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01/12/2022 | FRANCE | N°19/03295

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 01 décembre 2022, 19/03295


N° RG 19/03295

N° Portalis DBVX-V-B7D-MLNF









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 27 mars 2019



RG : 2017j1714







SAS 2MR



C/



SARL TRAVO D'AVENIR





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 01 DÉCEMBRE 2022







APPELANTE :



SAS 2MR

[Adresse 3]

[Localit

é 2]



Représentée par Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON, toque : T.557







INTIMÉE :



SARL TRAVO D'AVENIR

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Hervé BARTHELEMY de la SELARL PBO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 44









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N° RG 19/03295

N° Portalis DBVX-V-B7D-MLNF

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 27 mars 2019

RG : 2017j1714

SAS 2MR

C/

SARL TRAVO D'AVENIR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 01 DÉCEMBRE 2022

APPELANTE :

SAS 2MR

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON, toque : T.557

INTIMÉE :

SARL TRAVO D'AVENIR

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Hervé BARTHELEMY de la SELARL PBO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 44

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 01 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Raphaële FAIVRE, vice-président placé

- Marianne LA-MESTA, conseiller

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Clémence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C], agriculteur en retraite, préside la société Bois Martin Energie qui exploite une installation photovoltaïque. Souhaitant mettre à profit une surface importante de toiture de ses anciens bâtiments agricoles, M. [C] et ses deux fils ont constitué la SAS 2MR, ayant pour activité la production d'électricité. Selon devis établit et accepté le 25 février 2016 la société 2MR a commandé auprès de la SARL Travo d'Avenir, spécialisée dans les installations photovoltaïques, l'installation d'une centrale photovoltaïque pour un montant de 126.000 euros.

Les travaux ont été réalisés et un procès-verbal a été signé par les deux parties le 4 août 2016 et l'installation a été mise en service le 5 octobre 2016.

La société Travo d'Avenir a alors émis une facture finale de travaux qui a été partiellement réglée par la société 2MR, un solde de 10.000 euros restant dû.

La société 2MR s'est opposée au règlement de la facture litigieuse, au motif que le contrat d'achat de l'électricité par la société Électricité de France fixait en réalité le tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque à 0,1313 euros /kWh et non 0,139 comme indiqué dans la simulation de la société Travo d'Avenir et que le plafond maximum de production électrique pouvant être mis en 'uvre était de 148.500 kW alors que le prévisionnel émis par la société Travo d'Avenir établissait une production de 119.445 kW, de sorte qu'il en résultait pour elle un manque à gagner.

La société 2MR a sollicité la société Travo d'Avenir afin de trouver un accord amiable permettant de remplacer les panneaux installés par des panneaux de puissance plus importante afin d'approcher de la production maximale possible. La société Travo d'Avenir n'a pas donné suite à cette demande.

Par ordonnance du 12 avril 2017, le tribunal de commerce de Lyon a fait droit à la requête en injonction de payer déposée par la société Travo d'Avenir aux fins d'obtenir le paiement par la société 2MR de la somme en principal de 10.000 euros.

Le 10 octobre 2017, la société 2MR a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 27 mars 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit l'opposition recevable mais non fondée,

condamné la société 2MR à payer à la société Travo d'Avenir la somme de 10.000 euros, outre intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 4 février 2017,

rejeté l'ensemble des demandes de la société 2MR,

débouté la société Travo d'Avenir de sa demande de dommages et intérêts,

condamné la société 2MR à payer la somme de 2.000 euros à la société Travo d'Avenir au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société 2MR aux entiers dépens de l'instance,

dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les en a déboutées respectivement.

La société 2MR a interjeté appel par acte du 10 mai 2019.

Se prévalant par ailleurs de désordres affectant l'installation et après avoir missionné la société Quantom et la société Socotec qui ont relevé des non conformités et des échauffements sur les connexions électriques, la société 2MR a déclaré un sinistre auprès de son assureur, la société Groupama Auvergne Rhône-Alpes, laquelle, a, par acte d'huissier du 28 mai 2020, fait délivrer assignation à la société Travo d'Avenir, la société 2MR et la société CEGI, chargé de la maintenance, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de désignation d'un expert pour vérifier les non-conformités et les risques relevés par les sociétés Quantom et Socotec.

