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15/12/2022 | FRANCE | N°18/05183

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 15 décembre 2022, 18/05183


N° RG 18/05183

N° Portalis DBVX - V - B7C - L2KK















Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 03 juillet 2018



Loyers commerciaux



RG : 04/08066









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 15 Décembre 2022





APPELANTS :



Mme [W] [C] veuve de [E] [D] [H]

née le 27 Janvier 1923

à [Localité 12] (MARNE)

[Adresse 1]

[Localité 4]







M. [F] [H]

né le 20 Juillet 1964 à [Localité 10] (RHONE)

[Adresse 7]

[Localité 5]







M. [I] [H]

né le 03 Janvier 1993 à [Localité 11] (RHONE)

[Adresse 7]

[Localité 5]







M. [Y] [H]
...

N° RG 18/05183

N° Portalis DBVX - V - B7C - L2KK

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 03 juillet 2018

Loyers commerciaux

RG : 04/08066

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 15 Décembre 2022

APPELANTS :

Mme [W] [C] veuve de [E] [D] [H]

née le 27 Janvier 1923 à [Localité 12] (MARNE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

M. [F] [H]

né le 20 Juillet 1964 à [Localité 10] (RHONE)

[Adresse 7]

[Localité 5]

M. [I] [H]

né le 03 Janvier 1993 à [Localité 11] (RHONE)

[Adresse 7]

[Localité 5]

M. [Y] [H]

né le 30 Juin 1997 à [Localité 9] (RHONE)

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentés par la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, toque : 502

INTIMEE :

SARL LSP GROUPE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par la SELARL JUGE FIALAIRE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 359

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Juin 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Octobre 2021

Date de mise à disposition : 6 janvier 2022 prorogée au 10 mars 2022, au 07 avril 2022, au 30 juin 2022, au 29 septembre, puis au 15 décembre 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. et Mme [E] [H] ont donné à bail commercial à la SARL LSP Groupe (Lyon Scène Production) exerçant sous le nom commercial La Sphère des Possibles (ci-après la société LSP) à compter du 1er septembre 2002 et à échéance du 31 décembre 2011 une maison et des bâtiments situés [Adresse 2] et [Adresse 6]. La société LSP y exerce essentiellement une activité de production et promotion de spectacles et de formation artistique.

En réponse à la demande formée par la société LSP le 3 juillet 2014, M. et Mme [H] ont fait connaître par acte d'huissier de justice du 25 septembre 2014 leur acceptation du renouvellement du bail à compter du 1er août 2014 sous réserve de la fixation du loyer à 120'000 euros par an.

Par lettre du 10 novembre 2014, la société preneuse a contesté le montant du loyer demandé.

Le 13 novembre 2015, les époux [H] ont notifié à la société LSP un mémoire préalable.

Par acte d'huissier de justice du 13 janvier 2016, les époux [H] ont fait assigner la société LSP devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Lyon afin que le loyer annuel du bail renouvelé soit fixée à 120'000 euros.

Par jugement du 19 novembre 2016, une expertise a été ordonnée afin de déterminer la valeur locative des locaux. L'expert, M. [G], a déposé son rapport le 18 octobre 2017.

M. [H] est décédé le 26 mars 2017. Par acte notarié du 23 décembre 2014, M. et Mme [H] avaient fait donation de la nue-propriété du bien à leur fils [F] pour trois cinquièmes et à leurs deux petits-fils [I] et [Y] pour un cinquième chacun. Début 2018, les nus-propriétaires sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement du 3 juillet 2018, la juridiction des loyers commerciaux a déclaré irrecevables les demandes présentées par Mme [H] et les nus-propriétaires au motif que la demande de fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé a été formée par les usufruitiers seuls, que les nus-propriétaires sont intervenus à l'instance plus de deux ans après, et que l'action était alors prescrite en application de l'article L 145-60 du code de commerce.

Le juge des loyers a constaté que le bail s'est définitivement renouvelé le 1er octobre 2014 aux conditions du bail échu soit au prix de 40'195,44 euros HT. Mme [H] et les nus-propriétaires ont été condamnés in solidum à verser à la société LSP une somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par déclaration du 12 juillet 2018, les consorts [H] ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives déposées le 28 février 2020, ils demandent à la cour d'infirmer la décision, de déclarer leurs demandes recevables et de fixer à 108'571 euros par an en principal le loyer du bail renouvelé outre variation, subsidiairement de fixer le prix du bail à la somme de 98'500 retenue par l'expert judiciaire, outre variation selon la clause d'échelle mobile depuis le 1er octobre 2015, avec intérêts au taux légal sur l'arriéré à compter de chacune des échéances mensuelles depuis le 1er octobre 2014 et capitalisation des intérêts, et la condamnation de la société LSP à leur payer 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 12 mai 2020, la SARL LSP sollicite la confirmation du jugement critiqué. À titre subsidiaire, elle demande à la cour de fixer à 55'766,93 euros par an le montant du bail renouvelé au 1er octobre 2014 et encore plus subsidiairement à 62'926,08 euros. Elle s'oppose à la demande en paiement des intérêts au taux légal sur les arriérés à compter du 1er octobre 2014. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation in solidum des consorts [H] à lui payer 12'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise.

Les consorts [H] font valoir que leur action n'est pas prescrite car :

- l'article 595 in fine du code civil ne s'applique qu'à la conclusion du bail et la jurisprudence n'a étendu l'application de ce texte qu'au renouvellement du bail et non à la fixation du loyer dont l'usufruitier est le seul créancier, de sorte qu'il peut exercer seul cet acte d'administration

- l'article 595 prévoit une nullité relative que seul le nu-propriétaire peut invoquer

- c'est à tort que le juge des loyers commerciaux a déclaré l'action prescrite, les actes de procédure régularisés en temps utile par les époux [H] bénéficiant nécessairement aux nus-propriétaires dont l'action ne peut être déclarée prescrite

- l'irrégularité de fond a été couverte avant que le juge ne statue.

En ce qui concerne la valeur locative, ils indiquent que la société LSP a bénéficié d'une remise de loyers de neuf mois pendant les deux premières années du bail en raison des travaux à effectuer alors que ceux-ci incombaient au preneur, et contestent la décote de 30 % appliquée par l'expert au loyer de la maison en faisant valoir qu'elle n'est pas intégrée à l'ensemble commercial et que son état d'entretien moyen est de la responsabilité de la société preneuse.

Ils admettent les valeurs retenues par l'expert pour le bâtiment B et le bâtiment C et précisent que la maison murée située [Adresse 6] n'est pas comprise dans le bail. Ils se prévalent des conclusions de trois experts qui ont conclu à un loyer d'ensemble avoisinant 100'000 euros pour réclamer 108'571 euros par an au titre du loyer du bail renouvelé.

La société LSP répond que l'action est prescrite car :

- liée au renouvellement du bail commercial, elle exige le concours des nus-propriétaires,

- en vertu de l'article L 145-60 du code de commerce, elle doit être engagée dans les deux ans de la date d'effet de la demande de renouvellement par la notification du mémoire préalable qui seul interrompt la prescription biennale,

- le mémoire préalable n'a été fait que par les usufruitiers et cette irrégularité peut être soulevée par toute partie qui y a intérêt,

- le seul acte de procédure réalisé par les consorts [H] a été notifié en 2018 plus de deux ans après la prise d'effet du bail renouvelé intervenue le 1er octobre 2014.

Subsidiairement, sur la valeur locative, elle indique que les bâtiments sont vétustes et que l'expert a relevé des éléments d'appréciation défavorables, de même que M. [N] dont elle a sollicité l'avis, de sorte que les valeurs métriques de l'ensemble du bâtiment doivent être minorées de 20 %.Elle s'appuie sur les valeurs de comparaison retenues par l'expert, mais en exclut les locaux comportant un parking dédié à la clientèle.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2020.

MOTIFS

1 - sur la recevabilité de l'action des consorts [H]

Il est constant que le renouvellement d'un bail commercial requiert le consentement de l'usufruitier ainsi que du nu-propriétaire, en application de l'article 595 4ème alinéa du code civil.

Le mémoire préalable notifié le 13 novembre 2015 par les époux [H], qui étaient alors usufruitiers, de même que l'assignation délivrée le 13 janvier 2016 aux seuls noms des époux [H] pouvaient interrompre la prescription, bien qu'il fussent irréguliers car l'irrégularité les affectant peut être couverte, même lorsqu'il s'agit d'un vice de fond.

La société LSP fait valoir que les usufruitiers ne sont pas intervenus à l'instance avant la notification du mémoire n°3 après expertise, en janvier 2018 ; le premier juge a relevé que MM. [F], [I] et [Y] [H] sont intervenus volontairement à l'instance aux côtés de Mme [H] par mémoire notifié le 8 février 2018.

Cependant, la demande en justice interrompant le délai de prescription, en application de l'article 2244 du code civil applicable à la cause, devenu l'article 2241, la régularisation de l'acte n'est soumise à aucun délai à condition que celle-ci intervienne avant que le juge ne statue, ainsi que le font valoir les consorts [H] qui se prévalent à juste titre d'une jurisprudence en ce sens (Civ 3, 24 janvier 2019, n°17-27106).

En l'espèce, la procédure a été régularisée par les nu-propriétaires qui ont déposé un mémoire au greffe, début 2018, avant que le juge des loyers commerciaux ne statue.

Le jugement qui a déclaré l'action irrecevable car prescrite sera en conséquence infirmé.

2 - sur la valeur locative

En l'absence d'accord des parties, elle doit être déterminée à la lumière des articles L145-33, R 145-3 et R 145-4 du code de commerce ainsi que des avis de M. [M] du 23 février 2015 et de M. [B] du 9 avril 2015, de l'expertise judiciaire de M. [G] du 20 septembre 2017, et de l'avis de M. [N] du 27 mars 2017 qui a été produit à l'appui d'un dire et a fait l'objet d'une discussion contradictoire.

Il ne sera pas tenu compte de l'état de la maison qui ouvre sur la rue Damon qui ne figure pas dans le bail.

a - sur les superficies retenues

La société LSP s'appuie sur les éléments défavorables retenus par l'expert, à savoir le caractère ancien des bâtiments, les traces d'infiltrations, la configuration éclatée sur plusieurs niveaux et les stationnements peu nombreux. Elle fait observer que les locaux sont dans un état de vétusté avancée en ce qui concerne les éléments de gros 'uvre, qu'un constat d'huissier en atteste, que les réparations nécessaires relèvent toutes de l'article 606 du code civil et doivent conduire à minorer de 20 % les valeurs métriques de tous les bâtiments. Elle demande que soit déduite de la surface louée celle des combles du bâtiment B qui ne sont pas exploitables, et dans lesquels l'entreposage et le stockage ne sont pas autorisés, en citant l'article R 145-3 du code de commerce aux termes duquel il convient d'apprécier, au titre des caractéristiques propres au local, la commodité de son accès pour le public.

Les consorts [H] répondent que la société a contractuellement pris les locaux en l'état et a obtenu une réduction du loyer de 90'000 francs pendant les deux premières années du bail, en 1993 et 1994, en compensation du débarrassage des lieux et de leur réfection, et de trois mois supplémentaires de franchise de loyer en 1994 en raison des réparations à effectuer. Ils ajoutent qu'aux termes du bail, le bailleur n'est tenu qu'aux grosses réparations de l'article 606 du code civil, et qu'ils ont fait réaliser les travaux nécessaires, notamment en 1997 et 2002 sur la verrière couvrant l'atelier annexe et sur la couverture du bâtiment d'activité, ainsi qu'en 2014 un nettoyage de la toiture comportant des reprises notamment d'une noue ainsi que des travaux à la suite d'une infiltration en 2018 et assurent avoir satisfait à leurs obligations.

L'article R 145-7 du code de commerce renvoyant au loyer pratiqué par unité de surface conduit à pondérer les surfaces des locaux loués.

La société LSP qui s'appuie sur la vétusté des bâtiments pour solliciter la pondération de 20 % de toutes les surfaces louées produit l'avis de M. [N] et un constat d'huissier qui ont été soumis à l'expert. Celui-ci a répondu qu'il avait pris en considération l'état des bâtiments.

L'huissier de justice a visité les lieux le 1er juin 2016. Son constat témoigne de l'existence d'une fissure mal rebouchée dans l'un des bureaux du premier étage du bâtiment C, du crépi de ce bâtiment s'effritant, du mur et du toit du bâtiment voisin non inclus dans le bail (maison ouvrant [Adresse 14]) se délitant, de traces de dégâts des eaux dans l'entrepôt du rez-de-chaussée. Dans le bâtiment B, il a relevé des traces d'humidité au rez-de-chaussée, au sous-sol, dans le caveau, un mur suintant ainsi qu'une pièce condamnée très vétuste. Enfin, il a noté des traces d'humidité sur les murs extérieurs des bâtiments.

M. [N] a examiné les lieux en mars 2017. Il a constaté que la verrière séparant les bâtiments B et C comportait des vitres brisées à l'origine d'infiltrations, et que la salle de danse présentait une odeur d'égout. Cette salle, située au sous-sol dans la pièce dénommée caveau, est identifiée comme une salle de cours par l'expert judiciaire. M. [N] énonce également que la partie entrepôt du bâtiment C est affectée de plusieurs fuites, que les bureaux présentent des traces d'infiltrations et que l'angle sud-est du bureau de M. [A] est affecté par un taux d'humidité de 100 %.

L'expert judiciaire a précisé que les huisseries métalliques du bâtiment B n'étaient pas toutes en bon état, qu'au sous-sol une pièce et un espace de stockage étaient affectés d'infiltrations, et d'une manière générale que les bâtiments, anciens et en état d'usage, présentaient des traces d'infiltrations.

En ce qui concerne le bâtiment B, il a affecté les superficies de la salle de cours du sous-sol (le caveau) d'un coefficient de 0,5 et celle de l'entrepôt d'un coefficient de 0,30. L'utilisation de tels coefficients de pondération résulte à l'évidence des infiltrations constatées dans ces locaux. Il n'y a dès lors pas lieu à pondération supplémentaire.

Les combles du bâtiment B sont cités et qualifiés comme tels dans le bail renouvelé du 1er décembre 2002 ; c'est donc vainement que la société LSP, qui ne démontre pas au surplus que l'entreposage et le stockage n'y sont pas autorisés, se plaint de ne pouvoir les utiliser et demande que leur surface soit déduite de la superficie louée. Une salle destinée à un professeur y a cependant été aménagée sur 22 m² ainsi que l'a noté l'expert. Celui-ci a affecté la partie non aménagée des combles d'un coefficient de 0,5 qui tient compte de leur fonctionnalité réduite.

L'expert judiciaire a chiffré le coefficient de pondération de l'entrepôt situé au rez-de-chaussée du bâtiment C à 0,5, ce qui est parfaitement conforme aux constatations de M. [N] qui a fait état d'infiltrations.

L'expert a associé à toutes les autres surfaces des bâtiments B et C un coefficient de 1 qui correspond à une valeur commerciale normale.

La société LSP sollicite une réduction des coefficients de 0,20 motif pris de la vétusté des bâtiments.

Il ressort en effet du constat d'huissier, des photographies qui y figurent, et de l'avis de M. [N] que les façades des immeubles sont très dégradées, le crépi s'en détachant par endroits et présentant des traces d'humidité. M. [N] précise que la corniche des fenêtres du rez-de-chaussée de la maison est dégradée, des morceaux sont tombés et d'autres menacent de se détacher, des fissures au plafond de la terrasse de l'entrée doivent être reprises pour stopper la dégradation du gros 'uvre, les planches de rive de la toiture et une des cheminées sont en mauvais état, des briques de la cheminée menaçant de tomber sur la toiture du bâtiment A. Il précise que le gros 'uvre du bâtiment A doit être repris, et que les remontées d'odeurs affectant la salle de danse du bâtiment B relèvent de travaux de maçonnerie qui ont trait au gros 'uvre du bâtiment. Il ajoute que la façade du côté de la [Adresse 15] doit être refaite car l'enduit bouche les chéneaux dans lesquels il tombe, ce qui provoque des infiltrations.

Ces désordres exigent des travaux qui tendent à la conservation de la structure de l'immeuble dans son intégrité générale et non des travaux d'entretien destinés à assurer aux immeubles un bon aspect. C'est pourquoi ils relèvent du gros oeuvre et incombent aux bailleurs en application de l'article 606 du code civil. Les dégradations constatées par l'huissier et par M. [N] donnent aux bâtiments un aspect a minima négligé qui les déprécie aux yeux de la clientèle et en conséquence préjudicie à l'activité qui y est pratiquée.

Ils justifient l'application à toutes les surfaces louées d'un coefficient de pondération de 0,80 ainsi que le demande à juste titre la société LSP.

En conséquence, la surface totale pondérée des bâtiments ressort à :

locaux

surface en m²

pondération

surface pondérée

bâtiment B

sous-sol, salle de cours et divers

entrepôt

233

85

0,50

0,30

116,50

25,50

Rez de chaussée

bureaux

24

0,80

19,20

hall, salle massage...

234

0,80

187,20

1er étage

167

0,80

133,60

2ème étage

160

0,80

128

combles : salle professeur

22

0,80

17,60

combles non aménagés

142

0,50

71

[Adresse 8]

rez de chaussée

entrepôts

318

0,50

159

bureau

33

0,80

33

étage : bureaux

124

0,80

99,20

surfaces après pondération :

maison : 203 m² x 0,8 = 162,40 m².

locaux d'activités : 838,40 m²

bureaux : 151,40 m².

b - sur les prix de référence

Pour les locaux d'activités, l'expert a retenu un prix de 69,04 euros par mètre carré pondéré au sein d'une fourchette s'établissant entre 51,42 et 88 euros le mètre carré par an. Pour les bureaux, l'expert s'est éloigné de la valeur moyenne de 108,50 euros du mètre carré qu'il a constatée pour fixer une valeur de 90 euros par mètre carré.

Les consorts [H] ne contestent pas l'évaluation relative aux locaux d'activités mais demandent que soit retenue la valeur locative de 108,50 euros par m² pour les bureaux.

La société LSP estime au contraire que le site est un ensemble atypique qui justifie une valorisation unique en locaux d'activités et rappelle qu'elle a elle-même aménagé les bureaux. Elle fait observer que si les six valeurs de comparaison proposées par l'expert sont situées à proximité des lieux loués, ces locaux de référence sont dotés de places de stationnement pour la clientèle à la différence des siens et qu'il convient d'écarter les commerces situés [Adresse 15] et [Adresse 13] dont les loyers sont plus onéreux (81 et 88 euros) pour retenir la valeur médiane des quatre autres références qui s'élève à 51,42 euros par mètre carré.

Il ressort du rapport d'expertise que s'agissant des locaux d'activités, seule une référence située [Adresse 13] dispose d'un important parking qui est indispensable à l'activité d'agent automobile qui y est exercée. Quatre des cinq autres références disposent de quelques places de stationnement et aucune place de parking n'est spécifiée en ce qui concerne la cinquième référence. L'expert a écarté à juste titre une référence dont le loyer de 14 euros relève d'un accord entre les parties. Toutes les références retenues sont géographiquement proches des lieux loués.

La société LSP dispose de quelques places de parking dans la cour, ainsi que l'a noté l'expert p 32 de son rapport en indiquant dans le paragraphe 'éléments d'appréciation défavorables : peu de stationnements'. Les clichés versés aux débats montrent que quelques véhicules peuvent être garés dans la cour. Les références retenues par l'expert sont donc adaptées pour apprécier la valeur locative des locaux d'activité, de sorte que la valeur moyenne qu'il a constatée pour les locaux, soit 69,04 euros par mètre carré et par an sera retenue.

