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08/12/2022 | FRANCE | N°20/03974

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 08 décembre 2022, 20/03974


N° RG 20/03974 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NCA4









Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 30 janvier 2020



RG : 2019j00030

ch n°





S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT



C/



S.A.R.L. GARAGE JEREMY OTT ANCIENNEMENT DENOMME GARAGE YVES LEVAILLANT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 08 Décembr

e 2022





APPELANTE :



S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me Julien MARGOTTO...

N° RG 20/03974 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NCA4

Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 30 janvier 2020

RG : 2019j00030

ch n°

S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT

C/

S.A.R.L. GARAGE JEREMY OTT ANCIENNEMENT DENOMME GARAGE YVES LEVAILLANT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Décembre 2022

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Julien MARGOTTON de la SELARL PRIOU - MARGOTTON, avocat au barreau de LYON, toque : T.1287

INTIMEE :

S.A.R.L. GARAGE JEREMY OTT anciennement dénommée GARAGE YVES LEVAILLANT prise en la personne de son representant legal

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Brigitte MANEVAL-PASQUET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 08 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 10 novembre 2015, la SAS Société Commerciale de Télécommunication (ci-après la société SCT), qui exerce une activité de courtier en fourniture de services et matériels téléphoniques, a conclu deux contrats avec la SARL Garage Jérémy Ott, anciennement dénommée Garage Yves Levaillant (ci-après la société Garage Jérémy Ott), l'un portant sur une prestation de téléphonie fixe, l'autre sur une prestation de téléphonie mobile.

Par courrier recommandé du 4 août 2017, la société Garage Jérémy Ott a résilié les contrats, considérant que la société SCT avait manqué à ses obligations contractuelles.

Dans une missive en réponse du 11 août 2017, la société SCT a enregistré la résiliation des deux contrats à la date du 10 août 2017 et demandé à la société Garage Jérémy Ott de lui régler les indemnités de résiliation pour chacun des deux contrats de téléphone fixe et mobile.

Après une mise en demeure du 17 décembre 2018 restée infructueuse, la société SCT a, suivant acte du 3 janvier 2019, fait assigner la société Garage Jérémy Ott devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins que soit constatée la résiliation des contrats à ses torts exclusifs et qu'elle soit condamnée au paiement des sommes suivantes :

- 677.89 euros TTC au titre de factures de téléphonie fixe et mobile de juillet et août 2017,

- 6 615.84 euros TTC au titre des indemnités de résiliation du service fixe,

- 4 939.20 euros TTC au titre des indemnités de résiliation du service mobile.

Par jugement du 30 janvier 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- dit que les dispositions de l'article L.34-2 alinéa 2 du code des postes et communications électroniques sont applicables mais que les indemnités de résiliation n'entrent pas dans son champ d'application,

- donné acte aux parties à l'instance de ce que la société SCT renonce à l'égard de la société Garage Yves Levaillant au paiement de 677,89 euros TTC au titre des factures de téléphonie de juillet et août 2017,

- dit le surplus des demandes de la société SCT non prescrites,

- dit que la clause de résiliation anticipée telle qu'elle figure au contrat SCT n'est pas constitutive d'une clause de dédit mais d'une clause pénale susceptible d'être aménagée judiciairement,

- débouté la société SCT de sa demande de paiement de la somme de 6.615,84 euros TTC au titre des indemnités de résiliation du service fixe,

- débouté la société SCT de sa demande en paiement de la somme de 4.939,20 euros TTC au titre des indemnités de résiliation du service mobile comme n'étant pas justifiée,

- condamné la société SCT à verser à la société Garage Yves Levaillant la somme de 3.608,18 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait de la double facturation,

- débouté la société Garage Yves Levaillant de sa demande d'indemnisation au titre des frais de résiliation de son ancien opérateur d'un montant de 1.364,51 euros,

- rejeté la demande faite par Ia société Garage Yves Levaillant au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- imputé les dépens à la société SCT,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société SCT a interjeté appel par acte du 23 juillet 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2021, fondées sur l'article 9 du code de procédure civile, ainsi que sur les anciens articles 1116, 1134 et 1147 du code civil, la société SCT demande à la cour, par voie d'infirmation partielle du jugement, de :

- déclarer bien fondées ses demandes à l'encontre de la société Garage Jérémy Ott,

- constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Garage Jérémy Ott,

- débouter la société Garage Jérémy Ott de ses demandes,

- condamner la société Garage Jérémy Ott au paiement des sommes de :

- 6.615,84 euros TTC au titre de ses indemnités de résiliation du service fixe,

- 4.939,20 euros TTC au titre de ses indemnités de résiliation du service mobile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner la société Garage Jérémy Ott au paiement de la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société SCT fait valoir :

