N° RG 22/04572 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMA2
Décision du
Juge aux affaires familiales de SAINT-ETIENNE
2ème Chambre Civile
du 31 mai 2022
RG : 22/02120
[E] [V]
[G]épouse [E] [D]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET du 10 JANVIER 2023
APPELANTS
M. [V] [K] [N] [E]
né le 4 septembre 1965 à [Localité 8] (Rhône)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Laurie DA COSTA VAZ, avocate au barreau de SAINT-ETIENNE
Mme [D] [G] épouse [E]
née le 21 mars 1969 à [Localité 7] (Loire)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurie DA COSTA VAZ, avocate au barreau de SAINT-ETIENNE
Et en présence de
Mme la PROCUREURE GÉNÉRALE
représentée par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général
Cour d'Appel [Adresse 1]
[Localité 3]
* * * * * *
Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 16 novembre 2022
Date de mise à disposition : 10 janvier 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Georges PEGEON, conseiller
- Géraldine AUVOLAT, conseillère
assistés pendant les débats de Sylvie NICOT, greffière.
A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
[Y] [L] est née le 17 avril 2006, à [Localité 9] (Loire).
À la suite de l'abandon par ses parents biologiques, elle a été acceuillie par M. [V] [E] et Mme [D] [G] épouse [E], qui l'ont élevée.
Le père biologique de [Y] avait entamé une action en contestation de la procédure d'abandon, sans donner suite.
Elle est devenue pupille de l'État le 25 octobre 2018.
Avec l'autorisation du conseil de famille et de la préfecture de la Loire, les époux [E] ont formalisé une requête, le 23 mai 2019, aux fins d'adoption plénière de [Y], requête transmise au tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 23 mai 2022.
Par jugement du 31 mai 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Saint-Étienne a prononcé l'adoption plénière de [Y] par M. et Mme [E], et a jugé que [Y] portera désormais le nom de [E], et les prénoms de [Y] et [Z].
Ce jugement d'adoption a été notifié le 2 juin 2022 aux époux [E].
Par lettre du 5 juin 2022, [Y] a fait part à M. et Mme [E] de ses doutes quant à sa volonté d'être adoptée de façon plénière, soucieuse de conserver son nom de famille.
Par courrier du 13 juin 2022, le greffier de la 2ème chambre civile du tribunal judiciaire de Saint-Étienne a informé M. et Mme [E] que l'affaire était transmise à la cour sans nouvel examen.
M. et Mme [E] ont interjeté appel du jugement, par déclaration reçue au greffe le 13 juin 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions du 17 octobre 2022, les époux [E] demandent à la cour, au visa des articles 343 et suivants, 360 et suivants du code civil, et des articles 538, 950 et 1165 et suivants du code de procédure civile, de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 31 mai 2022, en ce qu'il a :
. prononcé l'adoption plénière de [Y] [L] par M. [V] [E] et Mme [D] [G], avec toutes les conséquences légales résultant de cette situation,
. dit que, conformément aux dispositions de l'article 357 du code civil, l'adoptée portera désormais le nom de [E], et les prénoms de [Y], [Z],
. dit que [Y] [L] est l'enfant de M. [V] [E] et Mme [D] [G],
. dit que la décision sera transcrite, à la requête du procureur de la République et conformément aux dispositions de l'article 354 du code civil, sur les registres de l'état civil de la commune de [Localité 9] (Loire),
- statuant à nouveau, dans l'intérêt supérieur de l'enfant,
- prononcer l'adoption simple de [Y] [L], née le 17 avril 2006 à [Localité 9] (Loire) à douze heures cinquante huit minutes, de sexe féminin, par
* M. [V] [K] [N] [E], né le 4 septembre 1965 à [Localité 8] (69), profession agent de maîtrise, demeurant [Adresse 5], et
* Mme [D] [G] épouse [E], née le 21 mars 1969 à [Localité 7] (42), profession agent de puériculture, demeurant [Adresse 5],
mariés à [Localité 6] (42) le 26 janvier 1991,
avec toutes les conséquences légales,
- déclarer que [Y] [L] conservera son nom de famille [L],
- déclarer que [Y] portera désormais le prénom [I],
- déclarer que l'arrêt sera mentionné, à la requête du procureur de la République et conformément aux dispositions de l'article 362 du code civil, sur les registres de l'état civil,
- déclarer que l'arrêt sera notifié par les soins du greffe aux requérants, à l'adoptée de plus de seize ans, et au ministère public,
- laisser les dépens à leur charge.
Au soutien de leur appel, ils font valoir que :
[Y] est âgée de 16 ans ; elle a été abandonnée par ses deux parents biologiques et accueillie par eux le 2 mai 2006, soit quelques jours après sa naissance ; elle a été reconnue pupille de l'État le 25 octobre 2018, et a été confiée par le conseil de famille à M. et Mme [E],
ils se sont mariés le 26 janvier 1991, devant l'officier d'état civil de la mairie de [Localité 6] (Loire) ; ils ont quatre enfants, tous majeurs, qui ont vécu avec [Y] dont l'adoption sollicitée n'est pas de nature à compromettre la vie familiale ; les époux [E] travaillent tous les deux ; ils considèrent [Y] comme leur fille ; ils n'agissent que dans son intérêt, et privilégient sa volonté en demandant une adoption simple plutôt qu'une adoption plénière,
[Y] souhaitait être adoptée de façon plénière alors qu'elle était âgée de 13 ans ; le père biologique de [Y] avait contesté la procédure d'abandon, mais il ne s'est jamais présenté en justice ; elle souhaite désormais garder son nom de famille et des liens avec ses parents d'origine ; elle souhaite aujourd'hui être adoptée, mais préfère que ce soit une adoption simple ; ils veulent suivre le choix de [Y].
Le 15 novembre 2022, Mme la procureure générale conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé l'adoption plénière de [Y] [L] par les époux [E], et que son adoption simple apparaît conforme à son intérêt.
Ses conclusions ont été notifiées au conseil des appelants le 16 novembre 2022.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé complet des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
L'affaire a été appelée à l'audience du 16 novembre 2022, en présence des époux [E], de [Y] et de Mme l'avocat général ; interrogée, [Y] a confirmé ne plus souhaiter une adoption plénière, mais une adoption simple, et a demandé à changer de prénom pour s'appeler [I] [Y].
Les parties ont été entendues en leurs observations.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 1173 du code de procédure civile dispose que le tribunal peut, avec l'accord du requérant, prononcer l'adoption simple, même s'il est saisi d'une requête aux fins d'adoption plénière.
Les conditions pour l'adoption simple prévues par l'article 360 du code civil sont remplies en l'espèce.
Les époux [E], adoptants, et [Y], l'adoptée, âgée de 16 ans, ne souhaitent plus l'adoption plénière, et consentent à l'adoption simple.
Le jugement attaqué sera dès lors infirmé, en ce qu'il a prononcé l'adoption plénière et, statuant à nouveau, il sera prononcé l'adoption simple de [Y] par les époux [E], non contraire aux intérêts de la mineure.
Il résulte de l'article 363 du code civil que l'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté, en l'ajoutant au nom de ce dernier ; que toutefois, si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir à cette adjonction.
En l'espèce, l'adoptée est âgée de 16 ans, et n'a pas consenti à l'adjonction de son nom à celui des adoptants.
Dans leurs conclusions, les appelants déclarent qu'elle souhaite conserver le nom de [L], et qu'ils suivent son choix.
Dans la logique de sa démarche tendant à conserver un lien concret avec sa filiation d'origine, il apparaît de l'intérêt de [Y] de continuer à porter son nom de naissance [L].
Il sera donc fait droit à cette demande.
Aux termes de l'article 361 du code civil, les dispositions des articles 343 à 344, du dernier alinéa de l'article 345, des articles 346 à 348-7, 353, 353-1, 353-2, 355 et du dernier alinéa de l'article 357 sont applicables à l'adoption simple.
L'article 357 dernier alinéa du code civil dispose que, sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant ; si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement est requis.
[Y], âgée de 16 ans, qui a toujours porté et été connue sous ce prénom, souhaite porter désormais le prénom de [I], et éventuellement conserver celui de [Y] en seconde position.
Toutefois, elle ne produit aucun élément, notament des attestations, démontrant qu'elle est déjà connue sous le prénom de [I], lequel pourrait être considéré comme un prénom d'usage.
Faute de justifier d'un usage actuel et d'un intérêt légitime à porter ce prénom, sa demande de ce chef sera donc rejetée, que ce soit par substitution ou par adjonction.
Les dépens d'appel seront supportés par les appelants.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en chambre du conseil, après en avoir délibéré, en matière gracieuse,
Infirme le jugement rendu le 31 mai 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Saint-Étienne, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,
Statuant à nouveau,
Prononce l'adoption simple de [Y] [L], née le 17 avril 2006 à [Localité 9] (Loire), à 12h58, de sexe féminin,
par
- M. [V] [K] [N] [E], né le 4 septembre 1965 à [Localité 8] (69), demeurant [Adresse 5], et
- Mme [D] [G] épouse [E] née le 21 mars 1969 à [Localité 7] (42), demeurant [Adresse 5],
mariés à [Localité 6] (42) le 26 janvier 1991,
Dit que [Y] [L] conservera le seul nom de [L],
Rejette la demande relative au changement de prénom,
Dit que le présent arrêt sera notifié par les soins du greffe aux requérants, à l'adoptée de plus de seize ans et au ministère public,
Dit que le présent arrêt sera mentionné, à la requête du procureur de la République, sur les registres de l'état civil, conformément aux dispositions de l'article 362 du code civil,
Laisse les dépens d'appel à la charge des appelants.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La présidente