Compte tenu de l'activité pratiquée dans les lieux loués, la valeur locative des bureaux ne peut être appréciée par comparaison avec des locaux situés à proximité dans lesquels est exercée une activité classique de bureaux. C'est pourquoi l'expert judiciaire a réduit d'environ 17 % la valeur moyenne qu'il a constatée pour des bureaux ordinaires. La société LSP ne conteste pas utiliser ses bureaux pour les besoins administratifs de son exploitation mais pointe l'absence de stationnement et le manque de confort voire de sécurité de cette partie des locaux pour que soit réduite la valeur de ceux-ci.

L'expert a décrit neuf bureaux situés au premier étage du bâtiment C, accessibles par un escalier de bois, disposant d'huisseries à double vitrage et d'une hauteur sous plafond de 2,95 mètres. Leurs utilisateurs dont le nombre n'est pas indiqué par la société LSP disposent de places de stationnement en nombre très limité. L'abattement pratiqué par l'expert est ainsi justifié tant par les caractéristiques des locaux que par l'utilisation accessoire mais nécessaire qu'en fait la société preneuse, et il n'est pas justifié d'une décote supplémentaire au vu des photographies des bureaux produites par la société LSP, qui montrent des locaux vastes et clairs.

En ce qui concerne la maison de 203 m² habitables outre une cave de 32 m², l'expert a appliqué une décote de 30 % en raison de son implantation dans un ensemble commercial, conformément à l'article R 145-4 du code de commerce, ce que contestent les consorts [H] qui font valoir qu'elle est indépendante du bâtiment exploité en école de danse et qu'elle ne présente aucun inconvénient au regard de sa situation sur le site.

Il est constant qu'un lieu d'habitation enclavé dans les lieux loués peut se voir appliquer une décote. L'expert judiciaire mais également M. [M] qui a été consulté par la société LSP ont appliqué une décote de 30 %. En l'espèce, la maison n'est pas directement accessible depuis la rue mais par le portail ouvrant sur les autres bâtiments; elle est donc enclavée, et ses habitants subissent les nuisances notamment sonores liées aux activités pratiquées dans les lieux loués qui sont extrêmement proches de la maison, et aux nombreuses allées et venues qu'elles impliquent. La décote appliquée par l'expert est adaptée à cette situation et sera adoptée par la cour. En revanche, il convient de rectifier l'erreur de l'expert qui a retenu la somme de 10,84 euros du mètre carré au titre de la moyenne de la fourchette constatée, entre 9,44 et 13,33 euros alors que la moyenne arithmétique ressort à 11,38 euros.

Le loyer annuel des lieux loués s'établit en conséquence à 87 033,28euros :

- maison : 162,40 m² x (11,38 euros x 70%) x 12 mois = 15 524,14 euros

- locaux d'activités : 838,40 m² x 69,04 euros = 57 883,14 euros

- bureaux : 151,40 m² x 90 euros = 13 626 euros

Le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2014 sera donc fixé à la somme de 87 033,28 euros outre indexation conformément à la clause insérée dans le bail.

En application de l'article 1155 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de renouvellement du bail, la société LSP sera condamnée au paiement des intérêts au taux légal sur l'arriéré résultant de cette fixation à compter de chacune des échéances mensuelles depuis l'échéance du 1er octobre 2014, avec capitalisation des intérêts.

Chacune des parties perdant partiellement prendra à sa charge la moitié des dépens qui comprendront les frais d'expertise, avec pour les dépens d'appel droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile étant rejetées pour des raisons tirées de l'équité.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par la juridiction des loyers commerciaux le 3 juillet 2018 ;

Et statuant à nouveau :

Déclare recevable la demande en fixation du loyer renouvelé formé par les consorts [H] ;

Fixe le loyer du bail renouvelé à la somme de 87 033,28 euros par an à compter du 1er octobre 2014 ;

Condamne la société LSP Groupe au paiement des intérêts au taux légal sur l'arriéré de loyer à compter de chacune des échéances mensuelles depuis l'échéance du 1er octobre 2014, avec capitalisation des intérêts ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise et condamne chacune des parties à en supporter la moitié, avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, et rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/05183
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;18.05183 ?
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