La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2022 | FRANCE | N°20/01472

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 24 novembre 2022, 20/01472


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/01472 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4H5





[P]



C/

S.A.S. WURTH FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 29 Janvier 2020

RG : 17/00471











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022







APPELANT :



[W] [P]

né le 19 Décembre 198

0 à [Localité 4] (69)

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Société WURTH FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au b...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/01472 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4H5

[P]

C/

S.A.S. WURTH FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 29 Janvier 2020

RG : 17/00471

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

APPELANT :

[W] [P]

né le 19 Décembre 1980 à [Localité 4] (69)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Société WURTH FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mars 2022

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant un contrat de travail à durée indéterminée, M. [P] (le salarié) a été engagé par la société Würth France (la société), en qualité de VRP exclusif, statut relevant de l'accord national interprofessionnel des VRP.

Par courrier du 25 novembre 2016, la société a convoqué le salarié a un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 6 décembre 2016.

Par courrier du 2 décembre 2016, le salarié a notifié à la société sa démission avec effet au 2 janvier 2017.

Par courrier du 19 décembre 2016, la société a pris acte de la démission du salarié, a renoncé à la procédure initiée par courrier du 25 novembre 2016, et a accepté que le contrat de travail du salarié prenne fin le 1er février 2017.

Par courrier du 9 mai 2017, la société a mis en demeure le salarié de lui rembourser une somme correspondant à la contre-valeur des marchandises conservées par celui-ci ainsi qu'une somme complémentaire au titre de la contravention payée en ses lieu et place.

Par requête du 6 octobre 2017, la société a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne afin de voir condamner le salarié à lui verser une somme correspondant à la contre-valeur des marchandises conservées ainsi qu'une somme complémentaire au titre de la contravention payée pour son compte.

Le salarié a formé des demandes reconventionnelles remboursement de sommes indûment prélevées, en paiement des salaires non versés ainsi que du solde d'indemnité compensatrice de congés payés.

Par jugement du 29 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré recevable et bien fondée la demande de la société,

- condamné le salarié à lui payer la somme de 10 916,47 euros correspondant à la contre-valeur des marchandises non restituées,

- débouté la société du surplus de ses demandes,

- condamné la société à payer au salarié la somme de 815,70 euros au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

- débouté le salarié du surplus de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Le salarié a relevé appel de ce jugement, le 24 février 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 815,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- réformer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau,

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

946,84 euros nets en remboursement des retenues illicites,

1 561,07 euros nets, montant net des bulletins de salaire des mois de janvier et février 2017,

84,26 euros bruts à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés acquis au 31 mai 2017,

- condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

Sur l'appel principal,

- déclarer l'appel du salarié mal fondé,

En conséquence,

- confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné le salarié au paiement d'une somme de 10 916,47 euros correspondant à la contre-valeur des marchandises non restituées,

- rejeter les demandes de condamnation à hauteur de 946,84 euros à titre de remboursement de retenues illicites ainsi qu'aux montants de 1.561,07 euros et 84,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- déclarer le salarié mal fondé en ses demandes,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions,

- rejeter l'ensemble des réclamations financières du salarié,

- condamner le salarié à lui payer une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens des deux instances.

Sur l'appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle demeurait redevable d'un solde de 815,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et a retranché de ses réclamations un montant de 240 euros au titre des frais de traitement,

En conséquence,

- dire et juger qu'elle n'est pas redevable de la somme de 815,70 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

- condamner le salarié au paiement de la somme de 240 euros au titre des frais de traitement des dossiers litigieux.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de la société en paiement de la contre-valeur des marchandises et la demande du salarié en paiement des retenues sur salaire et sur la participation

Selon l'article L. 1331-2 du code du travail, les sanctions pécuniaires sont interdites et toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Et il est de jurisprudence bien établie que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, même en ce qui concerne le droit à compensation prévu à l'article L. 3251-1 du code du travail ( Soc. 20 avril 2005, pourvoi n°03-40.069, Bull., V, n°148, publié au rapport annuel ; Soc. 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-17.204).

La faute lourde suppose la caractérisation de l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Aux termes de l'article 10.9 du contrat de travail signé entre les parties, «De convention expresse, les litiges déclarés imputables à la négligence du représentant sont constitutifs de faute professionnelle grave. Les retours de marchandises occasionnés par ces litiges ou contestations de la clientèle doivent être effectués par le représentant dans les plus brefs délais. A défaut, le représentant sera considéré comme ayant conservé la garde et l'usage des marchandises non retournées donnant lieu à facturation directe par la société Würth France.»

Or, la mise à la charge du salarié, d'une part, du coût des marchandises, contestées par la clientèle, remises par celle-ci et non retournées par le salarié, d'autre part, du montant de la contravention afférente à la conduite d'un véhicule professionnel mis à sa disposition, ainsi que le demande la société Würth France, revient à engager la responsabilité pécuniaire du salarié à son égard, ce alors même qu'elle ne peut l'être que si le salarié a commis une faute lourde.

Il s'ensuit qu'en ce qu'elle consiste dans la mise en oeuvre d'une sanction pécuniaire, l'application des stipulations de l'article 10.9 du contrat de travail, invoquées par la société Würth France, est subordonnée à la preuve par celle-ci d'une faute lourde du salarié.

La société soutient qu'à la réception de marchandises et essentiellement de la facturation de celles-ci, certains de ses clients, suivis et traités par le salarié, ont fait valoir de multiples contestations se rapportant au fait qu'un certain nombre de marchandises leur avaient été imputées sans avoir jamais été commandées, qu'elles n'en avaient jamais été rendues destinataires ou, si celles-ci leur avaient été livrées, elles avaient été immédiatement récupérées par le salarié dès lors qu'elles ne correspondaient pas à des opérations commerciales réelles, la contraignant à annuler certaines facturations litigieuses à destination de divers clients pour lesquels le salarié avait consenti des avoirs ou passé des commandes factices.

Elle produit un tableau récapitulant sa créance détaillant les avoirs de facturations de marchandises pour un montant total de 12 101,31 euros (pièce n°9 de l'intimée), dont 946,84 euros ont fait l'objet de retenues sur les salaires d'août, novembre, décembre 2016, de janvier et février 2017 et sur la participation en juin 2017, accompagné des avoirs sur factures correspondants, consentis soit par le salarié, soit par l'entreprise elle-même, pour chacune des entreprises clientes concernées, ainsi que l'avertissement notifié au salarié le 27 juin 2016 notamment pour avoir « édité un avoir alors que l'entreprises cliente n'avait pas commandé la marchandise» et le courriel qu'elle a lui adressé le 23 juin 2016 déplorant qu'en dépit de ses différentes relances le salarié n'avait pas restitué au service retour les différentes marchandises reprises chez les clients dont elle faisait la liste, le courriel du même type du 19 septembre 2016 et l'informant qu'à défaut de règlement de la contre-valeur il serait procédé à une compensation financière sur ses frais et salaires, le courrier adressé le 7 mars 2017 concernant la marchandise reprise à la société Bonnet Bernard et non restitué pour un montant de 175,20 euros , les courriers du 14 mars 2017, 3 avril 2017 et 9 mai 2017 constatant la non restitution par celui-ci des marchandises dont il a assuré la reprise.

Il convient de relever qu'alors qu'elle invoque des courriers de plaintes des entreprises clientes, à l'exception du courrier du 10 février 2017 de la société Bonnet Bernard (pièce n°16 de l'intimée) qui explique avoir remis en main propre au représentant M. [P] 4 pantalons, pour un problème de taille, pour un montant total de 146 euros et n'avoir pas reçu d'avoir correspondant et du courriel du 7 mars 2017 de la société Passion Granit qui atteste n'avoir jamais reçu deux articles qu'elle décrit et que sur deux coffrets outil offerts un lui avait été repris par le commercial sans fiche de retour, aucune des pièces produites aux débats n'attestent que les marchandises, dont elle réclame le remboursement de la contre-valeur, ont été remises au salarié par les entreprises clientes ou reprises par celui-ci voire même facturées sans jamais avoir été livrées.

Au demeurant, la société Würth France n'invoque pas la faute lourde du salarié, dont elle ne démontre d'ailleurs pas l'intention de nuire, étant observé, d'une part, qu'elle ne peut se prévaloir de la seule absence de contestation du salarié en réponse à ses courriers successifs, d'autre part, que sa décision, prise le 19 décembre 2016, de voir le salarié démissionnaire exécuter la totalité de son délai congé de deux mois est incompatible avec l'invocation d'une faute lourde.

Au regard de ces éléments, par infirmation du jugement, il convient de rejeter, comme étant non fondée, la demande de la société en condamnation du salarié au paiement de la contre-valeur des marchandises non restituées et de faire droit à la demande du salarié en condamnation de la société à lui payer la somme de 946,84 euros nets en remboursement des retenues illicites.

Sur la demande en paiement de salaire

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire.

Alors que le salarié soutient ne pas avoir perçu les sommes de 979,99 euros et 581,08 euros nets, respectivement portées sur le net à payer des bulletins de paie de janvier et février 2017, la société Würth France ne rapporte pas la preuve du paiement de ces sommes en nature de salaire, de sorte que, par infirmation du jugement, il convient de faire droit à la demande du salarié en condamnation de la société à lui payer la somme de 1 561,07 euros.

Sur la demande en paiement du solde de l'indemnité de congés payés

A la lecture des bulletins de salaire que le salarié produit aux débats, il apparaît qu'alors que la base de rémunération brute fixe est de 1 000 euros jusqu'en avril 2016, à compter de mai 2016 elle est de 909 euros et sont mentionnés 91 euros bruts au titre des CP/Fixe, de sorte que, contrairement à ce que soutient la société, il ne peut être considéré que la somme de 91 euros bruts a été effectivement mensuellement versée au titre des congés payés sur la partie fixe du salaire fixe. Sur la base d'un cumul de rémunération qu'il convient de retenir à hauteur de 14 435,06 euros, soit un droit à indemnité de congés payés de 1 443,50 euros et déduction faite du paiement non contesté de la somme de 627,80 euros figurant sur le bulletin de salaire du mois de février 2017, le salarié est bien fondé dans sa demande à hauteur de la somme de 815,70 euros, ainsi chiffrée par les premiers juges, au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés jusqu'au 1er février 2017 inclus et le paiement de la somme complémentaire de 84,26 euros n'est pas justifié.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement est infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge respective de chacune des parties.

La société, partie succombante, est tenue aux dépens de première instance et d'appel, et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel exposé par le salarié dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Würth France à payer à M. [W] [P] la somme de 815,70 euros au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

INFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE, comme étant non fondée, la demande en paiement de la société Würth France à l'encontre de M. [W] [P],

CONDAMNE la société Würth France à payer à M. [W] [P] les sommes suivantes:

- 946, 84 euros en remboursement des retenues illicites,

- 1 561,07 euros en rappel de salaire,

REJETTE la demande de la société Würth France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Würth France à payer à M. [W] [P] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Würth France aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/01472
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.01472 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award