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08/12/2022 | FRANCE | N°20/02098

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 08 décembre 2022, 20/02098


N° RG 20/02098 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5T6









Décision du

Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE

Au fond

du 20 février 2020



RG : 2019j51

ch n°





Société COFORET



C/



S.A.S.U. BEL'ENVIRONNEMENT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 08 Décembre 2022







APPELANTE :



COFORET S

ociété Coopérative Agricole, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, ...

N° RG 20/02098 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5T6

Décision du

Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE

Au fond

du 20 février 2020

RG : 2019j51

ch n°

Société COFORET

C/

S.A.S.U. BEL'ENVIRONNEMENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Décembre 2022

APPELANTE :

COFORET Société Coopérative Agricole, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et plaidant par Me Yann GALLONE de la SELARL GALLONE & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S.U. BEL'ENVIRONNEMENT représentée par son Président

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Mathieu ROQUEL de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL AXIOJURIS, avocat au barreau de LYON, toque : 786 et ayant pour avocat plaidant Me Thomas JERUSALEM de la SARL TJ CONSEILS, avocat au barreau de DIJON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 08 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par, Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 janvier 2018, la société coopérative agricole Coforet (ci-après la société Coforet) a conclu un contrat de sous-traitance avec la SASU Bel'Environnement (ci-après la société Bel'Environnement) aux termes duquel elle lui a confié une prestation de coupe de bois sur une surface de 63 hectares située à [Localité 5] en Côte d'Or (21), le prix convenu étant de 11 euros HT par stère de bois coupé et le volume estimé de 2.000 stères pour ce chantier n°17C198.

Trois factures correspondant à 2.400 stères de bois au total ont été réglées par la société Coforet :

- une facture n°77 de 12.936 euros TTC émise le 31 mars 2018 par la société Bel'Environnement (1.000 stères),

- une facture n°78 de 15.360 euros TTC établie 17 mai 2018 (1.150 stères, dont 150 au titre d'un autre chantier),

- une facture n°83 de 5.280 euros TTC émise le 30 juin 2018 (400 stères).

La société Coforet, estimant que seuls 833 stères de bois auraient été coupés à la suite du dénombrement effectué lors du débardage le 24 août 2018, a demandé à la société Bel'Environnement de lui rembourser la somme de 20.420,40 euros au titre du trop perçu, d'abord par le biais de courriels, puis au moyen d'un courrier recommandé de mise en demeure envoyé le 13 février 2019 par l'intermédiaire de son conseil.

Par acte du 5 avril 2019, la société Coforet a fait assigner la société Bel'Environnement devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare en paiement de la somme de 20.420,40 euros en principal, outre 5.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral.

Par jugement du 20 février 2020, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :

- déclaré recevable la demande de remboursement de la somme de 20.240 euros TTC présentée par la société Coforet mais l'a rejetée comme étant injustifiée et non fondée,

- débouté la société Coforet de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la société Coforet à payer à la société Bel'Environnement la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- imputé les dépens à la société Coforet.

La société Coforet a interjeté appel par acte du 16 mars 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2020, la société Coforet demande à la cour :

- à titre principal,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé recevable la procédure qu'elle a initiée,

- pour le reste, de le réformer dans ses entières dispositions et statuant à nouveau,

- de condamner la société Bel'Environnement à lui payer les sommes suivantes :

- 20.420,40 euros TTC portant intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2019, avec capitalisation des intérêts,

- 5.000 euros de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral,

- 3.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement,

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procedure civile,

- de condamner la société Bel'Environnement aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet agissant par Me Aguiraud,

à titre subsidiaire, si par impossible la cour considérait qu'une procédure de conciliation aurait dû être mise en oeuvre avant Ia saisine du tribunal de commerce, ordonner une mesure de conciliation et prononcer un sursis à statuer le temps que cette procédure soit menée à son terme.

