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05/01/2023 | FRANCE | N°19/00904

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 05 janvier 2023, 19/00904


N° RG 19/00904 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFVF









Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 28 janvier 2019



RG : 2015j2096





[M]

S.A.S. 2JP



C/



SAS KORELL - ECONOMIE DE LACONSTRUCTION ET DE L'AMENAG EMENT URBAIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 05 Janvier 2023







APPELANTS :



M. [X] [M

]

né le 26 Septembre 1947 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



S.A.R.L 2JP

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et...

N° RG 19/00904 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFVF

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 28 janvier 2019

RG : 2015j2096

[M]

S.A.S. 2JP

C/

SAS KORELL - ECONOMIE DE LACONSTRUCTION ET DE L'AMENAG EMENT URBAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 05 Janvier 2023

APPELANTS :

M. [X] [M]

né le 26 Septembre 1947 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

S.A.R.L 2JP

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Philippe GENIN de la SELAS FIDUCIAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON, toque : 656

INTIMEE :

SAS KORELL - ECONOMIE DE LA CONSTRUCTION ET DE L'AMENAGEMENT URBAIN

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et par Me Lionel HANACHOWICZ, BEAM-LAMARTINE, avocat au barreau de LYON, toque : 1835

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 05 Janvier 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marianne LA-MESTA, conseillère

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 3 janvier 2011, une convention de prestations de services a été signée entre la Sarl 2JP gérée par M. [M] et la Sas Korell - Economie de la Construction et de l'Aménagement Urbain (anciennement dénommée E2CA, ci-après désignée "la société Korell") spécialisée dans l'économie de la construction et de l'aménagement, dirigée également par M. [M] jusqu'en septembre 2011.

La société Korell confiait à la société 2JP la mission d'assurer le gestion de différents services pour son compte en contrepartie d'une rémunération annuelle de 170.000 euros.

Courant 2013, la société Korell désormais présidée par M. [B] a constaté des anomalies dans la gestion de sa filiale Syner et de la filiale de cette dernière, Intégrale, dirigées par M. [M]. Celui-ci a démissionné des mandats sociaux qu'il détenait dans Syner et Intégrale en novembre 2013 et ces sociétés ont été mises en liquidation judiciaire respectivement les 26 février et 19 novembre 2014.

La société Korell s'est également prévalue de ce que la société 2JP lui avait facturé des frais qu'elle estimait contraires à la convention de prestations de services signée entre elles, ce que la société 2JP et M. [M] ont contesté.

Par acte du 30 octobre 2015, la société Korell a assigné la société 2JP et M. [M] devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement (affaire RG n° 2015J2096).

En parallèle, par acte du 25 août 2017, la société Sci Romane, ancien bailleur de la société Korell, a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement d'un solde de loyers et travaux (affaire RG n° 2017J1421).

Par jugement du 28 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lyon, statuant dans la première affaire :

- a dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015J2096 et 2017J1421,

- a rejeté l'exception de nullité soulevée par M. [M] et la société 2JP,

- a rejeté la demande de fin de non-recevoir demandée par M. [M] et la société 2JP,

- s'est dit compétent pour connaître de la totalité du litige,

- a rejeté la demande de sursis à statuer de la société Korell,

- a condamné in solidum M. [M] et la société 2JP à payer à la société Korell la somme de 148.740,88 euros TTC,

- a rejeté Ia demande de Ia société Korell concernant la somme de 78.047 euros pour solde du prêt,

- a rejeté les demandes reconventionnelles de la société 2JP,

- a rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- a condamné in solidum M. [M] et la société 2JP à verser la somme de 5.000 euros à la société Korell au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [M] et la société 2JP aux entiers dépens de l'instance.

M. [M] et la société 2JP ont interjeté appel par acte du 5 février 2019.

Par conclusions d'incident du 5 mars 2019 la société Korell a demandé au conseiller de la mise en état, au visa des articles 515 et 525 du code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire du jugement déféré, demande qui a été rejetée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 octobre 2019.