- que les dispositions de l'article L.34-2 alinéa 2 du code des postes et communications électroniques relatives à la prescription annale des sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques ne sont pas applicables à une indemnité de résiliation anticipée destinée à aménager les conditions de la rupture d'un contrat de téléphonie, ce texte spécial devant s'interpréter de manière stricte ;

- qu'en revanche, en vertu de ce même article, la demande, formulée par la société Garage Jérémy Ott, tendant au remboursement de la somme de 3.734, 18 euros au titre des factures réglées à la société LTI est prescrite, car les factures les plus récentes datent du 30 juin 2017,

- que le contrat souscrit par le Garage Jérémy Ott pour la prise en charge de ses lignes de téléphonie fixe et mobile sur une période de 63 mois est parfaitement valable,

- qu'en effet, par la signature des bulletins de souscription, le client a expressément reconnu avoir pris connaissance des conditions générales et particulières de vente et les avoir acceptées,

- que la société Garage Jérémy Ott ne démontre pas l'existence de manoeuvres dolosives de sa part, puisqu'elle se contente d'affirmer que la société SCT aurait manqué à son obligation d'information sur les conséquences financières de la rupture anticipée du contrat avec l'opérateur historique, la société Orange,

- que lors de la signature du contrat, un commercial de la société SCT s'est déplacé dans les locaux de la société Garage Jérémy Ott qui avait par conséquent tout loisir de questionner la société SCT sur les caractéristiques de l'offre de service,

- que d'ailleurs, la société Garage Jérémy Ott n'a jamais contesté la validité du contrat avant d'être actionnée en justice,

- qu'au demeurant, aucune obligation d'information relative à la durée de l'engagement restant à courir avec l'opérateur donneur ne pèse sur l'opérateur receveur en application de l'article D406-18 du code des postes et communications électroniques, et pour cause, puisque seul l'abonné peut avoir accès à ces informations confidentielles auprès de son opérateur historique, mais pas la société SCT, tiers au contrat,

- que dans le cadre du contrat, la société Garage Jérémy Ott lui a uniquement donné mandat d'effectuer les démarches nécessaires pour reprendre la gestion des lignes fixes et mobiles,

- qu'elle ne disposait d'aucun mandat spécial avant la signature du contrat et ne pouvait donc être débitrice d'une quelconque obligation d'information sur les conséquences d'une résiliation éventuelle avec l'opérateur donneur,

- que l'article 5.1.1 des conditions particulières des services de téléphonie mobile stipule d'ailleurs que "le client doit s'informer des dispositions contractuelles de l'opérateur donneur relatives à la résiliation et notamment à la durée minimale d'engagement ou aux frais de résiliation éventuels",

- que l'article 5.1.3 alinéa 2 des mêmes conditions prévoit que "le client a connaissance du fait que la demande de portage de ses lignes auprès de SCT Telecom ne rompt pas automatiquement les engagements qu'il pourrait avoir auprès d'un autre opérateur et qu'il devra le cas échéant supporter les frais et/ou indemnités de résiliation mis à sa charge par son précédent opérateur du fait d'une résiliation anticipée du contrat",

- que contrairement à ce que soutient la société Garage Jérémy Ott, les conditions générales et particulières sont parfaitement lisibles à l'oeil nu et ne souffrent d'aucune pâleur d'impression, chaque titre d'article étant mentionné en majuscules, en gras et suffisamment espacé du corps du texte,

- que ces conditions générales et particulières sont par conséquent parfaitement opposables à la société Garage Jérémy Ott,

- qu'en violation de ses obligations contractuelles, la société Garage Jérémy Ott ne s'est pourtant pas acquittée de ses factures de téléphonie fixe et mobile de juillet et août 2017 pour un montant de 677,89 euros TTC, dont elle ne sollicite toutefois plus le paiement,

- que la société Garage Jérémy Ott a demandé la résiliation imédiate des contrats par courrier du 4 août 2017, au motif que la société SCT n'aurait pas pu reprendre la ligne [XXXXXXXX03],

- qu'il ne saurait cependant lui être reproché un quelconque manquement sur ce point, dès lors que comme indiqué dans son courrier du 4 novembre 2016, elle a bien tenté de porter cette ligne renseignée sur le contrat comme une ligne Numéris, alors qu'elle est en réalité identifiée en tant que ligne analogique attachée à la ligne [XXXXXXXX02] ne faisant pas partie du contrat, de sorte que l'opérateur donneur a rejeté la demande de portabilité,

- que dès que son service technique a été informé de cette situation, elle a fait savoir à la société Garage Jérémy Ott qu'elle procèderait dans les plus brefs délais à la reprise de cette ligne [XXXXXXXX02], à la condition que l'intimée lui fasse part de son accord écrit à cette fin, ce qu'elle n'a jamais fait,

- qu'il est donc logique que la société LTI ait continué à facturer cette ligne à la société Garage Jérémy Ott,

- qu'en tout état de cause, les griefs formulés par la société Garage Jérémy Ott à son encontre ne concernent que le service de téléphonie fixe et non le service de téléphonie mobile par ailleurs souscrit,

- que ces deux services sont indépendants les uns des autres, chacun étant régi par des conditions particulières qui lui sont propres, de sorte que l'éventuelle résiliation de l'un des contrats n'a aucune conséquence sur l'autre,

- que la résilition anticipée et simultanée des deux services est en conséquence intervenue aux torts exclusifs de la société Garage Jérémy Ott,

- qu'elle est par suite fondée, en application de l'article 14.3.2 des conditions particulières du service de téléphonie fixe à réclamer l'indemnité contractuelle de résiliation dudit service, soit 6.615, 84 euros TTC, laquelle correspond à la moyenne des trois dernières factures (137,83 euros HT) multipliée par le nombre de mois restant à échoir (40),

- qu'il en est de même pour le service de téléphonie mobile, sur le fondement de l'article 6 des conditions spécifiques au forfait full illimité, l'indemnité de résiliation relative à ce service s'élevant à 4.939,20 euros TTC, à savoir le prix du forfait (98 euros HT) multiplié par le nombre de mois à échoir (42),

- que ces indemnités de résiliation ne constituent pas des clauses pénales susceptibles d'être aménagées judiciairement, mais des clauses de dédit offrant la possibilité de renoncer au contrat moyennant le paiement d'une somme d'argent dont le calcul est prévu à l'avance,

- qu'ayant fait usage de cette faculté de sortie anticipée du contrat, la société Garage Jérémy Ott doit désormais en payer le prix.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2021, fondées sur les articles L.33-1, L.34-2, L.44 et D.406-18 du code des postes et télécommunications électroniques, ainsi que sur les articles 1116 ancien, 1137 nouveau, 1146 et suivants anciens, 1231 et suivants du code civil, la société Garage Jérémy Ott, anciennement dénommée Garage Yves Levaillant, demande à la cour de :

- débouter la société SCT de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société SCT de ses demandes en paiement des indemnités de résiliation, soit 6.615,84 euros au titre de l'indemnité de résiliation du service fixe et 4.939,20 euros au titre de l'indemnité de résiliation du service mobile,

- in limine litis, du fait de la prescription,

- à titre principal, du fait que la société SCT est entièrement responsable de la rupture et du fait de la nullité pour dol des contrats,

- à titre infiniment subsidiaire, du fait que les indemnités de résiliation sont des clauses pénales dont la société SCT doit étre déboutée du fait de son absence totale de préjudice,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SCT à l'indemniser pour le préjudice subi du fait de la double facturation à hauteur de 3.608,18 euros, facturation qui engage la responsabilité contractuelle de cette société,

et faisant droit à son appel incident,

- condamner également la société SCT à l'indemniser du préjudice subi au titre des factures de résiliation, soit la somme de 1.364,51 euros qui engage également la responsabilité contractuelle de la société SCT,

- condamner la société SCT à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre liminaire, la société Garage Jérémy Ott estime que la société SCT doit être déclarée irrecevable en toutes ses demandes, car celles-ci sont prescrites en application de l'article L.34-2 du code des postes et communications électroniques qui prévoit une prescription annale pour toutes les demandes en paiement de prestations de services de communications électroniques, dont font partie les abonnements, les consommations, mais également les frais de résiliation anticipée, en ce qu'ils sont un prolongement du prix des prestations.

Sur le fond, la société Garage Jérémy Ott soutient pour l'essentiel :

- que par courrier recommandé du 19 octobre 2016, elle a mis la société SCT en demeure de se conformer à ses obligations contractuelles, en faisant le nécessaire pour transférer la 2ème ligne prévue au contrat (0477744726) et en lui remboursant les factures indûment réglées à la société LTI du fait de sa carence à reprendre l'intégralité des lignes, ainsi que les sommes payées à ses anciens opérateurs au titre des indemnités et frais de résiliation anticipée,

- que la société SCT a persisté dans ses défaillances, ce qui a justifié qu'elle résilie le contrat aux torts exclusifs de cette dernière,

- que la société SCT a en particulier reconnu son incapacité à reprendre l'une des lignes fixes mentionnées au contrat, ce qui a entraîné l'obligation de payer, en sus des factures de la société SCT, celles de son ancien opérateur, la société LTI pour la ligne non reprise,

- que dans son courrier du 4 novembre 2016 la société SCT a d'ailleurs admis avoir rencontré des problèmes techniques, tout en prétendant faussement que la ligne non reprise serait une ligne analogique, alors que la photographie du boîtier atteste qu'il s'agit bien d'une ligne numeris,

- que dans le contrat, la ligne litigieuse est qualifiée de ligne numeris en première ligne, mais également de ligne analogique obligatoire en fin de contrat, ce qui laisse penser que ce document a été mal renseigné par la société SCT qui engage dès lors sa responsabilité,

- qu'au demeurant, le nouvel opérateur ayant pris la suite de la société SCT n'a eu aucune difficulté à reprendre la ligne, comme le révèle un mail de la société SFR Business du 17 avril 2019,

- qu'en raison du non respect de cet engagement, elle a été contrainte de continuer à régler les factures de la société LTI sur la période du 31 décembre 2015 au 30 juin 2017 pour un montant de 3.608,18 euros, en sus de celles réglées à la société SCT,

- que le préjudice subi du fait de cette double facturation doit être indemnisé par la société SCT à hauteur des sommes versées à la société LTI, comme l'ont justement retenu les premiers juges,

- qu'à défaut de reconnaître la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société SCT, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur le fondement de la nullité des contrats,

- qu'il ressort ainsi des article L.44 et D.406-18 du code des postes et des communications électroniques, ainsi que de la décision n°2006-0381 du 30 mars 2006 de l'ARCEP, qu'une obligation pré-contractuelle d'information sur les conséquences financières liées à une rupture anticipée du contrat conclu avec la société Orange est mise à la charge de l'opérateur receveur en sa qualité de professionnel,

- qu'en l'occurrence, la société SCT a gravement manqué à cette obligation en s'abstenant intentionnellement de lui communiquer une information déterminante de son consentement à conclure le contrat le 10 novembre 2015,

- qu'en effet, le changement d'opérateur effectué à l'issue du démarchage effectué par la société SCT avait pour objectif unique de lui permettre de réaliser des économies,

- que les contrats encourent également la nullité pour dol en raison de l'utilisation de caractères typographiques illisibles, ce qui empêche le cocontractant d'être éclairé sur les conditions générales et particulières des contrats qui lui sont soumis et donc d'apprécier la portée de ses engagements,

- que très subsidiairement, les indemnités de résiliation sollicitées par la société SCT doivent être qualifiées de clauses pénales susceptibles de modération, puisque leur montant est équivalent à la totalité des sommes que la société SCT devait percevoir jusqu'à l'échéance des contrats,

- que ces montants apparaissent totalement disproportionnés, dans la mesure où la société SCT ne fait état d'aucun investissement ou engagement financier.

La société Garage Jérémy Ott considère enfin qu'elle est bien fondée à former appel incident pour être indemnisée du préjudice lié aux frais de résiliation auprès de ses anciens opérateurs, soit la somme totale de 1.364,51 euros (46,80 euros auprès de la société LTI et 648,73 + 668,98 euros auprès de la société Orange), lequel résulte du non respect, par la société SCT, de l'obligation d'information sur les conséquences financières de la rupture du contrat avec l'opérateur donneur.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 février 2021, les débats étant fixés au 26 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L34-2 alinéa 2 du code des postes et télécommunications, la prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa (article L33-1) lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité.

Ce texte vise, par renvoi à l'article L33-1 du même code, non seulement les opérateurs qui établissent et exploitent les réseaux ouverts au public, mais encore les personnes qui fournissent au public un service de communications électroniques.

Les prestations de la société SCT consistant à fournir un service de communications électroniques sont donc soumises au régime de prescription annale énoncé par l'article L34-2 précité.

Les dispositions relatives aux courtes prescriptions étant d'interprétation stricte, elles ne peuvent être étendues à des cas qu'elles ne visent pas expressément. Il en résulte que cette prescription ne s'applique pas à la demande en paiement d'une indemnité de résiliation qui ne peut être assimilée à une demande en paiement de prestations de communications électroniques telles que définies à l'article 32 1° et 6° du code des postes et télécommunications, étant de surcroît souligné que la société Garage Jérémy Ott considère elle-même que l'indemnité de résiliation doit être qualifiée de clause pénale.

La société Garage Jérémy Ott n'est par conséquent pas fondée à opposer la prescription annale à l'action en paiement engagée par la société SCT au titre des indemnités de résiliation, laquelle relève du délai de prescription de 5 ans, non expiré lorsque la procédure a été engagée, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré sur ce point.

Sur la résiliation des contrats

Aux termes de l'article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Il est toutefois admis qu'en cas de manquement grave d'une des parties aux obligations qui lui incombent, l'autre puisse mettre fin de façon unilatérale au contrat à ses risques et périls, à charge pour celle-ci de rapporter la preuve des fautes invoquées.

