N° RG 18/07137 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L66S
Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond du 11 septembre 2018
( 4ème chambre )
RG : 17/00140
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 15 Décembre 2022
APPELANTS :
M. [L] [K]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 7] (LOIRE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Mme [R] [Y] épouse [K]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8] (ISERE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1983
Et ayant pour avocat plaidant la SELARL FREDERIC PRAS ET ASSOCIES - SELARL, avocat au barreau de LYON, toque : 1195
INTIMEE :
SA BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON, toque : 673
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 02 Juin 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 15 Décembre 2022
Audience présidée par Julien SEITZ, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Julien SEITZ, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
M. [L] [K] et Mme. [R] [Y] épouse [K] ont accepté le 04 mai 1998 une offre de prêt immobilier émise le 22 avril 1998 par la Banque de Paris, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas, portant sur un montant de 1.750.000 francs, soit 266.785,78 euros, remboursable en 216 mensualités au taux d'intérêt conventionnel de 5,94 % et au taux effectif global de 6,188 %, en vue de l'acquisition d'un terrain et de la construction de leur maison d'habitation.
Ce prêt a donné lieu à une prise de garantie hypothécaire par acte authentique du 18 juin 1998.
Estimant ce contrat de prêt irrégulier, les époux [K] ont adressé leurs réclamations à la société BNP Paribas par courriers des 5 septembre 2015 et 19 février 2016, ainsi que par courrier d'avocats du 17 juin 2016.
Par exploit d'huissier signifié le 10 novembre 2016, M. et Mme [K] ont fait citer la société BNP Paribas (la banque) devant le tribunal de grande instance de Lyon, en nullité de la stipulation d'intérêts, en déchéance du droit aux intérêts conventionnels et en dommages et intérêts.
Par jugement du 11 septembre 2018, rectifié le 09 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [K] en nullité de la stipulation d'intérêts, au titre de l'offre de prêt du 22 avril 1998, acceptée le 4 mai 1998, pour un capital de 266.785,78 euros au taux effectif global de 6,18 %
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [K] en déchéance du droit aux intérêts, au titre de l'offre de prêt du 22 avril 1998, acceptée le 4 mai 1998, pour un capital de 266.785,78 euros au taux effectif global de 6,18 %,
- débouté M. et Mme [K] de leur action en responsabilité au titre de l'offre de prêt du 22 avril 1998, acceptée le 4 mai 1998, pour un capital de 266.785,78 euros au taux effectif global de 6,18 %,
- débouté la BNP Paribas de sa demande indemnitaire,
- condamné solidairement M. et Mme [K] à payer à la BNP Paribas la somme de 67.302,75 euros,
- précisé que sur cette somme de 67.302,75 euros, le montant de 60.673,74 euros portera intérêt au taux conventionnel de 5,94 % à compter du 18 mars 2017,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné M. et Mme [K] à payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [K] au paiement des entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit la société Grafmeyer Baudrier Alléaume Joussemet, avocat,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
M. et Mme [K] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 décembre 2018.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 10 janvier 2019, M. et Mme [K] demandent à la cour, au visa des articles L 313-1 et suivants, R 313-1 et suivants du code de la consommation, en vigueur à la date de conclusion du prêt litigieux, 1147 du code civil et 1907 du code civil, dans leur rédaction applicable au moment de la conclusion du contrat, 1341-1 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016 et L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- infirmer en tous points le jugement du tribunal de grande instance de Lyon, en date du 11 septembre 2018, déclarant irrecevables l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du prêt du 22 avril 1998, les déboutant de l'action en responsabilité au titre du même prêt, les condamnant solidairement à payer à la BNP Paribas la somme de 67.302,75 euros, somme portant intérêt au taux conventionnel de 5,94 % à compter du 18 mars 2017, et les condamnant à payer à la BNP Paribas la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts du prêt litigieux,
- prononcer la substitution du taux légal applicable année après année au taux conventionnel,
- dire et juger qu'en cas de taux légal supérieur à la moitié du taux conventionnel, le taux d'intérêt applicable sera plafonné à 50 % du taux d'intérêt conventionnel,
