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14/12/2022 | FRANCE | N°19/06053

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 décembre 2022, 19/06053


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/06053 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR5S



[F]

C/

Société PROSEGUR SECURITE HUMAINE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Juillet 2019

RG : F16/00013







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022







APPELANT :



[T] [F]

né le 17 Juin 1956 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]
>

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Yann BARRIER, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société FIDUCIAL SECURITE HUMAINE anciennement dénomm...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/06053 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR5S

[F]

C/

Société PROSEGUR SECURITE HUMAINE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Juillet 2019

RG : F16/00013

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022

APPELANT :

[T] [F]

né le 17 Juin 1956 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Yann BARRIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société FIDUCIAL SECURITE HUMAINE anciennement dénommée société PROSEGUR SECURITE HUMAINE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Hugues PELISSIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistées pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [T] [F] a été embauché par la société PROSEGUR SECURITE HUMAINE désormais dénommée FIDUCIAL SECURITE HUMAINE, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 mars 2010 à effet du 1er avril 2010, en qualité d'agent de sécurité chef de site, filière surveillance, au coefficient 215 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité. Son ancienneté a été fixée au 21 août 2006.

Par avenant en date du 23 avril 2014, le coefficient du salarié a été porté à 255 à compter du 1er avril 2014.

Le salarié expose qu'il a été élu en qualité de représentant du personnel. La date de son élection n'est précisée par aucune des parties.

Le salarié a été placé en arrêt de travail du 29 août au 7 septembre 2014.

Le 5 mai 2015, le contrat de travail de M. [F] a été transféré à la société Securitas France à la suite de la perte par son précédent employeur du marché concernant le site auquel il était affecté.

Par requête en date du 5 janvier 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de condamner la société Prosegur Sécurité Humaine, son ancien employeur, à lui verser diverses sommes:

- à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- à titre de rappel de salaire minimum conventionnel,

- à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause,

- à titre de dommages et intérêts pour les cotisations indûment versées,

- à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

- à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive de son contrat de travail.

Par jugement du 26 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [T] [F] de toutes ses demandes,

 

- débouté la SAS PROSEGUR SECURITE HUMAINE de ses demandes,

- condamné M. [T] [F] aux entiers dépens.

M. [F] a interjeté appel de ce jugement, le 22 août 2019.

Il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement ;

statuant à nouveau,

- de condamner la Société PROSEGUR SECURITE HUMAINE à lui verser les sommes suivantes :

outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes

25 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

1 549,47 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

154,94 euros au titre des congés payés afférents,

5 952,04 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre du salaire minimum conventionnel,

595,20 euros au titre des congés payés afférents,

5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause,

5 000 euros nets de dommages et intérêts au titre des cotisations sociales indûment prélevées, remboursées partiellement et tardivement,

2 485,11 euros nets de rappel de salaire au titre des cotisations sociales indûment prélevées,

15 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;

- de condamner la société PROSEGUR SECURITE HUMAINE à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la signification de l'arrêt et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 

- de se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte ; 

- de condamner la Société PROSEGUR SECURITE HUMAINE à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; 

- de condamner la Société PROSEGUR SECURITE HUMAINE aux dépens de l'instance.

La société PROSEGUR SECURITE HUMAINE demande à la cour :

- de confirmer le jugement ;

en tout état de cause,

- de débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes ; 

- de condamner Monsieur [F] à la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.

SUR CE :

Sur le harcèlement moral

Le salarié fait valoir qu'il a été victime de harcèlement de la part de son adjoint M. [P] et de Mme [V], membres d'un syndicat concurrent du sien, sans aucune réaction de la direction, ce qui a dégradé ses conditions de travail et porté atteinte à sa dignité et à sa santé physique et psychique.

Il ajoute qu'il a alerté à plusieurs reprises sa direction, notamment le directeur d'agence de [Localité 5] sur les faits de harcèlement commis à son préjudice mais que la société n'a procédé à aucune enquête interne et que l'inertie de l'employeur démontre sa volonté de le déstabiliser.

