N° RG 19/07229 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUWR
Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond
du 23 septembre 2019
RG : 2018j01793
SELARL PHARMACIE [K]
C/
SAS ADICOR [W]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 30 Novembre 2022
APPELANTE :
La SELARL PHARMACIE [K], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, ayant son siège social sis [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de 494 422 058, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit
siège
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Nolwenn ROBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
La société ADICOR SAS, ayant pour nom commercial ADICOR [W], inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bourg en Bresse sous le numéro 444 653 729, dont le siège social est [Adresse 1], qui agit par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Fabienne MARECHAL de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 04 Octobre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 30 Novembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Karen STELLA, conseiller
- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La SELARL Pharmacie [K] a souhaité déménager l'officine qu'elle exploitait à [Localité 3] dans un entrepôt de la même commune, dans un souci d'agrandissement et de nouvelle implantation des locaux.
Par contrat de partenariat du 10 avril 2017, elle a ainsi confié son projet d'implantation immobilier à la société Adicor [W], spécialisée en agencement de commerces et officines de pharmacie. Celle-ci devait pour un montant d'honoraires de 23 500 euros HT :
En phase 1 :
o Dresser un projet d'implantation mobilier [W],
o Evaluer la dépense à envisager,
o Faire l'étude mobilier. (définition mobilier, ambiance, visuel)
En phase 2 :
o Gérer les dossiers administratifs avec demande d'autorisation,
o Organiser et gérer le chantier. (consultation, gestion budget)
Ce contrat de partenariat a été complété par un avenant en date du 29 août 2017 avec des honoraires d'un montant de 10 000 euros HT.
A été ajouté au projet, la réalisation d'une mezzanine et autres compléments.
Le 6 décembre 2017, un devis de mobilier fabriqué sur mesure a été signé entre les parties pour un montant de 196 500 euros HT.
Par courrier recommandé en date du 18 mai 2018, la société Pharmacie [K] a notifié à la société Adicor la résiliation du marché.
Le 10 juillet 2018, la société Adicor a mis en demeure la société Pharmacie [K] de lui payer les sommes suivantes :
94 320 euros TTC pour des prestations du marché mobilier,
76 590,23 euros TTC au titre de l'indemnisation du gain manqué suite à la résiliation unilatérale du marché par le maître d'ouvrage.
Par assignation en date du 20 juillet 2018, la société Adicor a attrait la société Pharmacie [K] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon pour obtenir le paiement de ces sommes. Par ordonnance du 21 novembre 2018, le juge des référés a estimé que le litige excédait les pouvoirs du juge des référés et a renvoyé l'affaire devant le juge de l'orientation par le mécanisme de la passerelle.
Par Jugement en date du 23 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :
admis l'ensemble des notes en délibéré versées par les deux parties, dans leur intégralité, à la procédure,
rejeté la demande de la société Pharmacie [K] en remboursement des honoraires payés,
condamné la société Pharmacie [K] à payer à la société Adicor à titre d'indemnité pour perte de marge la somme de 31 354,83 euros HT, de laquelle il fallait déduire le trop-perçu de 7 737 euros HT au titre des frais de réservation de la plage fabrication, soit un total de 23 617,83 euros HT, soit 28 341,40 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2018 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil,
condamné la société Pharmacie [K] à payer à la société Adicor la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Pharmacie [K] aux entiers dépens,
rejeté comme non fondées toutes les autres demandes, moyens et conclusions contraires des parties.
Le Tribunal a notamment retenu en substance :
Que la société Pharmacie [K] avait conclu les contrats avec la société Adicor [W] et que toutes les demandes du défendeur Pharmacie [K] se dirigeaient contre cette même société qui est le demandeur ;
Qu'en application du principe du contradictoire, il ne pouvait être refusé à la société Pharmacie [K] de présenter ses observations sur la note en délibérée de la société Adicor détaillant sa ventilation des ressources mises en 'uvre pour les travaux dont elle demande le paiement, et de discuter ces observations à la lumière des moyens qu'elle avait présentés dans ses écritures pour l'audience ;
Qu'en application des articles 1224 et 1226 du Code civil, ce n'est pas l'inexécution suffisamment grave mais uniquement l'urgence qui peut libérer le créancier de son obligation de mise en demeure préalable ;
Qu'en l'espèce, la société Pharmacie [K] ne rapportait pas la preuve d'une situation d'urgence au mois de mai 2018 qui aurait pu la dispenser d'une mise en demeure, et que la résiliation notifiée le 18 mai 2018 était par conséquent fautive.
Qu'en vertu de l'article 2 E-3 du contrat de partenariat et de son avenant stipulant qu'en cas « de résiliation du contrat par les clients pour quelle que raison que ce soit, les clients s'engagent irrévocablement à régler la totalité des honoraires », la demande de la société Pharmacie [K] en remboursement des honoraires devait être rejetée ;
Qu'en ce qui concernait le marché du mobilier :
La société Pharmacie [K] avait payé la somme de 40 000 euros HT au titre de la réservation d'une plage de fabrication des meubles facturée par la société Adicor au même montant alors que le coût de cette réservation avait finalement été évalué par cette dernière à un montant de 32 263 euros HT, le trop-perçu de 7 737 euros HT devant dès lors être restitué à la société Pharmacie [K].
Aucun meuble n'avait été fabriqué par la société Adicor et les multiples ressources mises en 'uvre dans les études techniques préalables à la fabrication des meubles ont été établies dans le cadre du contrat de partenariat et la société Adicor ne démontre pas en quoi elle aurait engagé des ressources qui ne soient pas comprises dans cette phase 1/C du contrat de partenariat, sachant que les ressources listées semblent concerner l'intégralité du projet de mobilier, dont aucun objet n'a été réellement fabriqué.