En l'espèce, la société Garage Jérémy Ott a souscrit deux contrats auprès de la société SCT le 10 novembre 2015 :

- l'un prévoyant la prise en charge de deux lignes fixes (la ligne n°[XXXXXXXX03], référencée tout à la fois comme une ligne Numéris en première ligne et comme une ligne analogique obligatoire en fin de contrat, et la ligne n°[XXXXXXXX04], mentionnée en tant que ligne analogique) avec un forfait illimité 24/7 vers les fixes et mobiles moyennant la somme de 127 euros HT par mois,

- l'autre se rapportant à la prise en charge de deux lignes mobiles (06 70 20 28 84 et 06 70 20 30 59) en forfait illimité "Full + Smartphone" moyennant la somme de 98 euros HT par mois , outre la fourniture de deux téléphones (Iphone 5 C et Iphone 6) pour le prix de 548 euros TTC.

Chacun de ces contrats renvoie à des conditions particulières spécifiques au service souscrit.

Il convient à ce stade de relever que les deux conventions portent sur des prestations différentes et sont régies par des stipulations distinctes, de sorte qu'elles sont indépendantes l'une de l'autre, l'exécution des prestations de téléphonie mobile n'étant pas subordonnée à la mise en oeuvre des prestations de téléphonie fixe.

Dans son courrier recommandé de résiliation des deux contrats aux torts exclusifs de la société SCT en date du 4 août 2017, la société Garage Jérémy Ott fait état de trois manquements contractuels :

- l'absence de transfert de la deuxième ligne fixe prévue au contrat n° [XXXXXXXX03],

- le défaut de remboursement des factures de la société LTI d'un montant de 1.853,09 euros au 31 août 2016, indûment payées du fait de la non mise en oeuvre de la portabilité de cette ligne,

- le défaut de remboursement de la somme de 1.637,41 euros correspondant aux indemnités et frais de résiliation anticipés des abonnements précédemment souscrits.

S'agissant tout d'abord de ce dernier grief, il y a lieu d'observer que la société Garage Jérémy Ott ne démontre pas que la société SCT s'était contractuellement engagée à supporter les frais et indemnités découlant de la résiliation anticipée des conventions qui liaient la société Garage Jérémy Ott aux opérateurs de ses lignes fixes et mobiles avant la signature des contrats avec la société SCT.

En effet, aucune mention concrétisant un tel engagement ne figure dans les contrats signés par la société Garage Jérémy Ott le 10 novembre 2015.

Les différents courriers et courriels de réclamation adressés par la société Garage Jérémy Ott à la société SCT entre la signature du contrat et sa résiliation (pièces n°4, 6, 8, 9, 15, 16 et 17 de l'intimée) se bornent quant à eux à affirmer que le commercial l'ayant démarchée avait annoncé oralement que les frais de résiliation auprès des anciens opérateurs (sociétés LTI et Orange) seraient remboursés par la société SCT. La société Garage Jérémy Ott ne produit en revanche aucun document de nature à étayer ses allégations à cet égard, tels une attestation d'un tiers présent lors de la signature du contrat ou encore un écrit rédigé par le commercial avant la conclusion du contrat.

Quant au courriel de la société SCT en date du 18 avril 2016 (pièce n°12 de l'intimée) par lequel Mme [Z], responsable opérationnelle des comptes, propose un avoir correspondant au montant des frais de résiliation facturés par la société Orange sous la forme d'une réduction de 16,58 euros HT par mois sur le montant de la facture de téléphonie mobile pendant toute la durée du contrat (63 mois), il mentionne expressément qu'il s'agit d'une offre commerciale faite à titre exceptionnel. Cette proposition ne peut donc pas s'analyser en une reconnaissance de la société SCT de ce qu'elle était contractuellement tenue de rembourser ces frais de résiliation à la société Garage Jérémy Ott.

Il s'ensuit qu'aucune faute contractuelle ne pouvait être reprochée à la société SCT par la société Garage Jérémy Ott au titre du défaut de remboursement des frais et indemnités de résiliation anticipée des contrats antérieurement souscrits auprès des sociétés LTI et Orange.

Les deux autres reproches formulés par la société Garage Jérémy Ott à l'encontre de la société SCT doivent être examinés ensemble dans la mesure où la conséquence directe du défaut de mise en oeuvre de la portabilité de la ligne fixe [XXXXXXXX03], telle qu'invoquée par la société Garage Jérémy Ott, est la poursuite du paiement des factures à la société LTI au titre de cette ligne fixe.

Il sera à cet égard observé que dans un courrier du 4 novembre 2016 (pièce n°18 de l'intimée), la société SCT a indiqué au conseil de la société Garage Jérémy Ott avoir "tenté de porter cette ligne fixe [XXXXXXXX03], renseignée sur le contrat comme une ligne Numéris, alors qu'elle est identifiée comme ligne analogique rattachée à la ligne [XXXXXXXX02] ne faisant pas l'objet du contrat nous liant à votre mandant. L'opérateur donneur a donc rejeté notre demande de portabilité. Notre service technique est informé de cette situation et procédera dans les plus brefs délais à la reprise de la ligne en question sous condition que votre mandant nous envoie son accord écrit pour la reprise de son NDI [XXXXXXXX02]."

Il est à noter que dans le courrier de résiliation envoyé le 4 août 2017 à la société SCT, la société Garage Jérémy Ott conteste totalement le fait que la ligne [XXXXXXXX03] soit une ligne analogique et non une ligne Numéris ou encore qu'elle soit rattachée à la ligne analogique [XXXXXXXX02].

De son côté, la société SCT ne justifie nullement de la réalité de la difficulté technique ayant fait obstacle à la portabilité de la ligne à laquelle elle prétend avoir été confrontée. Non seulement, elle ne verse pas de pièce émanant de l'opérateur donneur qui permettrait de corroborer ses dires selon lesquels celui-ci n'a pas donné une suite favorable à sa demande de portabilité, mais elle ne communique pas non plus de documentation technique établissant qu'il n'est pas possible de procéder au transfert d'une ligne analogique, si tant est que ladite ligne relève bien de cette catégorie, ce qui n'est nullement certain au vu des indications contradictoires portées sur le contrat signé le 10 novembre 2015.

A contrario, la société garage Jérémy Ott fournit un courriel du service clients de la société SFR Business en date du 17 avril 2019 relatant que "la ligne [XXXXXXXX03] a également été portée chez nous à la même date (07/07/2017) en tant que SDA de la ligne [XXXXXXXX01]", ce qui signifie que le transfert de la ligne était matériellement réalisable.

En tout état de cause, il incombait à la société SCT, en sa qualité de professionnel en matière de fourniture de services de téléphonie, de s'assurer, préalablement à la signature du contrat, de ce qu'il était effectivement possible de procéder à la portabilité des deux lignes fixes concernées par la demande de la société Garage Jérémy Ott.

Au regard de ces observations, il y a lieu de retenir que la société SCT n'a que partiellement satisfait à son obligation contractuelle de fourniture du service de téléphonie fixe auquel elle s'était engagée.

Portant sur l'une des deux lignes fixes visées au contrat, cette inexécution était d'une gravité suffisante pour autoriser la société Garage Jérémy Ott à se prévaloir de la résiliation anticipée du contrat de services de téléphonie fixe aux torts exclusifs de la société SCT, ce d'autant que ce défaut de mise en oeuvre de la portabilité a induit une double facturation, puisque la société Garage Jérémy Ott a continué à s'acquitter de l'abonnement mensuel auprès de la société LTI pour la ligne fixe [XXXXXXXX03].

En raison de cette résiliation à ses torts exclusifs du contrat de téléphonie fixe, la société SCT n'est évidemment pas fondée à réclamer le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée prévue par l'article 14.3.2 de la convention, laquelle n'est due qu'en cas de manquement grave du client à l'une de ses obligations essentielles.

Par ces motifs substitués, le jugement entrepris sera dès lors confirmé, en ce qu'il a débouté la société SCT de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation au tire du contrat de téléphonie fixe à hauteur de 6.615,84 euros.

En application de l'article 1184 ancien du code civil précité, il y a par ailleurs lieu d'accueillir favorablement la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par la société Garage Jérémy Ott en réparation du préjudice financier résultant de la double facturation qu'elle a subi en raison de l'inexécution contractuelle de la société SCT, la prescription annale visée par l'article L34-2 alinéa 1 du code des postes et télécommunications ne pouvant être opposée à la société Garage Jérémy Ott au titre de cette demande fondée sur la responsabilité contractuelle de la société SCT, et non sur la restitution du prix payé à son ancien opérateur.

Le montant sollicité par la société Garage Jérémy Ott sera toutefois ramené à 3.389,68 euros, ce qui correspond à la somme des 18 factures que la société Garage Jérémy Ott justifie avoir continué à régler à son opérateur historique la société LTI au titre de la ligne fixe [XXXXXXXX03] entre décembre 2015 et juin 2017. La dernière facture du 30 juin 2017 d'un montant de 218,50 euros dont elle se prévaut ne sera pas retenue, puisqu'elle n'est pas versée aux débats.

La société SCT sera par conséquent condamnée à verser cette somme de 3.389,68 euros à la société Garage Jérémy Ott à titre de dommages et intérêts, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Il doit en revanche être noté que dans son courrier de résiliation du 4 août 2017, la société Garage Jérémy Ott n'évoque pas de manquement de la société SCT dans la fourniture des prestations de services de téléphonie mobile. Elle n'a pas non plus signalé de dysfonctionnement au titre des deux lignes mobiles dans ses courriers et courriels antérieurs à la société SCT. Les doléances de la société Garage Jérémy Ott au sujet de la mise en oeuvre de ce contrat concernaient uniquement le prix des deux téléphones qui figuraient au contrat, ainsi que des problèmes de facturations hors forfait, dont il n'est pas discuté qu'ils ont résolus pendant le cours de l'exécution du contrat.

Dans la mesure où il a été retenu que les deux contrats souscrits le 10 novembre 2015 ne sont pas indivisibles l'un de l'autre, la société Garage Jérémy Ott ne pouvait valablement exciper de la faute commise par la société SCT dans l'exécution du contrat de téléphonie fixe pour résilier également le contrat de téléphonie mobile, alors qu'elle a bénéficié de l'ensemble des prestations prévues dans le cadre de ce second contrat.

Il y a dès lors lieu d'examiner le second moyen soulevé par la société Garage Jérémy Ott tiré de l'existence de manoeuvres dolosives de la part de la société SCT sans lesquelles elle n'aurait pas souscrit ce contrat de téléphonie mobile.

Sur la nullité du contrat de téléphonie mobile pour dol

En vertu de l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

L'article 1130 ancien du code civil énonce par ailleurs que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En l'occurrence, tout en soutenant que la société SCT ne l'a pas informée des conséquences financières découlant de la rupture anticipée des contrats souscrits avec ses anciens opérateurs (les sociétés Orange et LTI), la société Garage Jérémy Ott fait valoir dans le même temps que le commercial de la société SCT l'ayant démarchée lui avait indiqué, lors de la signature du contrat, que la société SCT assumerait le coût afférent à ces résiliations, comme en témoignent les courriels et courriers qu'elle a adressés en ce sens à la société SCT entre décembre 2015 et août 2017 (pièces n°4, 6, 8, 9, 15, 16 et 17 de l'intimée) et déjà évoqués supra.

En revendiquant l'existence d'un engagement du commercial de la société SCT quant à la prise en charge des frais de résiliation anticipée des contrats conclus avec les anciens opérateurs, la société Garage Jérémy Ott admet par là-même que cette question a nécessairement été abordée avec la société SCT préalablement à la souscription de la convention, de sorte qu'elle échoue à rapporter la preuve de manoeuvres dolosives de son cocontractant ayant consisté à lui dissimuler cette information.

Il y a au demeurant lieu de relever que l'article 5.1.1 des conditions particulières des services de téléphonie mobile relatif à la portabilité stipule que "le client doit s'informer des dispositions contractuelles de l'opérateur donneur relatives à la résiliation et notamment à la durée minimale d'engagement ou aux frais de résiliation éventuelle", tandis que l'article 5.1.3 alinéa 2 des mêmes conditions mentionne que "le client a connaissance du fait que la demande de portage de ses lignes auprès de SCT Télécom ne rompt pas automatiquement les engagements qu'il pourrait avoir auprès d'un autre opérateur et qu'il devra le cas échéant supporter les frais et/ou indemnités de résiliation mis à sa charge par son précédent opérateur du fait d'une résiliation anticipée du contrat".

Contrairement à ce que prétend la société Garage Jérémy Ott, ces clauses ne sont pas illisibles. D'une part, les titres sont écrits en gras et en majuscules pour une meilleure accessibilité. D'autre part, bien que d'une police de taille réduite, leur contenu reste tout à fait déchiffrable et compréhensible.

En outre, le recto de ce contrat de téléphonie mobile comporte, juste au-dessus de l'encart supportant la signature du représentant légal, une mention selon laquelle « le Client déclare avoir pris connaissance et accepter les Conditions Générales et Particulières relatives au service mobile figurant au verso du présent contrat et les tarifs applicables ».

Il découle de ces observations que la nullité du contrat de téléphonie mobile ne peut être prononcée à raison d'une réticence dolosive de la société SCT ayant consisté à dissimuler volontairement des informations sur les conséquences financières de la rupture des contrats avec les opérateurs donneurs que ce soit dans le cadre d'un manquement à un devoir de conseil ou par le biais d'une présentation confuse du contrat ne permettant pas d'apprécier pleinement la portée des engagements souscrits.

Il sera à titre superfétatoire souligné, ainsi que l'observe à juste titre la société SCT, que ni les articles L44 et D406-18 du code des postes et télécommunications, dans leur version applicable au présent litige, ni la décision n°2006-0381 du 30 mars 2006 de l'ARCEP, ne mettent à la charge de l'opérateur receveur une obligation d'information sur les conséquences financières de la rupture avec l'ancien opérateur. Ainsi, l'article L44 du code des télécommunications impose t-il uniquement que l'abonné puisse changer d'opérateur tout en conservant son numéro. Il précise par ailleurs que si le portage effectif du numéro entraîne de manière concomitante la résiliation du contrat qui lie cet opérateur à l'abonné, cette opération s'effectue "sans préjudice des dispositions contractuelles relatives aux durées minimales d'engagement".

La décision de l'ARCEP fait certes état, en page 12, des risques liés à une double facturation dans les cas où l'abonné n'aurait pas conscience d'être soumis à une durée minimale d'engagement auprès de son opérateur donneur lors de la souscription du contrat auprès de l'opérateur receveur, mais les modalités d'information prévue par cette autorité pour limiter ce risque pèsent sur les seuls opérateurs donneurs, puisqu'elle impose un mécanisme destiné à permettre aux abonnés de connaître facilement la date de fin de la période minimale d'engagement, lorsque celle-ci existe, via un message vocal de l'opérateur donneur et d'une confirmation par SMS.

Il convient à ce stade de considérer que faute de justifier d'un défaut d'information imputable à la société SCT, la société Garage Jérémy Ott ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'elle allègue avoir subi à raison d'un manquement à cette obligation, ce qui conduit au rejet de sa demande en remboursement des frais de résiliation anticipée auprès de ses anciens opérateurs, le jugement déféré étant confirmé sur ce point par ces motifs substitués.

Sur la demande en paiement de la société SCT au titre du contrat de services de téléphonie mobile

En vertu de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1152 ancien du code civil dispose de son côté que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En l'espèce, l'article 6 des conditions spécifiques afférentes au forfait mobile "SCT Full Illimité" souscrit le 10 novembre 2015 par la société Garage Jérémy Ott stipule que "toute résiliation du fait du client après la mise en service rendra immédiatement exigible de plein droit le versement par le client à SCT Télécom d'une indemnité égale, par ligne résiliée, aux redevances d'abonnement multipliées par le nombre de mois restant à échoir jusqu'à la fin de la durée initiale ou renouvelée de l'engagement".

L'article 15.1 des conditions particulière de téléphonie mobile précise quant à lui que "sauf offre commerciale particulière, le contrat de service mobile prend effet dès son acceptation et signature par les parties pour une période initiale de soixante trois (63) mois par ligne, décomptée à partir de la mise en service de chaque ligne, telle que définie à l'article 9 des présentes conditions particulières".

C'est donc à tort que le tribunal de commerce a jugé que le contrat de téléphonie mobile ne comportait aucune disposition relative à la résiliation du contrat.

Il sera toutefois retenu que cette clause relative à la résiliation anticipée n'offre pas au client une faculté de se libérer de ses engagements moyennant le versement d'une certaine somme, mais tend à le contraindre à respecter l'ensemble de ses obligations, dont en particulier celle relative à la durée du contrat, en évaluant conventionnellement et forfaitairement le préjudice subi par la société SCT.

Il ne s'agit donc pas d'une clause de dédit, mais bien d'une clause pénale susceptible de modération si elle est manifestement excessive par rapport au préjudice subi par la société SCT.

Dans le cas présent, cette clause pénale qui permet à la société SCT d'obtenir la totalité du gain espéré pendant 63 mois, apparaît manifestement excessive par rapport au préjudice subi résultant de la privation de ce gain, mais sans fourniture de la contrepartie.

Compte tenu de ces éléments et sur la base de calcul contractuelle, le montant de l'indemnité de résiliation relative au service de téléphonie mobile sera réduit à la somme de 2.000 euros.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la société Garage Jérémy Ott sera condamnée au versement de cette somme à la société SCT.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chacune partie succombant partiellement en ses prétentions, elles conserveront à leur charge les dépens de première instance et d'appel et les frais irrépétibles qu'elles ont exposés, ce qui conduit à l'infirmation du jugement déféré sur les dépens, mais à sa confirmation, en ce qu'il a débouté la société Garage Jérémy Ott de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- débouté la SAS Société commerciale de télécommunication SCT de sa demande de paiement de la somme de 4.939,20 euros TTC au titre de ses indemnités de résiliation du service mobile comme n'étant pas justifiée,

- condamné la SAS Société commerciale de télécommunication SCT à verser à la SARL Garage Jérémy Ott la somme de 3.608,18 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait de la double facturation,

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 75,51 euros, sont à la charge de la SAS Société commerciale de télécommunication SCT ,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la SARL Garage Jérémy Ott à payer à la SAS Société commerciale de télécommunication SCT la somme de 2.000 euros au titre de l'indemnité de résiliation du service de téléphonie mobile,

Condamne la SAS Société commerciale de télécommunication SCT à payer à la SARL Garage Jérémy Ott la somme de 3.389,68 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait de la double facturation,

Dit que chaque partie conserve la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés,

Déboute les parties de leurs demandes en paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03974
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;20.03974 ?
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