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08/12/2022 | FRANCE | N°19/07633

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 08 décembre 2022, 19/07633


N° RG 19/07633 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVWN









Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 08 octobre 2019



RG : 2018j01351







[N]

[B]

SAS 2M PROMOTION

SAS MAT IMMO BEAUNE

SAS FOURNYDIS



C/



[M]

SAS GROUPE CONFIANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 08 Décembre 2022







APPELANTS :



M. [K] [N]

[Adresse 4]

[Localité 14]



M. [V] [B]

[Adresse 1]

[Localité 6] SUISSE



SAS 2M PROMOTION représentée par son Président

[Adresse 9]

[Localité 5]



SAS MAT IMMO BEAUNE représentée par son Président

[Adresse 2]

[Localité 13]



SAS ...

N° RG 19/07633 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVWN

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 08 octobre 2019

RG : 2018j01351

[N]

[B]

SAS 2M PROMOTION

SAS MAT IMMO BEAUNE

SAS FOURNYDIS

C/

[M]

SAS GROUPE CONFIANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Décembre 2022

APPELANTS :

M. [K] [N]

[Adresse 4]

[Localité 14]

M. [V] [B]

[Adresse 1]

[Localité 6] SUISSE

SAS 2M PROMOTION représentée par son Président

[Adresse 9]

[Localité 5]

SAS MAT IMMO BEAUNE représentée par son Président

[Adresse 2]

[Localité 13]

SAS FOURNYDIS représentée par son Président

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938 postulant et plaidant par Me Thierry CHIRON de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON

INTIMES :

M. [X] [M]

[Adresse 8]

[Localité 12]

SAS GROUPE CONFIANCE agissant poursuites et diligences de son président en exercice domilicié ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant Me Philippe PLANES, avocat au barreau de LYON, toque : 303

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 29 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 08 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2017, la société de promotion immobilière Sas Groupe Confiance détenue à 100% par la société Newconfim et présidée par la société DDC représentée par M. [M] est entrée en discussion avec des investisseurs en vue de la cession des titres de sa société-mère, la Sas Newconfim, exerçant une activité de holding, aux fins de permettre aux actionnaires majoritaires de Newconfim de sortir du capital de cette société.

Le 31 octobre 2017, les Sas Mat Immo Beaune (présidée par 2M Promotion), 2M Promotion (présidée par la société Fournydis) et Fournydis ont adressé à la société Groupe Confiance une lettre d'offre indicative (dite LOI) lui faisant part de leur intérêt pour le rachat de la société Newconfim. Cette LOI détaillait les modalités de l'opération et prévoyait notamment un prix de 68 millions d'euros et la constitution par les investisseurs, pour les besoins de l'opération, d'une Sas dénommée initialement "Newco" puis "Newdeal" ayant pour associés les Sas Mat Immo Beaune, 2M Promotion et MM. [N] et [B].

Les échanges se sont poursuivis et le 11 décembre 2017, une nouvelle version du protocole d'accord et un projet de pacte d'associé ont été échangés.

Par courriel du 15 décembre 2017, les sociétés Mat Immo Beaune, 2M Promotion et Fournydis ont émis une nouvelle offre et fixé à M. [M] une date butoir d'acceptation fixée au 18 décembre 2017.

Par courrier du 21 décembre 2017, les sociétés Mat Immo Beaune, 2M Promotion et Fournydis ont informé la société Groupe Confiance que, faute pour elle d'avoir accepté l'offre au 18 décembre 2017, elles constataient la rupture des négociations à son initiative, lui demandant par ailleurs de leur régler la somme de 45.000 euros HT au titre de leurs frais avancés.

Par courrier recommandé du 27 décembre 2017, la société Groupe Confiance a contesté ces demandes.

Par courrier recommandé du 11 janvier 2018, les sociétés Mat Immo Beaune, 2M Promotion et Fournydis ont maintenu leurs demandes puis par acte du 3 août 2018, M. [N], M. [B] et les sociétés 2M Promotion, Mat Immo Beaune et Fournydis ont assigné la société Groupe Confiance et M. [M] devant le tribunal de commerce de Lyon en rupture abusive de pourparlers et en remboursement de leurs frais.

Par jugement du 8 octobre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

- déclaré irrecevable l'action engagée à l'encontre de M. [M], représentant de la societé DD Conseil, présidente de la société Groupe Confiance,

- dit recevable l'action engagée à l'encontre de la société Groupe Confiance,

- dit que la mauvaise foi des défendeurs n'est pas établie dans les négociations que les parties avaient engagées en vue de l'éventuelle cession de la societé Newconfim,

- débouté les sociétés Mat Immo Beaune , 2M Promotion, Fournydis, M. [N] et M. [B] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté chacune des parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés Mat Immo Beaune, 2M Promotion, Fournydis, M. [N] et M. [B] aux dépens de l'instance.

M. [N], M. [B] et les sociétés 2M Promotion, Mat Immo Beaune et Fournydis ont interjeté appel par acte du 7 novembre 2019.

* * *

Par conclusions du 8 décembre 2020 fondées sur les articles 1104, 1112 et 1240 du code civil, les sociétés 2M Promotion, Mat Immo Beaune et Fournydis ainsi que M. [N] et M. [B] demandent à la cour de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré l'action recevable à l'encontre de la société Groupe Confiance,

- constater que M. [M] et la société Groupe Confiance ont manqué à leur obligation de bonne foi durant les pourparlers,

ce faisant,

- condamner solidairement la société Groupe Confiance et M. [M] à payer les sommes de :

' 35.067,42 euros à la société Mat Immo Beaune,

' 24.327,42 euros à la société 2M Promotion,

' 3.564 euros à la société Fournydis,

' 894 euros à M. [N],

' 894 euros à M. [B],

- condamner solidairement la société Groupe Confiance et M. [M] à leur payer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de Me Laffly ' Lexavoué Lyon,

- débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

* * *

Par conclusions du 30 octobre 2020 fondées sur les articles 32 et 122 du code de procédure civile et Ies articles 1112 et 1240 du code civil, la société Groupe Confiance et M. [M] demandent à la cour de :

- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des demandeurs et les a déboutés de leurs prétentions,

- juger irrecevables les demandes de MM. [B] et [N] non signataires à titre personnel de la lettre d'intention pour l'acquisition des titres de la société Newconfim,

- constater que Ia société Groupe Confiance est nécessairement intervenue dans les négociations à titre de mandataire des actionnaires de la société Newconfim puisqu'elle ne possède évidemment aucune action de sa maison mère,

- constater que M. [M] est intervenu en qualité de représentant de la société DDC, elle-même présidente de Ia societé Groupe Confiance, et donc en qualité de représentant personne physique de la société Groupe Confiance, elle-même mandataire,

- juger que M. [M] n'a commis aucune faute détachable de ses fonctions et que la société Groupe Confiance n'a accompli aucun acte extérieur à son mandat, qu'en conséquence leur responsabilité personnelle respective ne saurait être engagée,

- juger que les requérants ne disposent en conséquence d'aucun droit à agir à leur encontre puisqu'ils n'ont pris aucun engagement personnel parfaitement impossible à réaliser s'agissant de céder des actions qu'ils n'ont jamais détenues,

- déclarer les sociétés 2M Promotion, Fournydis, Mat Immo Beaune et MM. [B] et [N] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, et les en débouter,

à titre subsidiaire et sur le fond,

- juger que la rupture des pourparlers est intervenue à l'initiative des appelants et qu'elle ne leur est pas imputable,

- prendre acte de l'aveu judiciaire des demandeurs qui reconnaissent être à l'origine de ladite rupture,

- juger en conséquence qu'ils ne sauraient être reconnus responsables d'une rupture alléguée fautive qui n'est pas de leur fait,

- débouter en conséquence les requérants de l'intégralité de leurs demandes,

- juger la présente action parfaitement abusive, les "défendeurs" étant de parfaite bonne foi,

- condamner in solidum Ies sociétés 2M Promotion, Fournydis, Mat Immo Beaune et MM. [B] et [N] à leur payer Ies sommes de :

' 10.000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi,

' 5.000 euros chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés 2M Promotion, Fournydis, Mat Immo Beaune et MM. [B] et [N] aux entiers dépens distraits à Ia SCP Aguiraud Nouvellet.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 27 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque les faits litigieux sont postérieurs au 1er octobre 2016.

