AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 20/07470 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NKGI
S.A.S. [7]
C/
[D]
CPAM DU RHONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
du 30 Novembre 2020
RG : 14/00386
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
APPELANTE :
S.A.S. [7]
[Adresse 8]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et Maître Philippe
ROUSSELIN-JABOULAY, ( SELARL ALCYACONSEIL ), substitué par Maître Fanny TILLOY, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
[S] [D]
née le 11/07/1963
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexandra MANRY , avocat au même barreau
CPAM DU RHONE
Services des Affaires Juridiques
[Localité 4]
représentée par madame [E] [W] , audiencière, munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Octobre 2022
Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 10 octobre 2016, auquel il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé des faits, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon a :
- dit que l'accident dont a été victime Mme [S] [D] le 14 avril 2009 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [7] ;
- majoré la rente allouée à Mme [D] au taux maximum prévu par la loi ;
- ordonné une expertise médicale, avant dire droit, sur l'indemnisation ;
- condamné l'employeur à payer à Mme [D] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 21 mai 2019, une provision de 2 000 euros étant en outre allouée à Mme [D] (la salariée) ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1 500 euros.
Le rapport d'expertise médicale a été déposé le 2 mars 2020.
Par jugement du 30 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a, au vu du jugement du 10 octobre 2016 et de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 21 mai 2019 :
- fixé le montant des indemnités revenant à Madame [S] [D] aux sommes suivantes :
- 1 000 euros au titre des frais d'assistance d'expertise,
- 7 896,64 euros au titre de l'assistance tierce personne,
- 7 068 euros au titre des frais de véhicule adapté,
- 2 539,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 7 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 3 500 euros au titre du préjudice esthétique,
- 3 500 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel.
Soit, une indemnisation totale s'élevant à 35 503,84 euros dont il y a lieu à déduire la provision de 2 000 euros.
- condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que la caisse fera l'avance de l'intégralité des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices ;
- condamné l'employeur à restituer à la caisse l'intégralité des sommes dues au titre de la faute inexcusable ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné l'employeur aux dépens.
Par déclaration au greffe du 29 décembre 2020, l'employeur a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions n° 2 déposées le 9 septembre 2022, l'employeur demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à la salariée les sommes de:
- 1 000 euros au titre des frais d'assistance d'expertise,
- 7 896,64 euros au titre de l'assistance tierce personne,
- 7 068 euros au titre des frais de véhicule adapté,
- 2 539,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 7 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 3 500 euros au titre du préjudice esthétique,
- 3 500 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,
En conséquence, et le réformant partiellement :
- fixer l'indemnisation :
- du préjudice fonctionnel temporaire total à 96 euros ;
- du préjudice fonctionnel temporaire partiel à 2 319,60 euros ;
- pour l'assistance par une tierce personne à 5 260 euros ;
- du préjudice esthétique permanent à 2 000 euros ;
- condamner la salariée à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre :
- du déficit fonctionnel temporaire total,
- du préjudice physique et psychique,
- de la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale,
- de la perte ou de la diminution de chance de promotion professionnelle.
En tout état de cause :
- débouter la salariée du surplus de ses demandes ;
- juger commune et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, la décision à intervenir sur la liquidation des préjudices.
Dans ses conclusions déposées le 24 décembre 2021, la salariée demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a lui alloué les sommes suivantes :
- 104 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;
- 2 435,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ;
soit 2 539,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- 7 896,64 euros au titre de l'assistance tierce personne,
- 7 068 euros au titre des frais de véhicule adapté,
- réformer sur le quantum le jugement en ce qu'il lui alloué :
- 1 000 euros au titre des frais d'assistance d'expertise,
- 7 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 3 500 euros au titre du préjudice esthétique,
- 3 500 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel.
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre du préjudice relatif à la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale et la perte de chance de promotion professionnelle ;
Statuant à nouveau, lui allouer les sommes de :
- 1 000 euros au titre des frais d'assistance d'expertise,
- 20 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 10 000 euros au titre du préjudice sexuel,
- 15 000 au titre du préjudice relatif à la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale,
- 20 000 euros au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,
- 1 680 euros au titre du remboursement de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal judiciaire,
- à tout le moins, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En toutes hypothèses :
- lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et confirmer la décision de première instance en ce qu'elle lui a alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'employeur aux dépens ;
- dire et juger commun et opposable à la caisse la décision à intervenir.
