AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/07108 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUN5
Société AAD PHENIX II
C/
[L]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 26 Septembre 2019
RG : 16/01804
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
APPELANTE :
Société AAD PHENIX II
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pauline BAZIRE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[T] [L]
né le 20 Juillet 1974 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Pierre PALIX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 2009, M. [T] [L] a été embauché par la société AAD PHENIX en qualité de responsable d'agence, catégorie CA2, pour une rémunération mensuelle de 2900 euros brut en 12 mensualités.
La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté.
A compter du 1er janvier 2010, la relation de travail s'est poursuivie avec la société AAD PHENIX II.
Par avenant au contrat de travail, M. [L] est devenu, à compter du 1er août 2011, directeur d'agence, catégorie CA2, pour une rémunération mensuelle de 3 265 euros bruts.
Par avenant au contrat de travail du 2 janvier 2012, le salarié est devenu Responsable de la Plateforme Rhône Alpes, catégorie CA 2, pour une rémunération mensuelle de 3 500 euros à compter du 1er janvier 2012 puis de 3 800 euros à compter du 1er juillet 2012, outre une rémunération variable sur objectifs.
A compter de l'année 2014, il a été décidé que la société AAD PHENIX II devienne apporteur d'affaire pour la société PHENIX DESAMIANTAGE.
Le 9 mars 2015, la société AAD PHENIX II a adressé à M. [L] une lettre de mise en garde, lui reprochant une absence de management et de suivi de ses collaborateurs.
M. [L] a été placé en arrêt maladie du 13 du 17 avril 2015, puis du 3 au 17 juillet 2015.
Le 28 juillet 2015, la société AAD PHENIX II a notifié à M. [L] une mise à pied disciplinaire pour 3 jours, lui reprochant son refus d'appliquer la nouvelle procédure de saisie et de suivi des dossiers commerciaux apportés par AAD PHENIX II à PHENIX désamiantage, l'absence de réunions commerciales mensuelles, ainsi que des problèmes relationnels avec son équipe.
A compter du 1er septembre 2015, il a été placé en arrêt maladie, initialement pour « fracture côte » puis à partir du 14 septembre 2015, pour « toujours quelques douleurs costales + épuisement professionnel », ensuite « conflit lien professionnel » ou « état psychologique incompatible avec le travail ».
Par courrier du 22 octobre 2015, adressé à son employeur, M. [L] a contesté la mise en garde du 9 mars 2015 et la mise à pied du 30 juillet 2015.
Par courrier du 3 novembre 2015, l'employeur a maintenu la mise en garde et la mise à pied.
Le 12 novembre 2015, lors de la 1ère visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré « inapte au poste ». Le 26 novembre 2015, le médecin du travail l'a déclaré « inapte au poste actuel et à tous les postes de l'entreprise ».
Le 9 décembre 2015, la SAS AAD PHENIX II a demandé au médecin du travail d'étudier la compatibilité de l'état de santé du salarié avec diverses propositions de reclassement (chargé de clientèle, chef de chantier, technicien en recherche de fuite non destructive, employé administratif).
Par courrier du 21 décembre 2015, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de M. [L] à son poste actuel ainsi qu'à tous les postes de l'entreprise.
Par courrier du 24 décembre 2015, la société AAD PHENIX II a convoqué M. [L] à un entretien préalable en vue de son licenciement.
Le salarié ne s'est pas présenté à cet entretien prévu le 5 janvier 2016.
M. [L] étant délégué du personnel suppléant, l'employeur a consulté le comité d'entreprise.
Le 6 janvier 2016, le Comité d'entreprise a donné un avis favorable sur la mesure de licenciement.
L'inspecteur du travail, saisi le 12 janvier 2016 par l'employeur, a autorisé le licenciement par décision du 1er mars 2016.
Par courrier du 4 mars 2016, la société AAD PHENIX II a notifié à M. [L] son licenciement pour inaptitude.
Le 13 mai 2016, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON pour voir dire qu'il a été victime de harcèlement moral et subsidiairement que l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, et pour voir condamner la société AAD au paiement de sommes au titre de RTT, heures supplémentaires, rappel de salaire, discrimination salariale, prime de fin d'année et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l'audience du 14 mars 2019, le demandeur a indiqué se désister de toutes ses demandes relatives au licenciement (demandes au titre du licenciement nul, licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité conventionnelle de préavis et congés payés afférents).
Il a maintenu ses demandes au titre du harcèlement moral, de l'exécution déloyale du contrat de travail, de la discrimination salariale et du rappel de salaire.
Par jugement du 26 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
dit que la SAS AAD PHENIX a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ;
condamné la SAS AAD PHENIX à verser à M. [L] la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi
condamné la SAS AAD PHENIX à verser à M. [L] la somme de 10 000 euros pour discrimination salariale ;
condamné la SAS AAD PHENIX à verser à M. [L] la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SAS AAD PHENIX aux dépens ;
ordonné l'exécution provisoire dans la limite de 50% des sommes allouées ;
dit que cette somme sera consignée sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignation ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le 15 octobre 2019, la SAS AAD PHENIX II a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 25 mai 2022, la SAS AAD PHENIX II demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de LYON le 26 septembre 2019 en ce qu'il a
dit qu'elle avait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ;
l'a condamnée à verser à Monsieur [L] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice ;
l'a condamnée à verser à Monsieur [L] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale ;
l'a condamnée à verser à Monsieur [L] la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance y compris les éventuels frais d'exécution forcée de la présente décision.
Statuant à nouveau :
juger qu'elle a exécuté le contrat de travail de manière loyale et que le salarié n'a subi aucune discrimination salariale ;
débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [L] du surplus de ses demandes ;
En conséquence,
se déclarer incompétent pour connaître du bienfondé du licenciement dont l'autorisation de l'Inspection du travail n'a pas été contestée ;
débouter M. [L] de ses demandes indemnitaires pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
débouter M. [L] de sa demande à hauteur de 13 410 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents ;
débouter M. [L] de sa demande indemnitaire au titre d'un prétendu harcèlement moral ;
débouter Monsieur [L] de sa demande à hauteur de 80 400 euros à titre de rappels de salaire, outre congés payés afférents
Par conclusions notifiées le 26 mars 2020, M. [L] demande à la cour de :
réformant le jugement entrepris, de condamner la SAS AAD à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
subsidiairement, confirmant le jugement, condamner la SAS AAD PHENIX II au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
réformant la jugement, condamner la SAS AAD PHENIX II à lui payer :
la somme de 80 400 euros brut à titre de rappel de salaire ;
la somme de 8 040 euros brut à titre de congés payés afférents
confirmant le jugement sur le principe et le réformant sur le montant condamner la SAS AAD au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale ;
réformant le jugement
à titre principal condamner la SAS AAD PHENIX II à lui payer la somme de 53 640 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
à titre subsidiaire, condamner la SAS AAD PHENIX II à lui payer la somme de 44 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner la SAS AAD PHENIX II à lui payer la somme de 13 410 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 341 euros au titre des congés payés afférents ;
dire que les condamnations porteront intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes
condamner la SAS AAD PHENIX II à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
condamner la SAS AAD PHENIX II aux dépens comprenant ceux de première instance
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
A l'audience du 18 octobre 2022, la Cour a soulevé d'office l'irrecevabilité des demandes de M. [T] [L] afférant au licenciement.
Par note en délibéré du 24 octobre 2022, M. [L] a confirmé son désistement des demandes tendant à la réformation du jugement et à la condamnation de la société AAD PHENIX II à lui payer la somme de 53 640 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ; à titre subsidiaire, la somme de 44 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ainsi qu'à lui payer la somme de 13 410 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 341 euros au titre des congés payés afférents.
Par note en délibéré du 27 octobre 2022, la société AAD PHENIX II a fait observer que la Cour n'est plus saisie de ces demandes.
SUR CE,
Sur le licenciement :
Il y a lieu de constater le désistement de M. [L] de ses demandes afférentes à la nullité du licenciement, à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.
Sur le harcèlement moral
La SAS AAD PHENIX II soutient :
que dès qu'il a été décidé, en janvier 2014, qu'elle allait être apporteur d'affaires pour la société PHENIX DESAMIANTAGE, des procédures ont été mises en place ;
que M. [L] était en désaccord avec cette nouvelle activité et qu'elle a dû le mettre en garde puis le mettre à pied car il ne mettait pas en 'uvre les nouvelles procédures et n'informait pas son équipe, ce qui créait des dysfonctionnements et des tensions internes ;
que, par son comportement, il est à l'origine de deux accidents du travail et d'une démission ;
qu'elle a fait preuve de patience en lui proposant une formation en management.
Le salarié fait valoir
qu'à compter du 15 janvier 2014, la SAS AAD PHENIX II a demandé à ses commerciaux d'agir, en sus de l'activité de décontamination, comme apporteur d'affaire pour la société PHENIX DESAMIANTAGE ;
qu'au fil du temps, le rôle de la SAS AAD PHENIX II s'est élargi à la gestion administrative des dossiers de désamiantage ;
qu'il résulte d'une note de service du 16 juin 2015 que les chargés de clientèle devaient être amenés à faire une reconnaissance sur sites amiantés, sans aucune formation en la matière ;
qu'il s'est ainsi retrouvé confronté à des difficultés opérationnelles récurrentes
que ces dysfonctionnements ont conduit à des difficultés relationnelles entre les salariés et à la dégradation des conditions de travail ;
que la société n'a pas cherché à comprendre les dysfonctionnement existants ni à l'aider à les régler ;
qu'au mois de mars 2015, était adressée aux responsables de plateforme une délégation de pouvoir à signer dans les 3 jours ;
que, compte tenu de l'imprécision des responsabilités confiées, et notamment de l'activité de désamiantage, il a refusé de signer cette délégation ;
qu'après diffusion par la société AAD PHENIX II d'une procédure concernant l'activité de désamiantage, des questions restaient en suspens, de sorte qu'il a refusé de l'appliquer et a été mis à pied à titre disciplinaire ;
qu'il a été placé dans une situation de stress permanent qui a eu des conséquences sur son état de santé et est à l'origine de son inaptitude.
A titre subsidiaire, il estime que le comportement de l'employeur constitue une exécution déloyale du contrat de travail.
***
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [T] [L] verse aux débats les avis d'arrêt de travail. A partir du 14 septembre 2015, il est indiqué « épuisement professionnel » puis « conflit lien professionnel », ou « état psychologique incompatible avec le travail » « conflit professionnel » ou encore « hyper anxiété réactionnelle sur conflit lien professionnel ».
La dégradation de son état de santé est établie.
M. [L] établit qu'il a reçu une lettre de mise en garde du 9 mars 2015 et une lettre de mise à pied du 28 juillet 2015, ce qui laisse présumer un harcèlement moral.
Au mois de janvier 2014, M. [S], directeur des opérations a annoncé que les commerciaux de AAD PHENIX seraient apporteurs d'affaire pour PHENIX DESAMIANTAGE ;
Le 29 janvier 2014, [J] [Y] a transmis un processus à observer pour un dossier de désamiantage.
La lettre de mise en garde du 9 mars 2015 attire l'attention de M. [L] sur un défaut de management de sa part : il a délégué à sa collaboratrice le traitement d'une demande de devis en lien avec l'activité désamiantage mais n'a pas fait le point avec elle et ne s'est pas assuré du suivi.
Le 13 février 2015, M. [Y], directeur du développement commercial, avait transmis, par mai à [T] [L], une demande de devis de désamiantage émanant du cabinet CET ; le 4 mars 2015, M. [Y] a demandé à M. [L], par mail, « je t'ai envoyé cette demande de devis pour Pacifica le 13 février. Suite à relance de l'expert ce jour, [E] lui demande les coordonnées du sinistre pour prise de contact le 4 mars » ; à la suite de ce mail, M. [L] a demandé des explications à sa collaboratrice, qu'il a transmises à M. [Y].
Les difficultés pointées dans la lettre de mise en garde sont exactes ; M. [L] a délégué et ne s'est pas soucié des suites données par sa collaboratrice.
Le défaut de management est établi et la lettre de mise en garde était justifiée.
Par lettre du 28 juillet 2015, la société AAD PHENIX II a mis à pied M. [L] pour une durée de trois jours au motif
qu'il a refusé de mettre en 'uvre le mode opératoire de saisie des dossiers commerciaux apportés par AAD PHENIX II à PHENIX DESAMIANTAGE ;
qu'il a informé son équipe que la plateforme Rhône Alpes n'appliquerait pas cette procédure ;
qu'alors qu'à plusieurs reprises, il a fait part des dysfonctionnements de la gestion administrative des dossiers au niveau du siège et indiqué qu'un suivi sur le logiciel métier serait beaucoup plus simple, il refuse désormais une gestion via le logiciel métier.
Il ressort du courrier du mail du 3 juin 2015 que M. [L] s'adressant à M. [S], directeur des opérations, qui lui avait demandé son avis sur la procédure désamiantage, lui écrit notamment « en toute transparence, nous parlons d'un sujet spécial le désamiantage avec un contexte légal bien précis, n'ayant aucune confiance en DIE et pour avoir des remarques type « tu écoutes et tu fais comme on te dit » de la part de [J] [Y] et bien d'autres choses' concernant l'amiante c'est l'inspection du travail que j'écoute et non [J] ' ».
M. [S] a ensuite expédié un mail, le 25 juin 2015, aux salariés de AAD PHENIX pour leur rappeler qu'ils n'étaient pas salariés de PHENIX DESAMIANTAGE, qu'il leur demandait d'effectuer un suivi administratif des dossiers, qu'ils n'étaient pas responsables du travail fait et des préconisations faites par DIE dans leurs devis, qu'ils n'avaient pas à signer les bons de commande.
Le 29 juin 2015, le « process interne genesys PHENIX désamiantage » a été adressé, notamment à [T] [L], pour transmission à ses collaborateurs.
Dans son courrier du 22 octobre 2015, contestant sa mise à pied, M. [L] a justifié être opposé à ce processus au motif que l'utilisation de la main d''uvre de la société AAD PHENIX pour l'activité de PHENIX DESAMIANTAGE procède du marchandage interdit par la loi ou encore que personne n'est formé pour gérer ou intervenir sur les chantiers de désamiantage.
Il a ainsi reconnu s'être opposé à des directives de son employeur, en discutant le bien fondé.
La mise à pied disciplinaire était ainsi une réponse à ce comportement, qui posait problème tant en terme de positionnement d'un directeur de plateforme sur le respect d'une organisation décidée par la hiérarchie qu'en terme de management.
L'employeur annonçait à M. [L] qu'il recevrait une formation en management d'ici la fin de l'année et le mettait en demeure de se conformer à la nouvelle procédure.
La lecture du courrier de M. [L] du 22 octobre 2015 permet de constater que celui-ci n'a pas changé de position.
Ainsi, tant la lettre de mise en garde que la lettre de mise à pied était justifiées.
Le harcèlement n'est pas établi. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Egalement, le comportement de l'employeur ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail.
Le jugement sera infirmé sur ce chef.
Sur la discrimination
La SAS AAD PHENIX II soutient que M. [L] n'a jamais fait l'objet d'une discrimination salariale et souligne qu'il ne s'est jamais plaint de sa rémunération. Elle précise qu'il n'a plus été augmenté depuis son opposition avec la stratégie de l'entreprise mais qu'auparavant il avait bénéficié de 4 augmentations en 4 ans.
Le salarié répond
qu'il a bénéficié de plusieurs promotions et a exercé concomitamment les postes de responsable de plateforme et de directeur d'agence à partir du 1er janvier 2012
qu'à compter du 1er janvier 2013, il a fait l'objet d'une discrimination salariale puisqu'il a perçu un salaire inférieur à celui versé à son prédécesseur, au directeur de l'agence de [Localité 5] et à son homologue de la Région de [Localité 6] et que sa rémunération n'a jamais été réévaluée au contraire des autres salariés de la plateforme. ;
que son salaire aurait dû être fixé à 6 000 euros brut à partir de janvier 2013
***
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, «Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte « telle que définie à l'article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap».
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
Le dernier avenant versé aux débats, en date du 2 janvier 2012, porte la rémunération fixe de M. [L] à la somme de 3 500 euros brut par mois à compter du 1er janvier 2012 et à 3 800 euros à compter du 1er juillet 2012.
Au dernier état de la relation contractuelle, la rémunération fixe était de 3 900 euros brut par mois.
Aucune des parties ne verse l'avenant du 1er janvier 2013 dont l'employeur dit qu'il aurait porté la rémunération fixe à cette somme.
M. [L] ne précise pas la raison pour laquelle il aurait fait l'objet d'une discrimination et ne verse aux débats aucun élément permettant d'affirmer qu'il a reçu une rémunération inférieure à des salariés placés dans une situation comparable.
Aucun élément ne laisse présumer que M. [L] a subi une discrimination salariale.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que M. [L] a subi une discrimination salariale.
Sur les autres demandes :
M. [L] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne justifie pas de condamner M. [L] à payer à la société AAD PHENIX II une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe et contradictoirement :
CONSTATE le désistement de M. [T] [L] de ses demandes afférentes à la nullité du licenciement, à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur le harcèlement moral
L'INFIRME pour le surplus de ses dispositions
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [T] [L] de ses demandes afférentes à l'exécution déloyale du contrat de travail et à la discrimination salariale ;
DÉBOUTE M. [T] [L] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [T] [L] aux dépens de première instance et d'appel
REJETTE la demande de la société AAD PHENIX II fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE