N° RG 19/02330 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJE2
Décision du
Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE SUR SAONE
Au fond
du 21 février 2019
RG : 2018j3
ch n°
SARL LB MEDICAL-EXPORT
C/
SA BOLLORE LOGISTICS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 01 Décembre 2022
APPELANTE :
SARL LB MEDICAL-EXPORT prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983 et ayant pour avocat plaidant Me Thibault ROULLET de la SCP ELATHA, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SA BOLLORÉ LOGISTICS représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Stéphane CHOUVELLON de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, toque : 719 et ayant pour avocat plaidant Me Evguenia DEREVIANKINE de la société UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 08 Juillet 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 01 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
- Marianne LA-MESTA, conseillère
assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Courant juillet 2016, la SARL LB Médical-Export (ci-après la société LB Médical-Export), qui a pour objet l'export de matériel médical, a confié à la SA Bolloré Logistics (ci-après la société Bolloré Logistics), exerçant une activité de logisticien et de représentant en douane, l'acheminement d'un laser ophtalmologique de type Excimer EC 5000 Nidek auprès du Dr [P], médecin exerçant au Maroc. Cette prestation a donné lieu à l'émission d'une facture n° 21900/R3635026 du 24 août 2016 d'un montant de 5.814,16 euros dont 4.399,56 euros à titre d'avance de droits et taxes à destination.
Le 25 juillet 2016, à son arrivée sur le sol marocain, le matériel a fait l'objet d'un contrôle par la douane marocaine. Estimant que la valeur de ce bien avait été minorée, celle-ci a procédé à sa réévaluation par application des autres méthodes de substitution et réclamé le paiement d'une amende pour fausse déclaration, ainsi que le versement de droits supplémentaires.
La société Bolloré Logistics, qui a avancé ces frais, les a ensuite refacturés à la société LB Médical-Export selon facture n° 21900/R3810062 du 26 décembre 2016 d'un montant de 13.855 euros se décomposant comme suit :
- amende en douane : 3.996,05 euros
- droits et taxes à destination : 9.858,95 euros
- forfait recouvrement : 40 euros
Par courrier recommandé du 7 avril 2017, la société Bolloré Logistics a mis la société LB Médical-Export en demeure de lui régler la facture précitée du 26 décembre 2016, venue à échéance le 26 février 2017, outre des frais de stockage depuis le 25 juillet 2016.
Par courrier recommandé du 8 novembre 2017, la société Bolloré Logistics, par l'intermédiaire de son conseil, a réitéré sa mise en demeure à l'égard de la société LB Médical-Export, actualisant le montant réclamé à la somme de 18.775,13 euros.
Par courrier recommandé du 30 mai 2018, la société Bolloré Logistics a indiqué avoir cédé à titre gratuit le matériel litigieux à une association marocaine.
Par acte d'huissier du 27 décembre 2017, la société Bolloré Logistics a fait assigner la société LB Médical-Export en paiement de la somme en principal de 17.420 euros, outre intérêts de retard.
Par jugement contradictoire du 21 février 2019, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :
- constaté que la société LB Médical-Export ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute imputable à la société Bolloré Logistics permettant de la dispenser de procéder au remboursement des avances et frais que cette dernière a dû faire pour l'exécution de son mandat,
- dit régulière, recevable et fondée la demande de la société Bolloré Logistics,
- condamné la société LB Médical-Export à payer à la société Bolloré Logistics les sommes suivantes :
- 3.996,05 euros au titre de l'amende payée (facture n° 21900/R3810062 du 26 décembre 2016, échue le 26 février 2017),
- 9.858,95 euros au titre du complément des droits et taxes payé (facture n° 21900/R3810062 du 26 décembre 2016, échue le 26 février 2017),
- 40 euros de frais de recouvrement pour la facture n° 21900/R3810062 du 26 décembre 2016 échue le 26 février 2017),
- 5.062,50 euros au titre des frais de stockage (7,5 euros/tonne/jour x 675 jours au 30 mai 2018),
- les intérêts de retard sur la facture n°21900/R3810062 du 26 décembre 2016 au taux contractuel annuel de 14 % courus à compter de la date d'échéance de cette dernière (26 février 2017) et jusqu'à son parfait paiement,
- les intérêts de retard au taux contractuel annuel de 14 % sur la somme de 5,062,50 euros due au titre des frais de stockage, courus à compter de la mise en demeure du 7 avril 2017 et jusqu'à son parfait paiement,
- débouté la société LB Médical-Export de ses demandes reconventionnelles,
- condamné en outre la société LB Médical-Export à payer à la société Bolloré Logistics:
1°) la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
2°) les entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le jugement à la somme de 66,70 euros TTC,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société LB Médical-Export a interjeté appel par acte du 1er avril 2019 en sollicitant l'infirmation de l'ensemble des dispositions du jugement.
Par conclusions d'incident du 17 mai 2019, la société Bolloré Logistics a demandé, sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, la radiation de l'affaire en raison de la non exécution du jugement par la société LB Médical-Export. Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 novembre 2019, l'incident a été radié compte tenu de l'accord en cours d'élaboration entre les parties sur le paiement échelonné des condamnations prononcées par le jugement entrepris.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2019, la société LB Médical-Export demande à la cour':
- de juger recevable son appel, d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- de juger qu'elle rapporte la preuve d'une faute de la société Bolloré Logistics la dispensant de procéder au remboursement des avances et frais que cette dernière a faits pour l'exécution de son mandat,
- de juger que la société Bolloré Logistics a manqué à ses obligations contractuelles,
en conséquence,
- de condamner la société Bolloré Logistics à lui verser les sommes suivantes :
- 1.000 euros au titre du prix du laser
- 14.500 euros au titre de la perte de marge
- 5.814,56 euros au titre des frais de transport
- 5.000 euros en reparation de son préjudice moral
en tout état de cause,
- débouter la société Bolloré Logistics de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Bolloré Logistics à verser à la société LB Médical-Export la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société LB Médical-Export soutient qu'elle n'est pas redevable envers la société Bolloré Logistics des sommes que celle-ci lui réclame dès lors :
- que la société Bolloré Logistics ne produit pas le contrat sur lequel elle fonde ses demandes,
- quelle ne reconnaît ni le principe de la dette ni son montant, contrairement à ce qu'affirme la société Bolloré Logistics qui se livre à une lecture spécieuse du mail du 2 janvier 2017,
- que dans ce courriel, elle indique seulement que le Dr [P] est prêt à payer les droits de douane supplémentaires augmentés des pénalités,
- que le montant sollicité est en tout état de cause inexact, car il ne prend pas en compte la somme de 5.814,56 euros qu'elle a déjà réglée à la société Bolloré Logistics,
- que la société Bolloré Logistics, qui avait pour mission de la représenter auprès de l'administration des douanes lors du transit du matériel, a manqué à ses obligations contractuelles en ne sollicitant pas auprès d'elle les pièces complémentaires nécessaires à la meilleure défense de ses intérêts,
- que bien qu'étant en possession des factures qui démontraient qu'il s'agissait d'un laser d'occasion et non d'un laser neuf, la société Bolloré Logistics ne démontre pas avoir accompli les diligences attendues auprès des Douanes qui ont maintenu taxations et pénalités,
- que la société Bolloré Logistics a en réalité sous-traité la mission à un transitaire, sans son accord, ce transitaire n'ayant pas réalisé les démarches requises auprès de l'adminisitration,
- que sous le faux prétexte de ce que le Dr [P] ne souhaitait pas régler les pénalités et frais de stockage, la société Bolloré Logistics a refusé de manière incompréhensible de livrer le matériel, alors même que le Dr [P] s'était engagé à payer les frais supplémentaires à la livraison, ce dont avait été informée la société Bolloré Logistics,
- que la société Bolloré Logistics a ensuite persisté dans son refus de livrer, tout en continuant à facturer des frais de stockage dus à sa propre carence,
- que la société Bolloré Logistics s'est enfin opposée à lui restituer le matériel, en conditionnant cette restitution au paiement de la somme de 13.895 euros, outre des frais de stockage.
La société LB Médical-Export évalue les préjudices qu'elle subit en raison des manquements contractuels de la société Bolloré Logistics aux sommes suivantes :
- 1.000 euros correspondant au prix d'achat du matériel qui n'a jamais été livré et que la société Bolloré Logistics a capté pour tenter de le revendre à son profit,
- 14.500 euros au titre de la perte de marge sur cette opération,
- 5.814,60 euros en remboursement des frais de transport qu'elle a avancés,
- 5.000 euros en réparation de son préjudice moral, résultant des multiples tracasseries auxquelles elles a été confrontée du fait des carences de la société Bolloré Logistics mais également de sa perte de crédibilité auprès d'un client, medécin ophtalmologue réputé au Maroc.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 octobre 2019, fondées sur l'article 542 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles 1989 et 1999 du code civil, la société Bolloré Logistics demande à la cour ':
- à titre principal, de rejeter l'appel formé par la société LB Médical-Export contre le jugement déféré comme irrecevable,
- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- en tout état de cause, de condamner la société LB Médical-Export à payer à la société Bolloré Logistics la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Bolloré Logistics conclut d'abord à l'irrecevabilité de l'appel de la société LB Médical-Export sur le fondement de l'article 542 du code de procédure civile, au motif que cette dernière ne formule aucune critique à l'encontre du jugement déféré, ses conclusions d'appel n'étant que le "copier-coller" de ses écritures de première instance.
Sur le fond, la société Bolloré Logistics observe:
- que dans le cadre de son mandat de représentation en douane, sa mission se limitait à collecter les informations nécessaires à la détermination de la valeur en douane de la marchandise et à les transmettre à l'administration, sans compétence d'appréciation de la véracité des données contenues dans les factures transmises,
- qu'en cas de remise en question de la valeur des factures par les douanes, le représentant ne peut qu'en référer à l'importateur et attendre ses instructions,
- qu'en l'occurrence, lorsque l'administration des douanes l'a informée du doute qu'elle avait sur la valeur facturée de la marchandise, elle a immédiatement répercuté cette information à la société LB Médical-Export,
- que cette dernière n'a cependant pas été en mesure de fournir d'éléments permettant de justifier le montant de sa facture,
- que la douane marocaine a par conséquént réévalué la marchandise à 655.000 MAD (dirham) soit environ 60.202 euros au lieu de 4.500 euros, valeur de la facture, ce qui a donné lieu à des droits supplémentaires de 156.316 MAD, soit environ 14.258 euros au lieu des 4.399,56 euros initialement estimés et avancés par la société LB Médical-Export,
- que la douane a également appliqué une amende pour minoration de valeur d'un montant de 43.485 MAD soit environ 3.996,05 euros,
- que la société LB Médical-Export lui a alors demandé d'évaluer le montant des frais de rapatriement de la marchandise, ce qu'elle a fait,
- que ce rapatriement n'ayant finalement pas eu lieu, le matériel a été admis en libre pratique sur le territoire marocain, moyennant l'avance, par ses soins, du montant de l'amende et du complément de droits de douane,
- que la société LB Médical-Export n'a jamais contesté devoir ces sommes et s'est engagée à les payer par courriel du 2 janvier 2017,
- que la société LB Médical-Export ne peut valablement réclamer une réparation pour perte de marge de 14.500 euros alors que le matériel a été vendu au médecin marocain au prix de 4.500 euros.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 juillet 2020, les débats étant fixés au 19 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger que ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.
Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.
Sur la recevabilité de l'appel
En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Les conclusions notifiées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile tendent à l'infirmation des dipositions du jugement dont appel, ce qui répond aux conditions posées par l'article 542 précité.
En conséquence, le moyen soulevé par la société Bolloré Logistics sera écarté et la société déclarée recevable en son appel, peu importe qu'elle développe, à l'appui de ses prétentions, les mêmes moyens que ceux dont elle avait fait état en première instance.
Sur les manquements de la société Bolloré Logistics
Le contrat de commission en douane qui est un contrat de mandat est soumis aux dispositions des articles 1989 et suivants du code civil.
A cet égard, l'article 1989 du code civil précise que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat.
L'article 1991 du même code prévoit quant à lui que le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution
L'article 1992 dispose de son côté que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
En vertu de l'article 1993, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.
L'article 1998 mentionne encore que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.
Enfin, l'article 1999 énonce que le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis.
S'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursements et paiement, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu'ils pouvaient être moindres.
En l'espèce, si les parties s'accordent sur le fait que la société LB Médical-Export a chargé la société Bolloré Logistics d'assurer le transport du matériel litigieux jusqu'au Maroc avec mandat de la représenter auprès de l'administration des douanes marocaines pour l'accomplissement des formalités douanières, aucune d'entre elles ne verse aux débats le contrat sur le fondement duquel l'opération a été effectuée, seule la facture émise le 24 août 2016 par la société Bolloré Logistics et réglée par la société LB Médical-Export au titre de cet acheminement jusqu'au Maroc étant produite.
En l'absence de toute convention écrite régissant les rapports contractuels entre la société LB Médical-Export et la société Bolloré Logistics, il convient donc de se référer aux seules dispositions légales précitées sur le mandat afin de déterminer le rôle de chacun des cocontractants et apprécier l'existence de la faute contractuelle du mandataire invoquée par le mandant.
S'agissant spécifiquement du rôle du commissionnaire en douane, il sera rappelé que celui-ci doit, en sa qualité de professionnel de la réglementation douanière, accomplir les formalités douanières d'importation ou d'exportation pour le compte de son client, ce qui suppose qu'il recueille les informations nécessaires sur la marchandise pour pouvoir remplir les différentes déclarations et effectuer les formalités qui s'imposent en fonction des informations obtenues. Il lui appartient de veiller à ce que la déclaration qu'il effectue soit conforme à la réglementation douanière en vigueur, au vu des informations transmises par son client.
Pèse sur le commissionnaire en douane une obligation de conseil, laquelle s'apprécie largement, en tenant compte de la plus ou moins grande spécialisation du commettant en matière douanière mais ne se conçoit que dans le cadre de la mission qui lui est dévolue.
En l'occurrence, il ressort de l'analyse des pièces communiquées par les parties que le seul document initialement fourni par la société LB Médical-Export à la société Bolloré Logistics pour prouver la valeur du matériel médical exporté est une facture de vente n°22 en date du 11 juillet 2016 établie au nom du Docteur [M] [P], d'un montant total de 4.500 euros TTC, dont 3.500 euros pour le laser Ecimer EC 5000 Nidek n° de série 50521 et 1.000 euros pour la table patient faisant partie intégrante de ce laser.
La société LB Médical-Export, qui prétend que la société Bolloré Logistic était en possession d'autres factures démontrant que le laser était un laser d'occasion, ne produit toutefois aucune pièce de nature à étayer ses dires sur ce point. A titre d'exemple, alors même qu'elle avait versé un document en ce sens devant le tribunal de commerce, elle ne rapporte nullement la preuve en cause d'appel de ce qu'elle dispose d'une facture mentionnant le prix auquel elle a acquis le laser auprès d'un tiers utilisateur, avant de procéder à sa revente auprès du praticien marocain. Elle ne démontre a fortiori pas non plus avoir transmis cette facture d'achat à la société Bolloré Logistics lorsqu'elle lui a confié le matériel pour l'exportation, à charge pour cette dernière d'en faire usage, si besoin, auprès des douanes marocaines.
De son côté, la société Bolloré Logistics justifie que suite au contrôle opéré par les douanes marocaines le 25 juillet 2016, elle a pris contact le 19 août 2016 avec la société LB Médical-Export, au moyen d'un courriel envoyé par l'un de ses employés (pièce n°4 de l'intimée), afin de lui faire part de la réévalution opérée par les douanes et lui préciser que celles-ci impartissent un délai de 8 jours à l'agent de la société Bolloré Logistics pour accepter ou non, pour le compte de la société LB Médical-Export, la valeur estimée, le dossier étant liquidé passé ce délai.
Dans ce message, l'employé de la société Bolloré Logistics dit attendre les instructions en retour de la société LB Médical-Export pour les suites à donner à ce dossier.
Le 23 août 2016 à 16h11, le gérant de la société LB Médical-Export a répondu à ce courrier électronique dans les termes suivants "Comme je l'ai dit à [J], j'attends le détail des frais liés à mon dossier" (pièce n°5 de l'intimée).
La société Bolloré Logistics a renvoyé les éléments sollicités dès le lendemain (mail du 24 août 2016 à 18h31, pièce n°6 de l'intimée) avec le détail des estimations faites par les douanes marocaines, concernant le montant de l'amende en douane, des honoraires supplémentaires d'inspection et des droits de douanes sur la valeur retenue par l'administration. Ce message fait également état des frais supplémentaires liés au stockage de la marchandise au Maroc jusqu'au 24 août 2016.
Enfin, le 30 août 2016, la société Bolloré Logistics a envoyé à la société LB Médical-Export le courrier reçu de l'ordonnateur chargé du contrôle de la valeur des douanes marocaines relatant que les "justificatifs produits ont été jugés non convaincants par le service. Aussi a-t-il décidé de rejeter la valeur déclarée et de procéder à la détermination de la valeur en douane des marchandises importées par application des autres méthodes de substitution prévues par le code des douanes" (pièce n°7 de l'intimée).
Ces échanges, dont ni la réalité, ni la teneur ne sont contestées par la société LB Médical-Export dans ses écritures, établissent que la société Bolloré Logistics a rempli sa mission de commissionnaire en douanes consistant à répercuter à son mandant, dans un délai lui donnant la possibilité de formuler utilement ses observations, le problème de la valeur minorée du bien exporté, tel que relevé par l'administration des douanes marocaines dans le cadre de la réalisation des formalités douanières, afin de lui permettre ensuite de prendre position sur la réévaluation opérée et les conséquences en découlant, après avoir, le cas échéant, produit tous justificatifs utiles complémentaires sur la valeur dudit bien.
Comme l'observe à juste titre la société Bolloré Logistics, la mission du représentant en douanes est de procéder à l'ensemble des déclarations douanières imposées par la législation en vigueur dans le pays concerné, sur la base des justificatifs communiqués par le mandant. Il ne saurait en revanche lui incomber de porter une appréciation sur la valeur intrinsèque du matériel exporté et d'attirer l'attention de son mandant sur les difficultés susceptibles de survenir en cas de minoration de la valeur.
Or, comme évoqué ci-dessus, le seul document initialement remis par la société LB Médical-Export à la société Bolloré Logistics en vue de l'exportation du matériel était la facture de vente du laser au Docteur [M] [P]. Suite au courriel de la société Bolloré Logistics du 19 août 2016, il lui était loisible de produire des éléments complémentaires afin de contester la valeur retenue par les douanes marocaines, ce qu'elle ne démontre cependant pas avoir fait.
La société appelante échoue par conséquent à rapporter la preuve que la société Bolloré Logistics, a commis une faute dans l'accomplissement des diligences attendues auprès des douanes marocaines.
En l'absence de manquement contractuel de la part de son mandataire susceptible de l'autoriser à ne pas s'acquitter des sommes avancées par la société Bolloré Logistics aux douanes marocaines suite à la réévaluation du bien exporté, la société LB Médical-Export était dès lors tenue, en application de l'article 1999 du code civil précité, de rembourser lesdites sommes à son mandataire, à savoir l'amende pour minoration de valeur d'un montant de 43.485 dirham, soit 3.996,05 euros, ainsi que les droits et taxes à destination d'un montant total de 156.316 dirham, soit 14.258 euros, dont à déduire les 4.399,56 euros déjà acquittés à ce titre le 24 août 2016. La société Bolloré Logistics établit quant à elle avoir réglé l'intégralité de ces montants aux douanes marocaines par le biais de deux chèques respectivement encaissés les 30 septembre et 5 octobre 2016 (pièce n° 16 de l'intimée).
Il convient à ce stade de relever que les autres reproches formulés par la société LB Médical-Export à l'encontre de son mandataire, à savoir le refus de livrer le laser au destinataire puis de le lui restituer ne sont pas liés aux conditions de mise en oeuvre du mandat en lui-même, mais s'analysent en une exception d'inexécution de la part de la société Bolloré Logistics, valablement fondée sur le refus illégitime de son mandant de lui rembourser les sommes avancées. Celles-ci représentent en effet plus du double de la facture initiale réglée le 24 août 2016 par la société LB Médical-Export, ce qui constitue un motif suffisant de rétention du matériel litigieux par la société Bolloré Logistics.
Il sera ainsi observé que le courriel du 2 janvier 2017 dont se prévaut la société LB Médical-Export (pièce n°4 de l'appelante) permet uniquement de caractériser le fait que son client marocain, le Docteur [P], était prêt à s'acquitter auprès de la société Bolloré Logistics d'une partie des sommes versées par cette dernière aux douanes, mais pas de la totalité, puisqu'il ne fait pas état de l'amende de 3.996,05 euros, comme le rappelle d'ailleurs la société Bolloré Logistics dans un message en réponse du 18 janvier 2017 (pièce n°10 de l'intimée). Par ailleurs, la société LB Médical-Export n'a jamais fait savoir à la société Bolloré Logistics si elle entendait ou non régler les frais de stockage de la marchandise jusqu'au paiement libératoire des taxes douanières, alors même que contrairement à ce qu'elle soutient, cette question des frais magasinage avait été évoquée par la société Bolloré Logistics dès le courriel du 24 août 2016 (cf pièce n°6 de l'intimée déjà mentionnée supra).
Bien plus, dans son écrit du 3 mars 2017 (pièce n°11 de l'intimée) la société LB Médical-Export indique se désister de la marchandise stockée dans les entrepôts de la société Bolloré Logistics à Casablanca. Compte tenu de cette décision d'abandonner le matériel vendu, elle est désormais mal venue à soutenir que la société Bolloré Logistics a persisté dans son refus de lui rendre la marchandise.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu l'absence de faute imputable à la société Bolloré Logistics permettant de dispenser la société LB Médical-Export du remboursement des avances et frais que cette dernière a dû faire dans l'exécution de son mandat.
Sur le montant de ces avances et frais supportés par la société Bolloré Logistics, il y a lieu de rappeler que celle-ci justifie avoir réglé aux douanes marocaines l'amende pour minoration d'un montant de 3.996,05 euros, ainsi que la totalité des droits et taxes à destination d'un montant de 14.258 euros, dont il convient de déduire les 4.399,56 euros déjà payés par la société LB Médical-Export le 24 août 2016, ce qui correspond au complément de 9.858,95 euros dont elle réclame le paiement.
La société LB Médical-Export sera par conséquent condamnée au paiement de ces sommes, ainsi qu'au versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros, telle que prévue par l'article L. 441-10 du code de commerce et fixée par l'article D.441-5 du même code.
Il est par ailleurs constant que la société Bolloré Logistics a stocké le laser dans ses entrepôts du 25 juillet 2016 jusqu'au 30 mai 2018, date à laquelle elle a pu le céder à titre gratuit à l'association marocaine Tous pour la Santé (pièce n°14 de l'intimé), ce stockage étant d'abord intervenu dans l'attente du paiement éventuel des taxes et amendes douanières par la société LB Médical-Export, puis à compter du 30 mars 2017, en raison de l'abandon, par cette dernière du bien, ce qui correspond à 675 jours de gardiennage au total.
La société Bolloré Logistics estime ces frais de stockage à la somme de 7,5 euros par tonne et par jour, étant précisé que selon la facture émise par ses soins le 26 décembre 2016, le poids des 2 palettes de matériel ophtalmologique s'élève à 870 kgs au total. Certes, aucun document contractuel ne vient corrober ce chiffrage à 7,5 euros la tonne par jour opéré par la société Bolloré Logistics, mais il doit être noté que la société LB Médical-Export n'élève aucune contestation sur ces modalités de calcul et ne produit pas non plus de document dont il résulterait qu'il ne s'agit pas du prix habituellement appliqué par les professionnels dans ce domaine.
C'est pourquoi, la société LB Médical-Export sera également condamnée à verser à la société Bolloré Logistics la somme de 5.062,50 euros au titre des frais de stockage entre le 25 juillet 2016 et le 30 mai 2018.
Concernant enfin les pénalités de retard, il sera noté que la première facture émise par la société Bolloré Logistics le 24 août 2016 à l'intention de la société LB Médical-Export pour l'acheminement du matériel mentionne en bas de page que le taux annuel des pénalités de retard est de 14%.
La société LB Médical-Export, en réglant cette facture, a signifié son acceptation du taux d'intérêt contractuel qu'il convient dès lors d'appliquer aux différentes condamnations pécuniaires de la société LB Médical-Export, ce à compter de la date d'exigibilité de chacune de ces sommes, conformément aux dispositions de l'article L. 441-1 du code de commerce déjà cité ci-dessus, soit à partir du 26 février 2017 pour celles figurant dans la facture émise le 26 décembre 2016 (amende, complément de droits et taxes et frais de recouvrement) et de la mise en demeure du 7 avril 2017 pour ce qui est des frais de stockage, ce qui conduit à confirmer le jugement entrepris sur l'ensemble des sommes auxquelles la société LB Médical-Export a été condamnée.
Faute de démontrer l'existence d'une quelconque faute contractuelle de son mandant, la société LB Médical-Export sera évidemment déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts à l'encontre de la société Bolloré Logistics, étant en tout état de cause souligné qu'elle ne verse aucune pièce de nature à étayer ses allégations quant au montant du préjudice financier et moral prétendument subi.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant en toutes ses prétentions, la société LB Médical-Export devra supporter les dépens d'appel. Elle est également est condamnée à verser à la société Bolloré Logistics une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel, les condamnations de ce chef et sur les dépens prononcées par les premiers juges étant confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par la SARL LB Médical-Export,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Condamne la SARL LB Médical-Export aux dépens d'appel,
Condamne la SARL LB Médical-Export à verser à la SA Bolloré Logistics la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE