La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°19/00350

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 08 décembre 2022, 19/00350


N° RG 19/00350 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEOC









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 03 décembre 2018



RG : 2017j00912

ch n°





SARL AUSTRO-BAGS FRANCE



C/



SARL MONTEREY-SND





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 08 Décembre 2022







APPELANTE :



SARL AUSTRO-BAGS FRANCE

agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Stéphane LAPALUT de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON, toque : 563





INTIMEE :



...

N° RG 19/00350 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEOC

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 03 décembre 2018

RG : 2017j00912

ch n°

SARL AUSTRO-BAGS FRANCE

C/

SARL MONTEREY-SND

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Décembre 2022

APPELANTE :

SARL AUSTRO-BAGS FRANCE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphane LAPALUT de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON, toque : 563

INTIMEE :

SARL MONTEREY-SND prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège.

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 29 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 08 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La Sarl Austro-Bags France (Austro-Bags) a pour activité principale le commerce de sachets d'emballage à destination du commerce de détail. Elle a été constituée en 1998 par la société de droit autrichien Jodl, acteur majeur du secteur dont elle est une filiale.

Elle a fait valoir que la Sarl Monterey-SND créée en 1988 et qui exerce dans le même secteur avait modifié ses emballages, tant au niveau du conditionnement que de l'étiquetage.

Par courrier recommandé du 23 janvier 2017, la société Austro-Bags a mis en demeure la société Monterey-SND de prendre diverses mesures visant à faire cesser la confusion entre leurs emballages.

La société Monterey-SND a contesté le risque de confusion entre les produits et a proposé de modifier son étiquetage.

Par acte du 12 mai 2017, la société Austro-Bags a fait assigner la société Monterey-SND devant le tribunal de commerce de Lyon en réparation du préjudice qu'elle estimait subir du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme de la part de cette dernière.

Par jugement du 3 décembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :

- jugé que la société Monterey-SND n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société Austro-Bags France,

- jugé mal fondée l'action de la société Austro-Bags France à l'encontre de la société Monterey-SND,

- débouté la société Austro-Bags France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en réparation de son préjudice,

- rejeté toutes les demandes, fins et conclusions de la société Monterey-SND au titre de la procédure abusive et de l'atteinte à sa réputation et son image,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont partagés par moitié entre les parties.

La société Austro-Bags a interjeté appel par acte du 16 janvier 2019.

* * *

Par conclusions du 30 octobre 2020 fondées sur l'article 1240 du code civil, la société Austro-Bags demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- constater que la société Monterey-SND s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son encontre,

- constater qu'elle a subi du fait de cette concurrence déloyale un préjudice, dont il convient d'ordonner réparation,

en conséquence,

- condamner la société Monterey-SND à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de la perte de chiffre d'affaires qu'elle a subie depuis le mois d'octobre 2016,

- condamner la société Monterey-SND à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'atteinte portée à sa réputation,

- condamner la société Monterey-SND :

' à abandonner l'usage d'étuis parallélépipèdiques transparents pour le conditionnement de ses sachets d'emballage,

' à abandonner l'usage d'étiquettes identiques aux siennes, ou proches d'elles, au point d'être rapprochées ou confondues avec elles,

' à prendre toute mesure utile à la différenciation de sa production avec la sienne, notamment par l'apposition prépondérante sur ses produits, conditionnements, étiquettes, littérature technique et commerciale, du nom de son entreprise,

' à renoncer à toute reprise de ses éléments de communication, notamment sur son site web et sur tous autres supports,

et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir,

- se réserver la faculté de liquider ladite astreinte,

- condamner la société Monterey-SND à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Monterey-SND aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Lapalut,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois publications spécialisées dans le secteur de l'emballage alimentaire, à son choix et aux frais de la société Monterey-SND.

* * *

Par conclusions du 9 novembre 2020 fondées sur l'article 1240 du code civil, la société Monterey-SND demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société Austro-Bags,

- confirmer purement et simplement le jugement déféré,

- condamner la société Austro-Bags à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Laffly, avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 27 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme

Selon l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui-ci par la faute duquel il est arrivé àle réparer".

La société Austro-Bags expose :

- que la société Monterey-SND a volontairement imité son conditionnement, ses produits et sa communication dans le but de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle puisqu'il est établi qu'elle a abandonné en octobre 2016 les conditionnements et étiquetages qu'elle utilisait jusque là et concomitamment modifié la présentation de ses produits, adoptant un emballage et une communication semblables à ceux de la concluante,

- que contrairement à ce que prétend la société Monterey-SND, le secteur du sachet d'emballage pour le commerce alimentaire de détail en France est très restreint, avec seulement trois fabricants présents sur le marché (Austro-Bags, Monterey-SND et Delta Sac/Rythm) et que jusqu'en octobre 2016, la production de chacun des trois acteurs du marché était bien identifiable par la clientèle et qu'elle a été la seule à utiliser un conditionnement totalement transparent depuis l'année 2005 et jusqu'en 2016,

- que ce n'est qu'à compter d'octobre 2016 que la société Monterey-SND a modifié ses produits, ayant acquis à l'été 2016 une nouvelle machine pour fabriquer ses emballages,

- qu'il est faux d'affirmer que la société Rythm aurait adopté des conditionnements transparents dès 2005, qu'elle ne les a en réalité modifiés que fin 2016, comme la société Monterey-SND, qu'elle n'a pas été poursuivie poursuivi uniquement parce que'elle s'est retirée du marché (radiation du RCS),

- que la société Monterey-SND reconnaît avoir adopté un conditionnement identique au sien à compter d'octobre 2016, alléguant que cette évolution lui a été imposée par sa clientèle, que les conditionnements transparents adoptés sont en tous points identiques aux siens, alors qu'elles ont chacune des fournisseurs qui font du sur-mesure et aucunement des produits "standard",

- que la société Monterey-SND a en outre reproduit à l'identique son étiquetage à partir d'octobre 2016 et a d'ailleurs accepté en février 2017 de le modifier à sa demande, reconnaissant implicitement l'existence d'un agissement fautif,

- que le prestataire en communication chargé début 2016 de la refonte du site internet de la société Monterey-SND a pris comme source d'inspiration son site internet,

- que la société Monterey-SND a également en 2016 adopté pour ses sachets le fond carton métallisé (produit phare de la concluante), abandonnant les cartonettes de couleur blanche qu'elle utilisait jusque là,

- que le parasitisme est établi lorsqu'il s'agit pour un concurrent de profiter abusivement de la notoriété acquise par un autre.

En réponse, la société Monterey-SND fait valoir :

- que les boîtes translucides ne sont pas un élément distinctif des produits de la société Austro-Bags puisqu'il s'agit d'emballages standard que l'on peut retrouver en grande surface et chez des fabricants à Hong Kong,

- que la société Ryhthm avait également proposé des emballages transparents dès 2005,

- que les boîtes conçues par elle ne sont pas totalement identiques à celles de la société Austro-Bags, et qu'en tout état de cause il s'agit de produits standards et non de produits personnalisés,

- que la société Austro-Bags ne peut pas lui interdire de répondre aux attentes de sa clientèle,

- que s'agissant des étiquettes, d'une part les étiquettes ne sont pas identiques (parmi les différences : traduction en allemand et anglais sur les étiquettes Austro-Bags, et mention sur les étiquettes Monterey-SND du logo "fabrication française"), d'autre part que dès mars 2017 elle a modifié ses étiquettes en réponse au courrier du conseil de la société Austro-Bags,

- que les cartonettes de fond de sachet de couleur or ou argent sont couramment utilisées dans le secteur et que par conséquent la couleur métallisée n'est pas un signe distinctif des produits de la société Austro-Bags,

- que s'agissant du site internet, son prestataire a utilisé sans l'en informer le visuel de la société Austro-Bags et que le site de démonstration n'a été accessible au public que pendant quelques heures, qu'Austro-Bags ne rapporte aucune preuve de confusion entre le site monterey-snd.eu et son site,

- que s'agissant du parasitisme, il implique que soit établie l'existence d'une technique ayant nécessité des efforts intellectuels et financiers mais que la société Austro-Bags, qui n'est pas fabricant mais revendeur, et ne justifie aucunement de tels efforts.

La concurrence déloyale et le parasitisme trouvent leur fondement juridique dans le principe général de responsabilité civile édicté par les articles 1240 et 1241 du code civil.

S'agissant en premier lieu des faits de concurrence déloyale, lesquels consistent dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelles applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires notamment aux fins d'opérer u n détournement de clientèle, la société Austro-Bags qui a présenté les conditionnements avec étiquettes à l'audience verse également aux débats :

- des photographies, non contestées, des boites transparentes de conditionnement des sacs et les étiquettes correspondantes et en comparaison, les mêmes produits développés par la société Monterey-SND après octobre 2016, ainsi que les sacs avec les fonds de couleur argentés des deux sociétés après octobre 2016,

- un constat d'huissier dressé le 2 mars 2017 par Maître [S], relatant un transport dans un magasin à [Localité 5] et montrant les conditionnements de la société Monterey-SND antérieurs à octobre 2016,

- des extraits des sites internet des deux sociétés.

De manière liminaire, la cour relève que si le tribunal de commerce a relevé que la société Austro-Bags ne justifiait pas d'une marque déposée de son sachet d'emballage transparent, ce qui n'est pas contesté, cette circonstance n'est pas de nature à écarter une action en concurrence déloyale et parasitisme.

La pièce 10 de l'appelante démontre que les conditionnements et étiquettes de la société Monterey-SND antérieurs à octobre 2016 étaient totalement différents de ceux de l'appelante, en ce qu'ils se présentaient sous forme d'un emballage cartonné de forme rectangulaire contenant 100 sacs confiserie disposant sur sa face principale d'une ouverture permettant une saisie rapide des sacs outre une étiquette indiquant la nature, la quantité, les dimensions, code produit et numéro de lot (clichés 1 et 2 constat d'huissier p10), et qu'ensuite ces conditionnements se sont présentés sous la forme d'un emballage totalement transparent de forme rectangulaire contenant 100 sacs transparents avec fond carton neutre outre en partie latérale, une étiquette indiquant la nature, la quantité, les dimensions, code produit et numéro de lot (clichés 3 et 4).

La société appelante justifie de ce qu'elle présentait déjà ce conditionnement dès janvier 2006 (p20, 21, 22 et 29) et la société Monterey-SND échoue à démontrer qu'elle aurait pour sa part modifié ses produits dès 2013. Sa pièce 4 devant établir qu'elle a commandé des conditionnements transparents le 18 novembre 2014 est en langue étrangère et ne prouve en tout état de cause aucune vente de tels conditionnements à cette date.

La société Monterey-SND échoue ainsi à rapporter la preuve d'une utilisation antérieure d'un tel conditionnement, ses attestations de clients versées au débats ne le démontrant nullement, tandis que la société appelante établit (p12) que les tarifs de son adversaire font apparaître ces nouveaux conditionnements fin 2016 seulement.

Il résulte donc de ces constatations que la société Monterey-SND a modifié en octobre 2016 ses conditionnements au bénéfice de produits semblables à ceux de la société Austro-Bags par leur aspect et leur dimensions. Ce visuel est accentué par la modification dans le même temps des étiquettes.

Or, une telle modification pour adopter un mode de conditionnement similaire à celui d'Austro-bags sur un secteur particulièrement restreint à trois sociétés (la société Austro-Bags représente 80 % du marché français contre 10 % pour la société Monterey-SND et 10% pour la société Rythm) est incontestablement de nature à engendrer une confusion dans l'esprit de la clientèle, que le conditionnement en cause soit un produit standard ou individualisé acquis auprès d'une société tiers.

L'intimée ne démontre en outre nullement que les exigences de la clientèle en la matière imposait nécessairement l'adoption d'un conditionnement identique par l'aspect et la forme à celui de son adversaire même en utilisant des emballages transparents, ne procédant que par affirmations sur ce point. Sa pièce 10 (attestation d'un représentant de l'office niçois de l'emballage) et les attestations de clients sont des affirmations à posteriori et, à supposer réelle la demande de la clientèle, cette demande n'induisait pas une modification à l'identique des emballages d'Austro-Bags.

La société Monterey-SND soutient ensuite que la société Rythm, avait mis de tels conditionnements sur le marché sur une courte période dès 2005 puis qu'ayant perdu un client au profit d'Austro-Bags, cette dernière a répondu à la demande du client en proposant un emballage transparent identique au conditionnement de la société Rythm et n'a mis en vente de tels conditionnements qu'en 2006-2007. Cependant, l'intimée ne rapporte pas la preuve de ses dires, sa pièce 22 (fiche d'envoi de produits) restant absconse et n'étant nullement déterminante pour prouver la mise en vente de tels conditionnements par Rythm avant Austro-Bags, il en est de même de ses photographies non datées tandis que la société appelante produit les catalogues de la société Rythm 2015 2016 présentant un conditionnement carton.

S'agissant des sachets d'emballage et plus particulièrement du fond cartonné, la société Austro-bags établit avoir mis sur le marché des sachets d'emballage transparents comportant un fond carton métallisé une face tandis que la société Monterey-SND fabriquait et commercialisait jusqu'en octobre 2016 des sachets renforcés d'un carton de couleur blanche avant d'adopter un fond de couleur identique à celui des sachets de la société Austro-Bags. Cette modification a encore renforcé le risque de confusion, la clientèle ne pouvant plus distinguer les produits des sociétés concurrentes et c'est en vain que la société Monterey-SND prétend qu'elle a dû répondre là aussi aux attentes des clients alors qu'elle ne démontre par aucun élément probant que cette couleur spécifiquement choisie par son adversaire correspondrait à une norme indispensable en la matière.

S'agissant des étiquettes, la société Monterey-SND relève que l'étiquette Austro-Bags est traduite en anglais et en allemand contrairement à la sienne et elle ne comporte pas la mention "fabrication française". Cependant, ces différences ne sont pas déterminantes pour la clientèle contrairement à l'impression visuelle similaire. La société Monterey-SND a d'ailleurs, suite au courrier d'Austro-Bags, modifié ses étiquettes, ce qui est une reconnaissance tacite de la légitimité des récriminations adverses.

La société Monterey-SND se prévaut également de simples erreurs non fautives sur un marché diversifié dont elle ne rapporte d'ailleurs pas la preuve ; le caractère au contraire très restreint du marché révèle qu'elle connaissait nécessairement les produits adverses et accrédite la thèse de l'appelante d'une modification volontaire pour engendrer la confusion dans l'esprit de la clientèle.

S'agissant du site internet, la pièce 19 de l'intimée est un courrier du prestataire de la refonte du site internet de la société Monterey-SND, qui affirme que la société "n'est en aucun cas responsable de l'utilisation des visuels de la société Austro-Bags. Nous avons repris sans son accord ni même à la connaissance de son dirigeant Mr [T] [U], les visuels de la société Austro-Bags pour l'élaboration du cahier des charges et ce uniquement à titre d'exemple....la société Monterey ne peut être tenue pour responsable d'un contenu diffusé sur un domaine appartenant à notre société...de plus, nous souhaitons préciser que la consultation de ce cahier des charges a été mise en ligne pendant une période inférieure à 48 heures et que ce site est toujours en cours de refonte et inaccessible pour les particuliers comme pour les professionnels".

Malgré ces affirmations du prestataire de la société Monterey-SND, la capture d'écran réalisée par la société Austro-bags montrant un site internet identique au sien mais avec le logo de la société Monterey-SND, était manifestement accessible à tous, l'intimée échouant à démontrer que seule son adversaire y aurait eu accès. Elle n'établit pas plus que cette diffusion ait été limitée à 48 heures.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Austro-Bags établit concrètement les faits de concurrence déloyale commis par l'intimée à son encontre.

Concernant les faits de parasitisme, ils consistent pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Sur ce point la société Austro-bags ne rapporte la preuve concrète d'aucuns efforts ou savoir faire spécifique, d'investissement financier de conception ou création de ses produits, étant rappelé qu'elle n'est que revendeur et non fabricant. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre de faits de parasitisme.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté l'existence de faits de concurrence déloyale.

Sur le préjudice de la société Austro-Bags

La société Austro-Bags expose qu'elle a subi un double préjudice de perte de chiffre d'affaires et d'atteinte à sa réputation, dès lors :

- que s'agissant de la perte de chiffre d'affaires, la confusion créée par la société Monterey-SND a pour effet de détourner une partie de sa clientèle,

- que l'intimée vend en effet ses nouveaux produits à un prix inférieur à celui pratiqué antérieurement et inférieur également aux siens,

- que l'intimée prétend qu'elle continue à commercialiser son ancienne gamme de produits, ce qu'elle ne démontre pas,

- que l'intimée n'a jamais produit le justificatif du chiffre d'affaires réalisé avec ses nouveaux produits,

- que contrairement à ce qu'affirme la société Monterey-SND, il n'y a pas de complémentarité entre elles,

- que s'agissant de l'atteinte à sa réputation, une partie de la clientèle acquiert aujourd'hui des produits qu'elle pense être fabriqués par la concluante et qui ne correspondent pas à la qualité à laquelle ils sont habitués, les produits copiés étant d'une qualité moindre,

En réponse, la société Monterey-SND fait valoir :

- que le chiffre d'affaires de la société Austro-Bags a augmenté entre 2015 et 2016, et encore par la suite, et qu'elle ne peut donc valablement invoquer une perte de marge brute,

- que le marché reste réparti entre les trois acteurs selon la même ventilation (80%, 10%, 10%),

- qu'une partie importante de son activité (sachets personnalisés pour clients faisant de petites commandes) n'affecte pas l'activité de la société Austro-Bags (sachets personnalisés uniquement pour les clients faisant de gros volumes de commandes),

- qu'en cela son activité est complémentaire de celle de la société Austro-Bags,

- que la société Austro-Bags ne justifie aucunement des sommes qu'elle réclame, ni le détournement de clientèle qu'elle allègue, que sa baisse d'attractivité est liée au fait qu'elle manque d'adaptabilité, n'étant pas elle-même producteur (production en Autriche),

- que les demandes d'indemnisation de la société Austro-Bags doivent donc être rejetées.

La cour rappelle qu'il existe une présomption en vertu de laquelle il s'infère nécessairement l'existence d'un préjudice, fut il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale.

La société Monterey-SND affirme sans en rapporter la preuve que les deux sociétés seraient en fait complémentaires et n'auraient pas de clientèle réellement commune (livraison de "gros clients" avec de gros volumes par Austro-Bags avec des délais non raccourcis de livraison et développement pour elle après de petits clients avec de faibles volumes et des délais de livraison rapides). Cependant, alors que les produits vendus sont similaires (sacs transparents d'emballage de produits alimentaires à fond carton), la société Monterey-SND ne procède que par affirmations sur une activité purement complémentaire.

La société appelante ne conteste pas que son chiffre d'affaire a continué à augmenter nonobstant les actes de concurrence déloyale de son adversaire, mais ceci ne la prive pas du droit d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice économique dès lors qu'elle a pu subir une augmentation moindre de ce chiffre d'affaires.

L'appelante ne produit cependant pas d'éléments comptables et ne peut renverser la charge de la preuve sur l'étendue de son préjudice en imputant à la société Monterey-SND l'absence de tels justificatifs comptables.

La société Austro-Bags justifie par contre d'un préjudice d'image indéniable puisque les produits de la société Monterey-SND sont vendus à un prix moindre, ce qui diminue nécessairement le pouvoir attractif des produits de l'appelante puisque la société intimée a commercialisé des produits sous un aspect et conditionnement identique mais avec une qualité de fabrication inférieure, ce qui résulte des pièces de la société Austro-Bags et notamment des pièces 27 à 28 et 39-40.

Ce préjudice indéniable est évalué et indemnisé à hauteur de 10.000 euros à titre de dommages intérêts.

Concernant les mesures d'interdiction sous astreinte, afin de prévenir tout renouvellement des faits de concurrence déloyale dans l'avenir, il y a lieu de faire droit à celle concernant les étiquettes identiques selon les modalités précisées au dispositif même si la société Monterey-SND a finalement accédé à la demande d'Austro-Bags en modifiant ses étiquettes.

Il est également fait droit à la demande d'abandon par la société Monterey-SND d'étuis parallélépipèdiques transparents pour le conditionnement de ses sachets d'emballage, précision apportée de leur caractère similaire.

Il ne peut être par contre être imposé à la société Monterey-SND comme le demande la société Austro-Bags de prendre des mesures utiles à la différentiation de sa production par l'apposition notamment de son nom sur les produits.

Il est également utile de condamner la société Monterey à renoncer à toute reprise des éléments de communication d'Austro-Bags, sur un site web ou sur tout support, la reprise du site internet ayant été abandonnée par l'intimée dans un délai non immédiat.

La mesure de publicité n'apparaît pas nécessaire à la réparation du préjudice.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la société Monterey-SND qui versera en outre à son adversaire la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que la société Monterey-SND n'avait pas commis d'actes de parasitisme à l'encontre de la société Austro-Bags France et a rejeté la demande de mesure de publicité.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que la société Monterey-SND s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Austro-Bags France.

En conséquence, condamne la société Monterey-SND :

- à payer à la société Austro-Bags France la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi.

- à abandonner l'usage d'étuis parallélépipèdiques transparents d'aspect similaire à ceux de la société Austro-Bags France pour le conditionnement de ses sachets d'emballage,

- à abandonner l'usage d'étiquettes identiques aux siennes, ou proches d'elles, au point d'être rapprochées ou confondues avec elles,

- à renoncer à toute reprise de ses éléments de communication, notamment sur son site web et sur tous autres supports,

et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à l'expiration d'un délai de un mois suivant la signification du jugement à intervenir.

Condamne la société Monterey-SND à payer à la société Austro-Bags France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Monterey-SND aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/00350
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;19.00350 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award