Sur la recevabilité des demandes

Les sociétés 2M Promotion, Mat Immo Beaune et Fournydis ainsi que M. [N] et M. [B] (ci-après "les investisseurs") exposent :

- que ni M. [M] ni la société Groupe Confiance ne justifient de l'existence d'un mandat de représentation qui leur aurait été donné par la société Newconfim pour mener les négociations,

- que M. [M] a signé la lettre d'offre indicative du 31 octobre 2017 en son nom, sans précision d'une intervention pour le compte d'un mandant,

- que le courrier du 27 décembre 2017 est établi sur papier à en-tête de la société groupe Confiance, également sans indication d'une éventuelle qualité de mandataire,

- qu'à aucun moment M. [M] et la société Groupe Confiance n'ont fait savoir qu'ils agissaient pour le compte des actionnaires de la société Newconfim,

- qu'à l'inverse il résulte des pièces versées aux débats que M. [M] ne s'était pas assuré de l'accord des majoritaires de la société Newconfim pour procéder à la cession de leur participation,

- que M. [M] et la société Groupe Confiance sont donc engagés à titre personnel,

- que cette solution découle de l'article 1154 alinéa 2 du code civil aux termes duquel "lorsque le représentant déclare agir pour le compte d'autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à l'égard du cocontractant",

- qu'en tout état de cause, à supposer que M. [M] et la société Groupe Confiance puissent établir l'existence d'un mandat, la rupture des pourparlers qui leur est imputable engage leur responsabilité personnelle.

En réponse, M. [M] et la société Groupe Confiance maintiennent que les demandes formulées à leur encontre sont irrecevables dès lors :

- que la société Groupe Confiance est intervenue, par souci de simplification, en qualité de mandataire des nombreux actionnaires de la société Newconfim, dont elle ne possède aucune action,

- qu'elle est la véritable société cible de l'opération, étant détenue à 100 % par la société Newconfim, et que c'est elle qui détient l'essentiel des éléments juridiques et comptables,

- qu'elle n'a accompli aucun acte extérieur à son mandat,

- que M. [M] est intervenu en qualité de représentant de la société DDC, présidente de la société Groupe Confiance, elle-même mandataire,

- que son intervention aux négociations est donc justifiée par sa qualité de mandataire social au sein de la société Groupe Confiance,

- qu'il ne possède pas personnellement d'actions de la société cible et n'a donc pas pu s'engager personnellement à vendre les actions,

- qu'il n'a commis aucune faute détachable de ses fonctions,

- que leur responsabilité personnelle respective ne saurait donc être engagée,

- que les investisseurs n'ont à aucun moment au cours des négociations demandé que leur soit remis le mandat relatif à l'engagement de ces négociations.

M. [M] et la société Groupe Confiance demandent également, à titre incident, que les prétentions de MM. [N] et [B] soient déclarées irrecevables et en réponse, les investisseurs exposent que ces deux personnes sont bien identifiées sur le projet de protocole d'accord du 26 novembre 2017, que M. [N] a fourni une attestation bancaire justifiant de la disponibilité de fonds pour acquérir, et que la lettre de mission du cabinet Kappa mentionne bien ces deux personnes comme étant des investisseurs potentiels.

La société Groupe Confiance et M. [M] invoquent ainsi un contrat de mandat conclu entre cette société en qualité de mandataire et les actionnaires de Newconfirm en qualité de mandants.

Aucun contrat de mandat écrit de représentation donné par la société Newconfim où ses actionnaires majoritaires à la société Groupe Confiance pour mener à bien les négociations n'est cependant produit et les pièces du dossier n'en révèlent pas l'existence faute de pièces émanant des supposés mandants le confirmant.

Les cinq pièces produites par les intimés ne confirment en effet pas l'existence d'un tel mandat alors que par courrier du 11 janvier 2018, les investisseurs avaient évoqué l'absence d'accord des actionnaires majoritaires pour procéder à la cession sans qu'aucun démenti ne soit apporté à ce courrier par leur adversaire.

Les correspondances échangées par les parties et les deux LOI ne font aucunement état d'action pour le compte d'autrui.

Il en découle que la société intimée doit répondre à titre personne de l'action en responsabilité diligentée à son encontre sans pouvoir invoquer le fait qu'elle n'aurait pas eu d'intérêt personnel à négocier ni l'absence des actionnaires au litige.

Concernant plus précisément M. [M], ce dernier est le responsable de la société DDC présidant le Groupe Confiance et il est manifestement intervenu en qualité de dirigeant de la société Groupe Confiance, ce que révèlent les divers courriers à entête de cette société signés par lui.

Il est constant par ailleurs que M. [M] a apposé sa signature à plusieurs reprises sans mentionner la société à côté de celle-ci ni apposer un tampon, notamment en réception de la LOI du 31 octobre 2017 et son complément du même jour. Toutefois, ces LOI ont été adressées à l'adresse suivante "M. [X] [M] C/O Groupe Confiance", ce qui permet d'en déduire que les investisseurs n'ignoraient pas que M. [M] intervenait pour le compte de la société Groupe Confiance et non à titre personnel.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que l'action engagée était recevable à l'encontre du Groupe Confiance, par substitution de motifs et déclaré l'action irrecevable à l'encontre de M. [M]

Concernant MM [N] et [B], ils ne sont effectivement pas mentionnés en entête de la LOI mais il est fait état dans celle-ci de leur participation au capital de la société devant être créée.

Il résulte par ailleurs de la pièce 14-2 (lettre de mission-projet d'investissement groupe confiance donnée à la société Kappa Consultants) qu'ils apparaissent néanmoins comme investisseurs à titre personnel dans l'opération. La pièce 15 est une attestation bancaire donnée le 26 octobre 2017 par la Banque Populaire pour les comptes personnels de M. [N] et son épouse. Il en résulte qu'ils étaient engagés dans les négociations comme investisseurs personnels de sorte qu'ils justifient d'un intérêt à agir.

Sur la responsabilité de la société Groupe Confiance pour manquements à l'obligation de bonne foi

Les investisseurs demandent à la cour de constater que M. [M] et la société Groupe Confiance ont manqué à leur obligation de bonne foi durant les pourparlers. A l'appui de cette prétention, ils exposent :

- que la bonne foi est une règle impérative au cours des pourparlers, découlant des articles 1104 et 1112 alinéa 1 du code civil,

- que s'agissant de la communication de la documentation, il est évident que les documents sollicités dans la LOI du 31 octobre 2017 devaient être communiqués sans délai par M. [M] et la société Groupe Confiance compte tenu de la date de closing de l'opération fixée au 31 décembre 2017,

- qu'en dépit de leurs relances, M. [M] et la société Groupe Confiance n'ont pas transmis les pièces demandées,

- que c'est à tort que le tribunal a retenu l'absence de faute au motif qu'aucun délai de communication n'avait été convenu, alors que le calendrier des opérations avait été clairement fixé dans la LOI,

- que s'agissant ensuite des conditions de sortie des investisseurs, la LOI du 31 octobre 2017 exprimait clairement leurs souhaits en la matière, souhaits que M. [M] a acceptés en paraphant et signant la LOI, leur donnant par là même force d'obligation,

- que M. [M] a remis en cause début décembre l'accord donné sur les conditions de sortie des investisseurs,

- qu'il est ainsi à l'origine de la rupture des pourparlers, les conditions de sortie des investisseurs faisant partie des conditions essentielles de l'opération,

- que s'agissant enfin de la garantie d'actif et de passif, alors que son existence était actée dans la LOI, M. [M] et la société Groupe Confiance n'avaient en réalité pas l'intention d'en prévoir une dans le contrat final (la dernière version du protocole transmise par le conseil de M.[M] le 8 décembre mentionne parmi les modifications la "suppression de toute référence à une GAP"

- que M. [M] et la société Groupe Confiance ont donc remis en cause, quelques jours avant le closing, les engagements pris dans la LOI,

- que le manquement de M. [M] et de la société Groupe Confiance à la loyauté et à la bonne foi a rendu la poursuite des négociations impossible et a conduit les investisseurs à mettre un terme aux discussions,

- que s'agissant de leur préjudice, les investisseurs justifient avoir exposé la somme de 64.746,84 euros de frais dans le cadre des pourparlers, somme que les intimés doivent être condamnés à leur régler.

En réponse, M. [M] et la société Groupe Confiance exposent :

- que la LOI faisait état de "souhaits" de la part des investisseurs, notamment concernant un prix plancher,

- qu'ils ont demandé en décembre des précisions concernant ce prix plancher, exprimant qu'il s'agissait d'une incompréhension plutôt que d'un désaccord de leur part,

- que les investisseurs n'ont toutefois apporté aucun éclaircissement sur cette question et se sont contentés de leur poser un ultimatum au 18 décembre 2017,

- que ce sont les investisseurs qui ont mis fin aux pourparlers par courriel du 21 décembre 2017,

- que le caractère abusif de la rupture est à l'appréciation souveraine des juges,

- que s'agissant de la communication de la documentation, les documents qui n'ont pas été transmis sont des documents qui soit n'existent pas soit sont détenus par des tiers, et qu'en tout état de cause, comme l'a justement retenu le tribunal, aucun calendrier n'avait été fixé à ce sujet,

- que s'agissant des conditions de sortie des investisseurs, aucun accord ferme n'a été signé, la LOI n'étant contraignante ni àl'égard des investisseurs qui l'ont émise ni à l'égard de ceux à qui elle était adressée,

- que le fait d'avoir voulu rediscuter tel ou tel élément n'est pas fautif, de même que n'est pas fautif le non aboutissement des négociations,

- que c'est à juste titre que le tribunal a débouté les investisseurs de leurs prétentions,

- que s'agissant du préjudice allégué par les investisseurs, ils ne démontrent pas avoir réglé les sommes dont ils demandent le remboursement.

Selon l'article 1104 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 01 octobre 2016, Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes de l'article 1112 du code civil, "l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages".

L'article L 1112-1 institue enfin une obligation d'information.

Il existe ainsi un principe de liberté des négociations qui constituent la période exploratoire durant laquelle les futurs cocontractants échangent leur point de vue, formulent et discutent les propositions qu'ils font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat sans être pour autant assurés de le conclure, il s'agit de la phase au cours de laquelle les agents vont chercher à trouver un accord quant à la détermination des termes du contrat.

L'obligation de bonne foi pendant la phase précontractuelle induit que les parties doivent être véritablement animées par la volonté de contracter, être sincères dans leurs démarches de négocier et ne pas laisser croire délibérément à l'autre que les pourparlers ont une chance d'aboutir alors qu'il n'en est rien. Une partie manque aux règles de bonne foi lorsqu'elle maintient dans une incertitude prolongée son cocontractant alors qu'elle n'a aucune obligation de contracter.

La victime d'une faute commise pendant la période précédant la conclusion du contrat est en droit de poursuivre la réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

En l'espèce, il résulte des productions que suite à un rapport (opération projet Pyramide) de la société KPMG du 21 novembre 2016, les sociétés Mat immo Beaune, 2M Promotion et Fournydis Sas ont adressé par courrier daté du 31 octobre 2017 à "M. [X] [M] C/O Groupe confiance" une lettre d'offre indicative (LOI) pour le projet de rachat des titres de la société Newconfim, document marquant leur intérêt pour l'opération envisagée mais qui porte également sur les éléments essentiels du contrat et ses modalités d'exécution.

Il était entre autre mentionné que la volonté d'association était temporaire et qu'il convenait de convenir de modalités de sortie, qu'il était précisé le souhait d'un prix plancher de 27.750.000 euros correspondant à 37% d'un montant de 75.000 euros pour 100%.

Le 8 décembre 2017, M [M] a indiqué qu'il n'avait jamais été prévu la signature d'une promesse d'achat même si un prix plancher a bien été accepté pour établir un "succes fee".

Le 11 décembre 2017, le conseil des investisseurs a adressé une nouvelle version du protocole d'accord et le projet de pacte d'associés. Le 15 décembre 2017, il a imposé une alternative entre valider définitivement l'offre pour poursuivre l'opération ou y mettre fin.

M. [M] a répondu le 17 décembre qu'il y avait beaucoup de problèmes posés par le prix plancher, qu'il le considérait comme un handicap dans l'hypothèse d'une vente dans les trois ans. Le lendemain, il évoquait une incompréhension plutôt qu'un désaccord et demandait si le prix comprenaient les intérêts sur les obligations convertibles, ses propres intérêts venant en déduction des 27.750.000 euros.

Par courrier du 21 décembre 2017, les trois sociétés ont reproché à leur adversaire de ne pas leur avoir communiqué l'intégralité des informations leur permettant "d'avoir les conforts nécessaires à la réalisation de l'opération projetée tout en nous empêchant de respecter les délais impartis" ; ils ont affirmé que M. [M] n'avait cessé de remettre en cause les modalités de rachat de leur participation en voulant déroger aux termes de la LOI et à leurs accords historiques, qu'il n'existait aucune certitude ni engagement ferme quand au bon vouloir de son actionnaire majoritaire sur la cession de sa participation telle qu'envisagée et décrite au protocole de cession et notamment avec un engagement de garantie de passif, qu'ils avaient cru comprendre que certains de ses associés donnaient préférence à une autre solution et que dans ce contexte, ils ne pouvaient que constater la rupture des négociations à la seule et unique initiative de M. [M]. Ils lui demandaient en conséquence paiement d'une somme de 45.000 euros couvrant leurs frais avancés et se réservaient de droit de demander une indemnisation inhérente à la rupture de l'accord.

Le 27 décembre 2017, M. [M] pour le groupe Confiance contestait ces affirmations.

De manière liminaire, la cour relève que les investisseurs ne conteste pas avoir procédé par courrier à la fin des pourparlers en constatant la rupture des négociations, ce qui ne les prive pas de la possibilité de voir imputer cette rupture au comportement fautif de leur adversaire et d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice qui en aurait résulté.

Il convient de reprendre leurs griefs.

S'agissant de l'absence de communication des informations nécessaires à la poursuite des pourparlers, il ressort des productions que les négociations ont été menées dans des délais très contraints, la date du 31 octobre 2017 ayant manifestement été donnée par M. [M] et reprise dans la LOI pour une réalisation rapide de l'opération.

Il résulte de la pièce 3 des appelants que ces derniers avaient demandé communication de diverses pièces se rapportant aux titres de propriété, les éléments chiffrés et les rapports du commissaire au compte et les éléments juridiques des deux derniers exercices. Cette demande a été réitérée le 21 novembre 2017 sans que les pièces ne soient communiquées d'où l'impossibilité pour les investisseurs de procéder à des vérifications comptables et juridiques et sans que des explications n'aient été données sur cette absence de communication.

La société intimée ne donne aucun élément justifiant la non communication des pièces dont la pertinence est indéniable, affirmant seulement dans ses conclusions que les pièces n'existeraient pas sans plus d'explications plausibles.

C'est en vain par ailleurs que l'intimée fait valoir qu'aucun délai de communication n'avait été convenu alors que compte tenu des délais contraints, il était au contraire nécessaire que les pièces indispensables aux négociations soient communiquées très rapidement.

L'absence de justificatifs de cette communication caractérise la mauvaise foi de l'intimée dans les négociations.

Concernant les conditions de sortie des appelants, il n'est pas contesté que l'intimée souhaitait associer les investisseurs à l'opération en cours de manière temporaire, ce qui est précisé par la LOI, et que les investisseurs ont souhaité obtenir des conditions de départ qu'ils estimaient satisfaisantes et notamment un prix plancher de rachat de leur participation à 27.750.000 euros, ceci faisant expressément l'objet du complément de la LOI.

Le document a été signé par les représentants des sociétés et M. [M], lequel en a paraphé chaque page. Un complément de LOI a été établi le même jour et signé et paraphé de même. Cette LOI par ses précisions et sa ratification caractérise un accord de principe sur ses modalités.