Dans ses conclusions déposées le 20 juin 2022, la caisse indique qu'elle n'entend pas présenter d'observations sur le quantum des préjudices et demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que l'employeur sera condamné à restituer à la caisse l'intégralité des sommes avancées au titre de la faute inexcusable, y compris les frais d'expertise.
*
Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'indemnisation des préjudices
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Sur le déficit fonctionnel temporaire partiel
A titre infirmatif sur le quantum, l'employeur soutient qu'il y a lieu de retenir une indemnité forfaitaire journalière de 23 euros, conforme au référentiel indicatif régional de l'indemnisation du préjudice corporel de novembre 2011, ce qui, pour les périodes retenues par l'expert (48 jours à 50 %, 41 jours à 40 %, 62 jours à 25 %, 107 jours à 20 et 129 à 15 %) doit conduire à retenir une indemnité à ce titre de 2 319,60 euros.
A titre confirmatif, la salariée fait valoir que le tribunal a justement retenu une base forfaitaire journalière de 26 euros par jour et une indemnisation de ce chef de 2 435,20 euros.
La cour retient que, compte tenu de la gêne occasionnée dans les actes de la vie courante du fait de l'accident subi par le salarié, il y a lieu de fixer la base d'indemnisation journalière à 23 euros.
Sur cette base, le préjudice du salarié peut s'apprécier ainsi, en fonction des éléments du rapport d'expertise, non critiqué par les parties sur ce point, ayant fixé les différentes périodes d'incapacité temporaires partielle et les taux d'incapacité correspondant, à la somme de 2 319,60 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le déficit fonctionnel temporaire total
Il sera noté que l'employeur demande dans le dispositif de ses écritures la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de son préjudice au titre du déficit fonctionnel temporaire total, alors que le tribunal a fait droit à cette demande et demande l'infirmation de ce chef dans le corps de ses écritures.
Ainsi, à titre infirmatif sur le quantum, l'employeur soutient qu'il y a lieu de retenir une indemnité forfaitaire journalière de 24 euros, ce qui, pour les 4 jours retenus par l'expert doit conduire à retenir une indemnité à ce titre de 96 euros.
A titre confirmatif, la salariée fait valoir que le tribunal a justement retenu une indemnité forfaitaire journalière de 26 euros par jour, soit 800 euros par mois et demande que le montant de 104 euros soit maintenu.
La cour retient que, compte tenu de la gêne occasionnée dans les actes de la vie courante du fait de l'accident subi par le salarié, il y a lieu de fixer la base d'indemnisation journalière à 23 euros, comme le demande l'employeur. Il s'ensuit que le montant de l'indemnité due à ce titre s'élève à la somme de 96 euros.
Sur l'assistance par une tierce personne
A titre infirmatif sur le quantum, l'employeur, relevant que l'expert indique qu'une aide humaine occasionnelle et non spécialisée de 2 à 5 heures par jour était nécessaire pendant environ un an, estime que ce préjudice (à raison de 5 heures par jours, pendant 48 jours, de 4 heures par jour pendant 41 jours, de 8 heures par semaines pendant 9 semaines, de 2 heures par semaine pendant 16 semaines et de 4 heures par mois, pendant 4 mois et 9 jours), sur la base d'un taux horaire de 10 euros, doit s'apprécier à la somme de 5 260 euros.
A titre confirmatif, la salariée soutient que le préjudice a été justement indemnisé par le tribunal, sur une base horaire moyenne de 16 euros, par l'allocation de la somme de 7 896,64 euros.
La cour rappelle que si le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale, il y a cependant lieu de tenir compte de la nature de l'aide nécessaire.
En l'espèce, l'expert indique que la salariée a nécessité une aide humaine non spécialisée, qualifiée « d'importante » pour la période couvrant le 14 avril 20019 au 15 juillet 2009, puis de « partielle » pour la période couvrant le 16 juillet 2009 au 9 mai 2010.
En conséquence, c'est par une juste appréciation que le tribunal a fixé le montant du taux horaire pour l'ensemble de la période durant laquelle la salariée nécessitait une assistance tierce-personne, au taux de 16 euros, pour un total de 7 896,674 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les souffrances endurées
A titre infirmatif sur le quantum, l'employeur relève que l'expert à évalué à 3/7 les souffrances de la victime et qu'il a exclu tout lien entre l'évolution défavorable de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, la victime présentant une telle affection avant son accident du travail, et celui-ci. Il souligne également que l'expert s'est montré prudent en ce qui concerne les souffrances morales alléguées par la salariée et son accident du travail.
Il considère ainsi que la demande de la salariée, à hauteur de 20 000 euros est totalement excessive et injustifiée.
En fonction des usages d'indemnisation, il estime que celle-ci doit se situer entre 3 000 et 6 000 euros et propose la somme de 4 500 euros.
A titre infirmatif sur le quantum, la salariée indique qu'elle a été arrêtée durant plusieurs mois après l'accident du travail, qu'elle a subi une intervention chirurgicale en juin 2009 et conteste avoir présenté des antécédents de type de tendinopathie de la coiffe de l'épaule droite. Elle indique que son état de santé a été considéré comme consolidé le 10 mai 2010 et qu'un taux d'IPP de 15 % lui a été attribué et qu'elle a été reconnue comme travailleur handicapé.
Elle considère en conséquence que la somme de 20 000 euros doit lui être allouée.
La cour relève que l'expert a évalué le niveau de souffrances de la salariée à 3/7, tenant compte de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie, de l'auto-rééducation prolongée, de la consommation antalgique et anti-inflammatoire prolongée et du retentissement psychologique.
Il sera relevé que l'expert indique avoir tenu compte d'une pathologie antérieure dégénérative à l'origine de l'évolution défavorable de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et l'avoir exclue de la prise en compte des séquelles de l'accident.
Il sera noté que la salariée évoque les décisions prises par la caisse aux termes de la période traumatique, en terme d'IPP et de statut de travailleur handicapé, ce qui n'affecte pas nécessairement l'évaluation des souffrances endurées durant celle-ci.
Ainsi, en tenant compte en outre des préconisations du barème indicatif d'évaluation et de l'évaluation faite par l'expert, il résulte de ce qui précède que les souffrances endurées par le salarié, au niveau retenu par l'expert, ont été justement appréciées par le tribunal à hauteur de 7 000 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le préjudice esthétique
A titre infirmatif sur le quantum, la salariée soutient avoir subi un préjudice esthétique temporaire, résultant du port d'une écharpe du membre supérieur, retenu par l'expert, qui doit s'indemniser par l'allocation de la somme de 5 000 euros.
Elle fait valoir que son préjudice esthétique permanent, résultant d'une asymétrie de la ceinture scapulaire, visible facilement à l'oeil nu, doit entraîner l'allocation de la somme de 10 000 euros.
A titre infirmatif sur le quantum, l'employeur indique qu'aucun préjudice esthétique temporaire ne saurait être retenu puisque l'expert ne l'a pas admis et que le préjudice esthétique permanent, évalué à 2/7, pour lequel il est indiqué notamment que des cicatrices sont très peu visibles à l'oeil nu, est permanent et léger, essentiellement en lien avec altération de l'apparence physique au niveau de l'épaule droite ce qui, compte tenu de l'âge de la salariée et de la jurisprudence, rend déraisonnable sa demande à hauteur de 10 000 euros.
Il estime que l'entier préjudice esthétique doit entraîner l'allocation de la somme de 2 000 euros.
La cour relève que l'expert a évalué ce poste de préjudice à 2/7 en indiquant avoir tenu compte du port d'une écharpe du membre supérieur pendant les premières semaines et d'une asymétrie de la ceinture scapulaire visible facilement à l'oeil nu, de sorte qu'il a décrit à la fois un préjudice esthétique temporaire, qui correspond à l'altération de l'apparence physique de la victime, avant consolidation et qui peut être indemnisé indépendamment des souffrances morales endurées, et un préjudice esthétique permanent.
Il y a lieu d'allouer la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et celle de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Le jugement, en ce qu'il a accordé la somme globale de 3 500 euros au titre de ce chef de préjudice, sera ainsi confirmé.
Sur le préjudice d'agrément
A titre infirmatif, l'employeur estime que la salariée ne justifie pas de l'exercice antérieur d'une activité sportive ou de loisirs quelconque, ne produisant notamment aucune inscription à un club. Il estime les attestations produites insuffisamment probantes.Il conclut au rejet de cette demande.
A titre infirmatif sur le quantum, la salariée estime que ce préjudice, au regard des attestations qu'elle produit, doit entraîner l'allocation de la somme de 20 000 euros.
La cour rappelle que le préjudice d'agrément est limité à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir et que l'indemnité allouée doit se fonder sur l'existence de justificatifs produits par la victime d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie ou à l'accident, susceptible de caractériser l'existence d'un tel préjudice, la perte de qualité de vie étant indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.
Dans son rapport, l'expert retient un préjudice d'agrément « allégué », « cohérent sur le plan médical » pour les activités physiques de fitness, tennis, squash, ski, vélo, moto, équitation, danse, précisant que le tricot est réalisable sur le plan médical en rapport avec la pathologie liée à l'accident du travail.
La salariée se prévaut de différentes attestations (pièces n° 27, 28, 29).
Si les attestations produites ne respectent pas les exigences de l'article 202 du code de procédure civile, notamment en ce qu'elles n'indiquent pas la finalité pour laquelle elles ont été établies, elles sont manuscrites, datées et signées et il est justifié de l'identité de leurs auteurs, de sorte qu'elles peuvent être considérées comme probantes. Il y est relaté que la salariée pratiquait régulièrement des activités sportives et de loisirs variées, notamment des sorties en moto, et les limitations qu'elle rencontre depuis son accident.
C'est ainsi par une juste appréciation de ce préjudice, qui sera confirmée, que le tribunal en a fixé le montant de l'indemnisation à la somme de 3 500 euros.
Le jugement sera confirmé.
Sur le préjudice sexuel
A titre infirmatif, l'employeur soutient que la salariée ne justifie pas de son préjudice.
A titre infirmatif sur le quantum, la salariée soutient que l'accident a eu un véritable impact sur sa libido, ce qui justifie l'allocation de la somme de 20 000 euros.
La cour relève, comme les premiers juges, que l'existence d'un préjudice sexuel est cohérent sur les plans médical, mécanique et émotionnel, ce qui permet d'en retenir l'existence.
C'est par une juste appréciation, que la cour approuve, que les premiers juges ont fixé l'indemnisation de ce chef de préjudice à la somme de 3 000 euros.
Le jugement sera confirmé.
Sur la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale
A titre infirmatif, la salariée fait valoir qu'en raison des lésions, elle est dans l'incapacité d'assumer pleinement son rôle de grand-mère comme elle l'aurait souhaité et, ce, alors qu'elle n'a que 57 ans au jour des écritures. Elle indique que les répercussions se notent également dans ses relations avec ses plus jeunes enfants.
Elle évalue son préjudice à ce titre à la somme de 15 000 euros.
A titre confirmatif, l'employeur indique que ce préjudice correspond à la perte de l'espoir d'aspirations familiales futures en raison de la gravité du handicap, alors que la salariée, lorsqu'elle a eu son accident, avait 46 ans et 3 enfants. Il soutient que le préjudice invoqué par la salariée relève du préjudice d'agrément ou des conséquences normales du déficit fonctionnel permanent.
La cour rappelle que le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. Ce préjudice doit être distingué du déficit fonctionnel permanent, qui peut empêcher une victime d'exercer comme elle le souhaite ses fonctions conjugales ou parentales et qui, en matière de faute inexcusable, est indemnisé par la rente versée par la sécurité sociale à la victime.
Or, en l'espèce, la salariée fait état et entend démontrer les difficultés qu'elle peut rencontrer, en raison des séquelles de son accident, dans l'exercice de ses responsabilités vis à vis de ses enfants et petits-enfants, ce qui ne relève pas du préjudice d'établissement.
Dès lors, comme l'ont retenu les premiers juges, il y a lieu de rejeter cette demande.
Le jugement sera confirmé.
Sur la perte de chance de promotion professionnelle
A titre infirmatif, la salariée indique qu'elle n'a pu réintégrer son emploi du fait des séquelles de son accident et qu'elle a été licenciée pour inaptitude. Elle soutient que, employée textile, elle aurait pu évoluer au poste de chef de rayon, conformément à la politique salariale du groupe [6].
Elle demande à ce titre l'allocation de la somme de 20 000 euros.
A titre confirmatif, l'employeur soutient que le salariée ne démontre pas l'existence de chances sérieuses de promotion professionnelle avant l'accident. Il rappelle que la perte de gains professionnels est indemnisée par la rente servie par la caisse.
La cour rappelle que la réparation d'une perte de chance de promotion professionnelle en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle est admise indépendamment du préjudice que répare l'attribution d'une rente majorée.
Ce chef de préjudice ne doit toutefois pas correspondre à la perte de gains professionnels ou l'incidence professionnelle de l'incapacité ou encore au déficit fonctionnel permanent, qui sont indemnisés, en cas de faute inexcusable de l'employeur, par la rente majorée versée par la sécurité sociale.
La victime doit ainsi justifier de chances sérieuses de promotion professionnelles, étant cependant relevé que les possibilités de promotion professionnelle peuvent en outre être internes comme externes.
Or, en l'espèce, la salariée se borne à évoquer les possibilités d'évolution de poste qui existent pour le personnel du groupe auquel elle appartenait, au regard des fonctions qu'elle exerçait, mais pas de l'existence de perspectives personnelles et avérées de promotions lorsqu'elle a eu son accident.
C'est dès lors par des motifs que la cour approuve que les premiers juges ont rejeté cette demande.
Le jugement sera confirmé.
Sur les préjudices liés à l'aménagement du véhicule personnel
A titre infirmatif, l'employeur indique que l'expert a relevé que la salariée conduisait à titre habituel un véhicule à boîte manuelle et n'a pas retenu la nécessité d'un tel aménagement. Il estime que rien ne justifie, plus de dix ans après l'accident, qu'il prenne en charge l'aménagement du véhicule personnel. Il soutient que le surcoût n'est pas démontré entre véhicule à boîte manuelle et automatique pour un véhicule de même cylindrée. Il sollicite le rejet de la demande de la salariée à ce titre.
A titre confirmatif, la salariée estime que le tribunal a justement évalué son préjudice par l'allocation de la somme de 7 068 euros, résultant du surcoût lié à l'installation d'une boîte automatique et à celui du renouvellement.
La cour estime que si la salariée a pu indiquer qu'elle conduisait habituellement son véhicule à boîte manuelle à l'expert, celui-ci a préconisé une boîte automatique en considération des lésions consécutives à l'accident, ce qui, au regard des impératifs de sécurité de la salariée, de ses passagers et des autres conducteurs, en établit la nécessité et la réalité du préjudice qui en découle.
C'est ainsi par une juste appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont fixé l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 7 068 euros.
Le jugement sera confirmé.
Sur le remboursement des honoraires de l'expert mandaté par la salariée
A titre infirmatif, l'employeur estime qu'il ne saurait prendre en charge les frais de l'expert auquel a recouru la salariée, sur sa seule initiative.
A titre infirmatif sur le quantum, si la salariée indique justifier qu'elle a dû régler des honoraires de 1 680 euros. A titre subsidiaire, elle demande la confirmation de la décision attaquée.
La cour relève que, si le principe de remboursement de ces frais ne peut être sérieusement contesté, la salariée a réclamé et obtenu le remboursement de frais d'assistance par un expert pour la visite médicale d'aptitude au permis de conduire (d'un montant de 360 euros, selon la pièce n° 31 de l'intimée) dont elle ne démontre toutefois pas le lien direct avec le présent litige.
La salariée produit par ailleurs une note d'honoraires de 360 euros du 10 janvier 2017 pour la « consultation médico légale du dossier », sans plus de précision, ce qui ne permet pas d'établir un lien direct avec le litige.
Dès lors, seule la facture d'honoraires du 20 février 2020, de 960 euros, concernant « l'assistance à l'expertise médicale », peut être retenue.
Le jugement sera réformé sur le quantum.
Sur les autres demandes
Le jugement ayant, par un chef dispositif non contesté, dit que la caisse fera l'avance de l'intégralité des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices et condamné l'employeur à restituer à la caisse l'intégralité des sommes dues au titre de la faute inexcusable, la demande de déclaration en jugement commun de la salariée et de l'employeur est sans objet, sauf à préciser que les sommes dues par l'employeur comprennent les frais d'expertise avancés par la caisse, comme celle-ci le précise dans les écritures produites dans le cadre de la présente instance.
L'employeur, perd principalement en son appel et devra en supporter les dépens.
Au vu de l'équité, l'employeur sera condamné à verser à la salariée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement sauf sur le montant des sommes dues à Mme [S] [D] au titre :
- du déficit fonctionnel temporaire total ;
- du déficit fonctionnel temporaire partiel ;
- des frais d'assistance par un expert ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
FIXE le montant des sommes dues à Mme [S] [D] au titre :
- du déficit fonctionnel temporaire total, à 96 euros ;
- du déficit fonctionnel temporaire partiel, à 2 319,60 euros ;
- des frais d'assistance par un expert, à 960 euros ;
Y ajoutant,
DIT que la caisse est en droit de recouvrer auprès de la société [7], employeur, l'ensemble des sommes mises à sa charge en raison de l'indemnisation des préjudices subis par Mme [S] [D], ainsi que les frais de l'expertise qu'elle a avancés ;
REJETTE le surplus des demandes des parties ;
CONDAMNE la société [7] aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la société [7] à payer à Mme [S] [D] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE