

- la communication des registres d'entrées et sorties du personnel du siège à [Localité 8] concernant le réseau AEC et de la Direction régionale Centre-Est à [Localité 6], sur la période de 2013 à 2017 inclus ;

- la communication des délibérations du CE et du CHSCT d'Allianz de 2014 à 2017 inclus et de tout autre document que le Conseil jugerait utile, faute pour la salariée d'avoir mentionnée ces demandes dans sa déclaration d'appel.

****

Il résulte des dispositions de l'article 901 du code de procédure civile que la déclaration d'appel doit comporter les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, la déclaration d'appel indique que l'appel porte sur le rejet des demandes suivantes: dommages-intérêts pour harcèlement moral- dommages-intérêts pour licenciement nul-dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir une pension de retraite supérieure-indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents-article 700 du code de procédure civile.

Le rejet de la demande de communication des registres d'entrées et sorties du personnel du siège à [Localité 8] concernant le réseau AEC et de la Direction régionale Centre-Est à Lyon, sur la période de 2013 à 2017 inclus, ainsi que des délibérations du CE et du CHSCT d'Allianz de 2014 à 2017 inclus et de tout autre document que le Conseil jugerait utile, demande formulée par Mme [Z] à titre subsidiaire devant le conseil de prud'hommes, n'est pas expressément visé par la déclaration d'appel, de sorte que le jugement déféré est définitif sur ce débouté.

En ce qui concerne le remboursement des allocations de chômage, il résulte de l'article L. 1235-4 du code du travail que ce remboursement est dû en cas de nullité du licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié victime de harcèlement, et qu'il est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce.

Il en résulte que l'irrecevabilité tirée de ce que la déclaration d'appel ne mentionnerait pas ce chef de condamnation est indifférent, le juge étant tenu d'ordonner d'office ce remboursement.

La cour déclare en conséquence irrecevables les demandes de communication de pièces.

- Sur le harcèlement moral :

Mme [Z] soutient qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral, à raison des agissements répétés à son égard, qui non seulement ont eu pour objet, par les pressions subies, de porter atteinte à ses droits, à sa dignité et à sa santé mentale, mais qui ont également porté atteinte à ses droits fondamentaux de salariée comme l'impossibilité de se faire assister lors des entrevues organisées par le DRH à [Localité 7].

Mme [Z] invoque au titre du harcèlement moral, les éléments suivants :

- sa mise au placard caractérisée par :

* la mise en oeuvre impersonnelle de son entrée dans 'l'espace mobilité' de la société en vertu d'une convocation par mail du 8 décembre 2014 à une réunion d'information collective le 15 décembre 2014 à [Localité 7] ;

*son entrée dans 'l'espace mobilité ' à compter du 1er janvier 2015 annoncée par courrier du DRH, M. [B], du 11 décembre 2014 ;

*la suppression de ses outils de travail à compter de la fin décembre 2014, date à compter de laquelle elle n'a plus disposé ni d'un bureau, ni d'accès au réseau Intranet Finance Conseil d'Allianz, ni d'accès à ses mails en relation avec la clientèle qu'elle a développée pendant plusieurs années ;

- l'absence d'entretiens périodiques annuels à partir du mois de mars 2013, en violation des articles 44, 55 et 56 de la convention collective applicable ;

- une période d'acharnement de la DRH pour tenter d'obtenir la rupture du contrat de travail caractérisée par :

* une première tentative de déstabilisation le 22 juillet 2015 par sa convocation à une entrevue informelle avec le DRH pour faire le point sur sa situation (cf courrier en réaction à cette entrevue de Mme [Z] du 6 août 2015, pendant ses congés annuels)

*l'organisation par le DRH d'un second entretien informel sur la ' situation professionnelle de Mme [Z]' pendant la dispense d'activité et à la veille à nouveau de ses congés annuels d'été (cette fois-ci 2016)

* l'organisation par le DRH d'un troisième entretien informel le 7 septembre 2016 et la tentative de l'employeur de faire signer des documents à Mme [Z] sans qu'ils puissent être visés par son Conseil

*l'organisation par le DRH d'un quatrième entretien informel

*l'organisation d'un cinquième entretien le 13 septembre 2016 à [Localité 7]

* la proposition finale par le DRH d'une mutation au 1er octobre 2016 sans possibilité de se faire assister, à un entretien préalable, sur un poste équivalent au sien mais avec une baisse de moitié de sa rémunération

* l'absence de régularisation de rappels de salaires: Mme [Z] fait grief à la société de ne pas lui avoir payé l'intégralité de ses rémunérations mensuelles depuis le 13 juin 2016, malgré les termes de son courriel du 9 septembre 2016

- la dégradation de son état de santé après 20 ans de travail ;

- la dispense d'activité décidée par l'employeur avec effet rétroactif au 13 juin 2016, sans volonté d'aménagement de son poste de travail selon les recommandations de la médecine du travail ;

- la dénonciation d'une méthode de managing mettant en péril la santé des employés, par le syndicat SDEM , le médecin du travail d'ACACIA-DEXIA, mais aussi par l'Inspection du travail, le cabinet ALTEO ( désigné pour mener une expertise sur les conditions de travail et les différents facteurs générateurs de risques psychosociaux au sein de l'entreprise) ainsi que par la Confédération Française de l'Encadrement - Confédération Générale des Cadres (CFE-CGC) qui a expressément mis en cause l'espace mobilité instauré dans le cadre de la création du nouveau réseau AMAN par ALLIANZ.

La société Allianz soutient que le licenciement est justifié dés lors que :

- l'inaptitude a été régulièrement reconnue par le médecin du travail

- les recherches de reclassement ont loyalement été menées par la Société: à ce titre, la société Allianz expose que :

* Mme [Z] a été reçue au siège social de la Société lors de plusieurs entretiens avec la Direction des Ressources Humaines les 27 juin, 29 juillet, 7 septembre et 13 septembre 2016 pour envisager différentes options de repositionnement ;

*A l'automne 2016, deux postes de reclassement ont été proposés à Mme [Z] :

- un poste d'Inspecteur au Développement Patrimonial au sein de la direction commerciale

Nord Est, ce poste étant identique à celui occupé par la salariée avant son entrée au sein de l'Espace Mobilité et correspondant au niveau classe 7.

-un poste d'Inspecteur Spécialisé en Patrimoine à [Localité 12]. Ce poste relevait de la classe 6 mais, à titre dérogatoire, la Société s'était engagée par courrier du 4 novembre 2016 à maintenir la classification de Mme [Z] au niveau 7.

Sur le harcèlement moral, la société ALLIANZ fait valoir :

- que Mme [Z] a accepté d'entrer dans la phase de mobilité professionnelle et que l'intégration de la salariée au sein de l'espace mobilité était objectivement justifiée, la mobilité étant inhérente au niveau de responsabilité de Mme [Z] et au poste d'inspecteur. La société invoque à ce titre :

* une « charte de la mobilité » élaborée au niveau de l'UES à laquelle appartient ALLIANZ

VIE ;

* la convention collective de l'Inspection d'assurance qui prévoit des dispositions

spécifiques et détaillées concernant la mobilité, qui « constitue un aspect de la vie du

contrat.»

- que Mme [Z] ne fonde sa revendication que sur ses seuls écrits ou ceux de son conseil et ne verse aux débats aucune alerte émanant du médecin du travail ou de son médecin traitant adressée à l'employeur, aucune intervention des délégués du personnel ou du CHSCT, aucun courrier de l'inspection du travail ;

- que Mme [Z] a bénéficié contrairement à ce qu'elle soutient :

* de nombreux entretiens au cours de la période qu'elle qualifie d' 'd'errance de 8 mois', concernant son évolution de carrière et ses attentes, notamment en matière de formation et de conditions de travail ;

* d'un suivi personnalisé et de plus d'une dizaine d'entretiens avec Mme [A],

Responsables des Ressources Humaines de l'Unité Distribution ;

- qu'elle a été destinataire chaque semaine d'une liste de postes disponibles au sein du réseau ALLIANZ (Pièce adverse n°117).

La société ALLIANZ justifie par ailleurs la dispense d'activité en soutenant qu'elle a «logiquement préféré la dispenser d'activité» dans l'attente de l'aménagement de son poste, conformément aux prescriptions du médecin du travail et afin de favoriser les recherches de reclassement; que cette dispense d'activité a duré à peine plus de deux mois, Mme [Z] étant à nouveau en arrêt à compter de septembre 2016.

En tout état de cause, la Société soutient qu'elle est particulièrement attentive aux risques psycho-sociaux, comme en témoignent l'accord de méthode concernant le bien-être au travail, la mise en place d'une démarche de prévention des risques psychosociaux négociée en 2014 et le dispositif d'écoute mis en place au sein de l'entreprise (« Qualisocial »).Elle souligne que la salariée n'a jamais actionné ces dispositifs.

La société fait valoir enfin que les arrêts de travail de Mme [Z] n'ont pas de caractère professionnel.

A titre subsidiaire, la société demande de ramener les demandes de Mme [Z] à de plus justes proportions et s'oppose aux demandes suivantes :

- au titre de l'indemnisation pour perte de chance de percevoir une pension de retraite supérieure, qui ne constitue pas un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail ;

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, dés lors que l'inexécution du préavis résulte d'une disposition impérative de la loi ;

- d'indemnité de congés payés, dés lors que l'indemnité compensatrice de préavis ayant un caractère indemnitaire, elle ne donne pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés ;

- au titre des indemnités payées par Pôle Emploi, au motif que les circonstances ne justifient pas sa condamnation sur ce fondement.

****

Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [Z] a été destinataire entre le 13 novembre 2014 et le 23 décembre 2014 des courriels et courriers suivants :

- courriel du 13 novembre 2014 de M. [R], Directeur du réseau Allianz Finance Conseil l'informant de la nomination au 1er janvier 2015 de cinq inspecteurs au développement patrimonial du réseau AMAN ;

- courriel du 8 décembre 2014 de l'équipe 'Espace Mobilité' la conviant à une réunion d'information collective le 15 décembre 2014 'avant la mise en oeuvre de votre accompagnement individuel' ;

- courrier du 11 décembre 2014 de M. [B], DRH de l'unité distribution lui confirmant qu'elle entrait dans une phase de mobilité professionnelle à compter du 1er janvier 2015, que cette structure mise en place par l'entreprise avait pour mission de l'aider et de la conseiller dans le cadre de son évolution professionnelle. Il était précisé :

' Comme nous vous l'avons déjà indiqué oralement, vous exercerez vos fonctions actuelles sans changement jusqu'au 31 décembre 2014.

A compter du 1er janvier 2015, vous consacrerez toute votre activité à l'élaboration de votre évolution professionnelle en lien avec les membres de l'Espace mobilité que vous serez amenée à rencontrer régulièrement.

Durant cette période, vous serez amenée à vous rendre au sein des locaux de l'espace mobilité situés à [Localité 7]. Néanmoins par souci de proximité géographique et de facilités logistiques, vous pourrez vous rendre à votre convenance au sein des locaux de la Société BPI situés au plus proche de votre domicile. (...)'

- courriel du 16 décembre 2014 de M. [R] aux fins de présentation de la nouvelle organisation des départements centraux à compter du 1er janvier 2015 ;

- courriel de convocation daté du 16 décembre 2014, à son premier entretien dans 'l'espace mobilité' fixé au 6 janvier 2015 à [Localité 7], avec pour consultante référente Mme [A] ;

- courriel du 23 décembre 2014 de félicitations adressés aux collaborateurs, présentant un bilan particulièrement positif de l'année 2014 et se terminant par le constat suivant :

' (...) Une page se tourne. (...) Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce très beau succès avec une pensée particulière pour vos managers dont certains ne nous rejoindront pas dans notre nouveau réseau en janvier. Je veux saluer ici leur engagement et les assurer que je resterai personnellement très attentif à leur évolution professionnelle. Je leur souhaite sincèrement le meilleur pour la suite de leur parcours. (...)'

Cette chronologie révèle que concomitamment à la mise en place d'une nouvelle organisation dénommée Réseau AMAN' ( Allianz Multi Access Networks)à compter du 1er janvier 2015, Mme [Z] a été invitée de manière totalement informelle à entrer dans l''espace mobilité' de la société à compter de cette même date.

Dans le document de présentation du projet AMAN, l'espace mobilité est présenté comme un dispositif dont l'objectif est d'accompagner les collaborateurs concernés directement par l'évolution de l'organisation et dont les missions sont l'accompagnement et 'le pilotage au plus prés des actions de mobilité'. Ce document prévoit que l'environnement de travail des collaborateurs concernés sera adapté selon 2 schémas possibles :

'1/ le collaborateur est en charge d'une mission

2/ le collaborateur n'est plus en responsabilité opérationnelle. Sa mission principale est de travailler sur son repositionnement.'

Compte tenu des termes du courrier du 11 décembre 2014, Mme [Z] était manifestement placée dans cette seconde catégorie dés lors qu'il lui était demandé de consacrer toute son activité à l'élaboration de son évolution professionnelle et qu'il n'est pas contesté par Allianz Vie qu'elle n'avait plus ni bureau, ni aucun outil de travail, et qu'elle n'avait plus de contacts qu'avec les membres de l'équipe 'espace mobilité' à compter du 1er janvier 2015.

Interrogée par les organisations syndicales sur la disparition d'un nombre importants de postes dans la nouvelle organisation et notamment des postes d'inspecteurs, la direction d'Allianz Vie apportait les réponses suivantes :

-' Le projet AMAN prévoit la mise en place d'une nouvelle organisation au 1er janvier 2015. L'ensemble des collaborateurs appartenant à l'organisation existante évolueront dans ce cadre et la décroissance de l'effectif sera progressive en fonction des potentiels de chacun, des opportunités et des départs naturels. L'objectif est de permettre à 100% des collaborateurs d'évoluer dans l'entreprise dés lors que cela correspond à leur projet professionnel.'

- '(...) Pour les inspecteurs qui ne seraient pas dans l'organisation cible, ceux-ci bénéficieront de l'espace mobilité tel que décrit dans la présentation faite en CEC le 28 mai.

Ce dispositif constitue un renforcement des modalités existantes dans l'entreprise et traitera des aspects de postes, de grades et de rémunération comme il est d'usage aujourd'hui.'

Il résulte par ailleurs des débats que Mme [Z] a été convoquée à plusieurs reprises dans les locaux de 'l'espace mobilité' à [Localité 7] sans que l'objet des entretiens ne soit précisé : Ainsi, le 22 juillet 2015, puis le 27 juin 2016, le 29 juillet 2016, le 7 septembre 2016, le 13 septembre 2016 et qu'ayant été, selon ses dires, déstabilisée par l'entretien du 22 juillet 2015 à l'issue duquel elle a adressé, le 6 août 2015, un courrier à son employeur, Mme [Z] a expressément exigé par courriel du 23 juin 2016 que soit précisé l'objet de sa convocation à [Localité 7] le 29 juillet suivant. Il lui était alors répondu que l'objet de cet entretien était : 'd'échanger sur votre situation professionnelle suite à votre retour d'arrêt maladie le 10 juin 2016 et à l'avis du médecin du travail rendu le 13 juin 2016.

Ainsi, il apparaît d'une part, que quelques semaines après l'entretien du 22 juillet 2015, et alors que Mme [Z] avait dénoncé avec fermeté sa mise à l'écart, dans son courrier du 6 août 2015, elle a été placée en arrêt maladie à compter du 4 septembre 2015 pour ne reprendre son travail que le 13 juin 2016; d'autre part, qu'à compter de la reprise du travail en juin 2016, Mme [Z] a subi une réelle pression relative à son évolution professionnelle par le biais de convocations successives à l'objet indéfini, tout au long de l'été 2016.

Enfin, Mme [Z] a fait l'objet par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 septembre 2016 d'une proposition de mutation à effet du 1er octobre 2016 sur le poste d'inspecteur au développement patrimonial de la direction commerciale régionale nord/est impliquant de se rendre trois jours par semaine à [Localité 8] au siège de la direction commerciale d'Allianz, et les deux jours restants, dans les locaux de la direction commerciale régionale à [Localité 9], au mépris de l'avis d'aptitude rendu le 20 juin 2016 lequel préconisait un aménagement du poste de travail devant tenir compte, des conseils ergonomiques ordinaires, mais aussi de la nécessité d'un véhicule automatique et d'un aménagement d'horaires selon son niveau de fatigue.

Il en résulte que Mme [Z] présente des éléments de fait qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement et qu'il appartient en conséquence, en application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

- sur l'entrée dans 'l'espace mobilité' :

La société Allianz justifie l'entrée de Mme [Z] dans l'espace mobilité par son niveau de responsabilité et sa nécessaire mobilité et invoque l'application de sa charte de la mobilité.

Selon les termes de cette charte, 'la mobilité est la réponse naturelle à un souhait de changement de poste ou une opportunité offerte par l'entreprise pour une personne qui est en situation de réussite sur son poste depuis un certain temps'.

La charte en question indique notamment que le collaborateur est 'acteur de son évolution professionnelle', de son employabilité et donc de sa mobilité', qu'il 'exprime son souhait de mobilité lors de son, EAD ou auprès de son RRH.'

En l'espèce, il est constant que l'espace mobilité a été créé pour accompagner une réorganisation impliquant des suppressions de poste qualifiés pudiquement par la société Allianz Vie de'Décroissance progressive de l'effectif en fonction des potentiels de chacun, des opportunités...'.

Si la société Allianz Vie peut ainsi justifier la création de cet espace mobilité, elle ne justifie en revanche nullement des critères mis en oeuvre pour sélectionner les collaborateurs invités à entrer dans cet espace, étant précisé qu'il ne résulte pas des débats que Mme [Z] ait exprimé à un quelconque moment un souhait de mobilité, et qu'il apparaît au contraire qu'il ne lui a été laissé aucun choix .

La société Allianz Vie qui a régulièrement procédé aux entretiens annuels d'appréciation et de développement de Mme [Z] ne justifie pas davantage l'absence d'un tel entretien au titre de l'année 2014, alors que cet entretien aurait permis d'examiner avec la salariée son projet professionnel et ses perspectives d'évolution, à la veille de son entrée dans l'espace mobilité, puisqu'il était acquis qu'elle ne faisait pas partie de la nouvelle organisation.

Dans ces conditions, il apparaît que l'entrée de Mme [Z] dans l'espace mobilité s'est faite dans la plus grande opacité et sans aucune perspective définie par l'employeur, en contradiction avec les termes mêmes de sa propre charte de la mobilité qui définit celle-ci comme:' Tout mouvement d'un collaborateur permettant de pourvoir un poste ouvert dans l'entreprise, en contribuant simultanément à son développement ou son employabilité'.

Enfin, la société Allianz Vie ne justifie en aucune façon que Mme [Z] ait été privée, de ses missions contractuelles habituelles et de façon plus générale, de tout travail, à compter du 1er janvier 2015, et donc sa décision de laisser certains de ses collaborateurs 'sans responsabilité opérationnelle.' Il semble utile de rappeler que la prestation de travail étant l'essence même de la relation de travail, l'employeur est tenu de fournir du travail à son salarié et ne peut le laisser inemployé et que la mission consistant à réfléchir à son évolution professionnelle n'est pas l'objet du contrat de travail de Mme [Z].

Si la société Allianz Vie soutient que dans le cadre du suivi par l'équipe de l'espace mobilité, Mme [Z] a bénéficié d'une quinzaine d'entretiens individuels, a été destinataire d'une liste de postes disponibles et a reçu plusieurs propositions de postes, notamment :

- un poste de 'responsable de marché patrimoine, prévoyance, collectives, direction Outre-Mer' ;

- un poste de 'responsable commercial CARENE ( filiale d'Allianz), mais a également reçu des informations en vue de la création d'une société d'agents généraux, il résulte des débats que ces entretiens non formalisés n'ont débouché sur aucun projet professionnel, alors même que Mme [Z] bénéficiait jusqu'en 2013 d'évaluations particulièrement élogieuses sur ses performances professionnelles et ses perspectives d'évolution au sein de la société, de sorte que l'utilité de l'espace mobilité n'est aucunement démontrée par l'employeur.

La cour observe en outre que plusieurs salariés et collègues de Mme [Z] ont témoigné sur leur propre expérience, similaire à celle de Mme [Z], dans l'espace mobilité.

Ainsi, M. [D] [H], directeur de marchés Rhône/Loire de mai 2011 à décembre 2014 indique :

'(...) Les raisons pour lesquelles nous nous sommes retrouvés dans cette cellule mobilité ne nous ont pas été expliquées, un choix arbitraire selon moi car mon organisation dont j'avais la responsabilité était performante dans tous les critères (...)

J'ai vécu cette période comme du harcèlement moral et certains de mes collègues ont eu des problèmes de santé graves.'

M. [K] [T], ex conseiller en gestion de patrimoine indique :

' (...) J'ai revu [U] [Z] en janvier 2015 quand nous avons tous les deux été affectés à l'espace mobilité, ainsi qu'une cinquantaine de collègues ayant le même profil ( tous cadres ayant de l'ancienneté)(...)

L'espace mobilité consistait à nous rendre à [Localité 7] pour des réunions collectives d'informations totalement stériles.

Par exemple, après une heure d'information sur un poste on nous précisait à la fin de cette réunion qu'il n'y avait bien sûr aucun poste à pourvoir (...)

L'objectif de cet espace mobilité était clair:

1°/ nous écarter gentiment de nos collègues de travail ( plus de bureau, plus d'affectations, plus de missions...)

2°/ attendre que les plus faibles craquent et partent d'eux-mêmes. Au final ceux qui restent seront licenciés sans raisons.

3°/ cacher manifestement un plan social(...)'

Il en résulte que le placement de Mme [Z] dans l'espace mobilité s'est avéré totalement vain et a eu des conséquences parfaitement opposées à l'objectif affiché d'accompagnement et de développement professionnel, créant en réalité les conditions d'une inemployabilité par la privation de tout travail pendant plusieurs mois et de tout projet professionnel.

Dés lors, en exigeant de Mme [Z] qu'à compter du 1er janvier 2015, elle consacre toute son activité à l'élaboration de son évolution professionnelle, en la déchargeant de fait de toute activité conforme à son contrat de travail et en ne lui fournissant plus aucun outil de travail, la société Allianz a non seulement manqué gravement à ses obligations contractuelles, mais aussi placé Mme [Z] dans une situation d'isolement que la salariée qualifie à juste titre de 'mise au placard'.

Il apparaît aussi que la multiplication des convocations à des entretiens ne débouchant sur aucune proposition a participé à entretenir un climat d'incertitude particulièrement délétère.

- sur le lien de causalité entre le harcèlement allégué et l'inaptitude :

La société Allianz soutient que Mme [Z] n'établit nullement l'existence d'un lien de causalité entre le harcèlement et son inaptitude médicale dés lors qu'elle a été placée en arrêt de travail pour un mal de dos lié à une capsulite rétractile, et que le médecin du travail n'a préconisé que des aménagements ergonomiques du poste de travail ou encore la conduite d'un véhicule automatique.

Mais il ressort des pièces médicales présentées par Mme [Z], et notamment du courrier du docteur [W], médecin du travail, daté du 26 septembre 2016, que la salariée présentait:

- d'une part, un état de santé fragile au niveau des deux épaules suite à une capsulite rétractile bilatérale traitée par kinésithérapie pendant 9 mois, depuis septembre 2015 ;

- d'autre part, un état de santé mentale fragilisé, avec des doléances relatives à une situation de travail source de souffrance, la salariée se disant sans poste réel, tenue de rester à son domicile dans un contexte tendu avec le service des ressources humaines.

Et l'arrêt de travail signé par le docteur [C] le 26 septembre 2016 mentionne un état dépressif.

Mme [Z] verse en outre aux débats, l'attestation du docteur [J], psychiatre, en date du 3 octobre 2016, laquelle atteste suivre Mme [Z] 'pour un état dépressif majeur réactionnel à une souffrance ressentie dans le cadre du travail et ceci depuis janvier 2015 (...)'. Mme [Z] justifie de prescriptions concomitantes de somnifères.

Il en résulte que plusieurs médecins dont le médecin du travail et un médecin psychiatre ont constaté l'état dépressif de Mme [Z]; qu'aucune des parties n'invoque d'antécédents de santé révélateurs d'une fragilité mentale ou psychologique chez Mme [Z] au cours d'une relation contractuelle de plus de 21 ans marquée tout particulièrement par une importante mobilité de la salariée; que l'état de santé de Mme [Z] s'est encore rapidement aggravé au cours de la période litigieuse dés lors que celle-ci est passée d'une aptitude avec aménagement de poste selon l'avis médical du 20 juin 2016 à une inaptitude à tout poste dans l'entreprise selon les avis du 10 et du 28 novembre 2016.

L'état dépressif de Mme [Z] constaté après une période de plus de 21 mois au sein de 'l'espace mobilité', est bien en lien avec sa mise à l'écart par l'employeur.

Au terme des débats, il apparaît que la société Allianz ne justifie pas que sa décision de faire entrer Mme [Z] dans 'l'espace mobilité' et de la laisser sans activité pendant 21 mois, est étrangère à une situation de harcèlement, étant précisé qu'il résulte du courriel de félicitations adressé aux collaborateurs en décembre 2014, et des réponses apportées aux organisations syndicales, que la société Allianz n' a jamais fait mystère de la suppression d'un nombre conséquent de postes d'inspecteurs, en misant, sur ce qu'elle nomme 'des départs naturels'.

Il est enfin démontré que cette situation a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la salariée tels qu'ils résultent de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, mais aussi de porter atteinte à sa santé physique et mentale qui n'a cessé de se dégrader depuis son entrée dans l'espace mobilité. Il apparaît que l'avenir professionnel de Mme [Z] s'en est trouvé obéré, et que la stagnation de Mme [Z] dans l'espace mobilité n' eu pour seul effet que de compromettre de façon irrémédiable l'avenir professionnel et l'employabilité de la salariée.

Le harcèlement moral étant à l'origine de l'inaptitude de Mme [Z], son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement est par conséquent entaché de nullité.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande au titre du harcèlement moral.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :

Mme [Z] demande le paiement de la somme de 40 552,80 euros correspondant à trois mois de salaires, outre la somme de 4 055,28 euros au titre des congés payés.

La société Allianz s'oppose à cette demande au motif que dans le cas d'un licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident d'origine non professionnelle, comme c'est le cas en l'espèce, l'article L. 1226-4 du Code du travail dispose que « le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement », et que : « par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice ».

La société Allianz fait valoir, en tout état de cause, s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, dans un tel cas, l'indemnité compensatrice de préavis ayant

un caractère indemnitaire, son versement ne donne pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

****

Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié lorsque le licenciement est nul.

La société Allianz qui ne remet pas en cause, même à titre subsidiaire, les modalités de calcul de cette indemnité par la salariée, sera condamnée à lui payer la somme de 40 552,80 euros à ce titre, ainsi que les congés payés afférents, dés lors que l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas, contrairement à ce que soutient la société Allianz, de caractère indemnitaire, mais remplace les salaires que la salariée aurait dû percevoir si elle avait travaillé durant cette période.

Le jugement déféré qui a débouté Mme [Z] de cette demande sera infirmé en ce sens.

- Sur les dommages-intérêts :

a) au titre de la nullité du licenciement :

Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

Compte tenu du montant de la rémunération versée à Mme [Z] âgée de 56 ans lors de la rupture, de son ancienneté de vingt et un ans et trois mois, de ce que Mme [Z] a retrouvé un emploi de chargée de développement pour le compte de la société IFB France depuis le 20 août 2018 moyennant une rémunération brute fixe annuelle de 45 000 euros sur 13 mois, dont il ressort une baisse conséquente de salaire au regard de sa rémunération par la société Allianz Vie, la cour estime que le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture doit être indemnisé par la somme de 200 000 euros, sur la base d'un salaire moyen mensuel de 13 517,60 euros.

b) au titre du harcèlement moral :

Le préjudice résultant du harcèlement moral, qui constitue un préjudice distinct, sera indemnisé par la somme de 20 000 euros et Mme [Z] sera déboutée de sa demande pour le surplus.

c) au titre de la perte de chance de percevoir une retraire supérieure :

Mme [Z] soutient qu'elle a nécessairement perdu des droits à la retraite dés lors que:

- la durée de cotisation à la retraite de base et complémentaire s'est trouvée réduite du fait de son licenciement prématuré pour inaptitude ;

- la période de maladie, puis celle consécutive de chômage liée à son licenciement ont affecté la valeur des points en vue de sa future retraite ;

- elle a définitivement perdu de fait le bénéfice de la retraite à 60 ans pour carrière longue à laquelle elle pouvait prétendre et devra encore travailler et cotiser pendant 5 années supplémentaires (sous réserve au surplus du niveau d'emploi retrouvé et correspondant à un niveau inférieur à ses qualifications ou à ses rémunérations précédentes chez Allianz).

La société Allianz soutient à titre subsidiaire que le préjudice invoqué ne constitue pas un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail, et en tout état de cause que la demande de Mme [Z] doit être ramenée à de plus justes proportions.

****

La perte de chance de percevoir l'intégralité de la pension de retraite à laquelle Mme [Z] aurait eu droit si son contrat de travail n'avait pas été rompu avant son départ en retraite, constitue un élément du préjudice né de la perte de son emploi.

Mme [Z] se voyant allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la nullité de son licenciement, obtient ainsi la réparation intégrale de son préjudice et ne peut dés lors solliciter une indemnité distincte au titre de la perte de chance de percevoir une retraite supérieure, sans porter atteinte au principe de la réparation intégrale du principe dont il ne doit résulter pour la victime ni perte ni profit.

Mme [Z] sera donc déboutée de sa demande à ce titre et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa version applicable au licenciement prononcé postérieurement au 10 août 2016, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnisation.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société Allianz.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

DIT que la demande de communication de pièces est irrecevable

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de Mme [Z] au titre de la perte de chance de percevoir une retraire supérieure

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié par la société Allianz à Mme [Z] le 14 décembre 2016 est nul en raison du harcèlement moral

CONDAMNE la société Allianz à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

* 40 552,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 4 055,28 euros au titre des congé payés afférents

* 200 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement

* 20 000 euros au titre du harcèlement moral

ORDONNE d'office à la société Allianz Vie le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [Z] dans la limite de six mois d'indemnisation,

CONDAMNE la société Allianz à payer à Mme [Z] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la société Allianz aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/07113
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;19.07113 ?
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