La société fait valoir :

- que le salarié ne démontre pas la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, que la nomination de M. [P] n'a pas été imposée à celui-ci par la direction, que les menaces ne sont pas établies, que salarié ne démontre aucun acte précis qu'aurait commis M. [P] à son préjudice, qu'en réalité, c'est le salarié qui adoptait un comportement inadmissible à l'égard de ses collègues ;

- que M. [F] s'est contenté d'envoyer un seul mail à son directeur d'agence, lequel a pris le temps de lui répondre et de le recevoir en entretien à plusieurs reprises, mais qu'il n'est jamais plaint d'une quelconque situation de harcèlement moral.

****

Aux termes de l'article L1152-1du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1154-1 ancien du code du travail dispose que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l'obligation de rapporter la preuve d'éléments précis et concordants ; ce n'est qu'à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

A l'appui de sa demande, le salarié invoque les faits suivants :

1) l'isolement dont il a fait l'objet, M. [P], que l'employeur lui a imposé comme adjoint, l'ayant évincé de sa responsabilité de chef de site en prenant les décisions en ses lieu et place,

2) les menaces dont il a été victime de la part de M. [P] en 2014 alors que ce dernier avait été affecté sur un autre site,

3) la propagation de fausses informations à son sujet par M. [P] et Mme [V],

4) l'inertie de l'employeur malgré ses alertes.

1) Les deux pièces visées par M. [F] dans ses conclusions (n° 5 et n° 9), à savoir la justification de ce que la surveillance du site EDF était auparavant assurée par la société Seris Security et qu'il y était affecté en tant que chef de site et un courriel de M. [P] en date du 16 juillet 2014 qui se plaint de ce que M. [F] l'a empêché d'entrer sur son propre site sous prétexte qu'il est détaché, ne permettent pas d'établir que l'employeur a isolé le salarié et lui a imposé un adjoint, M. [P], lequel l'a évincé de ses responsabilités.

2) Les attestations et courriels versés aux débats montrent qu'un incident est survenu entre M. [F] et M. [P] ayant donné lieu au courriel ci-dessus du 16 juillet 2014 sur le site EDF à la suite de la reprise du marché par le nouvel employeur, que M. [P] 'est venu à la tour EDF sans autorisation, a hurlé et menacé M. [F] et lui a dit que c'était lui qui décidait', a dit à un chef d'équipe que M. [F] allait se faire taper sur les doigts pour lui avoir refusé l'accès à la tour FDR et, lors d'une conversation téléphonique, a déclaré à M. [Y] qu'il allait tout faire pour atteindre M. [F] dans son honneur et son travail et pour dégrader sa personne.

3) Le même courriel du 16 juillet 2014 aux termes duquel M. [P] se plaint du comportement de M. [F], lui reproche de ne pas avoir respecté la clause de confidentialité de son contrat de travail, d'intimider et de menacer les agents de la tour EDF et demande à l'employeur 'de prendre toutes les mesures (d'urgence) qui s'imposent à l'encontre de M.[F] pour faute grave et divulgation de contrat clientèle, menace sur agent avec attestation ...' et le courriel du délégué du personnel du 6 novembre 2014 dont il ressort que Mme [V] mène des actions négatives contre M. [F] : 'menaces, insultes, harcèlement' 'non seulement elle est encore sur le site mais elle a fait changer les plannings que [T] [F] avait faits avant de partir en vacances...' confirment l'existence d'un différend entre M. [F], d'une part, M. [P] et Mme [V] d'autre part, survenu à l'été 2014.

4) M. [F] montre qu'il a transféré à M. [C] (directeur de site) le courriel de M.[P] du 16 juillet 2014 et a écrit le 9 novembre 2014 à M. [B], délégué central CGT, pour signaler qu'il avait été très affecté par les incidents survenus sur la tour Cuirassiers cette année, que Mme [V] l'avait calomnié dans un rapport et que son autorité de chef de site avait été remise en cause par le directeur d'agence.

Le 6 novembre 2014, le directeur régional, M. [J], a répondu au délégué syndical, M. [H], qu'il avait eu au téléphone et par courriel M.[F] lui expliquant sa situation et les difficultés avec une salariée Proségur de son site et qu'il traitait le dossier depuis un moment avec le service ressources humaines et le directeur d'agence, avec attention.

Dans la mesure où il n'est pas prétendu que les incidents de l'été 2014 signalés en novembre 2014 se seraient reproduits, le salarié n'est pas fondé, au vu de ces éléments, à reprocher à l'employeur son inertie et l'absence d'enquête interne.

Les faits 1) et 4) allégués ne sont pas établis.

Les autres faits décrits, ainsi que l'altération de l'état de santé du salarié, lequel a fait l'objet d'un arrêt de travail du 29 août au 7 septembre 2014, le médecin traitant ayant certifié le 6 août 2014 qu'il avait constaté un syndrome anxieux qui serait lié à son travail en rapport avec une souffrance et pression au travail, même pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral de la part de l'employeur.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts de M.[F] fondée sur le harcèlement moral.

Sur la discrimination syndicale

Le salarié fait valoir à ce titre le harcèlement moral qu'il a subi et l'inertie de l'employeur dont il a été dit ci-dessus qu'ils n'étaient pas établis.

Il soutient également qu'il a été obligé de relancer son employeur à plusieurs reprises sur le versement d'un complément de salaire pendant son arrêt maladie et qu'il a été le seul salarié à qui l'employeur tentait d'appliquer sept jours de carence dans le calcul du maintien de salaire, que son coefficient a volontairement été maintenu à 215 malgré sa fonction de chef de site, que sa situation n'a été régularisée qu'en avril 2014 et que l'ensemble de ces faits laisse présumer l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre.

La société fait valoir :

- que le salarié n'a pas été déclassé mais a vu sa qualification et sa rémunération largement augmentées en 2014

- qu'en ce qui concerne le versement du complément de salaire, la situation du salarié a été régularisée

- qu'aucune différence de traitement fondée sur son appartenance syndicale n'est caractérisée.

****

En application de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle (...) en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.

L'article 2141-5 du même code énonce qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article L.1134-1 du code du travail dispose qu'en cas de survenance d'un litige au sujet d'une discrimination invoquée par un salarié, celui-ci doit seulement présenter 'des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte...', les éléments apportés par le salarié devant être examinés dans leur ensemble, et il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [F] a écrit à l'employeur le 12 novembre 2014 pour signaler qu'il y avait eu une erreur dans le calcul de ses indemnités journalières et qu'il manquait les indemnités du 1er au 4 septembre 2014.

L'employeur a répondu le jour-même qu'il demandait au service de recalculer son dossier concernant les indemnités journalières et qu'une réponse lui serait apportée le lendemain.

M. [F] reproche ensuite à l'employeur de ne pas lui avoir appliqué le même traitement qu'aux autres salariés en ce qui concerne le calcul du délai de carence, mais il n'apporte aucun élément afin d'en justifier. Ce fait n'est donc pas établi.

M. [F] reproche enfin à l'employeur de l'avoir volontairement maintenu à un coefficient 215 alors qu'il était chef de site et aurait dû être positionné au coefficient 255.

Le salarié a été embauché le 1er avril 2010 en qualité d'agent de sécurité chef de site, filière surveillance, statut agent de maîtrise, coefficient 215 et quatre ans plus tard, les parties ont signé un avenant en vertu duquel ledit coefficient a été porté à 255. Le salarié a revendiqué pour la première fois un 'rappel de salaire sur coefficient (voir mémoire) ', sans précision de période , dans sa requête introductive d'instance du 5 janvier 2016.

L'erreur de calcul concernant les indemnités journalières sur trois jours et le sous-positionnement du salarié au moment de son embauche, puis pendant quatre ans, pris dans leur ensemble, étant observé que, d'une part, la date à laquelle M. [F] a été élu en qualité de représentant du personnel est inconnue et qu'aucun élément du dossier ne permet de la déterminer, d'autre part, le salarié ne fournit pas d'éléments de comparaison avec d'autres salariés exerçant les mêmes tâches, de même qualification et de même ancienneté, ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales ou de représentation du personnel exercées par le salarié.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur la discrimination.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié fait valoir que l'accord d'entreprise du 19 décembre 2008 était illicite en ce qui concerne le calcul des heures supplémentaires, que l'avenant du 6 janvier 2010 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail lui est inopposable car l'employeur n'a pas démontré que les conditions sa validité étaient réunies, qu'en tout état de cause, il dissimule un système de décompte mensuel et non un décompte sur une moyenne hebdomadaire de 35 heures ou sur une durée annuelle de 1 607 heures, que les accords d'entreprise ne fixent ni limite haute pour le décompte des heures supplémentaires, ni conditions de prise en compte des absences, arrivées et départs en cours de période et qu'il aurait dû bénéficier à tout le moins de 1 549,47 euros supplémentaires, outre les congés payés afférents.

La société fait valoir que le salarié n'a jamais travaillé sous l'empire des accords et avenants d'entreprise dont il soutient l'illégalité, que l'avenant du 6 janvier 2010 est applicable à M. [F]  et que la période de référence de décompte des heures supplémentaires prévue dans l'avenant est bien l'année civile.

****

Le contrat de travail de M. [F] du 10 mars 2010 se réfère à l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 11 octobre 2005 et stipule que la durée mensuelle du travail est fixée à 151, 67 heures par mois.

Le salarié considère que c'est cet accord, modifié le 19 décembre 2008, qui est applicable à la relation de travail, mais que, ledit accord étant illicite, il convient de calculer les heures supplémentaires sur une semaine civile, selon le droit commun.

Toutefois, l'avenant du 6 janvier 2010 à l'accord du 11 octobre 2005, tel qu'invoqué par l'employeur, étant antérieur à la signature du contrat de travail, le salarié ne démontrant pas l'irrégularité de cet avenant et l'employeur justifiant de ce qu'il a bien été déposé à la DIRECCTE et au greffe du conseil de prud'hommes, le 9 juin 2011 et le 9 avril 2010, il s'applique au contrat de travail et est opposable au salarié.

L'avenant du 6 janvier 2010 prévoit notamment que :

article 2.1.3 durée du travail

En application des articles L 3122-2 et L3122-4 du code du travail, il est convenu que les catégories de salariés visés à l'article 2.1.1 relèvent d'une durée de travail appréciée sur l'année civile et correspondant à une durée du travail moyenne hebdomadaire de 35 heures appréciée sur cette période.

article 2.3.1.1 salariés à temps complet

En application de l'article L3122-4 du code du travail, constituent des heures supplémentaires les heures de travail accomplies sur l'année civile (1er janvier au 31 décembre) au-delà de la durée du travail moyenne hebdomadaire de 35 heures, déduction faite des heures travaillées sur la semaine au-delà de la limite haute hebdomadaire fixée à l'article 2.2.2 de l'accord et déjà décomptées comme heures supplémentaires.

Il est confirmé qu'un décompte provisoire des heures supplémentaires sera établi au mois le mois afin de permettre le paiement par anticipation des heures supplémentaires accomplies. A cet effet, seront ainsi payées en heures supplémentaires les heures de travail accomplies sur le mois au-delà de 151,67 heures, après déduction le cas échéant des heures non travaillées en-deçà de 151, 67 heures sur le ou les mois précédents. Ainsi, le solde négatif d'heures de travail, réalisées au terme d'un mois donné, pourra faire l'objet d'un report les mois suivants.

Du fait de ce paiement au mois le mois et par anticipation, des heures supplémentaires, seules seront réglées au terme de la période de référence annuelle les heures supplémentaires ou majorations des heures supplémentaires, non déjà réglées en cours d'année.

(...)

M. [F] ne démontre pas, au moyen des calculs théoriques qu'il donne en exemple dans ses conclusions, qu'en réalité, le décompte de ses heures supplémentaires ne s'effectue pas sur l'année, conformément aux dispositions de l'accord, mais sur le mois.

En effet, on ne comprend pas pourquoi le fait que l'accord ne prévoie aucune régularisation 'pour déduire des heures supplémentaires déjà perçues au cours de l'année,', si bien que l'employeur ne va pas payer au salarié les 20 heures supplémentaires qu'il aurait accomplies en moyenne sur l'année (novembre et décembre : 30 -10 = 20), car celui-ci a déjà été rémunéré des 30 heures supplémentaires qu'il a effectuées au mois de novembre 2014, dissimule un système de décompte mensuel .