- condamner la BNP Paribas à leur payer la somme de 90.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt depuis sa conclusion jusqu'au jour de leurs conclusions, sauf à parfaire,
- enjoindre la BNP Paribas, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un avenant accompagné d'un nouveau tableau d'amortissement, prenant en compte cette substitution du taux d'intérêt légal applicable année par année au taux conventionnel,
- enjoindre la BNP Paribas, à chaque publication du taux d'intérêt légal, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal applicable année par année au taux conventionnel,
à titre subsidiaire :
- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal applicable année par année depuis la conclusion du contrat de prêt,
- condamner la BNP Paribas à leur payer la somme de 90.000 euros correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel depuis la conclusion du contrat et le montant des intérêts au taux légal applicable année par année jusqu'au jour de leurs conclusions, sera parfaire,
- dire et juger qu'en cas de taux légal supérieur à la moitié du taux conventionnel, le taux d'intérêt applicable sera plafonné à 50 % du taux d'intérêt conventionnel,
- enjoindre la BNP Paribas, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un avenant accompagné d'un nouveau tableau d'amortissement, prenant en compte cette substitution du taux d'intérêt légal applicable année par année au taux conventionnel,
- enjoindre BNP Paribas, à chaque publication du taux d'intérêt légal, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal applicable année par année au taux conventionnel,
en tout état de cause :
- constater l'absence de créances exigibles,
- débouter la BNP Paribas de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,
- condamner la BNP Paribas à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté,
- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir,
- condamner la BNP Paribas à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la BNP Paribas aux entiers dépens.
M. et Mme [K] font grief au jugement entrepris d'avoir déclaré leur action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels irrecevable comme prescrite, en retenant qu'ils avaient eu connaissance du taux nominal applicable à l'emprunt dès la conclusion de celui-ci et en faisant courir le délai de prescription à compter de la date de souscription de l'offre de prêt, alors que l'erreur invoquée à l'appui de leur demande portait non pas sur le taux nominal, mais sur le taux effectif global.
Ils ajoutent que les informations « apparentes » figurant au contrat ne leur permettaient pas de déterminer celui-ci, ni partant de se figurer l'erreur y afférente avant l'analyse mathématique réalisée par le cabinet Humania Consultants le 12 août 2015, de sorte que le délai de prescription n'avait commencé à courir qu'à la date de cette analyse.
M. et Mme [K] soutiennent sur le fond que l'erreur sur le taux effectif global du contrat de prêt n'est pas exclusivement sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, mais peut également donner lieu à l'annulation de la stipulation d'intérêt correspondante.
Ils affirment que le taux effectif global du prêt mentionné dans l'offre litigieuse est erroné, se fondant à cet égard sur l'analyse mathématique réalisée par le cabinet Humania Consultants (cabinet Humania).
Ils contestent l'analyse de la société BNP Paribas selon laquelle la référence faite au taux de période leur aurait permis de déceler l'erreur commise dans la détermination du taux effectif global, en rappelant :
- que le taux effectif global ne correspond pas au taux de période multiplié par le nombre de mois dans l'année civile, mais au taux de période multiplié par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire,
- que la durée de la période unitaire ne se confond pas avec la périodicité du remboursement,
- qu'elle s'établit, pour des remboursements mensuels à 30,41666 jours et non pas un mois,
- qu'en raison de la complexité du calcul applicable à la détermination du taux effectif global, et de l'absence d'indication de la durée de la période unitaire dans l'offre de prêt, la simple indication du taux de période ne leur permettait nullement de déceler l'erreur commise dans l'indication du taux effectif global,
- que le taux de période indiqué dans l'offre de prêt s'avère également inexact, de sorte que son indication ne suffisait à vérifier l'exactitude du taux effectif global porté au contrat ou de déceler l'erreur commise en la matière.
M. et Mme [K] concluent en second lieu à la recevabilité de leur action en responsabilité dirigée contre la banque, en expliquant avoir eu connaissance du manquement de la banque à son obligation d'information le jour du dépôt du rapport du cabinet Humania.
Ils soutiennent sur le fond qu'il ne leur appartient pas de démontrer l'erreur commise dans l'indication du taux effectif global applicable à l'offre de prêt, mais qu'il appartient à la banque d'établir l'exactitude du taux indiqué. Ils affirment que les textes invoqués par l'intimée pour justifier la régularité de son calcul ne sont pas applicables aux prêts immobiliers, et que l'arrondi opéré s'avère de toute manière inexact.
M. et Mme [K] détaillent en troisième lieu les différentes irrégularités affectant prétendument l'offre de prêt, en affirmant que :
- le taux de période mentionné au contrat n'assure pas l'égalité entre les sommes prêtées et l'ensemble des versements dus par l'emprunteur, en violation des dispositions de l'article R313-1 ancien du code de la consommation,
- que le taux effectif global mentionné au contrat n'est pas proportionnel au taux de période, la banque ayant arrondi le taux effectif global, alors que la pratique de l'arrondi n'est autorisée par l'article R 313-1 du code de la consommation que pour le calcul du rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire, permettant, une fois multiplié au taux de période, d'obtenir le taux effectif global, et non pour le taux effectif global lui-même,
- qu'à considérer que la banque puisse calculer le taux effectif global avec une précision d'au moins une décimale, cela ne signifiait pas qu'elle puisse indiquer un taux erroné lorsqu'elle prenait le soin de stipuler le taux avec une précision allant au-delà de la première décimale,
- que dans cette hypothèse, une erreur sur la seconde décimale ou toute autre décimale ultérieure justifie l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels,
- que la banque a omis d'intégrer le coût prévisible des privilèges, sûretés et frais de notaire assortissant le prêt dans le calcul du taux effectif global, alors que ce coût s'avérait estimable,
- que l'acte notarié n'intégre pas les frais de notaire dans le taux effectif global y mentionné, ou les intégre par référence à une estimation, alors pourtant qu'ils étaient connus du notaire rédacteur,
- que la banque a omis d'indiquer la durée de la période unitaire dans l'offre de prêt, l'indication selon laquelle le remboursement s'effectue sur une base mensuelle s'avérant insuffisante au regard des prescriptions de l'article R 313-1 du code de la consommation.
M. et Mme [K] soutiennent en quatrième lieu que les irrégularités de l'offre de prêt se trouvent sanctionnées par la nullité de la stipulation d'intérêts, ou alternativement, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Ils font valoir en cinquième lieu que les manquements de la banque à ses obligations de loyauté, d'honnêteté et d'information leur a causé un préjudice qu'il convient de réparer par l'allocation de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Ils concluent en dernier lieu au rejet des demandes reconventionnelles de la banque en indiquant que celle-ci ne justifie pas de la notification de la déchéance du terme par courrier recommandé.
Ils ajoutent que le fait d'agir en justice ne suffit à caractériser l'abus de droit.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 08 avril 2019, la société BNP Paribas demande à la cour, au visa des articles et 122 du code de procédure civile, 1907 et 2224 et suivants du code civil, L 110-4 du code du commerce, L 312-8, L 313-1 et R 313-1 du code de la consommation, de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
- condamner solidairement Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] à payer à la BNP Paribas une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au bénéfice de la société Grafmeyer Baudrier Alléaume Joussemet, avocat, sur son offre de droit,
à titre subsidiaire :
- dire et juger la demande de Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] à titre principal irrecevable comme prescrite et subsidiairement dire et juger Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] infondés en leur action,
- en conséquence, débouter Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la BNP Paribas,
- condamner solidairement en tant que de besoin Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] à payer à la BNP Paribas la somme de 67.302,75 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5,94 % sur 60.673,74 euros à compter du 18 mars 2017,
- condamner solidairement Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] à payer à la BNP Paribas une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au bénéfice de la société Grafmeyer Baudrier Alléaume Joussemet, avocat, sur son offre de droit,
à titre très subsidiaire :
- dire et juger n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la BNP Paribas,
- à défaut, limiter la déchéance du droit aux intérêts de la BNP Paribas à 1 euros symbolique,
en tout état de cause :
- débouter Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] de l'ensemble de leurs autres prétentions à l'encontre de la BNP Paribas,
- condamner solidairement Monsieur [L] [K] et Madame [R] [Y] à payer à la BNP Paribas une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au bénéfice de la société Grafmeyer Baudrier Alléaume Joussemet, avocat, sur son offre de droit.
La banque conclut à la prescription des demandes adverses, en expliquant que les époux [K] ont pu se figurer les irrégularités alléguées de l'offre de prêt dès la conclusion de celle-ci. Elle ajoute que le point de départ du délai de prescription ne saurait dépendre du choix discrétionnaire des emprunteurs de saisir une officine pour déceler d'autres irrégularités que celles dont ils se sont déjà aperçus, sauf à faire dépendre le jeu de la prescription de leur seule volonté.
La banque conteste en second lieu les irrégularités alléguées par les consorts [K]. Elle fait valoir en premier lieu que l'erreur affectant le taux effectif global stipulé ne peut être sanctionnée qu'à la condition d'être supérieure à la décimale et de s'opérer en défaveur de l'emprunteur. Elle affirme que cette règle, tirée de l'article R 313-1 du code de la consommation et de son annexe s'applique également aux prêts immobiliers.
La banque soutient en second lieu qu'elle a appliqué strictement la règle de calcul du taux de période et qu'elle a justement multiplié celui-ci par 12 pour aboutir à l'indication du taux effectif global, en faisant le choix d'arrondir les chiffres obtenus à trois décimales après la virgule, compte tenu du développement décimal illimité des résultats obtenus.
Elle précise que l'absence de proportionnalité alléguée par les époux [K] n'est pas le fruit d'une erreur de calcul, mais de la simple nécessité d'arrondir les taux indiqués, compte tenu du développement décimal illimité des résultats obtenus lors de leur détermination. Elle fait observer incidemment que l'indication erronée du taux de période n'encourt aucune sanction particulière.
La banque fait valoir en troisième lieu que l'erreur alléguée dans la détermination de la période unitaire n'a pas eu pour conséquence d'entraîner l'indication d'un taux effectif global erroné au-delà de la décimale d'une part et qu'elle a bénéficié à l'emprunteur d'autre part.
Elle conteste en quatrième lieu l'absence alléguée d'indication de la période unitaire dans l'offre de prêt, en affirmant que l'indication d'une périodicité mensuelle, renvoyant à l'application de 12 taux de période à l'année, satisfaisait à cette obligation. Elle ajoute que l'absence d'indication du taux de période ne donne lieu à aucune sanction.
La banque soutient en cinquième lieu que les époux [K] ne justifient pas de ce que l'indication, puis la prise en compte dans le calcul du taux effectif global, de frais simplement estimés plutôt que celle des frais effectivement exposés, a conduit à une erreur dans le taux effectif global mentionné supérieure à la décimale.
Elle affirme en sixième lieu que la seule sanction de l'indication d'un taux effectif global erroné réside dans la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts conventionnels, soumise au pouvoir modérateur du juge.
Elle estime qu'en raison du caractère quasi-symbolique du préjudice subi par les époux [K] (de l'ordre de 67,50 francs) et dans l'hypothèse où l'irrégularité de l'offre de prêt serait admise, il conviendrait de prononcer la déchéance du droit aux intérêts dans la limite de 1 euro.
La banque soutient en septième lieu que le seul préjudice en lien avec les manquements allégués par les époux [K] réside dans la perte d'une chance de contracter à de meilleures conditions, d'une valeur dérisoire, de sorte que leurs demandes indemnitaires, formulées à concurrence de montants de 90.000 et 15.000 euros signaient l'abus du droit d'ester en justice.
La banque fait valoir en dernier lieu qu'elle a prononcé la déchéance du terme de l'emprunt et qu'elle se trouve en droit de solliciter la condamnation des époux [K] au paiement du solde restant dû, en principal, intérêts et pénalité conventionnelle.
La clôture est intervenue par ordonnance du 02 juin 2020 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 octobre 2022, pour être mise en délibéré au 15 décembre 2022.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts :
Vu l'article 1304 ancien du code civil ;
En application de l'article 1304 susvisé, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels se prescrit par 5 ans.
Ce délai commence à courir à la date du contrat, lorsque sa lecture permet à l'emprunteur de se figurer les irrégularités l'affectant, ou à la date à laquelle il a pu se convaincre par lui-même de l'erreur affectant le taux effectif global du prêt, si l'examen de l'offre ne suffit à la déceler.