La société Coforet soutient d'abord que son action est recevable, dès lors :

- qu'elle a recherché une solution amiable au litige l'opposant à la société Bel'Environnement, un protocole d'accord ayant même été rédigé,

- que le recours au conciliateur ne constitue au demeurant nullement une obligation contractuelle, mais une simple faculté,

- que la société Bel'Environnement est à l'origine de la rupture de la phase amiable par la saisine de son conseil et le développement d'un argumentaire fallacieux qui a rendu inéluctable la saisine de la juridiction,

- que si par impossible, la cour retenait qu'une procédure de conciliation aurait dû être mise en oeuvre avant la saisine du tribunal de commerce, cette fin de non-recevoir peut être régularisée en prononçant cette conciliation et en ordonnant un sursis à statuer le temps qu'elle soit menée à son terme,

- que ses conclusions respectent les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, puisqu'elle a expressément critiqué le jugement entrepris en page 17 en lui reprochant d'avoir déclaré ses demandes non fondées et que toute son argumentation relative à la critique de ce chef de jugement est développée de la page 9 à la page 17 de ses écritures.

Sur le fond, elle fait valoir pour l'essentiel :

- que les quantités réellement coupées par la société Bel'Environnement sur le chantier, à savoir 833 stères de bois, ne correspondent pas aux quantités facturées par cette dernière (2.400 stères au total), comme le révèle notamment le procès-verbal de dénombrement établi le 24 août 2018 par la société BDF, en charge du débardage,

- que ce procès-verbal est tout fait probant, la société BDF ayant rédigé une attestation le 12 mars 2019 qui précise d'une part, que le nombre de stères dénombrées correspond à l'intégralité des bois exploités sur la parcelle, d'autre part, qu'aucun bois n'a été enlevé hors de sa présence,

- qu'il appartient au juge du fond d'apprécier si une attestation non conforme aux règles posées par l'article 202 du code civil est suffisante pour emporter leur conviction et ne pas être écartée des débats, étant observé que cette attestation est datée, signée par le dirigeant et que le tampon de la société est apposé,

- qu'il importe peu que la société Bel'Environnement n'ait pas participé à l'élaboration du procès-verbal de dénombrement,

- qu'en effet, le débardeur est un tiers vis-à-vis de la coopérative qui est réglé en fonction du nombre de stères débardées et a donc tout intérêt à ne pas oublier de bois sur la parcelle et à ne pas en minorer le nombre,

- que suite à ce décompte de la société BDF, elle a donc émis une facture d'avoir d'un montant de 20.420, 40 euros TTC,

- que la société Bel'Environnement a reconnu ce paiement indu, ainsi qu'il résulte des échanges de courriels intervenus entre M.[N] [W], technicien de la société Coforet, et M.[E] [P], dirigeant de la société Bel'Environnement entre le 14 décembre 2018 et le 20 décembre 2018,

- que M.[P] a en effet accepté de rembourser cette somme, en exigeant toutefois que la société Coforet s'engage en contrepartie à faire appel aux services de la société Bel'Environnement pour d'autres chantiers, ce à quoi la société Coforet a donné son accord,

- que le 20 décembre 2018, elle a d'ailleurs adressé une attestation d'engagement quantitatif à la société Bel'Environnement,

- que cet engagement était toutefois lié à l'acceptation, par la société Bel'Environnement, d'un projet de protocole organisant les modalités de remboursement de la somme de 20.420,40 euros,

- qu'en dépit de ses promesses, M.[P] n'a pas daigné retourner ce document transmis par voie électronique le 17 janvier 2019, malgré plusieurs relances de la part de la société Coforet et d'une mise en demeure adressée par l'intermédiaire de son conseil le 13 février 2019,

- que la synthèse des discussions avec M.[P], effectuée par le technicien de la société Coforet dans un courriel du 12 février 2019, n'a pas été réfutée par ce dernier, ce qui démontre que la société Bel'Environnement était d'accord avec le caractère indu d'une partie des sommes versées,

- que pour autant, la société Bel'Environnement a fini par répondre de manière fallacieuse, dans un courrier du 15 février 2019 rédigé par son avocat, que les quantités facturées correspondent au volume de bois coupé par ses soins, laissant sous-entendre que du bois aurait pu disparaître entre son exploitation et son enlèvement par la société de débardage,

- que les allégations de la société Bel-Environnement sur ce point sont ridicules, car le différentiel entres les quantités facturées et celles dénombrées s'élève à plus de 1.550 stères, ce qui représente plus d'une vingtaine de camions remorque, chacun d'entre eux pouvant contenir une soixantaine de stères,

- que des vols d'une telle ampleur ne seraient pas passés inaperçus,

- que les deux factures validées sur les trois émises, dont se prévaut la société Bel'Environnement, l'ont été par les techniciens de la société Coforet sur la seule base des indications de la société Bel'Environnement concernant les quantités de bois coupé, sans contrôle, même simplifié, du travail fait sur le terrain,

- qu'un tel système de fonctionnement n'est pas inhabituel en matière forestière, les coopératives partant du principe que les entreprises de travaux forestiers n'ont pas d'intérêt à les léser, puisqu'elles leur fournissent une part substantielle de leurs chantiers,

- que la confiance faite à un partenaire habituel ne peut être assimilée à de la négligence,

- que même si sa négligence devait être retenue, celle-ci ne fait en tout état de cause pas obstacle au remboursement de ce qui a été payé par erreur à celui qui n'était en réalité pas créancier,

- que les agissements frauduleux de la société Bel'Environnement qui n'hésite pas à nier la réalité relèvent de la résistance abusive et lui ont causé un indéniable préjudice moral qui doivent être tous deux indemnisés.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2020, fondées sur les articles 122 et suivants du code de procédure civile, ainsi que sur les articles 1103 et suivants et 1302 et suivants du code civil, la société Bel'Environnement demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Coforet de l'intégralité de ses demandes et condamné la même au paiement d'une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- condamner la société Coforet au paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Axiojuris agissant par Me Roquel.

A titre liminaire, la société Bel'Environnement observe que la présentation formelle des conclusions de la société Coforet ne respecte pas les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, au point qu'il lui appartient de deviner les chefs de jugement expressément critiqués.

Sur le fond, la société Bel'Environnement soutient en substance:

- que dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu avec la société Coforet, le volume de bois à couper avait initialement été estimé à 2.000 stères,

- qu'au fur et à mesure des travaux qui ont été achevés en juin 2018, elle s'est aperçue que le volume de bois était en réalité de 2.400 stères,

- qu'elle a en conséquence émis des factures qui ont été validées et payées par la société Coforet,

- que la société Coforet ne rapporte aucune preuve du caractère indu de la somme dont elle réclame la restitution,

- qu'en effet, les deux éléments sur lesquels elle fonde sa demande ne sont pas probants,

- que s'agissant du procès-verbal de dénombrement de la société DBF, il convient d'abord de constater que l'attestation établie ultérieurement par cette même société pour préciser les indications contenues dans ce document ne respecte pas les dispositions des articles 202 et suivants du code civil et ne précise pas les liens économiques qui unissent la société DBF à la société Coforet,

- que le procès-verbal n'est absolument pas contradictoire, de sorte qu'elle n'a pas pu elle-même constater le nombre de stères prétendument dénombré et indiquer qu'un nombre important de stères manquait ;

- qu'au demeurant, le dénombrement est intervenu plusieurs mois après la fin des travaux,

- que par suite, il est impossible de savoir si le dénombrement a eu lieu sur l'ensemble des parcelles coupées par ses soins, si la société Coforet n'a pas fait appel à d'autres sociétés pour dénombrer les parcelles ou encore ce qu'il a pu advenir du bois coupé pendant la période ayant couru entre la fin des travaux et le dénombrement, étant précisé que les parcelles ne sont pas clôturées, ni surveillées pendant les mois d'été,

- que contrairement à ce que prétend la société Coforet, elle n'a pas reconnu de paiement indu, les mails dont se prévaut la société Coforet à son encontre ne pouvant constituer une preuve, puisqu'il s'agit uniquement de mails que cette dernière lui a envoyés et auxquels elle-même n'a jamais répondu,

- qu'elle n'a pas négocié et encore moins signé le protocole d'accord versé par la société Coforet,

- que son silence face aux mails de la société Coforet ne vaut pas acquiescement,

- que les factures 78 et 83 émises par ses soins lui ont été renvoyées par la société Coforet, qui est un professionnel averti, avec la signature du salarié en charge, un cachet de la société et la mention "bon pour pour accord", étant précisé que ces validations ont été opérées par deux salariés différents de la société Coforet,

- que la société Coforet, qui ne fait qu'alléguer que ces validations auraient été effectuées sans aucun contrôle de ses salariés, ne démontre pas que les conditions de la répétition de l'indu sont réunies, ce qui doit conduire au rejet de sa demande,

- que la société Coforet ne justifie pas plus subir un quelconque préjudice moral ou être victime d'une résistance abusive.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 février 2021, les débats étant fixés au 26 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger que ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat a été signé postérieurement au 1er octobre 2016.

Sur la recevabilité de l'action de la société Coforet

Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Ce même article dispose, dans son alinéa 2, que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions.

En l'occurrence, force est de constater qu'en cause d'appel, l'intimée ne conclut plus, dans le dispositif de ses conclusions, à l'irrecevabilité de l'action de la société Coforet, de sorte que l'argumentation développée par cette dernière sur ce point apparaît sans objet.

Le grief de la société Bel'Environnement tenant au fait que les premières conclusions de la société Coforet ne respectent pas les prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile quant à l'énonciation explicite des chefs de jugement expressément critiqués ne sera quant à lui pas examiné, dès lors qu'il est uniquement développé dans le corps de ses écritures et qu'elle ne formule aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses dernières conclusions.

Sur la répétition de l'indu

Conformément aux dispositions de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

L'action en restitution peut, ainsi, être engagée contre celui qui a reçu le paiement et contre celui pour le compte duquel le paiement a été reçu.

En application de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Il appartient au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées de démontrer le caractère indu du paiement.

En l'espèce, la société Coforet fonde sa demande en restitution des factures qu'elle estime avoir indûment payées à hauteur de 20.420,40 euros sur les deux éléments de preuve suivants :

- d'une part, un procès-verbal de dénombrement établi le 24 août 2018 entre elle-même et la société BDF, chargée du débardage, faisant état du décompte en bord de route de 18 piles de bois, essence "Houppier de chêne, correspondant à 832,85 stères au total pour le chantier 17C198 sur la commune de [Localité 5]" (pièce n°5 de l'appelante) ; M.[U], gérant de la société BDF a ultérieurement établi une attestation le 12 mars 2019 par laquelle il certifie que les 833 stères dénombrées le 24 août 2018 correspondent à l'intégralité du bois de chauffage produit sur le chantier 17C198 et qu'aucun camion n'a été chargé ou du bois transporté hors la présence de sa société sur le chantier (pièce n°13 de l'appelante),

- d'autre part, des échanges de courriels entre un technicien de la société et le dirigeant de la société Bel'Environnement intervenus du 14 décembre 2018 au 12 février 2019 (pièces n°7 à 10 de l'appelante).

S'agissant tout d'abord de ces courriers électroniques, il y a lieu de relever que le seul ayant été rédigé par la société Bel'Environnement ne comporte aucune reconnaissance même implicite, par cette dernière, de ce qu'elle aurait trop facturé par rapport à la réalité de la prestation effectuée sur le chantier lui ayant été confié en sous-traitance. En effet, dans son mail du 16 décembre 2018 à 23h37, le gérant de la société Bel'Environnement évoque uniquement le modèle d'engagement quantitatif de travaux d'abattage manuel qu'il envoie à la société Coforet, en lui demandant que soient précisés les lieux des parcelles concernées en Côte d'Or. A aucun moment, dans ces quelques lignes, il ne mentionne avoir accepté de régler la facture d'avoir émise par la société Coforet à hauteur de 20.420,40 euros en contrepartie de ce projet de contrat de sous-traitance.

Les 4 autres courriels dont excipe la société Coforet émanent quant à eux de M.[N] [W], technicien forestier au sein de l'entreprise. Celui-ci relate une conversation téléphonique qu'il aurait eu avec le gérant de la société Bel'Environnement en date du 22 novembre 2018 au cours de laquelle celui-ci aurait reconnu le trop-perçu suite au dénombrement (mail du 14 décembre 2018) et transmet à deux reprises, les 20 décembre 2018 et 17 janvier 2019, un projet de protocole prévoyant un remboursement échelonné de la moitié des 20.420,40 euros, l'autre moitié devant être compensée par les futures prestations de la société Bel'Environnement dans le cadre des chantiers qui lui seront confiés par la société Coforet.

Il est cependant constant que le gérant de la société Bel'Environnement n'a répondu à aucun de ces messages. Or, comme le relève à juste titre la société Bel'Environnement, l'absence de réponse de sa part ne peut valoir acquiescement aux déclarations faites par le technicien de la société Coforet qui ne constituent, en l'état, que de simples allégations.

Par conséquent, ces différents courriels ne permettent pas d'établir que la société Bel'Environnement a admis l'existence d'un paiement indu de la part de la société Coforet au titre du chantier n°17C198 à hauteur de la somme de 20.420,40 euros.

Le seul élément probatoire qui subsiste est donc le procès-verbal de dénombrement du 24 août 2018, accompagné de l'attestation du gérant de la société ayant effectué le débardage. Il sera à ce stade observé que dans la mesure où l'article L110-3 du code de commerce prévoit que la preuve est libre en matière commerciale et que le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile n'est pas prescrit à peine de nullité, cet écrit peut être pris en considération à titre d'indice, même s'il n'a pas été établi dans le respect des règles posées par l'article 202 précité.

Toutefois, même conforté par le courrier du gérant de la société BDF en date du 12 mars 2019, ce procès-verbal de dénombrement du nombre de stères coupées sur le chantier n°17C198 à [Localité 5] ne constitue pas à lui-seul une preuve suffisante de ce que la société Bel'Environnement n'a effectué l'abattage que des 833 stères comptées par la société BDF et non des 2.400 stères facturées, dès lors :

- qu'il ne peut s'évincer de l'indication selon laquelle le dénombrement opéré porte sur le chantier n°17C198 que la société Coforet a bien demandé à la société DBF de procéder au décompte de la totalité du bois coupé par la société Bel'Environnement sur les 63 hectares concernés par l'opération de sous-traitance ; qu'en effet, la société DBF ayant reçu ses instructions de la société Coforet, elle n'avait pas la possibilité de savoir si cette dernière faisait effectivement référence aux mêmes parcelles que celles contractuellement confiées à la société Bel'Environnement, sachant que ni le procès-verbal, ni l'attestation ne mentionnent le nombre d'hectares visé par le débardage, alors que celui-ci a été opéré en bord de route sur les indications de la société Coforet et a donc tout à fait pu porter sur une partie seulement du bois débité par la société Bel'Environnement, le stockage pouvant avoir eu lieu en plusieurs endroits du chantier,

- que ce procès-verbal a été dressé le 24 août 2018, soit près de 2 mois après la fin du chantier que la société Bel'Environnement a achevé le 30 juin 2018, de sorte qu'il n'est pas certain qu'une partie du bois coupé sur le chantier n'ait pas été enlevée dans l'intervalle par une autre société de débardage ou encore par des tiers, étant souligné que la société Coforet ne conteste pas les affirmations de la société Bel'Environnement selon lesquelles les parcelles où sont intervenues les opérations de découpe ne sont ni clôturées, ni surveillées durant les mois d'été.

Il s'ensuit qu'en l'absence d'autre offre de preuve de nature à venir corroborer les constatations du procès-verbal de dénombrement, telles un constat d'huissier, ou à tout le moins des photographies du chantier litigieux, faisant apparaître que la société Bel'Environnement n'a effectué les travaux de coupe que sur une partie des 63 hectares ou encore qu'elle a laissé de nombreuses têtes non coupées sur les parcelles litigieuse, la société Coforet échoue à démontrer qu'elle a réglé des factures ne correspondant pas à la réalité de la prestation effectuée par la société Bel'Environnement.

La légèreté blâmable de la société Coforet ayant consisté à ne pas s'assurer de l'état d'avancement des travaux préalablement à la validation d'au moins une des trois factures successivement émises par la société Bel'Environnement, la première l'ayant été un mois et demi après le début du chantier (31 mars 2018), la seconde un mois et demi avant la fin de celui-ci (17 mai 2018) et la dernière lors de son achèvement, ne constituait certes pas en elle-même un obstacle à l'exercice d'une action en restitution d'un trop-perçu par la société Bel'Environnement, mais il n'en demeure pas moins que ces vérifications élémentaires, qu'elle concède ne pas avoir réalisées, auraient pu lui permettre de rapporter la preuve du caractère indu des sommes réclamées.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Coforet en restitution de la somme de 20.420,40 euros.

Compte tenu du rejet de sa principale prétention, les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral par ailleurs formulées par la société Coforet à l'encontre de la société Bel'Environnement ne peuvent évidemment prospérer, étant au demeurant rappelé que le seul fait d'être contraint d'ester en justice ne permet pas de caractériser une faute, ce qui doit également conduire à la confirmation du jugement déféré sur ces deux points.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant en toutes ses prétentions, la société Coforet devra supporter les dépens d'appel. Elle est également condamnée à verser à la société Bel'Environnement une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel, les condamnations de ce chef et sur les dépens prononcées par les premiers juges étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne la Société Coopérative Agricole Coforet aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

Condamne la Société Coopérative Agricole Coforet à verser à la SASU Bel'Environnement la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/02098
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;20.02098 ?
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