En conséquence, la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, s'appuyant sur le tableau produit en pièce 20 par le salarié dont il résulte que l'employeur qui lui a versé la somme de 9 273,52 euros au titre des heures supplémentaires sur la période revendiquée aurait dû en réalité lui verser la somme de 10 822,99 euros, doit être rejetée,

Sur la demande de rappel de salaire au titre du coefficient hiérarchique réellement applicable

Le salarié fait valoir que sa demande de rappel de salaire au titre des minima conventionnels n'est pas prescrite car il a saisi le conseil de prud'hommes le 5 janvier 2016, alors qu'il disposait d'un délai pour agir jusqu'au 17 juin 2016 et, sur le fond, qu'en tant que chef de site SSIAP3, il accomplissait des prestations correspondant au coefficient 255 de l'annexe II la convention collective des entreprises de la prévention et de la sécurité.

Il demande à se voir appliquer le coefficient 255, niveau III échelon 2 depuis le 1er avril 2010 et sollicite un rappel de salaire depuis décembre 2012.

La société fait valoir que les demandes de rappel de salaire formulées par M. [F] pour la période précédant le 5 janvier 2014 sont prescrites et, subsidiairement, que ce dernier n'établit pas en quoi ses fonctions correspondraient à la classification réclamée.

****

La demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Dès lors que l'ancien délai de prescription de cinq ans était en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2013 réduisant le délai de prescription à trois ans et que la requête du 5 janvier 2016 a interrompu la prescription, les dispositions transitoires sont applicables et le salarié est recevable à réclamer les salaires exigibles à compter du 5 janvier 2011.

L'employeur ne démontre pas que le salarié, dont le coefficient a été rehaussé à 255 le 1er avril 2014 sur le même emploi que celui auquel il avait été embauché et avec la même qualification, n'exerçait pas les mêmes fonctions et tâches avant et après le 1er avril 2014 et ne remplissait pas les conditions prévues par la convention collective pour bénéficier de l'échelon 2, niveau III, coefficient 255 de la convention collective ainsi défini : agent de maîtrise assumant la responsabilité de l'encadrement de personnels exécutant des travaux de nature différente mettant en oeuvre des processus stabilisés, compte-tenu de ses fonctions de chef de site impliquant l'encadrement de personnel et de ses missions de 'SSIAP 3.'

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2012 au 31 mars 2014 telle que sollicitée et de condamner la société à payer au salarié à ce titre la somme de 4 413, 99 euros, au vu du décompte présenté en pièce 17, outre l'indemnité de congés payés afférents.

Sur les temps de pause

Le salarié fait valoir que la société ne respectait pas les temps de pause obligatoires, que ni ses plannings, ni ses bulletins de salaire ne mentionnent de temps de pause alors qu'il travaillait huit heures par jour et qu'il a subi un véritable préjudice en raison de l'accumulation de fatigue engendrée par des vacations régulières et répétitives de 8 heures sans bénéficier de la moindre pause.

L'employeur fait valoir que les plannings produits ne constituent que des prévisionnels de ses horaires et non la restitution des heures qu'il a réellement effectuées et que le salarié n'a jamais fait part de cette difficulté au cours de la relation de travail. A titre subsidiaire, il s'oppose à la demande de dommages et intérêts au motif que la salarié ne justifie ni du principe, ni du montant du préjudice réclamé.

****

La preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.

Les plannings produits ne font pas apparaître de pause et l'employeur n'apporte aucun élément de nature à justifier que le salarié était en mesure de prendre sa pause déjeuner par exemple.

Le salarié a subi un préjudice résultant de l'atteinte à son droit au repos qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1000 euros que l'employeur doit être condamné à lui payer, à titre de dommages et intérêts, le jugement qui a rejeté ce chef de demande étant infirmé.

Sur les prélèvements indûs de cotisations sociales

Le salarié fait valoir que depuis son embauche, il s'est vu retirer de son salaire des sommes au titre de la retraite de l'AGIRC jusqu'en décembre 2011, mais que pendant cette période, aucun droit n'a été ouvert pour lui, ce dont il a été informé le 13 février 2012. Il ajoute que la société ne lui a pas remboursé les cotisations indûment prélevées, sauf partiellement en mars 2015.

Il soutient qu'il a subi un préjudice de ce fait et sollicite en outre le remboursement du solde des sommes qui lui sont dûes. Il indique que sa demande n'est pas prescrite.

