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15/12/2022 | FRANCE | N°18/04807

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 15 décembre 2022, 18/04807


N° RG 18/04807

N° Portalis DBVX - V - B7C - LZOS















Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 19 juin 2018



Chambre 1 cab 01 A



RG : 16/14565





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 15 Décembre 2022







APPELANTS :



M. [B] [G]

né le 14 Mai 1970 à [Localité 12] (DROME)

[Adr

esse 2]

[Localité 7]





Association KAMELYON IMPRO

[Adresse 4]

[Localité 7]



représentés par la SELARL ALBERTELLI & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1460







Association ET COMPAGNIE

[Adresse 5]

[Localité 6]



représentée par la SC...

N° RG 18/04807

N° Portalis DBVX - V - B7C - LZOS

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 19 juin 2018

Chambre 1 cab 01 A

RG : 16/14565

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 15 Décembre 2022

APPELANTS :

M. [B] [G]

né le 14 Mai 1970 à [Localité 12] (DROME)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Association KAMELYON IMPRO

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentés par la SELARL ALBERTELLI & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1460

Association ET COMPAGNIE

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant l'AARPI BALSAN RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1440

INTIMES :

M. [X] [A]

né le 19 Septembre 1971 à [Localité 11] (RHONE)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant l'AARPI BALSAN RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1440

M. [B] [G]

né le 14 Mai 1970 à [Localité 12] (DROME)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Association KAMELYON IMPRO

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentés par la SELARL ALBERTELLI & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1460

Association ET COMPAGNIE

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant l'AARPI BALSAN RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1440

Association DES AMIS DE L'ESPACE GERSON

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par la SCP ELATHA, avocat au barreau de LYON, toque : 568

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Juin 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Octobre 2021

Date de mise à disposition : 6 janvier 2022, prorogée au 10 mars 2022, au 7 avril 2022, au 30 juin 2022, au 29 septembre 2022 puis au 15 décembre 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

L'association Et Compagnie est une compagnie théâtrale d'improvisation qui a été créée à [Localité 10] en 2003. Jusqu'en 2016, elle a donné ses spectacles dans un café-théâtre lyonnais de 120 places, l'Espace Gerson, exploité par l'association des Amis de l'Espace Gerson. Elle produisait nottamment un spectacle hebdomadaire le mardi, ainsi qu'un spectacle annuel intitulé 'coupe du monde de catch impro 11" puis à compter de 2010 et jusqu'en 2016 inclus 'le Mondial de l'impro', en partenariat avec l'association des Amis de l'Espace Gerson. En raison de son succès, ce dernier spectacle s'est tenu en 2015 et 2016 à la Bourse du Travail de [Localité 10], salle qui peut accueillir près de 2 000 personnes.

L'association Et Compagnie a confié l'organisation du 'Mondial de l'Impro' à l'association des Amis de l'espace Gerson (association Espace Gerson). De 2012 à 2014, les spectacles ont été présentés à l'espace Gerson, qui se chargeait de la location de la salle, des ventes et réservations de places et de l'organisation de l'hébergement des artistes. En 2015 et 2016, les associations ont conclu un contrat de coproduction, aux termes duquel chacune a participé aux bénéfices ou aux pertes selon un ratio négocié.

L'association Kamélyon Impro (ci-après Kamélyon) est une autre compagnie lyonnaise de théâtre d'improvisation qui a été créée en septembre 2013 par Mme [K] et M. [G], ce dernier étant l'un des membres fondateurs de l'association Et Compagnie qu'il a quittée en 2015. L'association Kamélyon a présenté ses spectacles à l'Espace Gerson notamment, le dimanche. En février 2017, l'association Kamélyon et l'association des Amis de l'Espace Gerson ont organisé à la Bourse du Travail un 'Mondial d'Impro' renommé 'coupe du Monde de l'Impro' après réception en juillet 2016 d'une mise en demeure de l'association Et Compagnie demandant qu'il soit mis fin à ces agissements déloyaux.

Se plaignant d'agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire, l'association Et Compagnie a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Lyon les associations les Amis de l'Espace Gerson et Kamélyon ainsi que M. [G] afin d'obtenir notamment l'annulation des spectacles intitulés « coupe du monde de l'impro » programmé à la Bourse du Travail de Lyon les 15 et 16 février 2017 et « bric-à-brac » programmé à l'espace Gerson, et leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 110'000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi.

M. [A], ex-président de l'association Et Cie, a été assigné en intervention forcée.

Par jugement du 19 juin 2018, le tribunal a :

- déclaré irrecevable la demande formée par l'association Et compagnie,

- déclaré irrecevable la demande formée contre M. [A],

- débouté les parties de leurs demandes complémentaires,

- condamné l'association Et Compagnie à supporter les dépens et à payer à l'association Espace Gerson, à l'association Kamélyon et à M. [G] chacun la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association Et Compagnie a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 juin 2018. M. [G] et l'association Kamélyon ont relevé appel par déclaration du 1er août 2018. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 mars 2019, M. [G] et l'association Kamélyon ont été déboutés de leurs demandes tendant à voir déclarer nulle la déclaration d'appel formée par les représentants légaux de l'association Et Compagnie au motif que sa représentante ne justifiait pas d'un mandat spécial pour ester en justice et à voir déclarer caduque sa déclaration d'appel en raison du caractère tardif des conclusions de l'association appelante. Ils ont été condamnés in solidum à verser à l'association Et Compagnie une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [G] et l'association Kamélyon ont déféré cette ordonnance à la cour. Par arrêt du 2 juillet 2019, la 1ère chambre B a maintenu l'ordonnance critiquée, a débouté l'association Et Compagnie de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et a condamné in solidum M. [G] et l'association Kamélyon à payer à l'association Et Compagnie une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Les conclusions des parties sont reprises ci-avant uniquement en ce qui concerne les prétentions énoncées ; les moyens développés dans les dispositifs ne sont pas repris, ceci afin d'améliorer la lisibilité des demandes dont est saisie la cour.

Par conclusions récapitulatives déposées le 9 octobre 2019, l'association Et Compagnie et M. [A] demandent en substance à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 19 juin 2018 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de l'association Et Compagnie et l'a condamnée à payer une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer recevables les demandes de l'association Et Compagnie,

- déclarer nuls l'ensemble des actes de procédure accomplis par l'association Kamélyon Impro ;

A tout le moins :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par l'association Kamélyon contre M. [A],

- déclarer irrecevables les demandes formées par l'association Kamélyon contre l'association Et Cie ;

Evoquant :

- dire que l'association Et Compagnie est bien fondée en son action,

- dire que l'association des Amis de l'Espace Gerson, l'association Kamélyon et M. [B] [G] ont ensemble commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice,

- faire interdiction à ces derniers de poursuivre la programmation de leur spectacle à [Localité 10] sous le titre 'Mondial d'impro' ou 'Coupe du Monde d'impro' sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum ces derniers à lui payer 110'000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice,

- condamner in solidum l'association Kamélyon Impro et M. [G] à payer à M. [A] 15'000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait du caractère manifestement abusif de l'action menée à son encontre et des accusations calomnieuses dont il a été l'objet,

- autoriser l'association Et Compagnie à faire publier dans cinq journaux ou magazines de son choix, aux frais avancés in solidum par l'association Kamélyon, l'association des Amis de l'Espace Gerson et M. [G], et dans la limite de 5 000 euros HT par insertion le communiqué suivant :

« Par arrêt rendu le --- , la cour d'appel de Lyon a condamné l'association Kamélyon lmpro, l'association des Amis de l'Espace Gerson et M. [B] [G] pour avoir commis au préjudice de l'association Et Compagnie des actes de concurrence déloyale et parasitaire de façon à usurper sa notoriété »;

- ordonner à l'association Kamélyon et à l'association des Amis de l'Espace Gerson de publier le communiqué susvisé sur la page d'accueil de leur site internet accessible aux adresses www.Kamélyon-impro.com et www.espacegerson.com pendant une période d'un mois à compter de la première mise en ligne, et ce dans un délai de 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et selon les modalités suivantes: la publication devra être effectuée sur la partie supérieure de la page d'accueil du site internet, de façon visible, et en toute hypothèse au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, et en police de caractères Arial de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre 'Communiqué judiciaire' en lettres capitales et en police de caractères Arial de taille 16,

- se réserver la liquidation des astreintes,

- autoriser l'association Et Compagnie à communiquer une copie de la décision à intervenir à la Bourse du travail ainsi qu'aux sites de réservation en ligne et aux directeurs des cafés-théâtres lyonnais d'improvisation,

- débouter l'association Kamélyon, l'association des Amis de l'Espace Gerson et M. [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner in solidum l'association Kamélyon, l'association des Amis de I'Espace Gerson et M. [G] à payer à l'association Et Compagnie la somme de 24.480 euros en application des dispositions de I'article 700 du code de procédure civile.

-condamner l'association Kamélyon lmpro et M. [B] [G] in solidum à payer à M. [A] la somme de 4 000 euros sur ie fondement de l'articie 700 du Code de procédure civile.

- condamner in solidum l'association Kamélyon, l'association des Amis de l'Espace Gerson et M. [G] au paiement des frais de médiation,

- condamner in solidum l'association Kamélyon, l'association des Amis de l'Espace Gerson et M. [G] aux entiers dépens, en ce compris les frais et honoraires de constat d'huissier.

Par conclusions déposées au greffe le 6 avril 2020, M. [G] et l'association Kamélyon demandent en substance à la cour :

Au principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande de l'association Et Compagnie irrecevable et déclaré nulle et non avenue l'assignation du 22 décembre 2016 et ses actes subséquents dont le constat d'huissier,

- dire n'y avoir lieu à évoquer le fond de l'affaire,

- dire et juger l'appel de l'association Kamélyon et M. [G] recevable,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes présentées à l'encontre de M. [A] et de l'association Et Compagnie ;

À titre subsidiaire :

- déclarer mal fondée la demande de l'association Et Compagnie au titre de l'action en concurrence déloyale,

- rejeter toutes les demandes de l'association Et Compagnie et les qualifier de surabondantes,

- dire et juger que l'action engagée par l'association Et Compagnie est abusive,

- condamner en conséquence l'association Et Compagnie et M. [A] in solidum à régler à l'association Kamélyon et M. [G] la somme totale de 10'000 euros tous préjudices confondus,

En tout état de cause :

- condamner l'association Et Compagnie et M. [G] à régler la somme totale de 19'080 euros à l'association Kamélyon au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association Et Compagnie à régler à l'association Kamélyon et M. [G] les dépens de la présente instance et de première instance en ce compris les frais de la médiation.

Suivant conclusions déposées au greffe le 21 décembre 2018, l'association des Amis de l'Espace Gerson demande en substance à la cour de :

À titre principal, confirmer le jugement du 19 juin 2018,

En tout état de cause :

- débouter l'association Et Compagnie de toutes ses demandes ;

- la condamner à une amende civile pour procédure abusive ;

- condamner l'association Et Compagnie au paiement des frais de médiation ;

- condamner l'association Et Compagnie au paiement de 45'000 euros en réparation des préjudices subi par l'association Espace Gerson ;

- condamner l'association Et Compagnie à verser à l'association Espace Gerson la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le conseil de l'association Kamélyon et de M. [G] a déposé au greffe un bordereau de communication de pièces le 6 mai 2020. Le 8 juin 2020, après clôture de la procédure, il a communiqué par RPVA des conclusions en indiquant que celles-ci devaient accompagner le bordereau déposé le 6 mai précédent mais qu'il n'en avait pas obtenu d'accusé de réception, de sorte qu'il les déposait à nouveau.

La consultation des messages entrants au RPVA confirme que seul un bordereau de communication de pièces a été déposé au greffe par le conseil de l'association Kamélyon et de M. [G] le 6 mai 2020, qui n'était pas accompagné de conclusions.

Les conclusions déposées par le conseil de l'association Kamélyon et de M. [G] postérieurement à l'ordonnance de clôture étant irrecevables, la cour ne prendra en compte que les conclusions déposées au greffe le 6 avril 2020.

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

I. Sur la procédure :

1- sur la demande de l'association Kamélyon et de M. [G] tendant à l'irrecevabilité des demandes formées par l'association Et Compagnie et la demande de nullité de l'assignation délivrée le 22 décembre 2016 et ses actes subséquents dont le constat d'huissier :

L'association Et Compagnie et M. [A] font essentiellement valoir que :

- il n'existe qu'une seule association Et Compagnie, régulièrement déclarée en 2003, les modifications ultérieures ayant également été déclarées en préfecture,

- une attestation délivrée par la préfecture de région en atteste,

- le 21 décembre 2016, date de l'assignation, l'association était représentée par Mme [V] sa présidente, régulièrement élue lors de l'assemblée générale mixte du 15 octobre 2015, ce changement ayant été déclaré en préfecture,

- l'association Kamélyon et M. [G] qui sont des tiers à l'association Et Compagnie, ne peuvent se prévaloir des statuts de celle-ci pour critiquer la régularité de la désignation de sa présidente en vue de contester le pouvoir d'agir de Mme [V],

- le jugement doit être infirmé en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable.

L'association Kamélyon et M. [G] répondent que :

- Mme [V] a été désignée après la démission de l'ensemble du bureau, y compris le président dont le nom, qui pourrait être celui de M. [L],est ignoré,

- faute de production de la feuille d'émargement de l'assemblée générale du 15 octobre 2015, il est impossible de vérifier si le quorum était atteint et si les membres présents ne détenaient pas plus d'un seul mandat comme l'exige l'article 15 des statuts,

- ils excipent de la nullité des décisions prises par cette assemblée par voie d'exception et affirment qu'à la date de l'assignation, Mme [V] ne disposait d'aucun pouvoir de représentation,

- les premiers juges ont relevé la nullité de l'assignation à la lecture d'un procès verbal d'assemblée du 22 décembre 2015 qui n'est pas produit en appel,

- l'absence de production du procès-verbal d'assemblée de 2014 ajoute une zone d'ombre supplémentaire sur la capacité d'agir de l'association et le pouvoir de représentation de sa présidente,

- la jurisprudence admet qu'un tiers puisse se prévaloir des limitations de pouvoir d'un dirigeant social à agir en justice, en invoquant les clauses limitatives de pouvoir à soulever les irrégularités patentes tenant au non-respect des dispositions statutaires dans la tenue des assemblées générales qui ont conduit à la nomination de Mme [V],

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré nuls l'assignation et les actes subséquents.