Par jugement du 6 juillet 2021, la cour d'appel de Lyon a infirmé le jugement rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon et a ordonné une expertise judiciaire de l'installation photovoltaïque.

Par conclusions d'incident du 4 juin 2020, la société 2MR a demandé au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 378 du code de procédure civile, d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente des opérations d'expertise judiciaire sollicitées par son assureur, la société Groupama auprès du juge des référés. Par courrier du 9 juin 2020, le juge de la mise en état a informé les parties que cet incident était joint au fond.

Par conclusions du 4 juin 2020 fondées sur les articles 9 et 378 du code de procédure civile et sur l'article 1147 ancien du code civil, la société 2MR demande à la cour de':

à titre principal et avant-dire-droit,

ordonner un sursis à statuer dans l'attente des opérations d'expertise judiciaire sollicitées par la société Groupama suivant exploit d'huissier du 28 mai 2020,

réserver les dépens,

à titre subsidiaire,

réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

réduire à néant l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 12 avril 2017 par le président du tribunal de commerce de Lyon,

ordonner une réduction de prix à hauteur de 10.000 euros TTC de la facture n° 20150151 du 3 octobre 2016 de la société Travo d'Avenir qui s'élèvera ainsi à la somme de 141.200 euros TTC,

débouter la société Travo d'Avenir de l'intégralité de ses demandes comme étant infondées et injustifiées,

condamner la société Travo d'Avenir à lui payer la somme de 98.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de rentabiliser son installation photovoltaique du fait de ses manquements à son obligation de renseignement et de conseil,

condamner la société Travo d'Avenir au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 25 octobre 2019 fondées sur les articles 1134 et suivants anciens du code civil, la société Travo d'Avenir demande à la cour de':

dire l'appel interjeté par la société 2MR recevable, mais injustifié et mal fondé,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

juger que la société 2MR est une entreprise spécialisée dans la production d'électricité photovoltaïque, et qu'elle est en conséquence parfaitement informée des règles de fixation du prix du kilowatt,

juger que les travaux ont été réalisés conformément à la commande et que la réception a été prononcée,

juger que les travaux réalisés respectent parfaitement la puissance maximale des générateurs de 99.99 kW,

juger qu'elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles, notamment d'information et de conseil, et qu'aucun manquement d'aucune sorte ne peut lui être reproché,

juger que les travaux de remplacement des panneaux sollicités par la société 2MR auraient pour effet de ne plus respecter la puissance maximale de 99,99 kW,

débouter la société 2MR de toutes prétentions, fins et conclusions,

condamner la société 2MR à lui payer la somme de 10.000 euros, au titre du solde de son marché, outre intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 4 février 2017,

condamner la société 2MR à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus,

condamner la société 2MR à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux entiers dépens distraits au profit de Me Barthélémy, avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 juillet 2020, les débats étant fixés au 19 octobre 2022.

Par conclusions du 17 octobre 2022, la société 2MR a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture afin d'admettre les nouvelles pièces communiquées selon bordereau n°4 en date du 6 octobre 2022'.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que le contrat ayant été régularisé entre les parties avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complété par la loi du 20 avril 2018 ratifiant cette ordonnance, il demeure soumis à la loi ancienne, y compris pour ses effets légaux et pour les dispositions d'ordre public, conformément à l'article 9 de cette ordonnance.

Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture

Il résulte des dispositions combinées des articles 803 et 907 du code de procédure civile, que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, la société 2MR sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 8 juillet 2020, afin de permettre la production aux débats de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 juillet 2021 ayant ordonné une expertise judiciaire dans le litige l'opposant à la société Travo d'Avenir s'agissant de malfaçons alléguées dans la réalisation des prestations d'installation des panneaux photovoltaïques par cette dernière ainsi que la production du compte rendu d'expertise du 25 octobre 2021.

Or, la lecture de la décision de la cour d'appel de Lyon en ce qu'elle contient la mission confiée à l'expert désigné dans l'arrêt, est de nature à permettre à la cour de trancher la demande de sursis à statuer formée par l'appelante, laquelle soutient que les conclusions de cet expert judiciaire sont de nature à avoir une incidence sur l'issue du litige.

En conséquence, il convient de rabattre l'ordonnance de clôture rendue le 8 juillet 2020, d'admettre les pièces n°41 et n°42 communiquées dans le bordereau de pièce n°4 de la société 2MR, à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 juillet 2021 et le compte rendu d'expertise du 25 octobre 2021 et de dire que l'affaire est à nouveau en état d'être clôturée.

Sur la demande de sursis à statuer

La société 2MR sollicite également qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la réalisation des opérations d'expertises judiciaires, lesquelles doivent permettre de confirmer la perte effective de rendement de l'installation photovoltaïque et la faute de la société Travo d'Avenir pour ne pas avoir mis en place les panneaux les plus efficients.

En l'espèce, il est constant que la mission de l'expert judiciaire désigné par la cour d'appel de Lyon selon arrêt du 6 juillet 2021 dans le litige opposant la société 2MR à la société Travo d'Avenir relativement à des désordres affectant l'installation photovoltaïque, ne comporte aucune demande d'investigation s'agissant du manquement de la société Travo d'Avenir à son obligation d'information et de conseil et s'agissant du préjudice en découlant, tels qu'allégués par l'appelante à l'encontre de cette dernière dans le cadre de la présente instance. Il se déduit de ces constatations, que les conclusions de l'expert ne sont pas de nature à avoir une incidence sur l'issue du présent litige qui est distinct de celui existant entre les mêmes parties relativement aux désordres d'installation des panneaux photovoltaïques, de sorte qu'il convient également de débouter l'appelante de sa demande de sursis à statuer.

Sur le manquement de la société Travo d'Avenir à son obligation d'information et de conseil

La société 2MR fait d'abord grief à la société Travo d'Avenir de ne jamais l'avoir informée sur une possible différence entre le tarif d'achat de l'électricité fixé au contrat de fourniture de l'installation photovoltaïque et le tarif de rachat de l'électricité fixé par le contrat d'achat de l'énergie électrique conclu avec Électricité Réseau Distribution France (ERDF).

Elle fait ainsi valoir que la proposition technique formulée par l'intimée mentionnait un tarif d'achat de 0,139 euros/kWh et que le tarif d'achat figurant au contrat d'achat de l'énergie électrique régularisé avec ERDF après raccordement de l'installation était seulement de 0,1313 euros/ kWh, soit une perte de 18.394 euros.

Elle conteste avoir eu une parfaite connaissance du mode de fixation du prix de rachat de l'électricité et des contraintes liées à la puissance des modules dès lors que M. [C] est agriculteur, proche de la retraite, qu'il a fait installer des panneaux il y a 10 ans et qu'il a souhaité réitérer l'opération avec ses enfants créant pour ce faire une nouvelle société en 2016.

Elle indique s'être fiée aux informations données par la société Travo d'Avenir à laquelle elle avait donné mandat de faire une étude de projet, sans imaginer que le prix du tarif indiqué était faux rendant sans valeur l'étude financière de rentabilité.

Elle précise ne pas contester le fait que le tarif de rachat de l'électricité par Électricité de France est d'ordre public et qu'on ne peut y déroger, mais soutient qu'elle aurait souhaité que le mécanisme de fonctionnement du tarif ERDF lui soit explicité afin qu'elle puisse donner son accord en toute connaissance de cause, alors que l'offre ne comporte aucune mention sur ce point ni aucune mention sur la période de validité du tarif appliqué. Elle affirme que l'intimée n'a jamais attiré son attention sur une possible évolution du tarif d'achat de l'électricité par électricité de France ni sur la réglementation applicable. Elle conteste le caractère indicatif du tarif indiqué, tout comme le fait que l'intimée a formulé différentes propositions avec des prix de rachat de l'électricité différents.

La société 2MR fait ensuite grief à la société Travo d'Avenir d'avoir manqué à son obligation de conseil lors du montage du projet au motif que le plafond maximum de production électrique pouvant être mis en 'uvre était de 148.500 kW alors que le provisionnel établi était de 119.445 kW, de sorte que si elle avait été correctement conseillée elle aurait pu faire poser des panneaux photovoltaïque d'une puissance plus importante.

Elle estime qu'en manquant à son obligation d'information et de conseil et en refusant de procéder à un remplacement des panneaux existants par des panneaux plus puissants alors que cette modification est techniquement tout a fait réalisable, la société Travo d'Avenir a mal exécuté sa prestation, justifiant une réduction du prix de 10.000 euros correspondante au montant du solde de la facture qu'elle reste à lui devoir.

Elle soutient enfin que si l'intimée l'avait correctement informée, des panneaux plus puissants auraient été installés générant une production d'électricité supérieure et elle n'aurait pas été déficitaire, de sorte qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 98.000 euros au titre de la perte de chance de rentabiliser son installation.

La société Travo d'Avenir soutient quant à elle qu'à l'égard d'un acheteur professionnel, l'obligation d'information n'existe que dans la mesure ou la compétence de l'acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés, ce qui n'est pas le cas de la société 2MR qui est spécialisée dans la production électrique et dirigée par M. [C], lequel préside une autre société qui exploite un autre bâtiment doté d'une installation photovoltaïque très conséquente. Il estime donc que l'appelante était parfaitement informée que le prix de rachat de l'électricité par ERDF fluctue, qu'il n'est pas possible de connaître ce tarif par avance et qu'elle ne pouvait bénéficier au mois de mars 2016, date de la mise en service de l'installation, d'un tarif antérieur.

Elle ajoute qu'elle a fourni à l'appelante plusieurs études présentant des tarifs différents, ce qui démontre que le prix n'est qu'indicatif et qu'il évolue au fil du temps, le document relatif aux études mentionnant expressément le caractère indicatif du tarif et précisant que les calculs devront faire l'objet d'une étude le confirmant.

Pour s'opposer aux demandes indemnitaires formées par l'appelante, elle expose qu'elle a parfaitement remplie ses obligations et que les travaux ont été parfaitement exécutés. Elle soutient également qu'il n'a jamais été convenu contractuellement que l'exploitation devait être bénéficiaire et elle ajoute qu'elle ne s'est pas engagée à garantir un prix de l'électricité. Elle soutient que le remplacement des panneaux existants par des panneaux plus puissants sans une modification du contrat existant, est impossible dès lors que cela conduit à dépasser la puissance maximale de 99,9 W prévue au contrat et alors que cette augmentation de puissance a pour corollaire une diminution du tarif de rachat de l'électricité par ERDF.

En application de l'article 1147 du code civil, le manquement d'un cocontractant à son obligation d'information et de conseil est constitutif d'une faute source de responsabilité contractuelle.

A l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information du vendeur n'existe toutefois que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens vendus. De même, l'obligation de conseil n'est concevable que s'il existe une différence de compétence entre le vendeur et l'acheteur.

En l'espèce, s'agissant du grief tenant au défaut d'information relatif à la différence entre le tarif formulé dans la proposition technique de l'installateur et celui fixé dans le contrat de rachat de la production photovoltaïque par ERDF après raccordement de l'installation, il est constant que la proposition technique formulée par l'intimée mentionnait un tarif d'achat de 0,139 euros/kWh alors que celui figurant au contrat d'achat de l'énergie électrique régularisé avec ERDF après raccordement de l'installation était seulement de 0,1313 euros/ kWh.

Il est également constant que le tarif de rachat de l'énergie solaire est d'une part évolutif car défini par arrêté ministériel et qu'il est d'autre part déterminé par la date de dépôt de la demande complète du raccordement au réseau adressée à ERDF, de sorte qu'il est fonction de la diligence du producteur/vendeur d'électricité quant à l'accomplissement des formalités laquelle est indépendante de l'installateur des panneaux photovoltaïques.

S'agissant du grief tenant au défaut d'information et de conseil relativement au plafond maximum de production électrique, il n'est pas davantage contesté que l'installation réalisée permet une productivité électrique annuelle par kiloWatt de puissance crête de 119.445 telle que figurant dans l'une des estimations de production dressée par la société Travo d'Avenir et que la plafond annuel de cette productivité tel que fixée au contrat ERDF s'établit à 148.500 kWh.

Or, si la société Travo d'Avenir est tenue d'une obligation d'information quant à la réglementation applicable au tarif de revente de l'électricité s'agissant notamment de son caractère évolutif et quant au plafond de productivité maximale électrique susceptible d'être atteint en fonction de la puissance de chacun des panneaux installés, cette obligation n'existe que pour l'information délivrée à un acheteur profane, ce qui n'est pas le cas de la société 2MR, qui est un professionnel de même spécialité que la société Travo d'Avenir, dès lors qu'elle exerce une activité de production électrique et étant observé qu'elle est dirigée par M. [C], par ailleurs également dirigeant de la société Bois Martin Energie dont l'activité consiste en l'exploitation depuis 10 ans d'une installation photovoltaïque d'une puissance non contestée de 250 kWh soit deux fois supérieure à l'installation litigieuse et en la revente de l'électricité produite.

Il s'en suit que M. [C], qui, alors qu'il se présente seulement comme un agriculteur en retraite, dirige en réalité également depuis de nombreuses années une société spécialisée dans la production et la revente d'électricité et s'est engagé dans une extension de cette activité par la création de la société 2MR dédiée à cette même activité, était parfaitement informé de ce que le tarif de rachat de l'énergie solaire entre dans le champ contractuel sous la forme d'un aléa tenant à la fois à l'évolution réglementaire du prix de rachat et à la date de dépôt de la demande complète du raccordement au réseau adressée à ERDF. Il s'ensuit également, comme l'ont justement retenu les premiers juges, que M. [C], propriétaire de la société appelante avait une parfaite connaissance des contraintes liées à la puissance des cellules photovoltaïques au regard du plafond de la puissance crête.

En outre et au surplus, la cour observe que, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort de la lecture de la proposition technique et financière de la société Travo d'Avenir dont elle se prévaut et qu'elle produit en pièce 1 de son bordereau de pièce qu'elle a été parfaitement informée des possibles évolutions tarifaire ainsi que de la réglementation applicable, alors d'une part que ce document contient en page 4 et 5 la mention ci-après reproduite : « tarif du kWh pour un générateur de 100 kWc (tarif 4) pour la période de 04/2015 à 06/2015. A noter : la délibération CRE (commission de régulation de l'énergie), en application de l'arrêté tarifaire actuellement en vigueur a annoncé une baisse de 2%. La Ministre Ségolène Royal a par ailleurs annoncé une réévaluation des tarifs T4, respectivement de 13,95 et 13,25 euros/kWh, dès le second trimestre 2015. Les tarifs applicables seront confirmés par arrêté. Le tarif sera donc de 13,25 euros dès la publication au journal officiel d'un arrêté d'homologation » et alors d'autre part, que le tableau estimatif y figurant mentionne expressément le caractère indicatif des données y figurant.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société 2MR de sa demande tendant à voir retenir la responsabilité de la société Travo d'Avenir pour manquement à son obligation d'information et de conseil, et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour perte de chance et de sa demande de réduction du prix.

Sur le paiement du solde des travaux

Conformément à l'article 1134 alinéa 1 et 3 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, la société 2MR qui ne conteste ni le principe ni le quantum de la dette résultant du solde de la facture du contrat d'installation de centrale photovoltaïque doit être condamnée à payer à la société Travo d'Avenir la somme de 10.000 euros à ce titre et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

C'est par des motifs exacts que la cour adopte que les premiers juges ont débouté la société Travo d'Avenir de sa demande de dommages et intérêts en l'absence de toute preuve de l'existence d'un préjudice résultant du refus de paiement du solde du prix par la société 2MR. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant dans son action, la société 2MR doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la société Travo d'Avenir une indemnité de procédure d'un montant de 4.000 euros, ce qui conduit à la confirmation des condamnations prononcées à ces titres par le tribunal de commerce à l'encontre de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 8 juillet 2020,

Déclare recevable les pièces n°41 et n°42 communiquées dans le bordereau de pièce n°4 de la société 2MR, à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 juillet 2021 et le compte rendu d'expertise du 25 octobre 2021,

Ordonne la clôture de la procédure,

Déboute la société 2MR de sa demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Condamne la société 2MR à verser à la société Travo d'Avenir une indemnité de procédure de 4.000 euros à hauteur d'appel,

Condamne la société 2MR aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/03295
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.03295 ?
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