La société affirme que le salarié a bien fait l'objet d'une régularisation concernant les cotisations prélevées à tort et a été remboursé intégralement et 'qu'au demeurant', la demande est prescrite.

****

Comme il a été dit ci-dessus, le salarié est recevable à solliciter des rappels de salaire à compter de janvier 2011, si bien que sa demande de remboursement de l'indû n'est pas prescrite.

L'employeur critique le calcul du salarié, au motif qu'il a oublié de déduire de la créance revendiquée certaines sommes dont il devait en tout état de cause s'acquitter (rubriques 7002 et 7005).

Le salarié se contentant de renvoyer à ses bulletins de salaire de mai 2010 à décembre 2011 sans justifier en quoi les sommes qu'il reprend dans ses conclusions auraient été prélevées indûment, sa demande en paiement doit être rejetée, le bien-fondé de la créance de restitution sollicitée n'étant pas démontré.

La somme indûment prélevée, soit 576, 33 euros, a été remboursée au salarié par l'employeur en mars 2015.

Le salarié ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi, ni de la légèreté blâmable de l'employeur, lesquelles ne peuvent résulter de la seule erreur commise.

En l'absence de faute démontrée, il convient de rejeter la demande en dommages et intérêts formée à ce titre et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié invoque les manquements suivants :

- après 2010, la société a persisté à appliquer un calcul illégal des heures supplémentaires très défavorable aux salariés, ce qui lui a causé un préjudice ;

- la société n'a pas respecté le délai de sept jours pour la transmission des plannings, ce qui l'a empêché d' organiser sa vie personnelle ;

- la société n'a pas appliqué le bon coefficient hiérarchique.

La société répond que les prétendus manquements relatifs à la communication tardive des plannings sont prescrits et que le salarié n'apporte la preuve d'aucun préjudice.

****

La demande au titre des heures supplémentaires a été rejetée.

Le salarié justifie de ce que en 2011, 2012, 2013 et 2014, certains de ses plannings lui ont été transmis moins de sept jours avant la période de planification (deux, trois, quatre, cinq ou six jours).

S'agissant d'une contestation relative à l'exécution du contrat de travail, elle a bien été formée dans le délai de deux ans du dernier manquement relevé (octobre 2014), de sorte qu'elle n'est pas prescrite et que le salarié a le droit d'invoquer les manquements constatés depuis le début de la relation de travail.

Cependant, le salarié ne justifie pas de la réalité d'un préjudice en lien avec la remise tardive de certains plannings de travail (huit exemples donnés pour les années 2011 à 2014 et un seul planning remis après le début du mois considéré, en novembre 2012).

Il ne démontre pas non plus avoir subi, en raison de son sous-positionnement pendant quatre ans, un préjudice qui ne se trouve pas réparé par le rappel de salaire et les intérêts de retard alloués, la mauvaise foi de l'employeur, qui a régularisé la situation en accord avec le salarié, n'étant par ailleurs pas prouvée.

Le jugement ayant rejeté la demande en dommages et intérêts formée de ce chef doit être confirmé.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts produits par les condamnations prononcées.

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire rectifié tenant compte des dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation du prononcé d'une astreinte.

Le salarié obtenant partiellement gain de cause en son recours, la société sera condamnée aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire fondée sur la demande de repositionnement et la demande en dommages et intérêts au titre du non-respect des temps de pause,

STATUANT à nouveau sur ces chefs,

CONDAMNE la société Fiducial Sécurité Humaine venant aux droits de la société Prosegur Sécurité Humaine à payer à M. [T] [F] les sommes suivantes :

- 4 413,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2012 au 31 mars 2014,

- 441,39 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect des temps de pause,

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande en remboursement de la somme de 2 485,11 euros,

ORDONNE à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire rectifié tenant compte des dispositions du présent arrêt,

REJETTE la demande en fixation d'une astreinte,

REJETTE la demande aux fins de capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Fiducial Sécurité Humaine venant aux droits de la société Prosegur Sécurité Humaine aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Fiducial Sécurité Humaine venant aux droits de la société Prosegur Sécurité Humaine à payer à M. [T] [F] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/06053
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;19.06053 ?
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