L'association des Amis de l'Espace Gerson fait valoir que :

- seul M. [A] est apparu en qualité de représentant de l'association Et Compagnie du début du litige jusqu'à la médiation, celle-ci comprise, l'association n'ayant produit qu'après la médiation un pouvoir de Mme [V] au profit de M. [A] daté du 27 mars 2017 pour représenter l'association dans le litige et lors de la médiation et une attestation de Mme [V] datée du 27 avril 2017 donnant pouvoir à M.[A] pour défendre les intérêts de l'association ;

- M. [A] est en conflit avec l'Espace Gerson depuis l'origine et a agi à tous les stades du litige ;

- en l'absence de preuve que M. [A] avait reçu en temps utile une délégation de Mme [V] pour assigner en justice et accepter la médiation à l'audience, la nullité de l'assignation et de la procédure subséquente doit être prononcée.

Sur ce :

La cour constate que si le dispositif du jugement frappé d'appel a effectivement déclaré irrecevable la demande formée par l'association Et Compagnie, il n'a en revanche nullement prononcé la « nullité de l'assignation délivrée le 22 décembre 2016 et des actes subséquents dont le constat d'huissier » ; la demande de l'association Kamélyon et de M. [G] tendant à la confirmation de ce chef de jugement inexistant ne saurait donc prospérer.

L'association Et Compagnie produit en cause d'appel ses statuts du 1er juillet 2003 (sa pièce n°41), ses statuts du 15 octobre 2015, (pièce n°1.1), la preuve de la publication de la déclaration du 24 juillet 2003 de sa création au Journal Officiel du 23 août 2003 (n°43), et le procès-verbal de l'assemblée générale du 15 octobre 2015 lors de laquelle Mme [V] a été élue à sa présidence (n° 53).

Une attestation délivrée le 12 juillet 2018 par le préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes (n° 52) justifie que les modifications intervenues ont été déclarées, et notamment le changement de dirigeants de novembre 2015 (en réalité octobre, novembre étant le mois de la déclaration, effectuée le 12 novembre n° 54). Il est ainsi démontré qu'il n'existe qu'une seule association Et Compagnie et qu'à la date de l'assignation, M. [A] n'en était pas le président.

Il est constant que si un tiers peut se prévaloir des statuts d'une personne morale pour justifier du défaut de pouvoir d'une personne à figurer dans un litige comme représentant de celle-ci, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la nomination de ce représentant pour contester sa qualité à agir en justice (cass civ. 2ème, 13 juillet 2000, 98-15648). Les développements de l'association Kamélyon et de M. [G] sur les irrégularités potentielles de l'assemblée générale du 15 octobre 2015 sont en conséquence sans emport.

Les articles 16 et 15 des statuts respectifs susvisés de l'association Et Compagnie prévoient que le président représente l'association en justice et dans tous les actes de la vie civile. En l'absence, dans les statuts d'une association, de stipulations réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice, celle-ci est régulièrement engagée par la personne tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association.

En conséquence, à la date de l'assignation qui a été délivrée à la demande de l'association Et Compagnie prise en la personne de son représentant légal, Mme [V], désignée en qualité de présidente par l'assemblée générale du 15 octobre 2015, qui représentait alors valablement l'association en application de l'article 15 de ses statuts, a pu valablement décider de former une action en justice et de faire délivrer l'assignation du 22 décembre 2016, laquelle ne souffre donc d'aucune irrégularité de ce chef.

La demande de l'association sera donc déclarée recevable, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges dont la décision sera réformée sur ce point, la cour constatant à ce titre que si dans les motifs de son jugement le tribunal a retenu la nullité de l'assignation et des actes subséquents, sans évoquer l'irrecevabilité des demandes de cette dernière, il n'a cependant prononcé aucune nullité à ce titre aux termes de son dispositif qui a seulement déclaré irrecevable la demande formée par l'association Et compagnie.

2- Sur la demande de l'association Et compagnie et de M. [A] tendant à voir déclarer nuls l'ensemble des actes de procédure accomplis par l'association Kamélyon et irrecevables les demandes formées par cette dernière contre M. [A] :

L'association Et Compagnie et M. [A] soulèvent la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à M. [A] le 12 mai 2017 et des actes subséquents au motif qu'aux termes de l'article 10 des statuts de l'association Kamélyon, 'le conseil d'administration est chargé, par délégation de l'assemblée générale, de la décision d'ester en justice. Chaque décision doit être accompagnée de la décision précise des pouvoirs du président, seul représentant en justice de l'association, ainsi que du choix des conseils juridiques assistant éventuellement l'association'.

Ils font valoir qu'il n'est pas prouvé que M. [R], alors président de l'association Kamélyon, ait été dûment habilité par le conseil d'administration à faire délivrer l'assignation litigieuse, le seul document produit sur ce point étant le compte rendu du conseil d'administration du 21 janvier 2019 (p.25), date postérieure à la délivrance de l'assignation du 12 mai 2017, alors que l'association avait changé de président. Ils ajoutent qu'il en est de même de la déclaration d'appel du 31 juillet 2018. Ils demandent à la cour de déclarer nuls l'ensemble des actes de procédure accomplis par l'association Kamélyon et à tout le moins irrecevables les demandes qu'elle a formées à leur encontre.

L'association Kamélyon répond qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en appel en application de l'article 564 du code de procédure civile, que cet appel en cause n'est que l'exercice d'un droit de défense et non d'une action principale, que le moyen tiré de la nullité de l'assignation n'a pas été soulevé devant les premiers juges ni même en appel devant le conseiller de la mise en état seul compétent pour en connaître. Elle ajoute avoir relevé appel du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée contre M. [A] en ce qu'elle n'était que la conséquence de l'assignation délivrée par l'association Et Cie, que l'association Et Compagnie et M. [A] n'ont pas repris ces dispositions dans leur appel principal et que dès lors, la régularité de l'appel qu'elle a formé n'ayant pas été remise en cause devant le conseiller de la mise en état, la cour ne pourra que constater que la cause de la nullité a disparu.

Sur ce :

Devant les premiers juges a été soulevée la caducité de l'assignation délivrée à M. [A] au motif qu'elle n'avait pas été remise au greffe avant la date de l'audience. Il était ainsi sollicité

la sanction du défaut de diligence de l'association Kamélyon qui saisissait la juridiction. Devant la cour, M. [A] sollicite l'annulation de cet acte afin que soit sanctionnée son irrégularité, l'association Et Compagnie et M. [A] réclamant en outre l'annulation de la déclaration d'appel formée par le président de l'association Kamélyon qui n'avait pas été habilité par le conseil d'administration à interjeter appel du jugement rendu.

La fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile relevant des seuls pouvoirs de la cour d'appel et non du conseiller chargé de la mise en état (avis Cour de cassation 11 octobre 2022 n° 22-70010) auquel elle n'a d'ailleurs pas été soumise, il revient en l'espèce à la cour de statuer en la matière.

Les demandes en caducité et en nullité visent toutes deux à priver d'effet l'acte saisissant la juridiction. Bien qu'ayant un fondement juridique différent, elles tendent toutes deux à la même fin, de sorte que la demande en nullité de l'assignation formée en appel sera déclarée recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile.

L'article 10 des statuts modifiés au 27 décembre 2015 de l'association Kamélyon prévoit que par délégation de l'assemblée générale, le conseil d'administration est chargé de : (...) la décision d'ester en justice. Chaque décision doit être accompagnée de la décision précise des pouvoirs du président, seul représentant en justice de l'association, ainsi que du choix des conseils juridiques assistants (sic) éventuellement.

Les pièces produites par l'association Kamélyon ne démontrent pas, en contravention avec les dispositions susvisées, qu'au jour de la délivrance de l'assignation du 28 avril 2017, le président de l'association Kamélyon avait été habilité par le conseil d'administration à faire citer en justice M. [A], par voie d'intervention forcée ; il n'est pas non plus établi que le conseil d'administration ait autorisé le président en place, à interjeter appel du jugement rendu le 19 juin 2018, aux termes d'une déclaration du 1er août 2018.

Toutefois, la nullité de l'assignation en intervention forcée n'ayant pas été soulevée dans le cadre de la procédure devant le tribunal de grande instance par M. [A], seule partie concernée, qui n'en a pas saisi le juge de la mise en état, exclusivement compétent, cette demande doit être déclarée irrecevable.

S'agissant de la demande en nullité de la déclaration d'appel, la cour relève que l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté cette demande, confirmée sur déféré par la cour le 2 juillet 2019, a acquis autorité de la chose jugée et que la demande en nullité de la déclaration d'appel présentée de nouveau devant la cour ne peut qu'être déclarée irrecevable.

II. Au fond

L'association Et Compagnie demandant à la cour d'évoquer le fond du litige, et les autres parties ayant conclu au fond, il convient donc de statuer.

L'association Et Compagnie et M. [A] soutiennent que les faits de concurrence déloyale commis à l'encontre de l'association sont le dénigrement, la désorganisation, la confusion et le parasitisme, et que leur action n'exige pas une concurrence directe ou effective entre deux personnes morales mais seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice.

Ils reprochent à l'association Kamélyon et à M. [G] d'avoir dénigré et désorganisé l'association Et Compagnie, d'avoir créé une confusion entre les deux associations et de s'être approprié le travail, le savoir-faire, les investissements et la notoriété de l'association Et Compagnie avec la complicité de l'association Espace Gerson et grâce à M. [G].

L'association Kamélyon et M. [G] répondent que :

- la demande d'interdiction du spectacle des 15 et 16 février 2017 est aujourd'hui sans objet,

- la recevabilité de l'action entre associations à but non lucratif n'ayant qu'une activité économique accessoire n'est pas certaine,

- l'association Et Compagnie qui a pour objet principal le spectacle vivant n'est pas titulaire d'une licence d'entrepreneur de spectacles pourtant obligatoire dès lors que le nombre de représentations excède 6 par an, ce qui explique qu'elle ait collaboré avec l'association Espace Gerson,

- l'association Et Compagnie ne peut revendiquer le droit d'être protégée par l'action en concurrence déloyale puisqu'il n'existe pas de droit spécifique ou d'objet à protéger,

- l'association Kamélyon a été mandatée par l'association Espace Gerson pour organiser le spectacle, elle n'était qu'un exécutant prestataire de services et M. [G], intermittent du spectacle ne peut être actionné pour concurrence déloyale, d'autant qu'il n'existe de sa part aucune faute personnelle détachable de celles prétendument commises par l'association Kamélyon.

Ils concluent au rejet des demandes adverses et à titre subsidiaire font valoir qu'aucun fait fautif avéré constitutif de concurrence déloyale n'est établi, que le préjudice allégué n'est pas démontré et que le lien de causalité est inexistant.

L'association Espace Gerson fait observer que le dénigrement invoqué ne concerne que M. [G] et qu'elle n'est pas mise en cause, conteste que la rupture des relations contractuelles ait été brutale, et indique que l'exécution du dernier contrat de coproduction en 2016 nécessitait entre les deux parties une coopération qui a été rendue impossible par l'attitude de M. [A] à l'égard des membres de l'Espace Gerson.

Elle conteste toute confusion dans l'esprit du public et tout parasitisme, faisant valoir qu'en sa qualité d'organisateur et de diffusion de spectacles, elle ne concurrence pas l'association Et Compagnie qui crée ces spectacles.

Elle conteste l'évaluation par l'association Et Compagnie du préjudice qu'elle invoque et à l'instar de l'association Kamélyon affirme que la véritable intention de cette association et de M. [A] son animateur qu'elle qualifie de vindicatif et rancunier est de tenter de lui porter préjudice.

Sur ce :

Aux termes de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

La concurrence déloyale et le parasitisme ne sont pas cantonnés aux opérations commerciales mais concernent tous les opérateurs économiques ; pour financer leur action et les manifestations qu'elles organisent, les associations à but non lucratif ont besoin de fonds qu'elles trouvent auprès de leurs membres et du public. Quand bien même elles ne peuvent se prévaloir d'un droit privatif, elles acquièrent un savoir-faire et une notoriété qu'elle doivent pouvoir protéger d'une imitation susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du public par des actions judiciaires appropriées, à charge pour elles de rapporter la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité (com 12 mai 2021, 19-17942, 16 février 2022, 20-13542).

- sur le dénigrement

Afin de démontrer que M. [G] a, par paroles, par écrit ou par son comportement cherché à jeter le discrédit sur l'association Et Compagnie et sur M. [A], ceux-ci produisent :

- un courriel de M. [G] en réponse à celui en provenance de la boîte mail de M. [A] du 25 novembre 2015, lui reprochant ses discours défaitistes et destructeurs à l'égard de l'association Et Compagnie et d'être à l'origine du départ d'élèves vers l'association Kamélyon. Dans sa réponse, M. [G] évoque sa difficulté à s'entendre avec M. [A] et avec '[S]' et confirme qu'en septembre 2015, déçus de ne plus travailler avec lui au sein de l'association Et Compagnie, des élèves l'ont contacté, qu'afin 'de ne pas créer de polémique', il a refusé de les accueillir tous au sein de l'association Kamélyon et que trois des 15 élèves l'ont rejoint dans cette association.