M. et Mme [K] se prévalent en l'espèce des irrégularités suivantes :
- l'absence d'égalité entre les sommes prêtées et l'ensemble des versements dus par l'emprunteur, en violation des dispositions de l'article R313-1 ancien du code de la consommation,
- l'absence de proportionnalité du taux effectif global au taux de période,
- l'absence d'intégration du coût prévisible des privilèges, sûretés et frais de notaire assortissant le prêt dans le calcul du taux effectif global, alors que ce coût s'avérait estimable,
- l'absence d'intégration des frais de notaire dans le taux effectif global mentionné dans l'acte authentique de prêt, ou leur intégration par référence à une estimation, alors que ces frais étaient connus du notaire rédacteur,
- l'absence d'indication de la durée de la période unitaire de l'article R 313-1 dans l'offre de prêt.
L'absence d'indication de la durée de la période unitaire dans l'offre de prêt était décelable à la souscription de celle-ci.
L'offre de prêt précise par ailleurs que les frais de constitution des sûretés ont été intégrés pour un montant estimé de 29.401,35 francs, sans faire état de frais de notaire distincts de ceux-ci. Ces indications données, l'irrégularité alléguée, tirée de leur insuffisance ou de leur caractère purement estimatoire, était également décelable à la souscription du contrat.
Il en va de même de l'absence d'intégration des frais de notaire pour leur montant exact dans le taux effectif global mentionné dans l'acte authentique de prise de garantie hypothécaire, ce taux étant strictement identique à celui porté à l'offre préalable faisant état de frais estimés.
Lorsque le remboursement du prêt s'opère comme en l'espèce sur une base mensuelle, la période unitaire s'entend nécessairement de la durée de l'année civile divisée par 12, soit 30,41666 jours et le taux effectif global est obtenu par la multiplication du taux de période par 12. Les époux [K] étaient en mesure d'effectuer cette multiplication par eux-mêmes et de déceler l'absence de proportionnalité entre le taux de période et le taux effectif global mentionnés sur l'offre de prêt (0,515 et 6,188 % respectivement), dès la souscription de celle-ci.
Il en résulte que le délai de prescription quinquennal alors applicable a commencé à courir le 05 mai 1998 pour expirer le 05 mai 2003 et que la demande des époux [K], formée le 10 novembre 2016, est irrecevable comme tardive, en tant qu'elle se fonde sur l'absence de proportionnalité entre le taux de période et le taux effectif global, l'absence d'indication de la période unitaire et l'absence d'indication du montant des frais de toute nature entrant dans la détermination du taux effectif global, ou leur caractère simplement estimé.
S'agissant de l'absence d'égalité entre les sommes prêtées et l'ensemble des versements dus par l'emprunteur, en violation des dispositions de l'article R313-1 ancien du code de la consommation, M. et Mme [K] renvoient à l'étude réalisée par le cabinet Humania, dont il ressort que le taux effectif global de 6,188 % mentionné dans l'offre de prêt ne peut correspondre au taux de période de 0,515 % également mentionné, sauf à prendre en considération une période unitaire de 30,3773 jours, différente de celle de 30,4166 jours découlant des dispositions réglementaires applicables.
Ce moyen ne constitue qu'une déclinaison de celui tiré de l'absence de proportionnalité entre le taux effectif global et le taux de période : le cabinet Humania calcule dans son étude l'écart entre la période unitaire réglementaire et la période unitaire prétendument appliquée par la banque sur la base de la disproportion entre le taux effectif global et le taux de période affichés, tout comme les époux [K] ont tenté de démontrer dans leurs conclusions l'irrégularité du taux de période affiché sur la base de cette même disproportion, les deux moyens revenant en réalité à se prévaloir de l'absence de proportionnalité entre le taux de période et le taux effectif global, en changeant la variable considérée.
Il convient en conséquence de considérer que l'irrégularité alléguée était apparente à la date de souscription du contrat et que la demande se trouve également prescrite en tant que fondée sur celle-ci.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a déclaré la demande de nullité de la stipulation d'intérêt irrecevable comme prescrite.
Sur la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels :
Vu l'article 189 bis du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n°77-04 du 03 janvier 1977 ;
Conformément à l'article 189 bis du code de commerce susvisé, applicable à la date d'acceptation de l'offre de crédit litigieuse, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
En matière d'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, ce délai commence à courir à la date du contrat, lorsque sa lecture permet à l'emprunteur de se figurer les irrégularités l'affectant, ou à la date à laquelle il a pu se convaincre par lui-même de l'erreur affectant le taux effectif global du prêt, si l'examen de l'offre ne suffit à la déceler.
La cour a précédemment retenu que les irrégularités alléguées étaient apparentes à la date de souscription du contrat. Il s'ensuit que le délai décennal de prescription a commencé à courir le 05 mai 1998 pour expirer le 05 mai 2008.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a déclaré la demande de déchéance du droit aux intérêts irrecevable comme prescrite.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile ;
Il appartient à celui qui demande la réparation d'un préjudice d'en préciser la nature et d'en démontrer l'existence.
Les époux [K] se prévalent d'un manquement de la banque à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté et réclament sa condamnation au paiement de la somme de 15.000 euros en réparation de « leur préjudice », sans préciser si celui-ci revêt un aspect financier, moral ou s'il découle d'une perte de chance de contracter à de meilleurs conditions.
Il n'appartient pas à la cour de se substituer à eux dans la détermination de la nature de ce préjudice et il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demande.
Sur la demande reconventionnelle en paiement du solde du prêt :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Conformément à l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'article 6 des conditions générales du contrat de prêt dispose en l'espèce que « la totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement exigible et aucune autre utilisation à l'avenir ne pourra être réclamée à la banque... b) si bon semble à la banque et ce, quinze jours après une notification faite aux bénéficiaires par lettre recommandée avec accusé de réception, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire dans l'un des cas suivants... à défaut d'exécution ou de violation d'un seul des engagements pris par le ou les bénéficiaires... et notamment en cas de non-paiement à bonne date d'une somme quelconque devenue exigible ».
La banque démontre, par la production des courriers et avis de réception correspondants, avoir notifié la déchéance du terme aux époux [K] par lettre recommandée du 25 juin 2015, dont les intéressés ont accusé réception les 27 et 29 juin suivants, à raison de l'absence de remboursement des mensualités du prêt à leurs dates d'échéance.
Il résulte par ailleurs du décompte produit en la cause que les époux [K] demeuraient débiteurs, à la date du 17 mars 2017, de la somme de 67.302,75 euros, dont 60.673,74 euros en capital, le surplus en intérêts échus et indemnité contractuelle de 7 %.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. et Mme [K] solidairement à payer à la société BNP Paribas la somme de 67.302,75 euros, avec intérêts au taux conventionnel nominal de 5,394 % sur le montant de 60.673,74 euros à compter du 18 mars 2017.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive:
La banque ne forme sa demande de dommages et intérêts qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne confirmerait pas intégralement le jugement entrepris.
La cour confirmant ce jugement en intégralité, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;
M. et Mme [K] succombent à l'instance d'appel et il convient de les condamner in solidum à en supporter les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Grafmeyer, Baudrier, Alléaume et Joussemet, avocat, sur son affirmation de droit.
L'équité commande de les condamner in solidum à payer la somme de 3.000 euros à la BNP Paribas, en indemnisation des frais irrépétibles générés par le procès d'appel.
Il convient enfin de confirmer les dispositions du jugement de première instanceles ayant condamnés aux frais irrépétibles et dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 11 septembre 2018 et rectifié le 09 novembre 2018 entre les parties par le tribunal de grande instance de Lyon, en toutes ses dispositions ;
y ajoutant :
Condamne M. [L] [K] et Mme [R] [Y] épouse [K] in solidum aux dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de de la société Grafmeyer, Baudrier, Alléaume et Joussemet, avocat, pour ceux dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision, sur son affirmation de droit ;
Condamne M. [L] [K] et Mme. [R] [Y] épouse [K] in solidum à payer la somme de 3.000 euros à la BNP Paribas, en indemnisation des frais irrépétibles générés par le procès d'appel.
Le Greffier Le Président