La société Groupe Confiance les a remises en cause en soutenant dans un premier temps que "si un prix plancher a bien été accepté pour établir un succes fee, il n'a jamais été prévu la signature d'une promesse d'achat dans la LOI et son complément". Le prix plancher a ensuite été contesté par M. [M].

C'est à juste titre que les appelants relèvent que lors de la signature des LOI, relativement aux conditions de sortie, aucune observation n'avait été faite par M [M] qui l'avait contresignée, qu'il a reconnu l'acceptation du prix plancher et contesté la promesse d'achat pourtant induite par les conditions de l'opération, qu'il a ensuite remis en cause le prix plancher déclaré accepté précédemment, qu'il a enfin qualifié ce dernier de simple souhait.

La mauvaise foi de l'intimée est ainsi caractérisée en ce qu'elle est graduellement revenue sur une condition essentielle de l'accord de principe initial, qui avait été actée, sa sincérité étant sérieusement mise en doute.

Concernant la garantie d'actif et de passif qui n'a pas été examinée par le tribunal, celle-ci est également visée précisément par la LOI agréée par l'intimée. Toutefois, il ressort clairement des courriers échangés que l'intimée n'a ensuite plus entendu en prévoir une dans la contrat définitif.

La société intimée apparaît là-aussi de mauvaise foi en ce qu'elle est revenue tardivement sur un terme essentiel de l'accord alors qu'elle connaissait précisément les conditions de la participation des appelants à l'opération.

Il découle du faisceau d'indices qui précède que la société groupe Confiance a manifestement fait preuve de mauvaise foi dans les négociations avec les investisseurs, ce qui a conduit à la fin de celles-ci et que l'origine de la rupture lui est imputable et ouvre droit à une demande de dommages intérêts des investisseurs si un préjudice en a été subi. Le jugement est en conséquence infirmé.

Sur l'indemnisation des préjudices

La rupture de pourparlers en raison d'une attitude de mauvaise foi d'une partie ouvre droit pour son adversaire au remboursement des débours exposés inutilement.

Les appelants font état de débours à hauteur d'un total de 64.746,84 euros, dont ils versent les justificatifs en pièce 14 en précisant la ventilation entre eux de ces débours.

La société Groupe Confiance ne fait valoir aucun argument en réponse sur ces chefs de préjudices.

Il sera dès lors fait droit aux prétentions justifiées des appelants.

Sur les demandes de M. [M] et de la société Groupe Confiance

M. [M] et la société Groupe Confiance demandent à la cour de condamner les investisseurs à leur régler la somme de 10.000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral.

En réponse, les investisseurs soutiennent que cette demande est infondée.

Il appartient aux intimés de rapporter la preuve d'une faute des appelants leur ayant causé le préjudice dénoncé.

La société Groupe Confiance qui succombe au principal ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice moral résultant de l'action de ses adversaires.

M. [M] se contente d'affirmer avoir subi un préjudice moral mais aucune des cinq pièces dénoncées par lui ne rapporte une telle preuve. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages intérêts des intimés.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Groupe Confiance qui succombe a la charge des dépens de première instance et d'appel.

Elle versera aux appelants la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute M. [M] et la société Groupe Confiance de leurs demandes d'irrecevabilité des prétentions de M. [B] et [N].

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable l'action engagée à l'encontre de M. [M], représentant de la societé DD Conseil, présidente de la société Groupe Confiance,

- dit recevable l'action engagée à l'encontre de la société Groupe Confiance,

- rejeté la demande de dommages intérêts de la Sas Groupe confiance et de M. [M].

Infirme le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la Sas Groupe Confiance a manqué à son obligation de bonne foi pendant les pourparlers.

Condamne la Sas Groupe Confiance à payer avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

' 35.067,42 euros à la société Mat Immo Beaune,

' 24.327,42 euros à la société 2M Promotion,

' 3.564 euros à la société Fournydis,

' 894 euros à M. [N],

' 894 euros à M. [B],

Condamne la Sas Groupe Confiance à verser aux appelants la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sas Groupe Confiance aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/07633
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;19.07633 ?
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