- une attestation de M. [Y] qui a suivi des cours d'improvisation dispensés par l'association Et Compagnie en 2014-2015 et indique ne pas s'être réinscrit l'année suivante car le mode d'enseignement de certains intervenants dont M. [A] ne correspondait pas à ses attentes, qu'il en était de même des 11 autres élèves du groupe, et qu'il a intégré l'école [9] en 2015 avec deux camarades,

- les attestations de Mme [C] et de M. [W], comédiens canadiens qui disent avoir été contactés par M. [G], celui-ci cherchant à connaître l'issue d'une procédure pénale initiée au Québec contre M. [A] en raison de son comportement à l'égard d'une femme, M. [G] ayant évoqué le procès opposant les deux associations dans ses échanges avec Mme [C].

Il ne peut être déduit des échanges de courriels de la fin de l'année 2015 entre M. [A] et M. [G] et du témoignage de M. [Y] que c'est à la suite d'une action de discrédit de M. [G] que l'intégralité d'un groupe de douze élèves déçus notamment par l'enseignement de M. [A] a décidé de ne pas se réinscrire auprès de l'association Et Compagnie en septembre 2015 et que dix d'entre eux ont envisagé de rejoindre l'association Kamélyon.

Les échanges de courriels traduisent la mauvaise entente entre M. [G] et M. [A], mais ne démontrent nullement le dénigrement invoqué, aucun fait objectif ou assertion de M. [G] auxquels auraient assisté les élèves n'étant rapporté ni même allégué. Il ne peut donc être dans ces conditions imputé à faute à M. [G] le départ du groupe complet de l'association Et Compagnie.

De même, aucun témoignage n'est produit qui rapporte les termes employés par M. [G] dans le cadre des « discours défaitistes et destructeurs » évoqués dans cet échange de courriers, aucun terme, aucune attitude qui auraient été employés et qui auraient eu un sens péjoratif ou critique n'étant cité.

Au surplus, le courriel posté de l'adresse de M. [A] indique qu'il a été rédigé par deux membres de l'association Et Compagnie dont les noms ne sont pas précisés dans le mail, ceux-ci n'ayant pas attesté pour confirmer voire préciser leurs dires.

Par ailleurs, l'on ne peut déduire de l'attestation de Mme [C] et de l'échange WhatsApp qui y est annexé que M. [G] comptait comme l'affirment l'association Et Compagnie et M. [A], utiliser dans le cadre du présent litige les informations qu'il cherchait à obtenir, quand bien même M. [G] aurait indiqué que M. [A] avait commis en France des faits identiques à ceux qui lui avaient été reprochés au Canada. La simple demande de renseignements au sujet d'une procédure judiciaire dont l'existence n'est pas contestée par l'association Et Compagnie traduit la curiosité de M. [G] mais ne saurait à elle seule constituer un dénigrement de l'association ou de son président M. [A].

Enfin, il ne ressort pas de la pièce n°21-1 qui correspond au courriel cité ci-dessus de deux membres de l'association Et Compagnie et adressé de la boîte mail de M. [A] à M. [G] le 25 novembre 2015 ainsi qu'à la réponse de ce dernier du 1er décembre 2015 dont se prévaut l'association Et Compagnie à l'appui de ses affirmations que M. [G] l'ait dénigrée auprès de l'Espace Gerson et de son président M. [P], cette association et son président n'étant pas évoqués dans cet échange.

Le dénigrement allégué n'est donc pas démontré.

- sur la désorganisation :

L'association Et Compagnie reproche à l'association Espace Gerson de l'avoir désorganisée en mettant un terme à leurs relations contractuelles le 15 juin 2016 alors qu'elle produisait le spectacle 'Mondial d'Impro' chaque année en février et que les billets du '11ème Mondial d'Impro ' de l'association concurrente Kamélyon prévu les 14 et 15 février 2017 ont été mis en vente dès le 20 juin suivant. Elle en déduit que lorsqu'elle a envoyé le courriel du 15 juin 2016, l'association Espace Gerson avait déjà réservé la salle de la Bourse du Travail de [Localité 10] au bénéfice de l'association Kamélyon, vraisemblablement depuis février 2016, et ce dans le but de prendre sa place. Elle affirme qu'en juin 2016, la Bourse du Travail ne pouvait lui proposer aucune date en février 2017 et qu'elle ne pourrait plus organiser son spectacle dans les mêmes conditions que les années précédentes, de sorte que les associations Espace Gerson et Kamélyon pouvaient aisément l'évincer en récupérant ses spectateurs.

Elle reproche aux deux associations adverses d'avoir capté l'ensemble des prestataires techniques avec lesquels elle travaillait sur le spectacle « Mondial d'Impro » mais si elle produit les bulletins de paie de M. [N] et les contrats qu'elle a conclus avec l'école Léonard de Vinci, elle ne démontre pas que ceux-ci aient ensuite travaillé avec l'association Kamélyon. En revanche, elle démontre que l'association Kamélyon et l'Espace Gerson ont eu recours pour leur communication dans le cadre du 11e Mondial d'Impro à Mme [F] qui s'occupait précédemment de sa propre communication dans ce même cadre.

L'association Espace Gerson affirme sans le démontrer qu'elle avait annoncé oralement la rupture des relations contractuelles dès le mois de mars 2016 à l'association Et Compagnie.

Elle dit également que la rupture est imputable au comportement inadapté de M. [A] qui confondait ses intérêts personnels avec ceux de l'association Et Compagnie et qui entretenait des rapports compliqués avec le personnel féminin. Elle produit le témoignage de Mme [M] qui indique avoir subi des propos déplacés voire insultants de M. [A], et avoir demandé à M. [P] d'avoir le moins de relations possibles avec M. [A]. Elle se prévaut du témoignage de Mme [H] qui relate avoir été insultée par M. [A] qui a tenu 'des propos sexistes à son encontre, frisant le harcèlement', et de celui de M. [Z], directeur de l'espace Gerson de 1987 à 2009, qui fait état des relations conflictuelles, véhémentes et frôlant l'incorrection qu'il a eues avec M. [A] 'alors simple improvisateur à Et Compagnie' pendant cette période. Le témoignage de M. [Z] porte sur des faits trop anciens pour justifier la décision communiquée le 15 juin 2016 et les témoignages de Mesdames [M] et [H], peu circonstanciés dans la mesure où ils ne relatent pas les propos précis que M. [A] aurait tenus et ne décrivent pas les attitudes qu'elle lui reprochent, sont insuffisants pour justifier la rupture des relations entre les deux associations sans mise en demeure préalable compte tenu de l'ancienneté du travail commun entre l'association Et Compagnie et l'Espace Gerson qui est confirmée depuis au plus tard 2009 par le témoignage de M. [Z].

Quoi qu'il en soit, l'association Et Compagnie ne démontre nullement qu'elle aurait subi une désorganisation interne à la suite de cette rupture ; elle ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée d'organiser son spectacle en février 2017, ne serait-ce qu'en justifiant qu'en juin 2016 toutes les soirées de la bourse du travail pour le mois de février 2017 étaient déjà retenues, ou qu'aucun prestataire ne pouvait succéder à l'association Espace Gerson pour organiser un tel événement au cours du premier trimestre 2017, la seule intervention de son ancienne chargée de communication auprès des associations adverses dans le cadre de l'organisation de ce spectacle ne suffisant pas à prouver la désorganisation alléguée et aucune preuve de la moindre recherche ou demande effectuée en vue d'organiser son 'Mondial d'Impro' comme elle le faisait les années précédentes n'étant justifiée.

Enfin, l'association Et Compagnie soutient qu'après avoir été évincée de l'Espace Gerson, elle a poursuivi ses activités dans une autre salle, l'Improvidence, qui ne pouvait accueillir que 70 spectateurs au plus alors que l'Espace Gerson a une capacité de 120 places, ce qui a réduit les recettes de ses spectacles hebdomadaires, mais ne rapporte pas la preuve qu'elle accueillait couramment plus de 70 spectateurs lorsque ses spectacles avaient lieu à l'Espace Gerson.

- sur la confusion

L'association Et Compagnie reproche aux associations adverses d'avoir repris sur leur affiche dédiée au spectacle que l'association Kamélyon a donné à la Bourse du Travail en février 2017 tous les éléments qui identifiaient Et Compagnie aux yeux du public, mais aussi d'avoir imité ses spectacles hebdomadaires 'les mardis de l'impro' qu'elle donnait à l'Espace Gerson.

Elle produit l'affiche initialement imprimée pour le Mondial d'Impro 2017, dont la ressemblance avec celle qu'elle a utilisée en 2016 est frappante et ressort des éléments suivants :

- fond bleu sous l'intitulé de la manifestation

- alliance du bleu et du noir

- typographies et présentation parfaitement identiques pour le nom du spectacle utilisant des majuscules sauf pour le i de chacun des mots dont le point apparaît, la date, avec la même taille et les mêmes caractères, la même structuration horizontale mais avec l'année présentée verticalement, l'heure et le lieu du spectacle présentés sous la date de manière parfaitement identique à l'affiche de 2016.

- la numérotation du spectacle, 10è pour l'affiche initiale, 11e pour celle de l'association Kamélyon, apparaît dans les mêmes caractères avec la même apparence,

- sous le titre du spectacle figure la mention dans les mêmes caractères typographiques 'le show de tous les défis pour des comédiens sans limite !' parfaitement identique à celle qu'elle utilisait, la seule différence résidant dans la couleur, noire sur l'affiche de 2016 et blanche sur celle de 2017.

- la seule différence notable entre les deux affiches réside dans la présence sur l'affiche de 2016 de huit personnages et du logo de l'association Et Compagnie qui occupent une partie importante de l'affiche mais en constituent le fond et non les éléments sur lesquels s'arrête l'oeil de celui qui la regarde sans en modifier l'aspect général.

Bien qu'elles contestent l'originalité du spectacle qui ne présenterait selon elles aucune particularité dans la mesure où l'association Et Compagnie n'était pas la seule à exercer cette activité théâtrale d'improvisation, les associations Kamélyon et Espace Gerson ont pourtant parfaitement admis cette ressemblance dans la mesure où, après avoir reçu une mise en demeure de l'association Et Compagnie le 27 juillet 2016, l'association Espace Gerson a modifié l'affiche en faisant disparaître la numérotation du spectacle, en le rebaptisant 'coupe du monde d'impro', en remplaçant la mention 'le show de tous les défis pour des comédiens sans limite !' par 'des comédiens imprévisibles pour un show hors du commun' et en changeant la présentation de la date, le mois de février apparaissant en majuscules et non plus en minuscules et l'année passant de la position verticale à la position horizontale. La typographie de l'heure et du nom de la salle a également été revue. M. [P], président de l'association Espace Gerson, a informé de ces modifications de l'affiche la présidente de l'association Et Compagnie par courrier du 18 octobre 2016.

Malgré ces changements, la référence à un événement mondial dans la même activité, organisé au même endroit et au même moment de l'année que les deux précédentes éditions de l'association Et Cie, la répartition des informations sur l'affiche, le fond bleu et la mention de l'Espace Gerson parmi les organisateurs constituent autant d'éléments susceptibles de créer une confusion entre l'association Et Compagnie et l'association Kamélyon dans l'esprit du public normalement informé.

En ce qui concerne les spectacles, des similitudes ou rapprochements sont également

constatés :

- l'organisation par l'association Kamélyon d'un spectacle d'improvisation intitulé 'range ta chambre' et dédié à un jeune public autour d'un jouet ou d'un doudou que doivent apporter les enfants ou leurs parents et qui prend vie alors que l'association Et Compagnie organisait un spectacle sur le thème strictement identique, intitulé 'bouge ton bazar', les deux spectacles étant donnés à l'Espace Gerson,

- l'organisation par l'association Kamélyon d'un spectacle autour de n'importe quel objet apporté par le public et l'intitulé '[E] à Brac' ressemblant très fortement au spectacle 'bazar' précédemment créé sur le même thème par l'association Et Cie, et également présenté à l'Espace Gerson le mardi, comme le spectacle initial.

S'il est incontestable que d'autres compagnies théâtrales spécialisées dans l'improvisation organisent également des rendez-vous hebdomadaires d'improvisation, le thème, le titre et la salle choisis par l'association Kamélyon pour présenter chacun des deux spectacles cités ci-dessus ne laissent aucun doute sur la confusion susceptible d'en découler dans l'esprit du public entre l'activité de l'association Et Compagnie et celle de l'association Kamélyon.

Il résulte de tous ces éléments pris dans leur globalité qu'ils sont de nature à créer une ressemblance et donc un risque de confusion entre les associations Et Compagnie et Kamélyon et, partant, caractérisent une concurrence déloyale.

La cour considère par ailleurs qu'en adoptant les codes, les dates et les lieux précédemment utilisés par l'association Et Compagnie pour produire des événements similaires, c'est-à-dire en procédant par imitation, les associations Kamélyon et Espace Gerson se sont placées dans son sillage, prenant sa place en profitant de ses efforts, de son savoir-faire, de son travail, de sa notoriété et de ses investissements, situation caractérisant en outre une concurrence parasitaire.

- sur le préjudice

Il est constant qu'il s'infère nécessairement d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme un trouble dans l'activité exercée qui est constitutif d'un préjudice, fût-il seulement moral (Civ 1ère, 10 avril 2019, 18-13612, Com. 15 janvier 2020, 17-27778, Com 12 mai 2021, 19-17942).

L'association Et Compagnie déplore :

- la perte de chance d'organiser la 11ème édition du Mondial d'Impro et d'en percevoir les fruits : elle réclame l'équivalent du bénéfice net réalisé à cette occasion soit 24'500 euros sur la base d'une salle pleine pour les deux représentations et d'un billet compris entre 19 et 22 euros,

- la perte de chance de bénéficier des retombées positives de cet événement et rappelle que son chiffre d'affaires est passé de 74'266 euros en 2016 à 28'515 euros en 2017 et 44'732 euros en 2018,

- l'appropriation par l'association Kamélyon avec la complicité de M. [G] et surtout de l'association Espace Gerson d'un public qu'elle avait fidélisé depuis plus de 10 ans et en veut pour preuve l'augmentation des produits d'exploitation de l'Espace Gerson de 20 % entre décembre 2016 et décembre 2017 et l'augmentation de 512 % de son résultat pendant la même période alors que ses propres résultats ont respectivement baissé de 15 % et de 91 % ; elle ajoute qu'entre le 31 juillet 2016 et le 31 juillet 2017, les produits d'exploitation de l'association Kamélyon, qui n' a été fondée qu'en 2013, ont augmenté de 42 % entre 2016 et 2017, son chiffre d'affaires ayant été multiplié par huit entre juillet 2014 et juillet 2017;

- évoquant un préjudice de désorganisation et un préjudice moral qu'elle n'évalue pas, elle réclame la somme totale de 110'000 euros en réparation de son préjudice global.

L'association Kamélyon et M. [G] répondent que les chiffres avancés par l'association Et Compagnie pour l'année 2017 sont fantaisistes et invérifiables. Ils indiquent que l'association Et Compagnie prétend que le spectacle Mondial d'Impro lui avait laissé un bénéfice de 8 300 euros en 2016, alors qu'il fut en réalité de 12'230,98 euros à partager à égalité entre les deux coproducteurs.

Ils font observer que ses calculs pour les spectacles hebdomadaires sont établis sur la base d'un billet d'entrée à 16 euros alors qu'il existe des billets à 12,10 et 6 euros et que l'attestation comptable qu'elle verse aux débats n'est pas suffisamment détaillée, son compte de résultat ne permettant pas une comparaison sérieuse entre les résultats 2016 et les résultats 2017. Ils affirment que les spectacles rapportent peu comme le prouvent les recettes de 9 501 euros rapportées au chiffre d'affaires de 123'854 euros et que ces éléments confirment l'intention de leurs adversaires d'obtenir l'allocation de sommes suffisamment exorbitantes pour faire disparaître l'association Kamélyon du paysage scénique. Ils ajoutent qu'aucun lien de causalité n'est établi comme le prouve l'organisation par chacune des deux associations rivales de leurs spectacles respectifs en 2018, à la Bourse du Travail pour l'association Et Compagnie.

L'association des Amis de l'Espace Gerson fait siennes toutes les remarques de l'association Kamélyon et de M. [G], sur le bénéfice du spectacle Mondial d'Impro en 2016, le produit des spectacles des mardis de l'impro, le prix des billets, le préjudice global évalué à 86'300 euros dans de précédentes écritures alors qu'une somme de 110'000 euros est réclamée, et l'intention véritable de l'adversaire de lui porter préjudice.

Sur ce :

Les associations Et Compagnie et Kamélyon produisent chacune un tableau récapitulatif des frais et des recettes du spectacle Mondial d'Impro de 2016 qu'elles ont élaboré et sur la base desquels elles chiffrent respectivement à 16'601,68 et 12'930,98 euros les bénéfices réalisés, aucun document certifié par un comptable et permettant de déterminer le bénéfice exact réalisé n'étant versé aux débats.

Les comptes de l'association Espace Gerson, les bilans de l'association Et Compagnie et ceux de l'association Kamélyon, s'ils confirment les évolutions positives ou négatives des finances de ces structures telles qu'avancées par l'association Et Compagnie, ne permettent pas de déterminer avec précision les conséquences économiques qui sont résultées pour chacune d'elles des faits constitutifs de concurrence déloyale et de parasitisme caractérisés ci-avant, les associations n'organisant pas seulement un spectacle annuel et deux spectacles hebdomadaires.

L'association Et Compagnie a établi un tableau récapitulatif des frais qu'elle a engagés lors du Mondial de l'Impro 2016, peu clair et qui s'achève par des calculs manuscrits (pièce n° 32) dont il ressort que le coût des affiches et des flyers ainsi que celui de leur distribution, celui de la publicité dans la presse et sur Facebook atteint une somme totale de 421,93 euros. Cette publicité génératrice de notoriété a bénéficié à l'association Kamélyon en 2017 et son coût sera pris en considération dans l'évaluation du préjudice sur ce point. Elle justifie également que le spectacle de 2017 organisé dans le sillage de ses deux spectacles de 2015 et 2016 a fait salle comble.

Pour caractériser son préjudice moral, l'association Et Compagnie cite à nouveau les témoignages de Mme [C] et de M. [W] dont il ne ressort pas que les demandes de renseignements de M. [G] aient eu la moindre publicité dépréciative pour elle. Elle produit également des commentaires désobligeants postés sur le compte Facebook de l'association Et Compagnie par M. [U] [D] dont elle affirme qu'il est un membre de l'association Kamélyon, sans en rapporter la preuve.

Ces pièces ne peuvent justifier d'un préjudice moral particulier.

En revanche, la concurrence déloyale et le parasitisme relevés ci-avant lui ont nécessairement occasionné un préjudice moral résultant notamment de la confusion entre les deux associations qui s'en est ensuivie dans l'esprit du public lors de la reprise de ses spectacles et qui mérite réparation.

Au regard des éléments chiffrés livrés par les parties évoqués ci-avant, il sera alloué à l'association Et Compagnie qui se prévaut d'une perte de chance de bénéficier des retombées positives de l'organisation du Mondial de l'Impro 2017 une somme de 10 000 euros.

Aucune faute personnelle de M. [G] n'ayant été démontrée par l'association Et Cie, seules les associations Kamélyon et Espace Gerson dont l'action commune est à l'origine de la concurrence déloyale et du parasitisme seront condamnées in solidum à indemniser l'association Et Compagnie.

- sur les autres demandes

- la demande de dommages et intérêts formée par M. [A]

M. [A] fait valoir que l'intervention forcée dont il a fait l'objet ne repose sur aucun fondement, les agissements qui lui sont reprochés étant sans incidence sur la cause principale. Il estime que sa mise en cause relève de l'abus du droit d'ester en justice et que les attaques calomnieuses dont il a été l'objet au cours de procédure au sujet de la procédure judiciaire québécoise justifient la condamnation de l'association Kamélyon et de M. [G] à lui payer 15'000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Il ressort des pièces produites que M. [A] est l'un des membres fondateurs de l'association Et Compagnie et qu'il avait au sein de celle-ci un rôle éminent, ce qui a conduit Mme [V], présidente qui a témoigné en ce sens, à lui donner délégation pour représenter l'association dans le cadre de la médiation judiciaire. Au surplus, en première instance, les documents relatifs à l'association Et Compagnie étaient parcellaires, de sorte que le tribunal a pu croire qu'il existait deux associations. Dans ces conditions, au regard du rôle joué par M. [A] qui pouvait passer dans l'esprit de personnes extérieures à l'association comme le dirigeant réel de l'association Et Compagnie, son assignation en intervention forcée ne peut être imputée avec certitude à une volonté de nuire de ses adversaires et considérée comme un abus de droit.

M. [A] invoque en outre le préjudice qui résulterait des contacts pris par M. [G] avec Mme [C] et M. [W], afin d'être renseigné sur une procédure judiciaire québécoise dont l'existence n'est pas contestée, au cours desquels il a déclaré à M. [W] que M. [A] avait eu le même comportement en France. Cependant, les faits à l'origine de l'enquête canadienne n'étant pas connus et les attestations de Mmes [M] et [H] évoquant un comportement inadapté de M. [A] à leur égard, l'affirmation de M. [G] selon laquelle M. [A] aurait commis récemment en France des faits similaires ne peut être considérée comme une accusation calomnieuse, celle-ci n'étant manifestement pas dénuée de tout fondement.

La demande de dommages et intérêts formée par M. [A] sera en conséquence rejetée.

M. [G] et l'association Kamélyon font valoir que l'association Et Compagnie réclame de nombreuses mesures dans le dispositif de ses conclusions mais n'invoque que la cessation des agissements déloyaux et la publication de la décision à intervenir sans autres développements dans le corps de ses écritures, de sorte que la cour ne pourra statuer sur les prétentions énoncées au dispositif qui ne sont pas reprises par des moyens invoqués la discussion.

La cour se reporte aux conclusions déposées au greffe le 9 octobre 2019 par l'association Et Compagnie, pages 52 et 53.

- la cessation des agissements déloyaux

Les appellations 'Mondial d'Impro' et 'Coupe du Monde d'impro' étant génériques et ne pouvant être rattachées exclusivement à l'activité de l'association Et Compagnie, l'interdiction sollicitée aurait des conséquences disproportionnées au regard du présent litige. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'interdiction de présenter des spectacles sous ces titres.

- les mesures de publication

L'association Et Compagnie fait valoir que ces publications sont indispensables au rétablissement de la vérité et constituent des mesures adéquates à la réparation de son préjudice. L'association Kamélyon répond que ces demandes sont injustifiées et excessives, et constituent une entreprise de calomnie à son égard, dévoilant les intentions malveillantes de M. [A].

La publication d'un communiqué relatif à la présente décision dans cinq journaux ou magazines choisis par l'association Et Compagnie n'est pas une mesure adaptée et proportionnée à la réparation de son préjudice, rien ne justifiant que la lecture de la presse quotidienne et de magazines entre dans les habitudes du public des spectacles d'improvisation et le litige étant désormais ancien et dépassé dans la mesure où l'association Et Compagnie a repris l'organisation de son spectacle annuel dès 2018, de sorte que la demande sur ce point, qui ne peut constituer une réparation du préjudice, sera rejetée.

La publication sous astreinte d'un communiqué en caractères de grande dimension et en bonne place sur les pages d'accueil de l'association Kamélyon et de l'association Espace Gerson apparaît, au regard de l'animosité régnant entre certains membres de ces deux structures et de l'association Et Compagnie, ne pas répondre à l'objectif d'information légitime du public et d'intérêt général relevant de la liberté d'expression mais ressortir davantage d'un esprit de vengeance, ainsi que le fait observer l'association Kamélyon. Dans ces conditions, afin d'éviter tout abus, il ne sera pas fait droit à la demande sur ce point.

L'association Et Compagnie sera en revanche autorisée à communiquer une copie de la présente décision au gestionnaire de la Bourse du Travail ainsi qu'aux seuls sites de réservation en ligne qu'elle a utilisés dans le cadre de son activité jusqu'au 31 décembre 2016, et aux directeurs des cafés-théâtres lyonnais d'improvisation, la proximité de leurs activités justifiant leur information.

- la demande au titre des frais de médiation

En application de l'article 22-2 de la loi du 8 février 1995, les frais de médiation sont répartis librement entre elles par les parties, le juge qui a ordonné la mesure pouvant prévoir une répartition différente. Il n'entre donc pas dans les pouvoirs de la cour de revenir sur la répartition déterminée lors de la médiation. La demande à ce titre ne peut qu'être rejetée.

- les demandes reconventionnelles

L'association Kamélyon et M. [G] font valoir que l'association Et Compagnie et M. [A] ont engagé une procédure abusive dans le but d'exercer des pressions et non pour faire valoir un droit auquel il aurait été porté atteinte et sollicitent leur condamnation au paiement d'une amende civile et à leur régler 10'000 euros à titre de dommages et intérêts.

L'association des Amis de l'Espace Gerson réclame pour sa part 45'000 euros au titre de l'abus de procédure et sur le fondement de procédés commerciaux jetant le discrédit sur sa probité et son professionnalisme. Elle reproche à M. [A] d'avoir indiqué sur son compte Facebook qui est suivi par de nombreux professionnels du spectacle vivant que la coupe du monde de l'impro 2017 n'avait pas été organisée par l'association Et Compagnie mais par la compagnie concurrente à l'encontre de laquelle une action en justice était en cours et d'avoir ainsi jeté le discrédit tant sur l'organisateur, l'Espace Gerson que sur le producteur, l'association Kamélyon, deux jours seulement après la représentation, et ce alors qu'elle avait accepté le principe d'une médiation judiciaire un mois plus tôt.

Toutefois, l'action engagée par l'association Et Compagnie en concurrence déloyale et en parasitisme n'étant pas restée vaine, ces demandes de dommages et intérêts ne peuvent qu'être rejetées, étant rappelé au surplus que la condamnation à une amende civile relève de la seule initiative de la juridiction.

- sur les dépens et les indemnités pour frais de défense

La décision de première instance sera infirmée en ce qui concerne les dépens et les sommes allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les associations Kamélyon et Espace Gerson, parties perdantes en appel, supporteront les dépens de première instance et d'appel, qui ne comprendront pas les frais et honoraires de constat d'un huissier non désigné à cet effet par une décision de justice (Civ 2ème 12 janvier 2017, 16-10123). Elles seront condamnées in solidum à payer à l'association Et Compagnie une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leurs demandes de ce chef étant rejetées. Il en sera de même de la demande formée par M. [A] sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 19 juin 2018 dans toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau ;

Déclare irrecevables les demandes de l'association Et Compagnie et de M. [A] tendant à voir déclarer nuls l'ensemble des actes de procédure accomplis par l'association Kamélyon Impro ;

Déclare recevables les demandes formées par l'association Et Compagnie, d'une part, et par l'association Kamélyon Impro, d'autre part ;

Evoquant au fond,

Condamne in solidum l'association Kamélyon Impro et l'association des Amis de l'Espace Gerson à payer à l'association Et Compagnie la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

Autorise l'association Et Compagnie à communiquer une copie de la présente décision au gestionnaire de la salle de la Bourse du Travail à [Localité 10] ainsi qu'aux seuls sites de réservation en ligne qu'elle a utilisés dans le cadre de son activité jusqu'au 31 décembre 2016 et aux directeurs des cafés-théâtres lyonnais d'improvisation ;

Rejette toutes les autres demandes ;

Condamne in solidum l'association Kamélyon Impro et l'association des amis de l'Espace Gerson aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à l'association Et Compagnie d'une somme de 5'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leurs demandes sur ce point et celle de M. [A] étant rejetées.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/04807
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;18.04807 ?
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