La société Adicor ne présentait pas les factures d'un montant de 10 633 euros HT au titre du coût d'approvisionnement marchandise mobilier ne permettant ainsi pas d'en apprécier le bien-fondé.
Qu'en ce qui concernait la perte de marge alléguée par la société Adicor, cette dernière basait ses calculs sur une marge brute globale de 72,07 % non spécifique au marché en question mais calculée pour l'ensemble de la société et l'attestation émanant d'un commissaire aux comptes concernait une société différente de la demanderesse au présent litige, de sorte que seul le taux de 19 % du montant du marché dont elle faisait état au titre d'une marge qu'elle qualifie de réelle pouvait être retenu.
Par déclaration en date du 21 octobre 2019, la société Pharmacie [K] a relevé appel de l'entier jugement sauf en ce qu'il a admis l'ensemble des notes en délibéré versées par les deux parties, dans leur intégralité, à la procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 27 janvier 2021, la société Pharmacie [K] demande à la Cour d'appel de Lyon de :
DIRE ET JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Pharmacie [K] à l'encontre du jugement en date du 23 septembre 2019 ;
INFIRMER ce jugement dans toutes ses dispositions.
En conséquence, statuant à nouveau :
DEBOUTER la société Adicor de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Pharmacie [K] ;
DEBOUTER la société Adicor de sa demande tendant à voir écarter des débats la pièce produite par la société Pharmacie [K], numéro 42 ;
DIRE ET JUGER que la société Adicor a manqué à ses obligations contractuelles ;
DIRE ET JUGER que la société Pharmacie [K] a résilié à bon droit les contrats conclus ;
DIRE ET JUGER que la société Adicor ne justifie pas de la perte de marge alléguée ;
DIRE ET JUGER que la société Pharmacie [K] a réglé indûment les honoraires demandés par la société Adicor ;
DEBOUTER en conséquence la société Adicor de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNER la société Adicor à verser à la société Pharmacie [K] les sommes suivantes :
11 328 euros TTC au titre des honoraires trop payés ;
48 000 euros TTC au titre de la réservation de la plage de fabrication infondée et inexécutée ;
8 040 euros TTC au titre de l'indemnité fondée sur les articles 1164 et 1165 du code civil.
CONDAMNER la société Adicor à verser à la Société Pharmacie [K] la somme de 102 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de marge consécutif au retard de transfert ;
CONDAMNER la société Adicor à verser à la Société Pharmacie [K] la somme de 28 492,10 euros au titre du montant des pertes liées au retard dans l'exécution des diligences confiées ;
CONDAMNER la société Adicor à verser à la Société Pharmacie [K] la somme de 19 000 euros au titre du règlement des loyers du précédent bail conclu le 18 décembre 2006, reconduit sur trois ans ;
En conséquence, statuant à nouveau :
DEBOUTER la société Adicor de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER la société Adicor à payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société Adicor aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Romain LAFFLY, Avocat, sur son affirmation de droit.
A l'appui de ses demandes, l'appelante invoque les articles 1165, 1166 et 1224 du Code civil, les articles 1101, 1102, 1103, 1104 et suivants du code civil, et les articles 565, 566 et 567 du Code de procédure civile, et soutient essentiellement :
Sur la nature des relations contractuelles
Que la société Adicor était en charge d'une mission complète de maîtrise d''uvre, outre la fourniture du mobilier destiné à être installé au sein de la société Pharmacie [K], comme cela ressort des missions fixées dans les différents contrats ;
Que l'exécution du contrat de fourniture et montage mobilier dépend de l'exécution du contrat du 10 avril 2017 et ils ne sauraient être traités de façon indépendante.
Sur le bien-fondé de la résolution unilatérale des contrats
Qu'en application de l'article 1224 du Code civil, une inexécution suffisamment grave permet de notifier sans mise en demeure préalable la résolution du contrat, de sorte que c'est à bon droit que la société [K] a notifié la rupture immédiate de ce contrat.
Que l'inexécution suffisamment grave justifiant la résolution est démontrée par :
La constatation des nombreuses carences techniques de la société Adicor tout au long de l'exécution du contrat :
La société Adicor a cru pouvoir se contenter d'une simple déclaration préalable de travaux alors qu'un permis de construire s'imposait, ce qui a été régularisé après avertissement du notaire, mais en faisant retarder le chantier.
Il n'a été procédé à l'établissement d'aucun CCTP ni CCAP, alors même que cette prestation était prévue dans le contrat.
La société Adicor a oublié de prendre en compte la configuration des lieux pour l'assainissement lors de l'exécution des travaux de gros 'uvre, et ce alors qu'elle était informée de l'absence de réseau d'assainissement intérieur depuis mars 2017, ce qui a généré de nouveaux délais préjudiciables au projet envisagé.
C'est également en cours de chantier que la société [K] s'est aperçue qu'aucune étude de sol n'avait été réalisée, au risque évident de concevoir une structure inadaptée aux caractéristiques du sol.
La société [K] constatait également en cours de chantier l'absence de tout recours à un bureau privé de contrôle pour les certificats de validation pour l'ouverture des lieux alors qu'il s'agit pourtant bien d'une étape indispensable à l'ouverture de l'officine.
La société [K] constatait également l'absence de toute mention relative aux normes spécifiques pour l'accès des personnes handicapées, ce qui, s'agissant d'un bâtiment destiné à l'accueil du public(ERP), à vocation médical, est d'autant moins acceptable quand le maître d''uvre mandaté se dit spécialiste en la matière. Les plans initialement dessinés ne permettaient même pas le passage des fauteuils roulants par les portes d'accès au cabinet, de sorte qu'il a fallu reprendre ces plans.
Aucun conseil n'a été donné au maître d'ouvrage sur l'assurance dommages-ouvrage obligatoire, conformément à l'article L.242-1 du Code des assurances, ce qui a, là aussi, considérablement retardé les délais du chantier.
Les évolutions successives du prix des travaux, liées uniquement et exclusivement aux manquements et à l'imprévoyance de la société Adicor, et alors que le contrat a été conclu pour un montant à forfait global de 408 120 euros HT, avec une marge de plus ou moins 7 % en fonction des aléas des travaux. L'équilibre contractuel a été rompu lorsque les chiffrages de la société Adicor ont modifié l'accord des parties sur le prix de la prestation convenu, le contrat ne pouvait plus être exécuté selon ses termes initiaux,
Le fait que la situation d'inexécution était irrémédiable : à 3 mois de la date d'ouverture souhaitée pour mi-juin 2018, et à 6 mois de la date limite d'ouverture de la pharmacie prévue pour octobre 2018, la société Adicor n'avait toujours pas terminé les études nécessaires à la mise en place d'un des éléments essentiels de la Pharmacie [K], à savoir le robot spécialisé dans la distribution de médicaments, la mezzanine et la mise en place des réseaux d'assainissement.
Que l'urgence à procéder à la résiliation du contrat induite était tout de même caractérisée par cette absence de gestion des délais qui faisait risquer à la société Pharmacie [K] la perte de sa licence de pharmacie :
En effet, anticipant le fait que seuls 6 mois restaient à courir dans le cadre du délai relatif à l'ouverture de sa nouvelle pharmacie (la Pharmacie [K] bénéficiait d'une autorisation de transfert délivrée par l'ARS pour déplacer son établissement, qui devait impérativement ouvrir le nouvel emplacement pour le mois d'octobre 2018 au plus tard et à défaut, l'ARS supprimant alors purement et simplement la licence de la pharmacie, ce qui mettait fin de façon définitive à l'activité du pharmacien), et au regard de l'absence d'avancée concrète et constructive de la part de la société Adicor, et qui annonçait un montant de travaux ne correspondant plus en aucun cas à l'accord initial, la société Pharmacie [K] devait tirer dans les plus brefs délais les conséquences de cette situation pour sauver son activité.
Adresser une mise en demeure à la société Adicor aurait imposé de lui laisser un temps suffisant pour reprendre le chantier alors que le délai de 6 mois restant à courir avant l'expiration du délai imposé par l'ARS était déjà insuffisant pour terminer les prestations envisagées.
Que la société Adicor [W] avait parfaitement connaissance des délais applicables en la matière :
En tant que professionnelle de l'aménagement des pharmacies, elle n'ignorait rien des contraintes s'imposant à ces dernières,
Elle n'ignorait pas non plus qu'il était question d'un transfert, (échanges de Monsieur [K] avec la société Adicor du mois de février 2018 et M. [K] avait transmis à la société Adicor la copie de l'obtention du transfert de l'ARS par courriel dès le 20 octobre 2017. Pièce n°43)
Que cette résiliation portait nécessairement sur l'ensemble des contrats conclus, la question du mobilier étant liée aux prestations de gros 'uvre et de second 'uvre.
Sur l'authenticité de la pièce n°42 :
Que M. [U] et M. [K] ne faisaient pas que se vouvoyer : la concluante versait aux débats des échanges de SMS ;
Que l'attestation sur l'honneur aujourd'hui produite par la société Adicor devait être appréciée avec la plus grande prudence, s'agissant d'une attestation émanant d'un salarié de la société.
Sur le décompte des sommes dues entre les parties :
Que la demande de règlement de la somme supplémentaire de 78 600 euros HT(94 320 euros TTC) n'aurait de sens que si les meubles objet du marché avaient été fabriqués et livrés ;
Que la résiliation du contrat ne saurait toutefois justifier le dédommagement de l'entrepreneur selon les dispositions de l'article 1794 du Code civil alors que la rupture des relations contractuelles est due à des manquements de l'entrepreneur à ses obligations ;
Que s'agissant de la demande de provision d'un montant de 76 590,23 euros TTC au titre de la marge brute, il ressort des bilans produits aux débats qu'Adicor déclarait un chiffre d'affaires net de 3 259 870 euros avec des charges d'exploitation de 3 348 520 euros donc supérieures. Le résultat net de cette société était négatif de 137 388 euros au titre de l'exercice clos en 2016, et positif de 97 829 euros en 2017. Adicor ne pouvait parvenir à une marge de 72 % ni de 19 % ;
Que le chantier n'ayant jamais ouvert, la somme totale de 9 440 euros HT payée en avance au titre des honoraires alors que les contrats stipulaient qu'ils étaient dus à l'ouverture du chantier était contractuellement injustifiée (facture du 19 juin 2017 : 5 000 euros HT pour la constitution du dossier administratif et facture du 20 février 2018 : 4 440 euros HT pour ouverture de chantier) ;
Que s'agissant du remboursement de la plage de fabrication le versement de la somme de 40 000 euros HT, facturée le 21 novembre 2017, au titre de la « réservation d'une plage de fabrication » n'avait aucune contrepartie ;
Qu'il y avait un abus dans la fixation du montant des honoraires facturés et réglés justifiant l'application à ces honoraires une décote de 50 %, soit un montant de 8 040 euros TTC.
