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02/01/2023 | FRANCE | N°22/00239

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 02 janvier 2023, 22/00239


N° R.G. Cour : N° RG 22/00239 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OUA2

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 02 Janvier 2023





























DEMANDERESSE :



E.U.R.L. VM GROUPE FRANCE (CFPIS)

[Adresse 1]

[Localité 2]



avocat postulant : Me John CURIOZ, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



avocat plaidant : Maître Fabienne REGOURD, avocat au barreau de TOULOUSE

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DEFENDERESSE :



SASU AJBIAIS Société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me ...

N° R.G. Cour : N° RG 22/00239 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OUA2

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 02 Janvier 2023

DEMANDERESSE :

E.U.R.L. VM GROUPE FRANCE (CFPIS)

[Adresse 1]

[Localité 2]

avocat postulant : Me John CURIOZ, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

avocat plaidant : Maître Fabienne REGOURD, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDERESSE :

SASU AJBIAIS Société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gaël SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

Audience de plaidoiries du 12 Décembre 2022

DEBATS : audience publique du 12 Décembre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er septembre 2022, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 02 Janvier 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

Suite à des commandes de masques barrières par la S.A.R.L. VM Groupe France (VM) auprès de la S.A.S. AJ Biais (Ajbiais), cette dernière a fait assigner sa cliente en paiement de factures et en indemnisation de préjudices par acte du 16 juin 2021devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne, lequel par jugement contradictoire du 12 octobre 2022, a notamment condamné la société VM à payer à la société Ajbiais la somme de 88 033,85 € au titre de neuf factures.

La société VM a interjeté appel de cette décision le 24 octobre 2022.

Par assignation en référé délivrée le 14 novembre 2022, elle a saisi le premier président en lui demandant de :

- prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire,

- condamner la société Ajbiais à lui restituer la somme de 43 876,03 € au titre de la saisie-attribution effectuée le 4 novembre 2022,

- enjoindre à la société Ajbiais sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision de produire son grand livre comptable pour l'exercice clos au 31 décembre 2021 et l'ensemble des pièces comptables justifiant les opérations retranscrites,

- condamner la société Ajbiais à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens avec droit de recouvrement direct.

A l'audience du 12 décembre 2022 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans leur assignation, la société VM soutient au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile l'existence de moyens sérieux de réformation tenant à l'absence de bien fondé des factures réclamées par la société Ajbiais, toutes celles qui avaient une contrepartie ayant été réglées.

Elle fait valoir que la société Ajbiais n'a pas rapporté la preuve de sa créance au titre des factures contestées en ne produisant pas les bons de livraison et réclame à ce sujet la production de son grand livre comptable.

Elle prétend que l'exécution provisoire de ce jugement va entraîner des conséquences manifestement excessives caractérisées par la saisie-attribution effectuée alors même qu'elle avait formé appel.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 9 décembre 2022, la société Ajbiais s'oppose à titre principal à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, comme à ses autres prétentions et à titre subsidiaire demande que la demanderesse constitue une garantie conformément à l'article 514-5 du Code de procédure civile. Elle sollicite en tout état de cause la condamnation de la société VM à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que les moyens sérieux de réformation articulés par la société VM ne sont pas établis et que cette dernière ne justifie pas des conséquences manifestement excessives susceptibles de résulter de l'exécution provisoire de sa condamnation au paiement d'un solde de factures.

Elle se prévaut de l'article L. 311-1 du Code de l'organisation judiciaire pour soutenir que la demande de communication de pièces sous astreinte ne relève pas de la compétence du premier président.

Elle affirme que l'article 956 du Code de procédure civile, invoqué par la société VM, est inopérant car l'arrêt de l'exécution provisoire n'entre pas dans le champ des pouvoirs généraux du premier président.

Elle soutient également que la société VM ne justifie pas de la condition de l'urgence.

Elle conteste la demande de communication de pièces faite pour la première fois en cause d'appel alors qu'elle n'a déposé aucun incident ni délivré de sommation de communiquer à son contradicteur.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 12 décembre 2022, la société VM maintient ses demandes et sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de la société Ajbiais.

Elle estime que la société Ajbiais prétexte l'incompétence du premier président afin d'éviter de communiquer les pièces.

Elle soutient que la mise en péril à court terme, attestée par son expert-comptable, entraîne une paralysie réelle du fonctionnement.

Elle affirme la compétence matérielle exclusive du premier président ne fait pas obstacle à ses demandes urgentes fondées sur l'article 956 du Code de procédure civile.

Les parties ont été autorisées à déposer des notes en délibéré concernant les effets de la saisie-attribution effectuée par la société Ajbiais sur un compte bancaire de la société VM et sur la question d'une exécution provisoire consommée s'agissant du montant saisi.

Par des notes en délibéré reçues au greffe par RPVA les 14 et 16 décembre 2022, la société Ajbiais a rappelé que la saisie-attribution, pratiquée le 4 novembre 2022 et dénoncée le 9 novembre 2022, n'a fait l'objet d'aucune contestation devant le juge de l'exécution dans le délai d'un mois et ne souffre donc plus d'aucun recours possible.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que l'exécution provisoire de droit dont est assorti le jugement rendu le 12 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Saint-Etienne ne peut être arrêtée, que conformément aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux conditions sont cumulatives ;

Attendu que la société VM n'a pas déposé de note en délibéré concernant les effets de la saisie-attribution qui lui a été dénoncée le 9 novembre 2022 ;

Que la société Ajbiais a relevé dans celles qu'elle a déposées l'absence non discutée de saisine du juge de l'exécution en contestation de cette mesure d'exécution et l'accomplissement par l'huissier de justice de la signification au tiers saisi et à la société VM du certificat de non contestation ;

Attendu que le montant de la saisie-attribution de 43 692,03 € ne peut dès lors faire l'objet d'un arrêt de l'exécution provisoire, en ce que l'exécution de cette partie de la condamnation de la société VM est consommée, le juge de l'exécution n'ayant pas été saisi dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur ; que la Banque populaire occitane, tiers saisi, a en effet délivré les fonds le 13 décembre 2022 ;

Que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la société VM ne peut porter que sur la somme de 44 341,82 €, après déduction de la somme qui fait l'objet d'un tel paiement effectif ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent ou d'une décision autorisant l'expulsion, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la partie contrainte par l'exécution provisoire ;

Attendu qu'il appartient à la société VM de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire ;

Attendu que cette société soutient que l'exécution provisoire du jugement grève sa trésorerie de façon importante et met en péril sa survie et verse aux débats à cet effet :

- une attestation de son expert-comptable datée du 24 octobre 2022,

- un bilan et un compte de résultat simplifiés arrêtés au 30 septembre 2022,

- le relevé bancaire de la Banque populaire occitane du 2 décembre 2022,

- un relevé des lettres de changer à régler arrêté à la même date ;

Que l'attestation de son expert-comptable relate que la trésorerie de la société ne sera pas suffisante pour assumer l'intégralité de la condamnation et que les perspectives d'évolution de la trésorerie s'avèrent inquiétantes en raison d'un faible niveau d'activité depuis le début de l'exercice 2022 par rapport à l'exercice 2021, le chiffre d'affaires étant passé de 290 000 € à 132 000 € ;

Attendu que comme le relève à juste titre la société Ajbiais, cette attestation n'est pas corroborée par des documents comptables pourtant essentiels à déterminer les capacités de la demanderesse à supporter les effets de l'exécution provisoire ;

Que la demanderesse ne tente pas d'expliquer sa demande subsidiaire de consignation du montant qui a fait l'objet de la saisie-attribution, position qui laisse présumer qu'elle n'en a pas un besoin impératif ;

Attendu que la société VM produit un relevé bancaire du compte courant n° 35421516326 faisant état d'un solde créditeur au 2 décembre 2022 de 3 261,64 € qui est insuffisant à établir un risque de conséquences manifestement excessives ;

Attendu que si les bilan et comptes de résultat simplifiés objectivent un résultat déficitaire de 98 633 € sur les neuf premiers mois de l'année 2022 et une baisse des capitaux propres, ils ne retracent pas les perspectives actuelles et futures concernant la trésorerie, et en particulier sur la faculté pour la société demanderesse de mobiliser ses créances pour disposer des fonds de roulement nécessaires à son activité ;

Qu'en l'état de cette carence probatoire et sans avoir besoin d'apprécier le sérieux des moyens de réformation qu'elle articule, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée ;

Sur les demandes de consignation

Attendu que lors de l'audience, la société VM a formulé à titre subsidiaire une demande de consignation en la limitant son offre à la somme saisie lors de la saisie-attribution ;

Attendu que la société Ajbiais la sollicite par ailleurs, à titre subsidiaire au cas où arrêt de l'exécution provisoire serait prononcée, en demandant la constitution d'une garantie au sens de l'article 914-5 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il a été relevé plus haut que la saisie-attribution pratiquée par la société Ajbiais avait conduit au paiement effectif de la somme saisie, rendant sans objet la demande de consignation ;

Que la demande subsidiaire de consignation est rejetée ;

Sur la demande de remboursement des sommes saisies

Attendu que l'article 956 du Code de procédure civile dispose :

«Dans tous les cas d'urgence, le premier président peut ordonner en référé, en cas d'appel, toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.» ;

Qu'il convient de rappeler à titre liminaire que ces mesures provisoires susceptibles d'être ordonnées pour le temps de l'instance d'appel ne peuvent conduire à une quelconque réformation de la décision déférée en appel ;

Attendu que contrairement à ce qu'affirme la société Ajbiais, les dispositions de l'article L. 311-7 du Code de l'organisation judiciaire ne sont nullement limitatives ;

Attendu que la demande de remboursement formulée par la société VM se heurte d'une part à l'exécution provisoire effectivement consommée de la partie de ses condamnations couverte par une mesure de saisie-attribution qui n'a pas été contestée dans les délais devant le juge de l'exécution ;

Que d'autre part, au delà du fait que cette demande conduirait à une réformation du jugement du 12 octobre 2022, car nécessitant que soit retenu le caractère infondé de la créance de la société Abjais à hauteur de 43 692,03 €, l'invocation de moyens qualifiés de sérieux de réformation du jugement du 12 octobre 2022 objective que la contestation qui va être soumise à la cour est susceptible d'être retenue comme sérieuse ;

Attendu que cette prétention, qui tend en fait à la remise en cause de l'exécution provisoire déjà consommée, doit être rejetée ;

Sur l'injonction de communiquer les pièces comptables

Attendu que la société VM sollicite que la société Ajbiais soit enjointe à lui communiquer sous astreinte son grand livre comptable pour l'exercice clos au 31 décembre 2021 et l'ensemble des pièces comptables justifiant les opérations retranscrites ;

Qu'elle vise également l'article 956 du Code de procédure civile pour soutenir que le premier président dispose des pouvoirs juridictionnels pour ordonner une telle communication forcée ;

Attendu qu'il n'a pas été discuté qu'un conseiller de la mise en état a été désigné pour instruire l'instance d'appel, étant rappelé que ce magistrat est naturellement compétent pour statuer sur la question de la production forcée des pièces en application combinée des articles 907 et 780 du Code de procédure civile ; qu'il ne paraît pas en avoir été saisi ;

Attendu que comme l'a souligné la société Ajbiais, la société VM, qui n'a pas saisi le tribunal de commerce de Saint-Etienne d'une telle demande de communication forcée et n'a pas plus délivré une sommation de communiquer, ne caractérise nullement l'urgence nécessaire à lui permettre de prospérer en sa demande, dont il vient d'être rappelé qu'elle peut être présentée dans le cours de la procédure d'appel et dont il convient de souligner qu'elle porte sur le fond de l'affaire et conditionne uniquement et potentiellement le résultat de l'appel ;

Attendu, au surplus, que cette demande de communication forcée pose la question de la charge de la preuve, qui n'a pas plus à être arbitrée par le premier président dans le cadre de ses pouvoirs de référé qui a été rappelé plus haut ;

Attendu que cette prétention doit tout autant être rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la demanderesse succombe et doit supporter les dépens de ce référé, mais l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Ajbiais ;

Que les termes de l'article 699 du même code, invoqués par la demanderesse, ne pouvaient d'ailleurs pas recevoir application au regard de ce que la procédure devant le premier président est sans représentation obligatoire ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 24 octobre 2022,

Rejetons les demandes présentées par la S.A.R.L VM Groupe France,

Condamnons la S.A.R.L VM Groupe France aux dépens de ce référé et rejetons la demande présentée par la S.A.S. AJ Biais au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/00239
Date de la décision : 02/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-02;22.00239 ?
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