* * *

Par conclusions du 25 février 2020 fondées sur les articles L.225-254 du code de commerce et 1134 et suivants du code civil, M. [M] et la société 2JP demandent à la cour de':

- concernant M. [M], déclarer le tribunal de commerce de Lyon incompétent au profit du tribunal de grande instance de Lyon,

- réformer partiellement la décision entreprise,

en conséquence,

- déclarer prescrite la demande en paiement de la société Korell d'un montant de 21.976,83 euros en remboursement du contrôle fiscal ainsi que la demande en remboursement des autres frais dus pour les années 2011 et 2012,

- juger que M. [M] n'a commis aucune faute détachable de ses fonctions de nature à engager sa responsabilité personnelle et le mettre hors de cause,

- juger que les sommes doivent s'entendre hors taxe,

- écarter des débats les 4 factures Korell de 2013 qui ne figurent pas dans la comptabilité de la société Korell, pour la somme totale de 20.585,91 TTC, et les déduire de la somme de 105.059,05 euros,

- juger que les frais d'un montant de 105.059,05 euros TTC ont été réglés à la société Korell par chèques à hauteur de 11.262,72 euros TTC et par compensation à hauteur de 25.347,28 euros et de 31.542,84 euros par la société 2 JP et prendre acte que ce point n'est plus contesté par la société Korell,

- juger que M. [M] a bien remboursé Ie voyage au Maroc et déduire la somme de 3.417,92 euros,

- prendre acte que la société 2JP reconnaît devoir la somme de 56.574,25 euros TTC soit 47.145,21 euros HT,

- débouter la société Korell du reste de ses demandes,

- faire droit à la demande en paiement des factures de la société 2JP dues par la société Korell au titre de la convention de prestations de services du 3 janvier 2011,

- condamner en conséquence la société Korell à payer la somme de 204.000 euros TTC à la société 2JP, au titre d'un solde de factures dues en vertu de la convention de prestations de services signée avec la société 2JP et M. [M] pour 2014,

- condamner la société Korell à payer la somme de 147.425,73 euros TTC à la société 2JP, après compensation des créances réciproques les deux sociétés,

- confirmer en tant que de besoin la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Korell du surplus de ses demandes,

- condamner la société Korell à verser la somme de 15.000 euros à M. [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.

* * *

Par conclusions du 7 avril 2020 fondées sur les articles 1382 ancien et 1315 du code civil, l'article 90 du code de procédure civile et les articles L.721-3 et L.227-10 du code de commerce, la société Korell demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

' retenu sa compétence,

' condamné in solidum la société 2JP et M. [M] à lui verser la somme de 148.740,88 euros,

' débouté la société 2JP et M. [M] de leurs demandes reconventionnelles,

' condamné in solidum la société 2JP et M. [M] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance,

- le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,

- juger que M. [M] a reconnu devoir la somme de 77.000 euros au titre du compte courant débiteur négatif de 2JP et ayant pour origine une mauvaise imputation comptable au titre du solde du prêt ayant servi à l'acquisition de la société Intégrale et condamner la société 2JP à lui la somme de 78.047,65 euros au titre de ce compte courant débiteur négatif,

- condamner in solidum 2JP et M. [M] à verser à la société Korell une somme additionnelle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de Me Laffly - Lexavoué Lyon.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 juillet 2020, les débats étant fixés au 19 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle que les "demandes" tendant à voir "constater" ou tendant à " voir dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour.

Il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux a été signé antérieurement au 1er octobre 2016.

Sur la compétence

La société 2JP et M. [M] exposent que la compétence du tribunal de commerce ne saurait être retenue pour apprécier la responsabilité de M. [M] dès lors :

- que celui-ci n'a pas signé la convention de prestation de services en son nom personnel mais en qualité de représentant de la société 2JP,

- qu'il l'a également signée pour le compte de la société Korell à la demande de M. [B],

- que la prétendue responsabilité de M. [M] relève de la compétence du tribunal de grande instance de Lyon,

- que l'argumentation de la société Korell revient à supprimer le double degré de juridiction.

En réponse, la société Korell expose :

- que la cour d'appel est la juridiction d'appel, que l'affaire ait été portée en première instance devant le tribunal de commerce ou le tribunal de grande instance,

- qu'en tout état de cause, le tribunal de commerce a à juste titre motivé sa décision en retenant que la responsabilité de M. [M] était recherchée en sa qualité de mandataire social de la société 2JP et ancien directeur de la société Korell et qu'il était dans l'intérêt d'une bonne justice de statuer à l'égard de M. [M] et de la société 2JP par une seule et même décision,

- que la responsabilité de M. [M] est engagée pour les fautes personnelles commises en qualité de signataire de la convention de prestation de service,

- que les faits se rattachent par un lien direct à la gestion de la société Korell et aux relations entre la société mère 2JP et sa filiale,

- que l'indivisibilité et la connexité des demandes de la société Korell à l'encontre de la société 2JP et de M. [M], induites par la demande de condamnation in solidum, auraient rendu inconciliables des jugements rendus séparément par le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce.

Selon l'article 90 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente. Il n'y a donc pas suppression d'un double degré de juridiction mais des dispositions spécifiques à l'appel permettant à la cour de connaître immédiatement de l'entier litige en raison de sa plénitude de juridiction sur les juridictions de son ressort.

Ainsi que justement relevé par l'intimée, en l'espèce, la présente cour est la juridiction d'appel du tribunal de commerce de Lyon comme du tribunal judiciaire de Lyon et en vertu de sa plénitude de juridiction, elle a compétence à connaître en appel de la totalité du litige.

En conséquence, la demande de réformation sur la compétence est de fait sans objet et sans qu'il ne soit nécessaire de se prononcer sur la compétence de première instance (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire), il convient de dire que la cour a compétence pour statuer sur l'intégralité du litige.

Sur les demandes de la société Korell

Sur la demande de remboursement de frais à hauteur de 148.740,88 euros TTC (soit 118.500,15 euros TTC + 30.240,73 euros TTC)

La société 2JP et M. [M] exposent que :

- la convention de prestation de services du 3 janvier 2011 est bien valable et applicable, comme le démontre notamment le fait qu'elle a été appliquée pendant près de 3 ans sans être contestée,

- les pièces versées au débat ne justifient pas la somme réclamée de 118.500,15 euros TTC, l'addition des factures communiquées donne la somme de 105.059,05 euros TTC (87.500 euros HT),

- le montant réclamé par la société Korell ne peut être que hors taxe et non TTC,

- il y a lieu d'écarter 4 factures émises pour l'année 2013 qui ne sont pas dans la comptabilité de la société Korell (20.585,91 euros TTC),

- les factures émises par la société Korell afin d'obtenir le remboursement de frais ont pour la plupart été remboursées par la société 2JP, par chèques (pour la somme de 11.272,62 euros TTC) ou par compensation (pour la somme de 25.347,28 euros TTC et ) soit au total à hauteur de 36.619,90 euros,

- la somme restant due par la société 2JP est égale à la somme de 105.059,05 euros moins les factures écartées (20.585,91 euros) moins les sommes déjà remboursées (36.619,90 euros) soit 29.751,45 euros TTC, outre la somme de 30.240,73 euros (frais dus au titre de l'année 2011) soit au total 59.992,19 euros TTC,

- il convient d'en retrancher le remboursement du voyage au Maroc soit 3.417,92 euros,

- le solde que la société 2JP reconnaît devoir à la société Korell est donc de 56.574,27 euros TTC (59.992,19 - 3.417,92) soit 47.145,21 euros HT,

- s'agissant de la somme de 30.240,73 euros TTC due au titre du contrôle fiscal, elle concerne l'année 2011 et la demande est donc prescrite ( article L. 225-254 du code de commerce),

- M. [M] ne peut être poursuivi à titre personnel pour abus de biens social puisqu'il n'était plus dirigeant de la société Korell,

- à compter de novembre 2011 il n'a plus utilisé les moyens de paiement de la société, les dépenses qui lui sont reprochées étant effectuées par prélèvement automatique, ce dont l'expert-comptable aurait du se préoccuper.

En réponse, la société Korell fait valoir :

- que la convention du 3 janvier 2011 n'a pas été approuvée par l'assemblée générale ni visée par le commissaire aux comptes de la société Korell, qu'en application de l'article L 227-10 du code de commerce, il appartient aux personnes intéressées (éventuellement au président) de supporter les conséquences dommageables pour la société d'une convention non approuvée,

- que la convention stipule que la société Korell ne prendra à sa charge aucun frais exposé par la société 2JP et M. [M] mais que pourtant dans les faits, la société Korell a pris un grand nombre de ces frais à sa charge, pour 118.500,15 euros TTC, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que cette somme était due,

- que le rapport de l'administration fiscale fait état de la somme totale de 21.976,83 euros HT de frais au titre de l'année 2011,

- que la facture que la société Korell a adressé à la société 2JP le 24 août 2015 pour un montant de 30.240,73 euros TTC n'a pas été réglée, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que cette somme était due,

- qu'il ressort des échanges de sms entre M. [M] et M. [B] en août-septembre 2019 que M. [M] a reconnu être débiteur de la somme de 62.000 euros au titre des faux frais,

- que la convention de prestation de services était conclue pour une durée de trois ans et qu'elle a pris fin le 31 décembre 2013, que M. [B] s'est bien opposé à son renouvellement par tacite reconduction,

- qu'il est inexact d'affirmer que la convention n'a jamais été contestée par M. [B], celui-ci ayant au contraire sollicité des explications auprès de la comptable de la société Korell (Mme [M]) et demandé la régularisation des frais indûment supportés par la société Korell,

- que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la convention de prestation de services avait pris fin le 31 décembre 2013,

- qu'il n'y a pas lieu d'écarter les 4 factures d'un montant total de 20.585,941 euros TTC qui étaient bien présentes dans la comptabilité de la société,

- qu'il est faux de dire que certaines sommes ont été réglées par la société 2JP par compensation, et qu'il ne peut être tenu compte de la comptabilité mal tenue de la société 2JP ni du rapport non contradictoire de M. [F].

De manière liminaire, la cour relève que si les parties s'étendent longuement sur des actions judiciaires parallèles à celle dont la juridiction est présentement saisie, (procédure engagée contre M. [M] en insuffisance d'actif relative à la société Syner et ayant abouti à une transaction avec le mandataire, recherche de la société Korell à raison de ses engagements de caution en faveur de la société Intégrale, action en remboursement de M. [M] au titre de son compte courant d'associé, action du bailleur envers la société Korell, procédure de licenciement de Mme [M]), la cour n'est saisie dans le cadre de la présente affaire que de la question des comptes entre les sociétés de sorte que les autres instances évoquées sont sans incidence sur le présent litige.

Selon la convention du 3 janvier 2011, signée par M. [M] seul, en qualité de dirigeant pour les deux sociétés, la société Korell confiait à la société 2JP la gestion de différents services pour son compte (conseil et assistance, stratégie, gestion opérationnelle, politique commerciale, gestion administrative et financière) ; la convention avait une durée de trois ans et renouvelait ensuite d'année en année sauf dénonciation avec préavis de trois mois ; le coût des prestations à la charge de la société Korell s'élevait à 170.000 euros HT, le règlement des factures étant mensuel sur production d'une facture. Par ailleurs, et en contrepartie, la société 2JP supportait les frais occasionnés par son activité ainsi que toutes les charges fiscales et sociales sans recours contre son cocontractant.

Tout en contestant la conformité de cette convention à l'intérêt social de Korell et son absence d'approbation par l'assemblée générale des associés, force est de constater que la société Korell n'en conteste pas l'application dans le cadre du présent litige et que ses demandes résultent de son application.

Si les dispositions de l'article L 227-10 du code de commerce, selon lesquelles les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, c'est "à charge pour la personne intéressée, et éventuellement, pour le président et les autres dirigeants, d'en supporter les conséquences dommageables pour la société" sont applicables, il appartient à la société Korell de démontrer de telles conditions dommageables.

La somme de 118.500,15 euros TTC réclamée en principal par l'intimée correspondrait à des frais supportés par elle en violation de la convention de prestation de service et qu'elle a refacturés à la société 2JP. Seule la pièce 6 de la société Korell en donne le détail par créanciers dans un tableau, ledit tableau ne donnant pas le détail par facture des sommes réclamées et les pièces 6 et 7 en partie illisibles en permettent difficilement le contrôle.

La société Korell a cependant fait l'objet d'un contrôle fiscal du 22 juillet 2014 au 25 novembre 2014 et portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, soit la période de la convention de service, et dans le cadre de ce contrôle, il a été relevé au titre des charges non engagées dans l'intérêt de la société (p8 du document "proposition de rectification") un ensemble de frais se rattachant à l'activité de la société 2JP et qui auraient dû être pris en charge par cette société alors que le forfait prévu par la convention doit courir ces frais, soit un montant de 108.003,39 euros. Il convient de partir de cette seule base chiffrée vérifiée par des éléments tangibles pour examiner la créance principale de la société Korell et il n'importe pas que la société 2JP et M. [M] n'aient pas participé au contrôle, ce qui n'en remet pas en cause les données.

Ce même contrôle a relevé ensuite que l'analyse de la comptabilité avait permis au service vérificateur de mettre en évidence la prise en charge au titre de l'exercice 2011 de frais supplémentaires incombant selon la convention litigieuse à la société 2JP, mais déduits du résultat fiscal de la société E2CA (aujourd'hui Korell), notamment des frais de déplacement et de restauration enregistrés au nom de M. [M] dans la comptabilité. Le montant réclamé de 30.240,73 euros n'est pas été contesté par les conclusions des appelants.

Il ressort des explications des parties que les appelants ont reconnu devoir diverses sommes à la société Korell, soit la somme de 59.992,19 euros TTC ramenée ensuite à 56.574,27 euros dans les dernières conclusions due par la société 2JP. La somme globale et approximative de 62.000 euros portée dans un sms de M. [M] ne peut être considérée par contre comme une reconnaissance de dette de ce montant, faute du moindre détail de ce que cette recouvrirait.

S'agissant des paiements allégués, les appelants se prévalent de paiement par chèque et par compensation de certaines factures, de factures indues et d'une prescription.

S'agissant de paiements par chèque en remboursement d'un voyage, M. [M] se prévaut de ses pièces 10, 24 et 25 qui font état d'un chèque de 3.417,92 euros remis en paiement pour des dépenses familiales. L'intimée ne répond pas sur ce paiement précis qui doit dès lors être déduit.

S'agissant de la prescription alléguée portant sur la somme de 21.976,83 euros et des frais 2011-2012, les anomalies ont été constatées par le contrôle fiscal de sorte que la prescription alléguée qui ne concerne d'ailleurs que M. [M] est inopérante.

S'agissant des quatre factures qu'il conviendrait d'écarter et dont le montant total s'élève à 20.585,91 euros, il résulte de la seule attestation de l'expert comptable que ces factures auraient été enregistrées dans les comptes de la société Korell clos au 31 décembre 2013, transmis à l'administration fiscale lors du contrôle sur place, l'expert-comptable relevant que leur non prise en compte par l'administration fiscale ne signifiant pas qu'elles étaient régulièrement comptabilisées. Il apparaît donc que ce montant n'a pas à être retranché, n'étant pas dans le décompte initial résultant du contrôle fiscal.

S'agissant du règlement de la facture de 31.542,89 euros qui aurait été réglée par compensation, elle n'apparaît pas dans le décompte des sommes réclamées de sorte que cet argument est inopérant.

S'agissant du remboursement de factures en cause notamment par compensation avec les sommes dues par la société Korell et allégué par les appelants, le rapport d'analyse de M. [F], établi de manière non contradictoire sur la demande de M. [M] sur les seules pièces comptables de la société 2JP est totalement insuffisant pour rapporter la preuve de ces allégations alors qu'aucun détail des sommes qui auraient été remboursées effectivement n'est donné pas plus que la référence à des factures précises. Il ne peut donc être déduit d'éventuelles compensations qu'elles concerneraient le présent litige.

La pièce 5 des appelants (courrier du 25 février 2015) est une discussion entre conseils des parties sur différents points dont plusieurs non concernés par le présent litige pour aboutir à une solution amiable, il ne peut rien en être déduit sur la résolution du présent litige.

Par ailleurs, l'approbation des comptes ne prive pas l'intimée de remettre postérieurement en cause leur validité s'il se révèle des faits le justifiant.

En conséquence, les appelants échouent à rapporter la preuve de déductions à opérer sur les créances adverses en dehors du paiement de la somme de 3.417,92 euros. Il est donc dû un montant de 104.585,47 euros outre 30.240,73 euros soit 134.826,20 euros TTC.

Par ailleurs, la société Korell n'objecte aucun argument en réponse sur le fait qu'elle récupérerait la TVA. En conséquence, le montant est dû HT soit 107.860,96 euros.

Dans la mesure où la convention a manifestement permis la prise en charge par la société Korell de frais à charge de la société 2JP mais également la prise en charge de frais personnels de M. [M] (voyages familiaux...), ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, la cour confirme le jugement en ce qu'il a retenu l'obligation in solidum de la soiété 2JP in solicum avec M. [M] qui confondait manifestement patrimoine social et personnel.

Sur la mauvaise inscription comptable à hauteur de 78.047,65 euros

La société 2JP et M. [M] exposent :

- que pour aider la filiale Syner à acquérir la société Intégrale, la société 2JP lui a avancé la somme de 250.000 euros et s'est trouvée créancière en compte courant d'une somme de 250.000 euros inscrite au passif de la société Korell,

- qu'il y a lieu de déduire de cette somme le montant de 72.000 euros correspondant à des frais dus par M. [M], comme indiqué dans le rapport de M. [F], expert-comptable,

- que les comptes de la société Korell pour les exercices 2011 et 2012 ont été établis par un expert-comptable, validés par un commissaire aux comptes et approuvés par l'associé principal M. [B] et qu'il n'y a pas de raison de ne pas les prendre en compte,

- que le bilan de la société Korell a été modifié sans l'accord de son dirigeant,

- que la société Korell n'a jamais eu de reproche à formuler à l'égard de Mme [T] [M] (fille de M. [M] et comptable de la société) dont le licenciement a été jugé abusif par le conseil des prud'hommes.

En réponse, la société Korell fait valoir :

- que le compte courant de la société 2JP était débiteur au 31 décembre 2010 de la somme de 72.587,58 euros,

- que fin 2011, la société 2JP a avancé à la société Syner la somme de 250.000 euros mais que le 14 octobre 2011, une écriture de plus de 250.000 euros a été inscrite dans les comptes de la société Korell comme si l'argent prêté par 2JP à Syner avait transité par la concluante dont le compte s'est donc retrouvé fictivement créditeur de 171.962,40 euros (- 72.587,58 + 250.000 - 5.450,02 dû à l'exercice 2011),

- que cette écriture comptable passée par la fille de M. [M] a permis de faire disparaître la dette de la société 2JP au titre de son compte courant d'associé débiteur,

- que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Syner, le liquidateur a ordonné la régularisation des écritures comptables passées à tort,

- qu'après régularisation, le compte se retrouve bien débiteur de la somme de 78.047,65 euros,

- que la société 2JP est indiscutablement débitrice de cette somme, comme l'a d'ailleurs reconnu M. [M] dans les sms échangés avec M. [B] en août 2019.

Il résulte des productions que :

- la société 2JP disposait d'un compte courant débiteur de 72.587,58 euros auprès de la société Korell (p22 intimée, grand livre des comptes) qui n'a fait l'objet d'aucun remboursement express faute de justificatifs en ce sens,

- une somme de 250.000 euros a été effectivement passée en écritures le 14 octobre 2011 dans les comptes de la société Korell, qui n'était pas l'acquéreur de la société Intégrale (p23),

- le compte débiteur de la société 2JP a été viré au compte "autres débiteurs" (p24) et ce compte s'est retrouvé créditeur de la somme de 171.962,40 euros soit 250.000 - 72.587,58 - 5.450,02 euros dûs pour l'exercice 2011,

- des écritures de régularisation sont intervenues suite à la mauvaise inscription comptable de 250.000 euros sur intervention du mandataire judiciaire (p15).

Ce jeu d'écriture litigieux provisoire avait effectivement eu pour effet de faire disparaître la dette de la société 2JP au titre de son compte courant d'associé.

Si les appelants font valoir que la société 2JP a procédé à un apport en novembre 2011 de 250.000 euros auprès de la société Syner pour que cette dernière soit en mesure d'acquérir les titres de la société Intégrale, force est de constater que la société Korell n'était pas concernée par l'acquisition de la société Intégrale et rien ne démontre que les fonds aient effectivement transités par la société Korell, le grand livre des comptes ne l'établissant pas.

En outre, en pièce 26, l'intimée justifie en outre par un constat d'huissier de sms échangés avec M. [M] dont la véracité n'est pas démenti que ce dernier reconnaissait devoir la somme litigieuse au titre du conte courant d'associé, expliquant les écritures passées par une "bévue" dont il se disait horrifié et un excès de confiance accordé à ses conseils.

Il résulte de cet ensemble d'éléments que le caractère frauduleux du jeu d'écriture comptable est concrètement établi et que la société 2JP qui n'a jamais régularisé le débit de son compte est bien débitrice de la somme réclamée par son adversaire au titre du compte courant d'ssocié.

Le jugement est en conséquence infirmé et il est fait droit à la demande de la société Korell à l'encontre de la société 2JP à hauteur du montant réclamé.

Sur les demandes de la société 2JP

Le tribunal de commerce a rejeté la demande de paiement d'un solde de factures en retenant l'absence de prestations.

La société 2JP et M. [M] exposent :

- que la société Korell reste devoir, au titre de la convention de prestation de services, la somme de 204.000 euros pour l'année 2014,

- qu'en effet M. [M] n'a jamais cessé son activité (gestion des chantiers, montage d'opérations, négociations, et tâches administratives),

- que de son côté la société 2JP reconnaît devoir la somme de 56.574,27 euros TTC au titre de factures de frais et qu'il y a donc lieu de condamner la société Korell à payer la somme de 147.425,73 euros TTC,

- qu'il y a lieu de prendre en compte le rapport établi par M. [F], expert judiciaire.

En réponse, la société Korell soutient :

- qu'aucune prestation de services n'a été réalisée par la société 2JP pour elle pour l'année 2014, M. [M] ayant démissionné de l'ensemble de ses mandats dans les sociétés du groupe en novembre 2013,

- que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la société 2JP et M. [M] ne rapportaient pas la preuve de la réalisation d'une quelconque prestation de nature à justifier une rémunération,

- que les factures produites par les appelants n'ont été établies que pour les besoins de la cause,

- que les pièces versées aux débats par les appelants concernent des prestations réalisées non pour la société Korell mais pour la société Syner ou la société 2JP.

La société 2JP produit en pièce 9 quatre factures d'un montant respectif de 51.000 euros TTC.

Si la société Korell échoue à démontrer une résiliation de la convention dans les conditions de l'article 3 du contrat "durée" (préavis de trois mois et courrier recommandé avec avis de réception), elle produit cependant un relevé de décision prise dans une réunion du 12 novembre 2013 prévoyant la dénonciation des conventions de prestation de service, M. [M] participant à cette réunion et ayant connaissance de cette volonté. Par ailleurs, la société 2JP échoue à rapporter la preuve de la moindre réalisation des prestations administratives qu'elle invoque pour l'année en cause, faute de tout justificatif de diligences effectuées pour le compte de la société Korell. Enfin, le rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice clos au 31 décembre 2014 ne fait aucune référence à la convention de prestation de service, ce qui confirme qu'elle n'était plus exécutée.

En conséquence, il est manifeste que les parties étaient d'accord pour que la convention ne soit pas reconduite en 2014.

Les factures ayant manifestement été établies pour les besoins de la cause, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les appelants qui restent débiteurs supporteront les dépens d'appel et verseront à l'intimée la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit que la cour a compétence pour connaître de l'entier litige en cause d'appel et rejette l'exception d'incompétence soulevée.

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Korell de sa demande en paiement du compte courant d'associé et sauf en ce qu'il a fixé à 148.740,88 euros le montant dû par M. [M] et la société 2JP.

Confirme le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette l'exception de prescription de partie de l'action.

Condamne in solidum la société 2JP et M. [X] [M] à payer à la société Korell Economie de la construction et de l'aménagement urbain la somme de 107.860,96 euros HT en remboursement de frais à leur charge.

Condamne la société 2JP à payer à la société Korell Economie de la construction et de l'aménagement urbain la somme de 78.047,65 euros au titre du solde du compte courant d'associé débiteur.

Condamne in solidum la société 2JP et M. [X] [M] à verser à la société Korell Economie de la construction et de l'aménagement urbain la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/00904
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;19.00904 ?
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