Que s'agissant de l'irrecevabilité du préjudice financier subi par la société Pharmacie [K] soulevée par la société Adicor, cette demande de dommages et intérêts se rattachait à ses prétentions originaires par un lien suffisant ;
Que le montant du préjudice financier correspondait entre autres aux pertes de loyers et règlements des contrats de location payés à cause du retard dans le transfert de l'officine dû à la négligence de la société Adicor : transfert au 17 décembre 2018 au lieu de juin 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 29 avril 2021, la SAS Adicor ayant pour nom commercial Adicor [W] demande à la Cour, de :
DECLARER recevable la fin de non recevoir tirée du caractère nouveau des demandes de la société Pharmacie [K] ;
DIRE ET JUGER irrecevables les demandes reconventionnelles formées en cause d'appel par la société Pharmacie [K], tendant à la condamnation de la société Adicor [W] au paiement des sommes de :
102 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de marge consécutif au retard de transfert,
28 492,10 euros au titre du montant des pertes liées au retard dans l'exécution des diligences confiées,
19 000 euros au titre du règlement des loyers du précédent bail conclu le 18 décembre 2006, reconduit sur trois ans.
Subsidiairement,
DEBOUTER la société Pharmacie [K] de ses demandes reconventionnelles, tendant à la condamnation de la société Adicor [W] au paiement des sommes de :
102 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de marge consécutif au retard de transfert,
28 492,10 euros au titre du montant des pertes liées au retard dans l'exécution des diligences confiées,
19 000 euros au titre du règlement des loyers du précédent bail conclu le 18 décembre 2006, reconduit sur trois ans.
ECARTER des débats la pièce nouvelle produite par la société Pharmacie [K], numéro 42 ;
CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la société Pharmacie [K] à payer à la société Adicor [W] la somme de 31 354,83 euros au titre de la perte de marge subie par cette dernière ;
CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pharmacie [K] en remboursement des honoraires payés dans le cadre du contrat de prestations intellectuelles (maîtrise d''uvre) ;
REFORMER le jugement en toutes ses autres dispositions et STATUANT, à nouveau :
CONDAMNER la société Pharmacie [K] à payer à la société Adicor [W] la somme de 94 320euros TTC au titre de la facture n°207067 du 5 avril 2018 émise dans le cadre du contrat de fourniture de mobilier ;
CONDAMNER la société Pharmacie [K] à payer à la société Adicor [W] la somme de 120 562,40 euros TTC au titre des dépenses engagées par cette dernière en pure perte dans le cadre du contrat de fourniture de mobilier ;
ASSORTIR les condamnations d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2018 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code Civil ;
DEBOUTER la société Pharmacie [K] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et prétentions ;
CONDAMNER la même à payer une indemnité de procès sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile d'un montant de 5 000 euros pour la première instance et 10 000 euros pour l'instance d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
A l'appui de ses demandes, la société Adicor invoque les articles 122 et 564 du Code de procédure civile, les articles 1315, 1224 et suivants et 1794 du Code Civil, et soutient essentiellement :
Sur la nature des relations contractuelles :
Que les relations contractuelles des parties ne dérivaient pas d'un unique contrat confiant à la société Adicor une mission globale, mais de deux conventions distinctes, l'une concernant des prestations intellectuelles de maîtrise d''uvre limitée, constituée du contrat de partenariat signé le 10 avril 2017 complété par un avenant signé le 29 août 2017, l'autre concernant le lot mobilier de pharmacie, signé le 6 décembre 2017 ;
Qu'il s'agissait d'une maîtrise d''uvre limitée, le contrat de partenariat ne comportant pas de maîtrise d''uvre technique mais stipulant expressément porter sur l'opération d'agencement de mobilier, et de mise en relation et de transmission des offres des entreprises, sans impliquer un suivi technique ni administratif.
Sur la résiliation injustifiée des contrats par la société Pharmacie [K] :
Que la société Pharmacie [K] ne pouvait mettre un terme au contrat la liant à la société Adicor [W] pour inexécution contractuelle qu'à une triple condition :
Que l'inexécution soit suffisamment grave ;
Que cette inexécution et les raisons de la résolution soient notifiées à Adicor ;
Sauf urgence, que cette dernière soit mise en demeure de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
Que seuls les manquements invoqués dans ce courrier du 18 mai 2018 devaient être examinés pour déterminer s'ils étaient constitués et si la réalisation était justifiée.
S'agissant du prétendu manquement à l'obligation d'information et de conseil :
Que l'obligation d'information et de conseil du professionnel n'avaient lieu que dans le périmètre de la mission confiée.
S'agissant de la prétendue omission du CCTP et des pièces de consultation des entreprises :
Qu'en réalité, la société Adicor a établi non pas un mais deux dossiers de consultation des entreprises.
S'agissant de la prétendue omission de demander un permis de construire :
Qu' il n'y avait à l'origine aucune obligation de demander un permis de construire, cette nécessité n'étant apparue qu'en cours d'opération en raison des évolutions du projet souhaitées par la société Pharmacie [K]. Le projet initial avait donc fait l'objet d'une déclaration préalable, avec une décision tacite favorable.
Lorsque les évolutions du projet l'avaient rendu nécessaire, une demande de permis de construire avait été déposée (sans supplément de rémunération pour Adicor) et le permis de construire a été obtenu dès le 18 octobre 2017. Le projet de la société Pharmacie [K] n'a donc à aucun moment été entravé par des difficultés d'urbanisme.
En tout état de cause, l'article 3 du contrat de partenariat mettait à la charge des clients le dépôt du permis de construire.
S'agissant du prétendu défaut d'information relatif à la souscription de la police dommage ouvrage :
Que le dossier nécessaire pour la souscription de la police dommage ouvrage avait en réalité été mis à la disposition de la société Pharmacie [K] dès le 10 janvier 2018.
S'agissant du prétendu dépassement de budget :
Que le projet de la société Pharmacie [K] avait connu diverses évolutions, du fait du maître de l'ouvrage, consistant notamment en l'ajout d'une mezzanine de 250 m² au projet ainsi qu'en l'emménagement d'un cabinet médical non prévu à l'origine.
S'agissant de la prétendue négligence concernant le lot gros 'uvre et l'étude de sol :
Que le contrat précisait expressément en clause 1.8 que la maîtrise d''uvre de la société Adicor ne concernait pas les travaux de gros 'uvre et sous-'uvre. Comme cela avait été rappelé à M. [K] à de nombreuses reprises, les études techniques de toutes natures nécessaires aux travaux étaient à la charge des entreprises, qui devaient en tenir compte dans leurs offres et à défaut en supporter le coût.
S'agissant de la prétendue mauvaise gestion des délais :
Que ce grief n'était pas évoqué dans la lettre de résiliation du 18 mai 2018, de sorte qu'il ne pouvait être invoqué pour justifier a postériori de cette résiliation, qu'aucune date d'achèvement des travaux n'était prévue au contrat, et aucune obligation n'est mise à la charge de la société Adicor s'agissant de date de fin de chantier. Il ne pourrait d'ailleurs en être autrement puisque l'intimée n'est pas responsable de la bonne exécution des travaux par les entreprises.
Elle n'était pas non plus responsable des travaux supplémentaires non prévus à l'origine par la société Pharmacie [K], qui ont fait évoluer le projet et allongé la durée du chantier.
Au surplus, la société Pharmacie [K] n'avait en réalité subi aucun désagrément puisqu'elle a obtenu sans difficulté de l'ARS une prorogation de deux mois de la date limite d'ouverture.
Sur la responsabilité du maître de l'ouvrage dans la situation qu'il dénonce :
Que la société Pharmacie [K] a commis une erreur : les informations communiquées à l'origine par la société Pharmacie [K] à la société Adicor (qui n'avait aucune relation avec le bailleur) étaient que le bâtiment siège du projet était déjà classé comme Établissement Recevant du Public, et M. [K] avait d'ailleurs signé en ce sens le formulaire Cerfa de la déclaration préalable de travaux (mentionnant au cadre « ancienne destination » que le bâtiment constituait déjà un ERP).
Sur le caractère fautif de la résiliation :
Que s'agissant du marché de prestations intellectuelles, les griefs allégués au soutien de la résiliation du contrat étaient sans consistance ;
Que la notification de résiliation n'avait été précédée d'aucune mise en demeure et ne mentionnait pas plus une urgence particulière amenant à résilier le contrat sans mise en demeure préalable ;
Que si par extraordinaire la cour devait retenir l'échange de mail litigieux produit en pièce adverse nouvelle n°42 et ne pas l'écarter des débats, elle retiendra que celui-ci ne faisait état d'aucune urgence, mais d'une simple date de transfert prévisionnelle ;
Que le délai d'un an octroyé par l'ARS pour le transfert de l'officine pouvait tout à fait être prorogé ' c'est d'ailleurs ce que la Pharmacie [K] avait obtenu, sans subir de préjudice ;
Que comme le Tribunal l'a justement relevé, l'appelant aurait dû réagir bien plus tôt et mettre la concluante en demeure d'avoir à réaliser les travaux dans un délai imparti ;
Qu'au titre du contrat de fourniture de mobilier, la société Pharmacie [K] ne fait état d'aucun grief.
Sur le décompte des sommes dues entre les parties au titre du marché de fourniture de mobilier
Que la facture n° 207067 de 94 320 eurosTTC avait été émise régulièrement par la société Adicor dans le cadre du contrat, La créance résultant de cette facture était donc incontestable et la résiliation fautive du contrat par cette dernière ne l'exonérait pas de ses obligations ;
Qu'en application de l'article 1794 du Code civil, lorsque le contrat était résilié unilatéralement par le maître d'ouvrage, l'entrepreneur avait droit à l'intégralité de ce qu'il aurait dû percevoir en cas de poursuite du marché jusqu'à son terme ;
Que la plage de fabrication avait bien été réservée, mais la société Pharmacie [K] a ensuite fait le choix de résilier unilatéralement et abusivement le contrat, sans aucun motif ;
Que le raisonnement du Tribunal concernant le remboursement du trop-perçu était entaché d'une double erreur, de fait et de droit :
La société Adicor n'avait pas évalué le coût de la réservation de la plage de fabrication à 32 263 euros HT. L'intimée était libre de fixer le prix de ses prestations,
Le tribunal ne justifie ce remboursement par aucune règle de droit.
Que s'agissant de la demande d'indemnisation de la société Adicor de 120 562,40 euros TTC portait sur le préjudice subi du fait des dépenses engagées au titre de la conception du mobilier et de la préparation de la fabrication en Allemagne et du coût de l'approvisionnement en marchandises. Ces dépenses ne concernaient pas « l'intégralité du marché de mobilier », mais seulement les dépenses engagées sur une durée de 5 mois. (du 6 décembre 2017, date de la signature du devis, au 18 mai 2018)
Sur le décompte des sommes dues entre les parties au titre du marché de prestations intellectuelles
Que la société Pharmacie [K] ne saurait venir solliciter le remboursement de sommes payées au titre de factures régulièrement émises par l'intimée :
Le chantier n'a finalement pas été ouvert du fait de la résiliation unilatérale et abusive du contrat ;
La demande était contraire aux dispositions du contrat de partenariat et de son avenant ;
Elle était dénuée de tout fondement,
Les honoraires avaient été payés par l'appelante sans que celle-ci émette la moindre objection ou critique à l'encontre de l'intimée ;
L'article 1165 du Code civil invoqué par l'appelante prévoyait une sanction à la fixation d'un prix abusif, mais à la condition que celui-ci n'ait pas été convenu par les parties en amont de l'exécution du contrat.
Que les demandes de condamnation de la société Adicor au titre du prétendu préjudice résultant de la perte de marge consécutif au retard de transfert, des pertes liées au retard, et du règlement des loyers du précédent bail constituaienent des demandes nouvelles prohibées à hauteur d'appel par l'article 564 du Code de procédure civile.
Subsidiairement, ces demandes nouvelles n'étaient pas fondées :
La société Pharmacie [K] n'a jamais fait valoir un quelconque préjudice lié à l'exécution du contrat, la lettre de résiliation étant exempte de toute demande à ce titre ;
Ensuite, l'appelante échouait à apporter la preuve d'une quelconque faute contractuelle ;
Sa demande porte sur un préjudice éventuel puisqu'il est toujours possible pour la société de négocier avec son bailleur la sortie anticipée du local avant l'issue de la période de trois ans.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures déposées et/ou débattues par observations à l'audience du 5 octobre 2022 à 9 heures.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 30 novembre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour "constater" ou "dire et juger" ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Il sera rappelé comme le premier juge l'a noté avec l'accord des parties, que nonobstant les différentes appellations mentionnées, la pharmacie [K] a contracté avec la société Adicor [W].
Sur les demandes nouvelles :
Aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Par ailleurs, l'article 566 prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers jours que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, et l'article 567 que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
En l'espèce, la pharmacie [K] sollicite pour la première fois en appel la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 102'000 euros au titre d'un préjudice résultant de la perte de marge consécutif au retard de transfert, 28'492,10 euros au titre du montant des pertes liées au retard, et 19'000 euros au titre du règlement des loyers du précédent bail.
Elle fait valoir avoir soutenu dans ses demandes en première instance le manquement de la société Adicor à ses obligations contractuelles, s'étant notamment traduites par une mauvaise gestion des délais et ayant empêché le transfert de son activité dans ses nouveaux locaux, que cette argumentation déja soumise aux juges de première instance n'étaient pas nouvelle et que les demandes en appel étaient bien la conséquence et le complément de la prétention développée en première instance ; que la réparation des préjudices découlait directement des manquements décrits dans les écritures de première instance, que de surcroît, la modification des conséquences des prétentions originaires s'y rattachait par un lien suffisant.
L'appelante avait donc choisi tout en considérant subir des préjudices, lesquels étaient donc connus, de ne pas en demander réparation devant le premier juge, alors que doit être respecté le double degré de juridiction.
Elle ne démontre aucunement que ses nouvelles prétentions sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire, de prétentions soumises au premier juge, lesquelles étaient, selon le jugement, la condamnation de la société Adicor à lui verser trois sommes respectivement au titre des honoraires trop payés, au titre de la réservation de la plage de fabrication infondée et inexécutée, et au titre de l'indemnité fondée sur les articles 1164 et 1165 du code civil.
Les demandes au titre d'un préjudice résultant de la perte de marge consécutif au retard de transfert, au titre du montant des pertes liées au retard, et au titre du règlement des loyers du précédent bail sont des demandes nouvelles irrecevables.
Sur la demande relative à la pièce n° 42 :
La société Adicor demande à la cour d'écarter des débats la pièce n°42 produite par la pharmacie [K]. Cette pièce est la copie de courriels échangés entre le 18 janvier
et 2018 et le 23 février 2018 entre [F] [K] et [F] [U] [W] en faisant valoir que tout deux se vouvoyaient alors que le courriel du 22 février 2018 comporte un tutoiement, que par ailleurs les courriels envoyés par M. [U] comportent un pied de mail automatique : ' cg ', et que M.[U] avait attesté sur l'honneur ne jamais avoir envoyé de tels mails.
Aucune plainte pour faux n'est démontrée. Les seuls éléments invoqués ne suffisent pas à écarter la pièce des débats alors que les courriels attribués à [F] [U] mentionnent une adresse courriel concordante avec celles d'autres courriels produits comme émanant de [F] [U] et non contestés.
Sur les demandes en paiement de la SAS Adicor :
En application des dispositions de l'article 1224 du Code civil, la résolution du contrat résulte en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
L'article 1226 précise du code précité : " le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable..."
Ce n'est pas la gravité de l'inexécution invoquée qui permet de se dispenser d'une mise en demeure, mais l'urgence.
Ainsi en cas d'absence de mise en demeure, et en présence d'une contestation, le juge doit rechercher s'il y avait urgence pour le créancier à résoudre unilatéralement le contrat et se placer à la date de la notification de la résolution. Les motifs ajoutés en cours d'instance sont inopérants.
En l'espèce, la Pharmacie [K] oppose aux demandes en paiement, la résolution contractuelle unilatérale.
Les parties ont dans un premier temps signé un contrat de partenariat le 10 avril 2017, contrat de maîtrise d''uvre complété par un avenant V1 du 29 août 2017.
Le même jour, les parties ont également signé un budget estimatif prévisionnel d'un montant total hors taxes de 408'120 euros dont 165 000 euros HT pour le lot n°6 " mobilier ". Ce budget estimatif prévisionnel mentionnait liminairement que le document avait pour objet de faire connaître le programme d'ensemble des travaux et les modalités générales de construction et réalisation.
Si la SAS Adicor soutient qu'a été conclu le 6 décembre 2017 un marché de prestation de mobilier, le document produit par chacune des parties est uniquement un "devis mobilier "signé le 6 décembre 2017 portant sur le lot n° 6.
Comme le soutient la Pharmacie [K], il n'y a pas eu deux marchés distincts.
Si les documents contractuels n'ont pas mentionné de date de réalisation à la charge d'Adicor, sa mission a commencé dès avril 2017 puisqu'elle a facturé un acompte sur ses honoraires à la date du 13 avril puis un second acompte le 19 juin 2017 pour " constitution du dossier administratif " avant de solliciter un acompte " honoraires complémentaires " le 12 septembre 2017. Ces accomptes ont été payés par la Pharmacie [K].
Le 18 mai 2018, la Pharmacie [K] a adressé à la société [W] une lettre recommandée " notification de résiliation de marché " mettant en cause la prestation de gestion administrative des travaux, ayant déposé en juin 2017 sur les conseils et l'assistance de [W] une déclaration préalable de travaux alors que la destination des locaux avec modification de façade ou les structures porteuses imposait l'obtention d'un permis de construire qui n'avait pu être rectifié en temps utile que par l'intervention de son notaire.
Elle notait ensuite sa surprise d'avoir reçu un premier contrat de partenariat du 29 juin 2017, une demande de provision d'honoraires de 13'400 euros puis après ses objections, bavoir accepté de verser 4 000 euros de provision en exécution de l'avenant du 29 août 2017 alors qu'Adicor avait affirmé que le client ne devait plus régler de sommes avant le commencement des travaux.
La lettre mentionnait également de graves manquements quant à la prestation de maîtrise d''uvre, évoquant la réclamation par Adicor en novembre 2017 de la somme de 40'000 euros HT pour réserver un créneau de fabrication de l'usine devant fournir le mobilier de la pharmacie, somme réglée non sans difficulté. La question de l'assurance dommage ouvrage n'avait pas été anticipée.
Il était ensuite demandé à la pharmacie 78600 euros HT soit 40 % de la somme de 196'500 euros. La déduction des 40 000 euros déja versée lui avait été refusée.
Elle n'avait pas été informé de ce paiement supplémentaire à la conclusion du contrat et de plus, le budget estimatif étant déjà dépassé, il resterait en outre d'autres prestations à régler.
Était également évoqué le paiement de la facture de 4 400 euros du 28 février 2018 pour " ouverture du chantier ", alors qu'au mois d'avril 2018, les travaux n'avaient toujours pas débuté, qu'aucune étude de sol n'avait été réalisée, qu'aucun CCTP n'avait été conclu avec les entreprises soumissionnées par les soins d'Adicor qui avait oublié de prendre en compte la configuration des lieux pour l'assainissement, ne s'était pas inquiété de l'assurance dommages ouvrage. La lettre indiquait ensuite que le contrat de maîtrise d''uvre comportait de graves incohérences en citant trois exemples.
La Pharmacie Chaineux justifie par ailleurs avoir transmis par courriel du 20 octobre 2017 à son interlocuteur de chez Adicor, la décision de l'ARS en date du 16 octobre 2017 portant autorisation de transfert de son officine et précisant que sauf cas de force majeure, l'officine de pharmacie faisant l'objet du transfert devait être ouverte dans un délai d'une année.
La cour relève établi et non contesté puisque mentionné par Adicor en ses conclusions, qu'elle est un opérateur notoire dans le domaine de l'agencement des commerces, en particulier les officines de pharmacie, que l'intimée était donc informée des délais contraints des clients pharmaciens.
Pour autant, l'échéance du 20 octobre 2018 et les motifs invoqués dans la lettre du 18 mai 2018 ne caractérisent pas un risque imminent de préjudice pour la pharmacie [K] susceptible de résulter de l'inexécution contractuelle invoquée. En conséquence, la Pharmacie [K] ne pouvait se dispenser d'une mise en demeure avant de procéder à la résiliation unilatérale du contrat.
La société Adicor fonde sa demande en paiement sur les dispositions de l'article 1794 du Code civil prévoyant que le maître d'ouvrage peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.
Or, il faudrait un plan arrêté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque certains travaux, bien que mentionnés, n'ont pas fait l'objet de devis. Il faut également un prix définitivement fixé, ce qui n'est pas du tout le cas en l'espèce puisque les parties prévoient une marge de plus ou moins 7 % en fonction des aléas des travaux.
Par conséquent, les dispositions relatives au marché à forfait se s'appliquent pas au cas d'espèce.
S'applique le droit commun des contrats.
La SAS Adicor sollicite le paiement du solde des prestations du marché de mobilier facturé avant la résiliation et non payé par l'appelante.
Sur un prix de 196 500 euros HT, la pharmacie a versé (en février 2018 selon la lettre du 18 mai 2018) 40'000 euros HT( 48 000 euros TTC) selon facture du 21 novembre 2017 puis a refusé le paiement de la facture du 5 avril 2018 : 78'600 euros HT (94 320 euros TTC ).
Le devis mobilier accepté le 6 décembre 2017 prévoyait en son paragraphe " conditions de règlement " :
40'000 euros : Réservation de la plage fabrication,
50 % : A la signature du devis par chèque bancaire pour mise en fabrication,
solde : 10 jours avant le départ usine par chèque bancaire.
Le premier juge a retenu que la réservation d'une plage de fabrication avait dû être prévue par la société Adicor et a engendré un coût pour Adicor finalement évalué à 32'263 euros hors-taxes, il convenait d'en restituer le trop-perçu de 7 737 euros hors-taxes à la société Pharmacie [K].
Adicor conteste la fixation du coût de la réservation de la plage fabrication à 32'263 euros HT.
En effet, dans une pièce produite par l'intimée et apparaissant être un document interne le coût de la réservation de la plage fabrication est indiqué comme étant de 32 263 euros.
Si l'acompte fixé au contrat signé entre les parties était de 40 000 HT, Adicor n'a assumé qu'une somme de 32 263 euros HT du fait de la résolution du contrat de partenariat.
La mise en fabrication du mobilier n'est quant à elle pas intervenue puisqu'aucune pièce ne le démontre et que dans un courriel du 19 avril 2018, Adicor indiquait à M. [K] qu'il devait procéder au règlement de sa dernière facture " afin que notre service mobilier confirme la mise en fabrication de votre commande ".
Adicor ne justifie pas être fondée à obtenir le paiement du reste du devis de mobilier qu'elle n'a pas fait fabriquer.
Sur la base de sa pièce n°26, la société Adicor sollicite également la somme de 120'562,40 euros TTC au titre du préjudice subi de la rupture abusive du marché de fournitures de mobilier en invoquant le paiement des dépenses engagées en pure perte dans l'outil de la conception du mobilier et la préparation de la fabrication en Allemagne, ainsi que le coût de l'approvisionnement en marchandises.
L'intimée ne produit à l'appui de cette demande une pièce qu'elle a elle-même établie et nommée " Tableau relatif au transfert de la pharmacie sur 400 m² plus étude du cabinet médical sur 200 m² "mentionnant notamment " :
- un salarié au poste de design mobilier sur une durée de quatre jours pour " design mobilier,techniques de fabrication,
- un chargé d'affaires neuf jours pour définition technique de fabrication mobilier, organisation mobilier espaces de vente,
- pour la direction : un jour ,discussion fournisseurs, supervision des choix techniques avec le responsable de fabrication
- d'autres intervenants : communication responsable production, secrétariat comptabilité outre des déplacements en Allemagne,
- mise à disposition de ressources informatiques et coût des marchandises, soit 66'0039,40 euros HT des ressources informatiques,
- de ressources humaines 43'890 euros HT
- un total marchandises hors-taxes sans marge HT de 55 096,00 euros dont 32 263 et 12 200 euros HT non effectués ."
Comme l'a relevé le tribunal de commerce, les dépenses évoquées dans cette pièce ont concerné l'intégralité du projet de mobilier alors qu'aucun objet n'a été fabriqué et l'intimée ne justifie pas en quoi elle a engagé des ressources non déjà comprises dans la phase 1/C du contrat de partenariat, objet d'honoraires.
La société Adicor sollicite également la confirmation du jugement qui a retenu à son profit une perte de marge réelle d'un montant de 31 354,84 euros, marge également mentionnée sur la pièce numéro 26. Elle renonce donc à la marge brute globale de 72,07 % invoquée dans un premier temps devant le premier juge après production d'une attestation du commissaire aux comptes relative à la marge brute pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 disant avoir fait ressortir une marge brute de 72,07 % de la production de l'exercice 2017.
La demande est suffisamment prouvée.
La décision attaquée doit être confirmée sur la prise en compte de la perte de marge.
L'appelante doit donc payer la somme de 31 354,83 euros HT.
Les intérêts au taux légal ont couru non à compter du 10 juillet 2018, date de la mise en demeure, mais à compter de sa réception le 11 juillet 2018.
Conformément aux dispositions de l'article 1353-2 du Code civl, la capitalisation des intérêts peut être confirmée.
Reconventionnellement, la Pharmacie [K] invoque les articles 1165 et 1166 du Code civil, aux fins de voir reconsidérer le prix payé au regard de la prestation effectuée en demandant le remboursement sur un total de 27 408 euros TTC de la somme de 11'328 euros TTC au titre des honoraires trop payés et une décote de 50 % sur le reste soit 8 040 euros TTC.
Or, le contrat de partenariat du 10 avril 2017 et l'avenant du 29 août 2017 comportent une clause selon laquelle " dans le cas de résiliation du contrat par les clients pour quelque raison que ce soit, les clients s'engagent irrévocablement à régler la totalité des honoraires (sauf refus éventuel des autorités administratives et non obtention du prêt bancaire)."
L'appelante qui est à l'initiative de la résolution ne justifie pas d'abus dans la fixation des honoraires de la SA Adicor au regard des prestations à sa charge alors que de plus elle a choisi la résolution du contrat sans mise en demeure. Par ailleurs, la qualité de la prestation était déterminée en vertu du contrat et les dispositions de l'article 1166 ne sont donc pas applicables à l'espèce.
La cour a par ailleurs déjà indiqué que l'acompte de 40 000 euros devait être pris en compte. Il ne sera donc pas remboursé.
Le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pharmacie [K] en remboursement des honoraires payés, condamné la société Pharmacie [K] à payer à la société Adicor un total de 23 617,83 euros HT, soit 28 341,40 euros TTC, avec intérêts au taux légal et rejeté toute autre demande.
Il convient cependant de l'Infirmer sur la date de départ des intérêts légaux qui n'ont pas pu courir à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2018 mais de sa réception le 11 juillet.
La capitalisation des intérêts sera confirmée en considération de l'article 1343-2 du Code civil.
Sur les demandes accessoires :
L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d'office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
La cour confirmera la condamnation de la Pharmacie Chaineux aux dépens en première instance et puisqu'elle succombe en son appel, la condamnera aux dépens d'appel.
L'équité commande de confirmer l'application de l'article 700 du Code de procédure civile faite par le premier juge en y ajoutant en cause d'appel, la condamnation de la Pharmacie [K] au paiement d'une nouvelle somme de 2 000 euros sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevables les demandes de la Selarl Pharmacie [K] tendant à la condamnation de la société Adicor [W] au paiement des sommes de 102'000 euros, 28'492 euros, et 19 000 euros,
Confirme la décision attaquée sauf sur le point de départ des intérêts légaux portant sur la somme de 31'354,83 euros HT,
L'infirme sur le point de départ des intérêts légaux et statuant à nouveau,
dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 31 354,83 euros ont couru à compter du 11 juillet 2018.
Y ajoutant,
Condamne la SELARL Pharmacie [K] à payer à la SAS Adicor en cause d'appel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SELARL Pharmacie [K] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT